04 Mar

Hellfest : Bientôt en chair, en os et en papier

Et si le site du Hellfest devenait un mini-golf géant ? Non, pas de panique, il ne s’agit pas là du dernier projet de la mairie de Clisson mais du scénario complètement déjanté d’un album de bande dessinée à paraître début juin dans toutes les bonnes librairies.

D’un côté le Hellfest, célèbre festival de metal de Clisson qui devrait revenir en juin après deux années d’annulation pour cause de pandémie. De l’autre, la maison d’édition nantaise Rouquemoute. Au centre Hellmoute, une nouvelle collection de BD autour du festival qui verra le jour début juin avec un premier album baptisé Hellfest Metal Vortex et signé Jorge Bernstein, Fabrice Hodecent et Pixel Vengeur.

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Chronique BD. Shadow Life d’Hiromi Goto et Ann Xu ou la chronique d’une vieillesse presque ordinaire

Certaines couvertures suffisent à nous convaincre de l’importance du récit qui la suit, c’est le cas ici avec Shadow Life paru en janvier aux éditions Ankama et signé par une Japonaise et une Américaine, un album extraordinaire d’humanité qui nous raconte l’histoire d’une vieille femme asiatique confrontée à la vie et à la mort avec pour seule arme un aspirateur…

Je ne vous ferai pas le coup de l’écrire en caractères japonais mais Shadow Life est un chīsana hōseki, autrement dit un petit bijou, un petit bijou de sensibilité autant qu’une déclaration d’amour à nos ainés, les vieux. Oui les vieux et les vieilles comme Kumiko, 76 ans, qui malgré son souffle court et ses fuites urinaires a gardé une indépendance d’esprit intacte. C’est même devenu une obsession pour elle au point, un jour, de faire le tri dans ses souvenirs, d’en envoyer une bonne partie à la poubelle et de fuir sa maison de retraite pour emménager seule quelque part dans un appartement dont elle refuse de donner l’adresse à ses filles.

Ses filles sont bien évidemment folles d’inquiétude. Une attaque cardiaque, un malaise, une chute, sont si vite arrivés. Mais qu’importe, la vieille dame veut être libre de choisir sa vie. Elle parvient à se débrouiller seule jusqu’au jour où une tâche sombre apparaît sur son épaule et où l’ombre de la mort se met à planer au dessus d’elle. Un bon coup d’aspirateur devrait suffire à s’en débarrasser pense-t-elle. Mais on ne se débarrasse par de la mort aussi facilement…

© Ankama / Ann Xu & Hiromi Goto

S’il est vrai que depuis quelques temps, le troisième âge trouve de l’intérêt aux yeux des auteurs de BD, il est longtemps resté dans l’ombre des héros, occupant des rôles très secondaires.

Les Vieux fourneaux chez Dargaud, Le Plongeon chez Grand Angle, Ne m’oublie pas au Lombard ou encore Les Seignors chez Bamboo Éditions pour ne citer qu’eux changent la donne et la perception que nous pouvons avoir à la fois des personnes âgées et des héros de papier, parfois avec humour, plus souvent avec sérieux.

© Ankama / Ann Xu & Hiromi Goto

Avec Shadow Life, la scénariste japonaise Hiromi Goto a voulu nous parler de la vieillesse et de tout ce qui l’accompagne, la solitude, le fardeau des souvenirs, la maladie, la mort… mais Hiromi Goto aborde également, et c’est peut-être là le point fort de cet album, l’amour et la bisexualité. Car avant de se marier et d’avoir des enfants, Kumiko était amoureuse d’une femme avec qui elle vécut. Shadow Life raconte aussi cette histoire et les retrouvailles avec cet amour de jeunesse au crépuscule de sa vie.

© Ankama / Ann Xu & Hiromi Goto

Pour Hiromi Goto, qui a écrit de nombreuses histoires sur des femmes âgées asiatiques, il s’agissait ici de dépasser les clichés comme elle l’explique en postface :

« La représentation des femmes âgées en tant que figure captivante, héroïque, forte et complexe n’est pas chose courante dans la pop culture. Les médias mainstream les représentent souvent de manière clichée, contribuant à l’âgisme de notre société. J’ai vu plein de films sur des vieux bonshommes bougons, mais très peu sur des vieilles femmes. Pourriez-vous citer un film nord-américain grand public mettant en scène une héroïne âgée et queer, noire ou autochtone ? J’évoque ici le cinéma, car c’est la forme la plus visuelle qui soit. Et pour beaucoup d’entre nous, voir c’est croire ».

