02 Avr

Vous reprendrez bien un peu d’élection présidentielle ? Cinq BD pour se préparer à tout…

Ça n’aura échappé à personne, l’élection présidentielle arrive à grandes enjambées. À la radio, à la télévision, dans la presse écrite, on ne parle plus que de ça ou presque. Et si vous n’en avez toujours pas assez, alors direction les rayons de votre librairie préférée où vous attendent quantité de livres sur le sujet. Le neuvième art n’est pas en reste avec une bonne dizaine de titres. Où l’on prédit parfois un avenir à la noix…

Une noix de coco ! Non, vous ne rêvez pas, je peux vous le dire dès à présent, le président sera une noix de coco. Du moins si on en croit le Belge Marc Dubuisson, auteur de ces quelques pages parue dans la collection Pataquès des éditions Delcourt. Une noix de coco avec un noeud de papillon rouge tout de même. L’avantage, il faut bien en trouver, c’est qu’elle ne brassera pas l’air inutilement, ne promettra, ne mentira, ne provoquera, ne prévoira, n’ordonnera… rien, nada, nothing, peau de balle, que dalle. Alors bien sûr ses défenseurs verront en lui un vrai leader qui renonce à toute fioriture pour se concentrer sur les actes. Sauf qu’une noix de coco, pour ce qui est des actes, ça risque d’être tout autant compliqué. Vous voulez savoir ce qui nous, ce qui vous attend ? C’est ici, c’est franchement très drôle et en même temps assez glaçant ! (Le Président est une noix de coco, de Marc Dubuisson. Delcourt. 11,95€)

Et si le président n’était pas une noix de coco mais Éric Zemmour ? C’est ce qu’ont imaginé François Durpaire et Farid Boudjellal dans cette politique-fiction, premier livre d’une toute nouvelle maison d’édition baptisée Mourad Maurice Éditions, Mourad comme Mourad Boudjellal, fondateur des éditions Soleil, président du RC Toulon jusqu’en 2020. Avec la trilogie La Présidente paru aux éditions Les Arènes entre 2015 et 2017, les auteurs avaient déjà imaginé Marine le Pen au pouvoir. Ils envisagent cette fois Éric Zemmour à l’Élyzée, avec un z, appliquant son programme, notamment autour de l’identité nationale. Dans politique-fiction, il y a fiction, François Durpaire et Farid Boudjellal racontent en parallèle de cette intronisation du polémiste une autre histoire, celle d’une jeune femme qui pour fuir la pauvreté embarque sur un rafiot en compagnie d’autres migrants avec pour objectif la terre de France. Son nom : Saïda Zemmour…  (Élyzée, de Durpaire et Boudjellal. Mourad Maurice Éditions. 18,50)

Pas question de politique-fiction cette fois mais plutôt d’immersion. C’est en tout cas ainsi que Gérard Davet et Fabrice Lhomme présentent leur album intitulé L’Obsession du pouvoir. En compagnie du dessinateur Pierre Van Hove, les deux journalistes du Monde, auteurs par ailleurs de plusieurs ouvrages marquants tels que Sarko m’a tuer et le fameux Un président ne devrait pas dire ça…, ont souhaité ici décrire les coulisses de la politique mais aussi du journalisme d’enquête avec au centre de tout le pouvoir, à conquérir pour les uns, à en scruter les zones d’ombre pour les autres. Affaires, manœuvres, prises de pouvoir, coups bas, haines, déboires conjugaux, révélations explosives… Gérard Davet et Fabrice Lhomme remontent sur pratiquement 40 ans de vie politique et d’obsessions partagées par Nicolas Sarkozy et François Hollande, deux ex-futurs présidents qui rêvent toujours de retrouver une destinée nationale. Une obsession, vraiment ! (L’Obsession du pouvoir, de Davet, LHomme et Van Hove. Delcourt. 17,95€)

