Il y a un an, les forces militaires russes envahissaient l’Ukraine avec l’espoir de s’emparer de Kiev et de faire tomber le gouvernement de Volodymyr Zelensky très rapidement. Le scénario de guerre éclair écrit par le Kremlin s’est révélé illusoire. Pire encore, la guerre semble aujourd’hui s’installer dans la durée et a déjà fait des dizaines de milliers de morts de part et d’autre en marquant durablement chacun de nous… À partir de témoignages de gens ordinaires, Igort nous raconte les 100 premiers jours de cette guerre…
Igor est le véritable prénom de l’auteur de ce livre. Igor sans t, un prénom russe mais un nom, Tuveri, qui ne l’est pas. Igor n’est pas russe. Il est italien. Mais ses parents étaient profondément amoureux de la littérature et de la musique russes. Ceci explique cela et l’auteur l’expose dès le début de l’album, histoire de lever toute ambiguïté.
Igort avec un t, l’auteur, n’en est pas à ses premiers cahiers puisqu’il avait déjà exploré ce type de journal de bord avec Les Cahiers russes : La guerre oubliée du Caucase en 2012, Les Cahiers japonais : Un voyage dans l’empire des signes en 2015 et déjà, il y a une douzaine d’années, Les Cahier ukrainiens : Mémoires du temps de l’URSS, qu’il présenta à l’époque comme le compte rendu d’un voyage qui avait duré presque deux ans et pendant lequel il épousa sa dulcinée, une Ukrainienne.
Autant dire qu’Igort connaît son sujet, que les noms de Kiev, Odessa, Sebastopol, Yalta… lui étaient familiers bien avant la guerre, qu’il y a tissé un réseau familial et amical, et que bien entendu, dès l’invasion russe, son téléphone n’a cessé de sonner.
C’est ainsi que débute l’album, par des appels depuis une Ukraine désormais en guerre. Sveta, Maskim, Yulia… Des gens comme vous et moi, « des gens qui vivaient une existence normale ». Jusqu’à ce jour !
« Le téléphone sonne et les nouvelles s’accumulent, en désordre. Les questions fusent. De la part de ceux qui te demandent des informations qui là-bas n’arrivent sans doute pas. Alors toi, qui est loin et qui écoutes tous les reportages, lis tous les journaux, regardes toutes les émissions spéciales à la télé, tu t’informes, tu sentes de rassurer. Et tu mens. Tu t’entends donner des versions édulcorées de nouvelles qui ne sont pas bonnes ».
Igort prend sa plume et ses pinceaux et se lance spontanément dans la réalisation de ces nouveaux Cahiers. Et de remonter le temps pour tenter de trouver une explication à l’indicible. 1994, la première guerre de Tchétchénie, 2008, l’invasion de la Géorgie. 2014, l’annexion de la Crimée, la guerre du Dombass…
Des dates, des faits, mais aussi des hommes, Igort nous raconte ici la vie ou plus exactement la survie des civils, jour après jour, les pénuries, le froid, la faim, les alertes aériennes, le bruit des bombes, la peur, le désespoir, les larmes, les morts, les fosses communes,
Témoignage après témoignage, Igor bâtit un récit poignant qui n’oublie pas que pour faire une guerre, il faut être deux, n’oubliant pas de parler des mouvements déviants ukrainiens d’inspiration nazis, des atrocités commises sur les pro-russes, du massacre d’Odessa…
Comme l’écrit Igort dans les premières et dernières pages de l’album, « Une guerre n’est jamais qu’une saloperie de guerre. Il n’y a pas d’épopée, pas de gloire, que de la misère ». Tout est dit…
Eric Guillaud
Les cahiers ukrainiens, Journal d’une invasion, d’Igort. Futuropolis. 22€