© Ankama / Ann Xu & Hiromi Goto

Si le scénario date d’une dizaine d’années, l’album a été finalisé pendant le confinement à un moment de souffrance générale et plus particulièrement pour la population âgée, donnant à l’album une intensité singulière.

« En ces temps incertains… », écrit Hiromi Goto, « nous avons besoin de lire des histoires qui nous font du bien. Qui mènent notre esprit et notre âme vers une sorte de sanctuaire. Qui nous transportent et nous offrent une parenthèse de joie, d’espoir, d’excitation et de réconfort. J’espère que Shadow Life sera l’une d’entre elles ».

Aucun doute, Shadow Life remplit parfaitement cette mission. L’album fait du bien, d’abord par son scénario à la fois beau et sensible, par son traitement réaliste avec des touches fantastiques, par son dessin fluide et élégant et enfin par ses personnages pour le moins attachants, notamment Kumiko avec sa bouille d’amour, une grand-mère comme on aimerait tous en avoir. Au fil des pages, on apprend à la découvrir, à comprendre sa façon de voir la vie et de combattre la mort… Un régal !

Éric Guillaud

Shadow life, d’Hiromi Goto et Ann Xu. Ankama. 22,90€

25 Fév

Chronique BD. Le Batman de Darwyn Cooke

Le 2 Mars prochain sort The Batman, nouvelle adaptation cinématographique du héros crée en 1939 par Bob Kane et Bill Finger. Un film pour lequel le réalisateur Matt Reeves n’a pas caché avoir été très influencé par le travail de Darwyn Cooke, dessinateur dont plusieurs œuvres clefs sont aujourd’hui opportunément réédités en français.

Le personnage de BATMAN a beau avoir été adapté de multiples fois à la télévision ou cinéma, chacune de ces transpositions a réussi à imprimer un peu sa marque bien spécifique, preuve de l’élasticité mais aussi de la profondeur du mythe. Depuis 1989, le héros de Gotham a d’ailleurs eu droit à huit films sur le grand écran, dont le fameux The Dark Knight réalisé en 2008 par Christopher Nolan, plus un spin-off très réussi sous la forme de joker, énorme succès critique et commercial en 2019 porté par la prestation habitée de Joachim Phoenix.

Réalisateur du plutôt malin Cloverfield en 2006, c’est au tour du réalisateur Matt Reeves de prendre cette fois-ci en main la saga, avec cette fois Robert Pattinson – oui, l’ex-héros de la sage pour ados Twilight qui a bien réussi depuis sa reconversion dans le cinéma ‘sérieux’ – dans le rôle de Bruce Wayne (ce qui ne pourra jamais être pire que les prestations de Val Kilmer ou Ben Affleck, même si c’est un autre débat). Or Reeves s’est révélé être un sérieux Batmanophile, admettant ouvertement avoir été influencé par l’univers graphique de certaines épisodes bien précis de la série.

Batman Ego © Urban Comics/DC Black Label – Darwyn Cooke

Même s’il cite sans trop surprise Frank Miller, dont le Dark Knigth Returns en 1986 avait à lui tout seul complètement refondé le mythe, il rend aussi hommage au travail de Darwyn Cooke, dessinateur encore trop méconnu en France, hélas décédé en 2016 à 53 ans et dont certains travaux clefs ressortent donc à l’occasion de la sortie du film.

Répartis sur plusieurs volumes, le meilleur du lot est sûrement Ego, du nom de la toute première histoire réalisée par Cooke autour du chevalier noir en 2000 et qui pose les bases du ‘style’ Cooke. Le plus intéressant chez lui est qu’il a d’abord commencé comme storyboarder sur la série animée Batman, d’où ce trait très dessin animé justement et faussement enfantin. Oui faussement car ce canadien a aussi travaillé avec Frank Miller justement, auprès duquel il a acquis un goût pour des personnages noirs et des héros qui ne le sont jamais complètement, cachant souvent une fracture.

C’est d’ailleurs le thème de cette première histoire où, après avoir assisté impuissant au suicide d’un associé du Joker, Bruce Wayne se retrouve à dialoguer en quelque sorte avec son alter-ego Batman (représenté ici par une espèce de forme inquiétante et carnassière) sur ses véritables motivations. Un dialogue intérieur toujours à deux doigts de la folie et où le dessinateur n’hésite pas à maltraiter son héros, appuyé par un fin trait crayonné, malgré tout à l’ancienne malgré ses rondeurs cartoonesques.