Pas de politique-fiction, pas plus d’immersion, cet imposant ouvrage de plus de 300 pages est l’œuvre de deux auteurs de bande dessinée et non des journalistes, David Chauvel au scénario, Malo Kerfriden au dessin, deux citoyens en colère désireux de « faire entendre ces voix si souvent couvertes par le vacarme médiatique dominant ». Res Publica est un documentaire vous l’aurez donc compris à la subjectivité assumée, l’un et l’autre répondant à leur émotion devant la révolte des gilets jaunes. L’histoire commence il y a longtemps dans un lycée d’Amiens, un amour naissant entre un jeune lycéen et une professeure, la suite vous la connaissez ou croyez la connaître… Res Publica raconte cinq ans de résistance à la politique néolibérale d’Emmanuel Macron. On y parle du combat des gilets jaunes mais pas que. C’est dense, très dense même, pointilleux sur les faits, mais c’est ce qui fait du livre un témoignage parmi d’autres de ces dernières années politiques et sociales en France. (Res Publica, 5 ans de résistance, de Chauvel et Kerfriden. Delcourt. 19€)

Impossible de parler politique en BD sans évoquer Mathieu Sapin, l’auteur de Campagne présidentielle en 2012, Le Château, Une année dans les coulisses de l’Élysée en 2015 et de Comédie française, Voyages dans l’antichambre du pouvoir en 2020 revient avec Douze Voyages présidentiels aux éditions Zadig, douze voyages qu’il a suivis entre 2018 et 2021 et dont il nous en restitue les coulisses avec une approche très humaine. Un album en immersion avec une bonne dose de recul et d’humour ! Et ce n’est pas fini, puisque le même Mathieu Sapin nous prépare avec cinq autres auteurs un album sur les coulisses de la campagne actuelle… (Douze Voyages présidentiels, de Mathieu Sapin. Zadig. 16€)

Eric Guillaud

25 Mar

BD. Spirou et Fantasio changent de main mais restent un peu nantais…

Depuis une dizaine d’année, les aventures du mythique duo Spirou et Fantasio étaient animées par un duo nantais, Fabien Vehlmann au scénario et Yoann au dessin. Ils viennent de passer la main à d’autres auteurs mais le nouveau dessinateur n’est autre qu’Olivier Schwartz, un Nantais d’adoption…

© Dupuis / Schwartz

C’est dans les tuyaux depuis quelques semaines pour ne pas dire plusieurs mois mais la maison d’édition Dupuis qui fête cette année ses 100 ans a officialisé la chose lors d’une conférence de presse à Angoulême.

Après cinq albums et un peu plus de six années consacrées à animer les aventures du fameux tandem, les Nantais Fabien Vehlmann et Yoann ont passé la main à de nouveaux auteurs, histoire de se consacrer aux aventures de leur propre personnage, Supergroom, un super-héros qui se rêve ordinaire.

Après Rob-Vel qui a créé le personnage de Spirou en 1938, Jijé qui en a repris les aventures pendant la seconde guerre mondiale et créé Fantasio, Franquin qui a porté la série à des sommets de virtuosité graphique, Jean-Claude Fournier, Nic, Janry, José Luis Munuera ou encore Yoann, C’est le Nantais d’adoption Olivier Schwartz qui reprend les rênes en compagnie de deux jeunes scénaristes, Sophie Guerrive et Benjamin Abitan.

La suite ici

24 Mar

Silence radio de Xavier Bétaucourt, Bruno Cadène et Olivier Perret : dans la tête et le corps d’une victime d’un AVC

Que se passe-t-il dans la tête et dans le corps d’une victime d’un accident vasculaire cérébral ? C’est ce que nous raconte ce récit basé sur une histoire vraie, celle de Bruno Cadène, journaliste à France Culture, toujours par monts et par vaux jusqu’au jour où…

extrait de la couverture de Silence Radio

Bruno est comme foudroyé, allongé sur le sol, paralysé. Impossible de bouger son corps, seul son bras gauche parvient à agripper le téléphone glissé dans sa poche de pantalon. Il appelle sa femme, Galina, mais impossible de prononcer un mot, seul un râlement sort de sa bouche. À l’autre bout de l’appareil, Galina a compris l’urgence et prévient les pompiers. Bruno est sauvé mais il s’en est fallu de peu.

