Pièce de théâtre écrite en 1920 par l’auteur tchécoslovaque Karel Čapek, R.U.R. revient à la lumière un siècle plus tard grâce au talent de la jeune Tchèque Katerina Cupová qui en offre une bluffante adaptation BD aux éditions Glénat, un beau bouquin écrit par une humaine pour des humains…
Savez-vous d’où vient le mot robot ? Précisément de cette pièce de théâtre écrite il y a un peu plus de cent ans par Karel Čapek. L’homme aurait été le premier à l’utiliser dans sa version tchèque, à savoir robota, qui signifie travail forcé.
Jouée à New York dès 1922, à Paris en 1924 avec notamment Antonin Artaud, R.U.R. traverse le siècle, un siècle de robotisation à outrance, pour se retrouver aujourd’hui adaptée en bande dessinée par une jeune auteure dont on devrait logiquement beaucoup entendre parler de ce côté-ci de l’Europe après qu’elle ait obtenu un prestigieux Golden Ribbon Award dans son pays.
Il fallait déjà penser à ressortir ce texte de la naphtaline, non seulement elle y a pensé mais elle l’a adapté avec un certain panache. Tout est réuni pour attiser notre curiosité, une couverture hypnotique, un trait élégant qui rappelle les illustrations des années 30, des planches colorées, une magnifique héroïne, un rythme soutenu, ce qui n’est jamais gagné quand on adapte une pièce de théâtre par essence plus proche du huis clos que du space opera, et des robots au centre de tout, des robots à forme humaine qui ne connaissent pas la crise, ils ne connaissent surtout pas la peur, le plaisir, le désir, l’amour, le sexe… Leur vie, une vingtaine d’années à tout casser, déjà l’obsolescence programmée, est toute entière vouée à libérer l’homme du travail. Et il y en a du travail !
C’est dans l’usine qui les fabrique que se déroule l’histoire, la R.U.R., la Rossum’s Universal Robots. 20000 unités y sont construites chaque jour sans que personne n’ai rien à redire. Jusqu’au jour où débarque une jeune femme, Helena Glory, fille du président mais aussi représentante de la ligue de l’humanité. Helena Glory n’admet pas que les robots soient traités comme de vulgaires mécaniques sans âme.
« Seigneur, les robots sont des êtres humains comme moi, comme tout le monde. Cela manque tant de dignité ».
Mais la révolte sera pour un autre jour car très rapidement, Helena se marie avec le directeur de l’usine. Les années passent, les robots sont de plus en plus nombreux, partout, pour tout, à en devenir totalement indispensables. Et puis, un beau jour, les robots arrêtent d’obéir aveuglément et se rebellent…
Impossible de ne pas penser au film Les Temps modernes de Charlie Chaplin, comme lui, R.U.R. est un réquisitoire contre la société industrielle et robotique, contre cette déshumanisation grandissante et contre ce monde du travail aliénant. Bien sûr, ces thématiques ont depuis largement été reprises et développées mais R.U.R. même s’il affiche un petit côté gentiment désuet, pose toujours un regard assez féroce sur notre monde.
Eric Guillaud
R.U.R., de Katerina Cupova d’après l’oeuvre de Karel Capek. Editions Glénat. 25€