Catwoman Le Dernier braquage © Urban Comics/DC Black Label – Darwyn Cooke

Sur Catwoman – Le Dernier Braquage, Cooke se concentre exclusivement sur le personnage de Catwoman et s’amuse à la mettre en scène dans une aventure dénuée de tout super méchants ou super pouvoirs mais baignant au contraire dans une ambiance de film noir à l’ancienne, bourrée de faux-semblants et découpée comme un bon vieux roman de Dashiell Hamett. Plus sensuel, plus léger aussi, ça marche tout aussi bien, surtout que ce fan d’architecture des années 40 et 50 (cela se voit) a un petit côté rétro parfait pour le job.

Même s’il est trop tôt pour vraiment mesurer quel impact il a eu sur un film que nous n’avons pas encore vu, une belle occasion de (re)découvrir combien Batman a et continue d’inspirer des artistes aux talents très divers au milieu desquels Darwyn Cooke méritait largement sa place.

Olivier Badin

 Ego & Le Dernier Braquage de Darwyn Cooke. Urban Comics/DC Black Label. 16 & 23€

Batman Ego © Urban Comics/DC Black Label – Darwyn Cooke

22 Fév

Un Ennemi du peuple : une bande dessinée de Javi Rey adaptée de la pièce d’Henrik Ibsen

Et si notre régime démocratique n’était pas moins tyrannique qu’un régime autoritaire ? En d’autres termes, la majorité a-t-elle toujours raison ? Ce sont les questions auxquelles nous amènent à réfléchir Un Ennemi du peuple à travers l’histoire d’un lanceur d’alerte qui se retrouve seul contre tous dans un petit paradis thermal rongé par la corruption des hommes politiques et la manipulation de l’opinion publique…

Extrait de la couverture de l’album « Un Ennemi du peuple » de Javi Rey

Bienvenue à La Baleine heureuse, un paradis thermal au milieu de l’océan où passer des vacances de rêve. C’est ce que promet la brochure et le fait est que l’accueil des habitants est plutôt royal pour tous les touristes qui débarquent des paquebots. Des habitants avenants, un village pittoresque, des eaux thermales aux vertus thérapeutiques incroyables… Bref, un paradis, effectivement !

Sauf que… oui il y a toujours un « sauf que » ou un « mais » dans les plus belles histoires, sauf que le docteur du coin, Tomas Stockmann, reconnaissable à ses grosses lunettes et à sa fine moustache, a de sérieux doutes quant à la qualité des eaux qu’il fait discrètement analyser. Et effectivement, les résultats ne sont pas bons du tout, l’eau est contaminée par des microorganismes toxiques et des centaines, des milliers, de touristes et curistes se baignent dans ces eaux chaque jour. Un véritable scandale sanitaire prêt à exploser !

© Dupuis / Rey

Sauf que… oui il y a parfois plusieurs « sauf que » ou « mais » dans le meilleur des mondes, le fameux docteur n’est autre que le frère du maire et grand instigateur de ce paradis thermal, que celui-ci ne veut rien entendre… et reçoit bien évidemment le soutien des politiques, des financiers et de la population qui préfère continuer à profiter des bienfaits de cette eau tombée du ciel ou presque sans se poser de questions embarrassantes… De quoi faire du docteur le vilain petit canard de la communauté, un ennemi parfait, l’ennemi du peuple !

Jouée pour la première fois en 1883, il y a pratiquement 140 ans, la pièce du dramaturge norvégien Henrik Ibsen porte ici, avec cette très belle adaptation en bande dessinée de Javi Rey, un écho à nos préoccupations actuelles. Bien sûr, on ne parlait pas de lanceurs d’alerte à l’époque mais, on le sait, le monde a toujours été divisé en deux catégories, ceux qui ont le pouvoir et ceux qui ne l’ont pas. Dans ce récit, le docteur Stockmann n’a aucun pouvoir, le peuple non plus malgré une apparente démocratie.

© Dupuis / Rey

Pessimiste sur la nature humaine, ce récit illustre à merveille le mécanisme infernal dont usent les corrompus de ce monde pour discréditer leurs adversaires et manipuler la masse laborieuse.

Noire dans le fond, l’adaptation de Javi Rey est lumineuse dans la forme, offrant une esthétique selon l’auteur lui-même plus proche de l’âge d’or d’Hollywood, du rêve américain, que de la Norvège du XIXe siècle, avec un trait simplifié hérité de la ligne claire, des couleurs vives, une mise en scène qui est tout le contraire d’une histoire confinée, à huis-clos, comme peuvent l’être les pièces de théâtre.