Sauvé mais dans l’impossibilité de bouger et de parler lorsqu’il se réveille à l’hôpital. Alors commencent de longs mois d’hospitalisation, de soins, de rééducation, 36 mois au total pour qu’il retrouve d’une manière ou d’une autre son travail, ses collègues, sa raison de vivre…

C’est ce long, très long parcours que raconte l’album Silence radio paru aux éditions Delcourt, un parcours qui a tout du combat contre soi-même, contre ce corps qui ne répond plus et surtout, pour un homme de radio, contre cette parole qui ne vient plus spontanément. Ne pas avoir peur, garder l’espoir, se lever, marcher, un mètre, deux, trois, prononcer une syllabe, un prénom, un mot, une phrase, dépasser l’envie de tout laisser tomber, croire à l’impossible…

© Delcourt / Bétaucourt, Cadène & Perret

« Je ne regarde pas vers le passé en pleurant, il ne m’intéresse pas et je n’ai pas que ça à faire. Il faut que j’apprenne à vivre et il faut que j’apprenne avec un corps au ralenti ».

Rien n’a été facile, ni pour lui, ni pour son entourage, mais lorsqu’il retourne à la Maison de la radio pour reprendre son activité de journaliste avec un poste aménagé au service web, Bruno sait qu’il a quelque part gagné même si le chemin est encore semé d’embuches…

© Delcourt / Bétaucourt, Cadène & Perret

L’album, écrit au fur et à mesure du rétablissement de Bruno Cadène, est au bout du compte un fabuleux témoignage et message d’espoir pour tous ceux qui sont victimes d’un AVC, 150 000 par an en France, et pour leurs proches. Habitués aux thématiques difficiles, leur BD précédente se déroulait dans les services de soins palliatifs, Xavier Bétaucourt et Olivier Perret livrent ici un récit d’une grande accessibilité, à la fois éclairé et pudique.

Eric Guillaud

Silence radio, de Xavier Bétaucourt, Bruno Cadène et Olivier Perret. Delcourt. 15,95€

22 Mar

Les Incroyables histoires de Miguel : de Twitch à la bande dessinée, le streamer ligérien Alexclick sort le grand jeu !

Alexis, plus connu sous le pseudo Alexclick, est un steamer bien connu dans l’univers du jeu vidéo. En compagnie du scénariste Maxe L’Hermenier et du dessinateur Antoine Losty, il vient de signer une BD désopilante, le récit d’un braquage à la mexicaine fortement épicé…

Extrait de la couverture « Les Incroyables histoires de Miguel »

En ces temps relativement anxiogènes, il est bon et même conseillé de rire un peu, beaucoup, voire énormément. C’est justement le but recherché et obtenu avec Les Incroyables histoires de Miguel, album paru en ce mois de février aux éditions Jungle.

Aux pinceaux, le Talençais Antoine Losty, à la plume, le Rémois Maxe L’Hermenier et le Ligérien Alexclick, jusqu’ici plus connu dans l’univers du jeu vidéo que dans celui de la bande dessinée.

Braquage à la mexicaine, tel est le nom du premier volet publié ces jours-ci, nous embarque dans une aventure complètement déjantée, l’histoire d’un braquage qui a tout pour capoter, à commencer par les costumes aussi ridicules que voyants portés par des malfrats plus bêtes que méchants.

On pense bien évidemment à Ocean’s Eleven ou à La Casa de Papel, et il y a de ça. Mais pas que ! Braquage à la Mexicaine est un concentré d’humour inspiré par le cinéma, les séries, le jeu vidéo et le théâtre d’improvisation façon Twitch où est né le personnage. Résultat : un récit survitaminé et drôle jusque dans le graphisme. Alexclick se déconnecte un instant de Twitch pour nous expliquer tout ça et plus encore…

L’interview ici

Spider-Man : six décennies à tisser sa toile

Et oui, soixante ans, ça se fête ! Surtout lorsqu’on est depuis peu une méga-star du cinéma et un véritable porte-étendard de la culture comics auprès du grand public. Â l’occasion de l’anniversaire de SPIDER-MAN, dix histoires sont donc rééditées dans la même collection à prix d’ami…

En juin prochain, cela fera soixante ans que SPIDER-MAN est pour la première fois apparu dans une publication MARVEL – dans le numéro 15 du magazine Amazing Fantasy pour être précis, au cas où vous tombez sur cette question Trivial Pursuit. De tous les héros de la Maison des Idées, il en fut pendant longtemps l’une des plus grosses stars incontestées, avec Les Quatre Fantastiques. Le coup de génie de ses créateurs, l’inratable Stan Lee et le dessinateur fantasque Steve Ditko, avait été d’en avoir fait un adolescent lambda, voire carrément nerd à ses débuts, alternant combats contre super-méchants sur les toits de New York City et problèmes existentiels, comme tout ado qu’il se soit. Pour le jeune lecteur, impossible de ne pas s’identifier à Peter Parker, lycéen sans le sou plus habile à affronter le Docteur Octopus qu’à parler aux jolies filles de son bahut qui lui préfèrent de toute façon le capitaine de l’équipe de foot.

