Après Yallah Bye et Monsieur Coucou, le scénariste Joseph Safieddine, en compagnie ici du dessinateur Cyril Doisneau, s’appuie une nouvelle fois sur son histoire familiale et ses origines libanaises pour nous offrir une fiction plus vraie que nature sur la transmission et l’identité…
Ne cherchez pas le nom des deux pays dans lesquels se déroule cette histoire proposée aux éditions Dupuis, vous ne le trouverez pas. Le scénariste Joseph Safieddine l’a voulu ainsi avec un objectif clair : parler non pas du Liban et de la France, parce qu’il s’agit tout de même bien de ces pays-là, mais de sentiments universels.
De même, plutôt que de retracer sa propre histoire, l’auteur ayant des origines libanaises, Les Fusibles est construit comme une fiction mais une fiction qui sent le vécu à toutes les pages.
« Il me semble qu’en prenant une certaine distance… », explique Joseph Safieddine, « j’arrive mieux à cerner mon sujet. Finalement, la fiction me permet de parler de choses plus personnelles, de laisser l’inconscient s’exprimer, sans être inhibé par le besoin de coller à mon histoire familiale. La fiction, c’est très puissant ! Si j’écrivais une autobiographie, je risquerais d’être trop dans le contrôle ».
Et que raconte Les Fusibles ? Une histoire effectivement universelle d’expatriation, de déracinement, de transmission de culture, d’identité. Quand il était jeune, Abel s’était donné pour mission avec ses copains de remettre en marche les compteurs électriques lors des quotidiennes coupures de courant, une façon d’aider les gens du quartier, une façon aussi pensait-il de sauver son pays.
Pourtant, Abel finit par fuir ce pays, son pays, fuir la violence, les incertitudes économiques, les conditions de vie difficiles. Dans son pays d’accueil, il devient entrepreneur dans le domaine des réalités virtuelles avec un certain succès, il fonde une famille, a une fille. Un modèle d’intégration ! Jusqu’au jour où son ami de jeunesse Georges débarque et avec lui une foule de questions et de souvenirs. Mais aussi une mauvaise nouvelle : le père d’Abel est gravement malade…
Abel qui avait jusque-là joué les fusibles entre ses deux vies, ses deux pays, tenant chacune et chacun à bonne distance doit se résoudre à regarder son passé et transmettre un peu de son histoire, desa culture, de son identité à sa fille qui le réclame depuis tant d’années…
Un récit principalement en noir et blanc avec quelques touches de couleurs ici et là et dans un trait semi-réaliste, simple, rond et humoristique voulu pour alléger le propos. Une histoire universelle et intemporelle !
Eric Guillaud
Les Fusibles de Safieddine et Doisneau. Dupuis. 25€