© Dupuis / Rey

Sans connaître la pièce d’Henrik ibsen, un petit tour sur internet vous permettra de constater que l’adaptation de Javi Rey est assez proche de la pièce, même si bien évidemment l’auteur a souhaité moderniser l’ensemble par une autre approche esthétique on l’a vu, par un découpage plus rythmé, des décors extérieurs…

Un album incontournable de ce début d’année qui nous amène à réfléchir sur notre société, notre démocratie, notre liberté. Et ce n’est jamais inutile !

Eric Guillaud

Un ennemi du peuple, de Javi Rey d’après la pièce d’Henrik Ibsen. Dupuis. 23€

20 Fév

Don Bosco ami des jeunes : un chef d’œuvre de la bande dessinée franco-belge signé Jijé réédité dans sa version initiale

Loin de moi l’idée de faire ici du prosélytisme mais Don Bosco Ami des jeunes est une pièce maîtresse de la bande dessinée franco-belge, un album mythique signé par l’un des piliers de l’école de Marcinelle, un géant du dessin réaliste, Jijé. Cette nouvelle édition propose de (re)découvrir la première version de cette biographie en fac similé. Essentie! !

Quand on pense Jijé ou Joseph Gillain de son vrai nom, on pense immédiatement Jerry Spring, Tanguy et Laverdure, Jean Valhardi et bien entendu Spirou dont il reprit les aventures à Rob-Vel pendant l’occupation allemande.

Mais Jijé, issu d’une famille catholique, est aussi l’auteur de plusieurs biographies chrétiennes telles que Emmanuel, Blanc Casque, Bernadette, Charles de Foucauld et Don Bosco, un prêtre italien qui voua sa vie à l’éducation des enfants défavorisés, un chef d’œuvre du genre.

Dans le dossier qui accompagne cette réédition, on apprend que Don Bosco était une commande de l’éditeur pour « renforcer le moral (et la moralité) de ses jeunes lecteurs ». Nous sommes alors en pleine guerre. Pour réaliser cette biographie, Jijé changea de style graphique, optant pour le trait réaliste qu’on lui connut dès lors, grandement influencé par la gravure, trait qui ne fut pas étranger au succès de l’album, le premier best-seller des éditions Dupuis imprimé à plus de 150 000 exemplaires et ce malgré les restrictions de papier.

Comme Hergé qui après guerre redessina avec ses collaborateurs les premiers Tintin, Jijé redessina complètement Don Bosco en 1949 avec l’idée d’en proposer « une mouture plus moderne et dynamique ».

Cet album propose la version de 1941, un bel album au format à l’italienne, avec dos toilé marron et fourreau. Une pièce incontournable pour tous les amoureux de Jijé et accessoirement de Don Bosco.

Eric Guillaud

Don Bosco ami des jeunes, de Jijé. Dupuis. 36€

© Dupuis / Jijé

3 minutes pour comprendre 50 moments-clés de l’histoire de la bande dessinée

Un titre à rallonge pour un objectif simple : nous faire (re)découvrir très rapidement la richesse du neuvième art à travers une sélection d’auteurs, de héros, d’albums, de courants graphiques, de journaux, de festivals… qui ont marqué très fortement le neuvième art et contribué à son évolution.

Rodolphe Töpfer, Winsor McCay, le Journal de Spirou, Akira, La Ballade de la mer salée, le festival d’Angoulême, Métal Hurlant, Marjane Satrapi…  Bien entendu, tous ceux qui s’intéressent un tant soit peu au neuvième art connaissent ces noms mais parfois sans plus de précisions. Alors, à tous ceux-là et à tous ceux qui n’ont pas de culture BD et souhaitent en développer une rapidement, le livre de Benoît Peeters est la solution.

Scénariste confirmé, auteur avec François Schuiten de la série mythique Les Cités obscures chez Casterman, auteur également d’essais sur la bande dessinée autour d’Hergé dont il est un des grands spécialistes, mais aussi de Winsor McCay, Jirô Taniguchi ou encore Chris Ware, Benoît Peeters développe dans les pages de ce livre paru aux éditions Le Courrier du livre, 50 moments-clés, des noms ou thématiques essentielles pour se faire une bonne idée de la bande dessinée d’hier et d’aujourd’hui avec des textes calibrés pour être lus en 3 minutes maximum.

Alors bien sûr, on peut reprocher à ce livre de ne pas être exhaustif, une encyclopédie de plusieurs tomes n’y suffirait pas, mais il propose un bon survol de la chose, un survol international qui plus-est car Benoît Peeters n’oublie pas d’aborder ici l’âge d’or américain ou le monde des mangas.