© Panini Comics / Marvel

Mais depuis le début des années 2000, le tisseur a franchi un cap supplémentaire. Alors que les Quatre Fantastiques ont d’une façon inexplicable complètement raté (à trois reprises !) leur arrivée sur grand écran, depuis la sortie du Spider-Man réalisé par Sam Raimi en 2002, seuls les Avengers ont réussi à faire mieux que lui au box-office. Mieux : en dépassant cette année les 7 millions d’entrées, le dernier opus No Way Home est officiellement devenu le plus gros succès de l’histoire des films de super-héros en France, donnant à l’homme araignée un statut qui déborde désormais (très) largement le (petit) créneau des comics. Et cela se ressent dans cette collection anniversaire de dix tomes à prix cassés (6,99 euros par volume) rassemblant selon l’éditeur dix sagas (en général cinq ou six épisodes, soit environ 150 pages) « emblématiques » de sa carrière.

© Panini Comics / Marvel

Or un signe qui ne trompe pas est que sur dix tomes, deux seulement date d’avant 1986. Et aucun n’est signé Steve Ditko, pourtant à l’origine du personnage et aux manettes pendant ses quatre premières années. Non, clairement la volonté affichée ici est de s’adresser au jeune public et à ceux qui l’ont découvert par l’intermédiaire des films en mettant donc l’accent sur le ‘nouveau’ et plus moderne Spidey apparu au début des années 2000.

Cela dit, plusieurs de ces récits prouvent combien malgré son côté teenager à la base de son ADN, la série régulièrement a su s’imprégner de l’air du temps et aller plus loin. Le deuxième par exemple, au titre explicite La Mort de Gwen Stacy et paru en 1973, rappelle que la série fut l’une des premières, en plus d’abord frontalement le fléau de la toxicomanie, à ‘oser’ tuer la petite amie de son héros. Quant à Revelations, en plus d’être dessiné par John Romita Jr dont le père avait, en son temps, pris la suite de Steve Ditko, il traite du trauma du 11 Septembre 2001 dans la société américaine.

La collection permet aussi de rappeler par exemple que le bouffon Vert reste l’un de ses ennemis les plus tenaces ou que le désormais très populaire Venom (grâce au succès des deux adaptations cinés starring Tom Hardy) est, à la base, un symbiote extra-terrestre ayant initialement jeté son dévolu sur SPIDER-MAN. Elle réintroduit aussi le pour l’instant peu connu en France Miles Morales, jeune ado ayant pris la place de Peter Parker dans un univers parallèle.

Une collection donc peut-être un peu foutraque pour les fans purs et durs mais au prix défiant toute concurrence et qui permettra à certains de rattraper leur retard ou, au contraire, de creuser le psyché de ce héros fascinant qu’ils n’ont découvert que récemment.

Olivier Badin

Spider-Man, la collection anniversaire, 6,99 euros. Panini Comics/Marvel

19 Mar

Festival International de la BD d’Angoulême 2022: le palmarès complet

La 49e édition du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême vient de dévoiler son palmarès 2022 et notamment son Fauve d’Or attribué à Écoute jolie Márcia de Marcello Quintanilha…

Écoute, jolie Márcia de Marcello Quintanilha, Fauve d’Or 2022

 

Fauve d’or :  Écoute jolie Márcia de Marcello Quintanilha aux éditions ça et là

Fauve spécial du jury : Des vivants (éditions 2024) de Raphaël Meltz, Louise Moaty et Simon Roussin.

Prix de la série : Spirou, l’espoir malgré tout (3e partie) d’Émile Bravo aux éditions Dupuis

Prix de l’audace : Un visage familier de Michael DeForge aux éditions Atrabile

Fauve Révélation :  La vie souterraine de Camille Lavaud Benito

Fauve des Lycéens : Yojimbot t.1 de Sylvain Repos aux éditions Dargaud.