Format et maquette agréables, textes concis, iconographie particulièrement riche, glossaires, citations, biographies et courtes réflexions… ce petit livre a finalement tout d’un grand. L’ouvrage de chevet parfait !

Eric Guillaud

3 minutes pour comprendre 50 moments-clés de l’histoire de la bande dessinée, de Benoît Peeters. Le Courrier du Livre. 21,90€

© Le Courrier du livre / Peeters

18 Fév

Le coin des mangas : Dragon Ball, Pilote sacrifié, Sengo, Ulysse, L’Illiade et L’Odyssée, Terrarium, La Sorcière aux champignons, L’École emportée, My Capricorn friend…

Bientôt la fin des vacances pour certains, alors autant profiter des derniers jours, des dernières heures, pour s’offrir une bonne bouffée d’oxygène, une bonne rincée d’aventures, pourquoi pas venues du pays du Soleil Levant. En voici une sélection abusivement subjective mais totalement assumée…

10 mangas avant le retour à l »école

Pratiquement quarante ans d’existence, autant de volumes publiés, plus de 330 millions d’exemplaires écoulés, ce qui en fait le deuxième manga le plus vendu au monde derrière One Pièce!… Bref, Dragon Ball méritait bien son guide officiel et c’est chose faite depuis novembre dernier. Dragon Ball – Le Super livre rassemble sur près de 350 pages tout ce qu’il faut savoir sur l’univers imaginé par Akira Toriyama. Au sommaire, deux parties, l’une portant sur l’histoire, l’autre sur le monde, une interview de l’auteur, quantité d’illustrations… Une bible pour les fans. (Dragon Ball – Le super livre tome 1, de Akira Toriyama. Glénat. 32€)

De la même façon que les samouraïs, les kamikazes ont rejoint l’imaginaire collectif au Japon et bien au-delà. Combien furent-ils ? Des centaines, des milliers, sacrifiés sur l’autel de la guerre. Sasaki Yuji fut l’un d’eux. Avec une particularité puisque l’homme survécut à 9 missions suicide et mourut en 2016 à l’âge de 92 ans. De sa vie, de sa guerre, l’écrivain Shoji Kokami en fit un roman qui remporta un franc succès au Japon. Il est aujourd’hui adapté en manga par Naoki Azuma. Une histoire vraie, passionnante, un trait nerveux et efficace, une bonne entrée en matière, le second volet est annoncé pour mai 2022. (Pilote sacrifié chroniques d’un kamikaze, tome 1, de Naoki Azuma et Shoji Kokami. Delcourt Tonkam. 7,99€)

Après la guerre et la défaite des forces de l’Axe, l’après-guerre ! C’est ce que raconte Sengo dont le septième et dernier volet est sorti en novembre. Un véritable chef d’œuvre initialement publié entre 2013 et 2018 au Japon qui reçut le Grand prix de la Japan Cartoonist Association en 2019. Aux manettes, l’excellent mangaka Sansuke Yamada et côté histoire, un plongeon dans le Japon d’après-guerre, en ruine et occupé par les Américains. Il y est question de vie quotidienne, de survie devrait-on plutôt dire, de combine à deux balles, de misère totale, de sinistrose mais aussi d’amitié et d’espoir. (Sengo, de Sansuke Yamada. Casterman. 7 tomes parus. 9,45€ le volume)

Après Le Rouge et le noir, La Divine comédie ou encore Les Misérables, la collection Classiques des éditions Soleil s’enrichit d’un nouveau titre et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit d’Ulysse de l’écrivain irlandais James Joyce adapté ici en manga par Team Banmikas, une équipe de production spécialisée dans le manga. Imprimé dans le sens de lecture européen, Ulysse nous embarque pour l’Irlande et plus précisément Dublin au début du XXe siècle pour partager une journée ordinaire de la vie de Leopold Bloom et Stephen Dedalus, respectivement Ulysse et Télémaque. Un beau bébé de près de 200 pages. (Ulysse de James Joyce. One shot. Soleil Manga. 7,99€)

Toujours dans la collection Classiques des éditions Soleil Manga et toujours respectant un sens de lecture européen, voici l’adaptation de L’Illiade et l’Odyssée d’Homère, deux chefs d’œuvre de la Grèce antique, deux épopées mythiques où l’on croise des dieux, des rois, des cyclopes, un cheval de bois… (L’Illiade et l’Odyssée, d’Homère. One shot. Soleil Manga. 7,99€)

Manga repéré par les libraires français lors d’un voyage au Japon organisé à l’occasion des 50 ans de la maison d’édition glénat, Terrarium est un petit bijou graphique et poétique qui nous embarque dans un monde en ruine, dévasté par la guerre, où déambule un tandem bien étrange, Chico, technologue d’investigation, et son petit frère Pino. Tous les deux explorent ce monde ou du moins ce qu’il en reste, une succession de colonies délabrées où les robots poursuivent inlassablement leurs tâches, ici soigner des êtres humains réduits à l’état de squelettes depuis longtemps, là distribuer du courrier à des destinataires qui ne sont plus en état de lire quoi que ce soit. L’auteur, Yuna Hirasawa, expliquait en postface du premier volet paru en juin 2021 répondre ici à certaines des interrogations qu’il avait à l’adolescence. Qu’est-ce qu’être humain ? Qu’est-ce que vivre ? Qu’est-ce que je suis ? Tout un programme. (Terrarium, de Yuna Hirasawa. 4 tomes parus. Glénat. 7,60€ le volume)

Ne vous fiez pas à son air angélique, Luna est une sorcière, une vraie, que les gens de la ville ont finit par appeler la sorcière aux champignons. Il faut dire qu’elle habite dans une maison aménagée dans des champignons vénéneux au fin fond d’une forêt sombre, que son souffle et sa peau émettent des spores toxiques et que des champignons ont une fâcheuse tendance à pousser sur les objets qu’elle a touchés. Les gens de la ville s’en tiennent à distance, seul l’apothicaire reste courtois, soucieux de s’approvisionner en remèdes divers dont elle garde le secret de fabrication. Une vie de solitaire jusqu’au jour où Luna fait une rencontre qui va tout changer. Un graphisme agréable, une bonne dose de magie, une belle couverture avec champignons en relief… Un bon début pour cette série signée Tachibana Higuchi. (La Sorcière aux champignons, tome 1, de Tachibana Higuchi. Glénat. 6,90€)

Considéré comme le chef d’œuvre du mangaka  Kazuo Umezz, L’École emportée est ici proposé dans une nouvelle édition en six tomes, quatre sont d’ores et déjà disponibles. L’histoire : la disparition brutale d’une école primaire et de tous ses occupants mystérieusement projetés dans un monde désertique. Plus de maisons, plus de routes, plus personnes, plus une trace de l’ancien monde. Sidérés, choqués, les adultes se sont tous suicidés laissant les enfants à leur triste sort. Tous suicidés sauf un, le professeur Wakahara qui s’est donné pour objectif d’éliminer chaque enfant… Pour ceux qui aiment les récits d’horreur. (L’Ecole emportée, de Kazuo Umezz. 4 tomes parus. Glénat. 10,75€ le volume)

Pas le temps de se mettre en condition, My Capricorn friend s’ouvre sur une énumération sordide de suicides de jeunes élèves harcelés à l’école. 1984, 1986, 1994, 2006… les années se suivent et se ressemblent jusqu’à ce 2 novembre, le corps d’un élève est découvert noyé. Il s’agit de Kaneshiro, un lycéen qui effrayait, harcelait, son entourage. Une de ses victimes, le jeune Naoto Wakatsuki, psychologiquement à bout, aurait éliminé son tortionnaire. Matsuda, un camarade, décide de le cacher… Un manga sur le harcèlement et ses lourdes conséquences ! (My Capricorn friend, d’Otsuichi et Marasu miyokawa. One shot. Delcourt. 7,99€)

On termine cette petite sélection avec un manga en trois tomes, tous parus. Secrets of Magical Stones est son nom, Mana, celui de son héroïne, une jeune femme passionnée depuis sa plus tendre jeunesse par les pierres précieuse, leur énergie et leur pouvoir magique. Et bonheur suprême, Mana intègre le prestigieux Ministère des pierres précieuses où elle entreprend une formation de chercheuses. Adieu son village natal, bonjour Lithos, cité dédiée aux minéraux, où elle pourra poursuivre sa passion contre vents et jalousies… (Secrets of Magical Stones, de Marimuu. 3 tomes parus. Vega Dupuis. 8€ le volume)

Éric Guillaud

15 Fév

Chronique BD. Les Étoiles s’éteignent à l’aube : un récit qui aide à prendre de la hauteur signé Vincent Turhan

Adapté d’un roman du Canadien Richard Wagamese, Les Etoiles s’éteignent à l’aube explore de très belle façon les relations père-fils dans un road-trip montagnard sur fond de nature sauvage et de culture amérindienne…

Le vieil homme avec lequel échange le jeune Franklin Starlight dans les premières pages de ce livre pourrait être son père, du moins peut-on l’imaginer. Il l’est d’une certaine manière. Même si son vrai père, son père biologique, Eldon, est ailleurs, en train de mourir. Trop d’alcool ! Lui qui ne s’est jamais occupé de son fils lui demande aujourd’hui de l’emmener sur une ligne de crête dans la montage, face à l’est, pour y être enterré comme le veut la tradition chez les Ojibwés. Franklin accepte !