Prix du Public France Télévisions : Le grand vide de Léa Murawiec aux éditions 2024.

Fauve Patrimoine : Howard Cruse pour Stick Rubber Baby, aux éditions Casterman

Prix Éco-Fauve Raja : Mégantic, un train dans la nuit d’Anne-Marie Saint-Cerny et Christian Quesnel.

Prix de la bande dessinée alternative : fanzine Bento du collectif RADIO AS PAPER

Fauve Polar SNCF 2022 : L’Entaille d’Antoine Maillard aux éditions Cornélius

Prix René Goscinny – Jeune scénariste :  Raphaël Meltz et Louise Moaty pour l’album Des Vivants dessiné par Simon Roussin aux éditions 2024.

Prix René Goscinny du meilleur scénario d’album : Jean-David Morvan pour Madeleine, résistante

prix Konishi de la traduction de manga : Nathalie Lejeune, pour la traduction de Blue Period de YAMAGUCHI Tsubasa chez Pika Edition

Prix de la Bande Dessinée du Musée de l’histoire de l’immigration : Kei Lam, pour Les saveurs du béton chez Steinkis.

Le Palmarès jeunesse

Prix des écoles d’Angoulême : La sentinelle du petit peuple, tome 1 de
Carbone, Barrau et Forns, Dupuis

Prix des collèges – rectorat de Poitiers : Urbex de Clarke et Dugomier, Le Lombard

Prix des lycées – rectorat de Poitiers : Grand silence de Théa Rojzman et Sandrine Revel, Glénat

Prix d’Angoulême de la BD scolaire : L’enterrement de Laure Leclech

Prix Espoir de la BD scolaire : ANI-mots de Théo Royant-Sanchez

Prix du scénario de la BD scolaire : La chose de Marine Barbery

Prix du graphisme de la BD scolaire : Orpheline de Cathleen Rosaz

Concours #FIBDCHALLENGE : Inbound de Pierre Cesca

Lauréats jeunes talents : Anto Metzger, Diana Vlasa, Vicent Ducamin

Lauréates jeunes talents région : Mathilde Groothaerdt, Manon Ruhrmann, Jade Charlet

Fauve d’Angoulême – Prix jeunesse 8-12 ans : Bergères guerrières de Jonathan Garnier et Amélie Fléchais, Glénat

Fauve d’Angoulême – Prix jeunesse 12-16 ans : Snapdragon de Kat Leyh, Kinaye

Eric Guillaud

FIBD. Fauve d’Angoulême – Prix du Public France Télévisions 2022 : Le Grand vide de Léa Murawiec

Après Saison des roses de Chloé Wary en 2020 et Anaïs Nin de Léonie Bischoff en 2021, le Fauve d’Angoulême – Prix du Public France Télévisions troisième du nom revient une nouvelle fois cette année à une autrice, Léa Murawiec, pour Le Grand vide paru aux éditions 2024, un premier album unanimement salué par les membres du jury pour sa singularité graphique et scénaristique. Une œuvre vertigineuse qui annonce le retour de la grande aventure au rayon BD !

On sait combien la vie tient parfois à un fil, dans cet album elle tiendrait plutôt à une pensée. Manel Naher est une jeune femme ordinaire, un peu trop peut-être, qui passe son temps à dénicher des récits d’aventure dans une vieille librairie pour s’évader du monde dans lequel elle vit, une espèce de mégalopole où chacun doit se battre contre l’anonymat en affichant son nom telle une publicité.

Plongée dans ses livres, Manel se fait oublier de tous, de quoi disparaître à jamais.

© 2024 / Murawiec

Car oui, dans le monde dystopique que nous dépeint Léa Murawiek, si personne ne pense à vous, alors vous n’avez plus de présence et vous mourez. C’est aussi simple que cela. Manel va l’apprendre à ses dépens. En pleine rue, une crise cardiaque, direction l’hôpital.

« Votre présence était quasiment nulle, votre cœur ne l’a pas supporté »

Pour les médecins, les choses sont claires. Seul un traitement intensif peut lui permettre de s’en sortir, d’autant qu’un homonyme, chanteuse très célèbre dont le tube Mon nom sur toutes les lèvres fait un carton, accapare les pensées de toutes et tous.