Soixante kilomètres à cheminer ensemble à travers la montagne quelque part dans l’arrière-pays de la Colombie britannique, un cheval pour deux, des années à rattraper entre le père et le fils et une vie qui se débobine, celle d’Eldon, une vie qui n’a absolument rien d’un long fleuve tranquille, une vie aux multiples blessures, aux multiples renoncements. Pas après pas, mètre après mètre, Franklin apprend à connaître ce père, à lui pardonner son absence et à l’aimer. Il comprend qui était sa mère, pourquoi il ne l’a jamais connue, et qui est réellement ce vieil homme qui l’a élevé avec tant d’amour…

Le titre du livre de Richard Wagamese et aujourd’hui de l’album de Vincent Turhan donne le ton, Les Étoiles s’éteignent à l’aube est un récit aussi magnifique que bouleversant, aussi sombre que lumineux. Avec son trait crayeux et sa palette de couleurs ternes, Vincent Turhan nous met en condition pour ce bout de voyage au coeur d’une nature immense et sauvage, au coeur de l’humain et de ses légitimes interrogations sur l’identité, les racines, la filiation, l’amour, la mort… Les planches sont d’une grande beauté, les dialogues concis, le décor somptueux. Magnifique !

Eric Guillaud

Les Étoiles s’éteignent à l’aube, de Vincent Turhan d’après le roman de Richard Wagamese. Sarbacane. 24€

© Sarbacane / Turhan

13 Fév

Lucky Luke, Tif et Tondu, 421, Bastos et Zakousky… Le temps des intégrales

Qui a dit que le neuvième art n’avait pas de mémoire et prêtait guère attention à son patrimoine ? C’était sans compter sur les intégrales qui permettent aux éditeurs de prolonger la vie de leurs héros et aux lecteurs de (re)découvrir les racines de la bande dessinée contemporaine. La preuve encore avec ces quatre intégrales essentielles récemment parues…

On commence avec une intégrale qui ne tire pas plus vite que son ombre, bien au contraire. Les amoureux du cow-boy solitaire auront du attendre pratiquement quatre ans pour tenir entre leurs mains ce quatrième volet qui concerne la période 1956-1957, période ô combien importante puisqu’elle marque l’arrivée de René Goscinny au scénario, lequel mettra en place d’un second niveau de lecture plus adulte, et l’apparition de quatre personnages mythiques, Joe, Jack, William et Averell, les frères Dalton. Au sommaire : Alerte aux pieds-bleus, Lucky Luke contre Joss Jamon, Les Cousin Dalton, le tout accompagné d’une introduction réalisée par les spécialistes en la matière Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault, autant dire du costaud. (Lucky Luke – Nouvelle intégrale tome 4, de Morris et Goscinny. Dupuis. 25,95€)

Changement de style, changement de décor, changement d’époque, Bastos et Zakousky se déroule au début du XXe siècle en Russie et raconte l’histoire de Bastos, cambrioleur parisien parti se réfugier à Moscou où il est pris pour un espion et traqué par la police secrète du Tsar Nicolas II. La série Bastos et Zakousky a été publiée dans les années 80. Six tomes en tout et pour tout, réunis dans cette très belle intégrale qui privilégie le noir et blanc pour une meilleure contemplation du trait de Pierre Tranchant. On regrettera simplement l’absence d’une introduction, de quelques mots, de quelques illustrations, pour resituer le contexte de création de la série. (Bastos et Zakousky, intégrale noir et blanc, de Corteggiani et Tranchand. Glénat. 29€)

On reste dans les années 80 avec ce deuxième volet de l’intégrale consacrée à l’agent 007, pardon l’agent 421, un héros un peu oublié de Maltaite et Desberg mais qui a marqué son époque avec des aventures d’abord gentiment parodiques puis liées à une réalité plus sombre. Le dessin lui-même gagne en réalisme au fil des histoires. L’intégrale réunit les titres Suicides, Dans l’empire du milieu, Scotch Malaria et Les Enfants de la porte, le tout judicieusement accompagné d’une introduction signée Didier Pasamonik réunissant illustrations, photographies, couvertures…  (421, intégrale tome 2/3, de Desberg et Maltaite. Dupuis. 24,95€)