Et ce traitement intensif ? Boites de nuit, réunions de famille, déjeuners d’affaires… bref des sorties, des rencontres, de quoi faire du lien social… et retrouver un peu de présence, d’existence aux yeux des autres et donc d’espérance de vie.

Mais Manel ne rêve que d’une chose : rejoindre le grand vide, un espace où la popularité ne décide pas de votre vie ou de votre mort.

© 2024 / Murawiec

Paru en aout dernier, Le Grand vide a fait sensation dans le milieu du neuvième art et au-delà par la singularité et la force qui se dégagent du scénario, par la formidable élasticité du trait et le dynamisme des planches.

Passée par l’école Estienne à Paris puis l’École européenne supérieure de l’image à Angoulême, Léa Murawiek écrit cette première bande dessinée au cours d’une résidence de deux ans à la Cité de la Bande dessinée.

Elle y met toutes ses influences, le manga bien sûr, mais aussi la bande dessinée européenne expérimentale et alternative d’où elle est issue.

© 2024 / Murawiec

À l’heure où les bandes dessinées documentaires, reportages, biographiques, autobiographiques, scientifiques, pédagogiques… ont colonisé – parfois un peu trop – les rayons de nos librairies préférées, Léa Murawiek fait souffler un vent nouveau où l’aventure retrouve ses lettres de noblesse sans pour autant oublier de jeter un oeil critique sur notre société.

Module

https://www.youtube.com/watch?v=FmI-pSO0po4&feature=youtu.be

« Ce que j’aime dans les fictions dystopiques… », explique Léa, « c’est qu’elles partent d’un constat sur le monde réel pour créer tout un univers parallèle à partir de ce détail ». 

De fait, Le Grand vide interroge, nous interroge, sur l’hyper-concentration urbaine, l’anonymat qui y règne, le regard des autres, la solitude et la popularité comme seul signe d’existence, autant de sujets importants en ces temps de pandémie, de confinement, de distanciation.

Aucun doute, en l’espace d’un livre, Léa Murawiek s’est fait un sacré nom dans le neuvième art et nous ne sommes pas près de l’oublier…

Eric Guillaud

Le Grand vide, de Léa Murawiek. Éditions 2024. 25€

Les membres du jury du Prix du Public France Télévisions

11 Mar

INTERVIEW. La Vie de ma mort : une nouvelle BD de l’Angevin Fortu pour les bons vivants et les autres

Un bon brossage des dents, un coup de peigne et voilà nos amis les zombies fin prêts pour de nouvelles aventures croquées par l’auteur saumurois Fortu. De quoi retrouver le sourire, même dans un monde de brutes épaisses.

© Delcourt / Fortu

Nous l’avons découvert en 2016 avec l’album Saudade, recueil d’histoires courtes inspirées de sa vie, retrouvé en 2020 alors qu’il croquait le confinement sur Instagram, il est de retour avec un petit format paru aux éditions Delcourt délicieusement baptisé La Vie de ma mort. L’auteur y décrit le quotidien d’une famille de morts-vivants, un père, une mère et deux ados, prête à tout pour s’intégrer dans la société des vivants, même si les vieux réflexes reprennent vite le dessus. Des histoires courtes d’une ou deux pages à mourir de rire. Un bon bol de sang frais et Fortu nous dit tout ici et maintenant…

La suite ici

10 Mar

Saint Exupéry Le Dernier vol et autres récits : Pratt pour toujours !

C’est à chaque fois le même bonheur que de se replonger dans l’univers d’Hugo Pratt. Et pas seulement dans les traces du grand Corto Maltese. Saint-Exupéry Le Dernier vol, Dans un ciel lointain ou encore Morgan sont autant de pièces maîtresses d’une œuvre et d’une vie marquées par le voyage et l’aventure. Ce nouveau recueil de plus de 300 pages réunit cinq récits écrits dans les dernières années de son existence…

Extrait de la couverture de l’album Saint-Exupéry Le Denier vol et autres récits @ Casterman / Pratt

On ne s’en lasse pas ! Et comment le pourrait-on ? Hugo Pratt est l’un des géants du neuvième art, un artiste qui a goûté à l’aventure et à la poésie de la vie pour en retenir et restituer l’essentiel dans ses albums.

Bien sûr, il y a eu Corto Maltese, douze albums incontournables parus entre 1967 et 1991. Mais l’œuvre d’Hugo Pratt ne s’arrête pas à ce personnage et à cette série. L’As de pique, Junglemen, Sergent Kirk, Ticonderoga, Ernie Pike, Ann de la Jungle, Capitaine Cormorant, Billy James, Jesuit Joe ou encore Fanfulla explorent d’autres terres, d’autres horizons, d’autres époques et notamment la seconde guerre mondiale qu’il a vécu enfant et qui l’a profondément marqué.

C’est avec celle-ci qu’il partage les dernières années de sa vie, à travers divers récits publiés ici et là à commencer par Saint-Exupéry Le Dernier vol repris ici en compagnie de quatre autres histoires : Un Pâle soleil printanier, Baldwin 622, Dans un ciel lointain et surtout le merveilleux Morgan qui est sa dernière création.

Dans les airs, sur les océans ou sur la terre ferme, ces récits nous racontent des histoires de guerre en en montrant parfois toute l’absurdité, parfois l’héroïsme des protagonistes, quelque soit leur drapeau. Des histoires de guerre, des histoires d’amitié aussi plus fortes que les idéologies, plus fortes que la mort. Un très beau livre complété par un texte d’Umberto Eco daté de 1995, une postface de Gregory Alegi, journaliste et spécialiste d’histoire militaire, et plusieurs aquarelles du maître.

Eric Guillaud

Saint-Exupéry, Le Dernier vol et autres récits, de Pratt. Casterman. 35€ (en librairie le 16 mars)

© Casterman / Pratt

09 Mar

Alger – Retour et Appelés d’Algérie : deux albums Marabulles autour d’un traumatisme collectif

À l’approche du soixantième anniversaire des accords d’Évian, le 18 mars prochain, les éditions Marabulles proposent deux albums autour de la guerre d’Algérie, deux albums qui racontent des destins d’hommes, pied noir pour l’un, appelé pour l’autre, blessés dans leur chair dans les deux cas…


Si la parole s’est aujourd’hui considérablement libérée, longtemps la guerre d’Algérie a été occultée de notre mémoire collective. À l’époque d’ailleurs, et on pourrait faire un parallèle aujourd’hui avec la communication russe autour de la guerre en Ukraine, on ne parlait pas de guerre mais d’événements ou d’opérations de maintien de l’ordre. N’empêche que des hommes se sont battus sur la terre d’Algérie, nombre d’entre eux y sont morts, ont été blessés physiquement ou traumatisés par les violences, les attentats, les tortures, les massacres…

Les deux albums parus en ce mois de mars aux éditions Marabulles, à la veille du soixantième anniversaire des accords d’Évian qui marquaient la fin d’un conflit de huit ans, reviennent sur le traumatisme collectif qu’il a engendré plusieurs décennies durant.

Appelés d’Algérie © Marabulles / Meralli & Deloupy

Avec deux histoires d’hommes, deux destins personnels plongés dans la grande histoire du monde, d’un côté celui d’un appelé avec Appelés d’Algérie, un personnage fictif imaginé par Swann Meralli au scénario et Deloupy au dessin, une BD qui s’inscrit comme la suite d’Algériennes (1954 – 1962), illustration pour sa part de destins de femmes pendant la guerre. De l’autre, le destin d’un pied noir avec Alger – Retour, un pied-noir qui a dû tout quitter à l’indépendance pour rejoindre la métropole. En se promettant bien de ne jamais y retourner.

Les deux albums mettent en scène deux générations, ceux qui ont vécu la guerre et ont enfoui les souvenirs sous d’épaisses couches de silence. Et ceux plus jeunes qui sont aujourd’hui à la recherche de réponses sur cette époque. Deux histoires qui nous parlent de l’histoire, de notre histoire, de transmission et de devoir de mémoire. Poignants, instructifs et forcément indispensables !

Eric Guillaud

Alger-Retour, de Fred Neidhardt, 16,90€ / Appelés d’Algérie (1954 – 1962), de Meralli et Deloupy. 17,95€

Alger – Retour © Marabulles / Neidhardt