Un chevelu et un chauve ! Ce duo mythique créé par Fernand Dineur en 1938 dans les pages du journal Spirou comptabilise plus d’une quarantaine d’aventures publiées en albums jusqu’en 1997 avant de connaître une renaissance il y a peu sous les pinceaux de Blutch et la plume de son frère Robber. Aucun doute, la série Tif et Tondu fait partie du patrimoine des éditions Dupuis. Celles-ci lui ont d’ailleurs consacrée hier une première intégrale de treize volumes au classement thématique, elles lui consacrent aujourd’hui une nouvelle intégrale au classement chronologique. Ce cinquième volet tout juste sorti reprend quatre aventures, les dernières signées par le scénariste Rosy, créateur du fameux méchant M. Choc : Le réveil de Toar, Le Grand combat, La Matière verte et Tif rebondit. C’est Maurice Tillieux qui prit la relève aux côtés de Will pour une dizaine d’années. Un dossier très complet d’une quarantaine de pages accompagne les récits. (Tif et Tondu, nouvelle intégrale tome 5, de Will et Rosy. Dupuis. 36€)

Eric Guillaud

12 Fév

The Department of Truth : la vérité est vraiment ailleurs

« Quand la légende dépasse la réalité, imprimez la légende ! » Non, John Wayne ne parlait pas des fake news lorsqu’il balança cette célèbre maxime dans le western L’Homme Qui Tua Liberty Valance mais elle sonne encore plus vraie soixante ans plus tard. Et elle est au cœur de The Department Of Truth, angoissante plongée dans un monde où personne n’est vraiment qui il est censé être…

The Department Of Truth frappe d’entrée avec son style graphique très 90’s et très marqué par Dave McKean, avec ses multiples gros plans, ses patchworks de peinture et dessin et ses décadrages. Une approche visuelle d’abord assez désarmante avec ses découpages parfois baroques et désordonnés mais qui, au final, se révèle taillée sur mesure au propos. Qu’est-ce que la vérité ? La vôtre ? La mienne ? La réalité des faits ? Des croyances ? Autre chose ? Et surtout QUI détient la vérité ? Ou tout cela n’est-il qu’un prétexte pour dénoncer les complots en en inventant un autre ?

© Urban comics / Tynion IV & Simmonds

Cole Turner est un agent du FBI. Pas exactement une tête brûlée, plutôt un nerd dont le travail est de surveiller les groupes conspirationnistes pullulant sur le net. Â la sortie d’un congrès de platistes (vous savez, ces gens persuadés qu’on nous ment depuis toujours et que la Terre est plate et non pas ronde), il est recruté par une mystérieuse agence gouvernementale appelé ‘departement of truth’ (‘le département de la vérité’) censé en sous-marin combattre toutes ces contre-vérités. Mais le fait-elle vraiment ? Ou se sert-elle de ses moyens pour, justement, imposer SA vérité ? Petit détail : l’agence est a priori dirigée par… Lee Harvey Oswald. Oui, l’homme accusé d’avoir assassiné le président Kennedy et officiellement tué par Jack Ruby sous l’œil des photographes et des caméras le 23 Novembre 1963. Confus ? Ce n’est que le début.

© Urban comics / Tynion IV & Simmonds

Voici une œuvre paranoïaque et qui n’a de cesse de brouiller les pistes. Plus on progresse et plus, à l’image de ce héros qui n’en est pas vraiment un, le lecteur est obligé de mettre en doute ce qu’il croit savoir. On répond souvent aux questions par d’autres questions et le discret ‘tome 1’ rajouté au sous-titre (‘Au Bord Du Monde’) n’est pas innocent. On a là affaire aux cinq premiers épisodes et on ne fait que gratter la surface. Vous voilà prévenus. Résultat, un récit dense, très dense même, tout en faux-semblant qu’il faut accepter pour mieux se laisser complètement porté, quitte à parfois à frôler le vertige à force de noirceur et de cynisme absolu.

Au-delà d’un thriller politique, une vraie réflexion sur la manipulation des masses et sur notre société. Par contre, la réponse offerte ici ne risque pas de plaire à tout le monde.

Olivier Badin

The Department Of Truth : Au Bord Du Monde, de James Tynion IV & Martin Simmonds. Urban comics. 15,65 euros.