22 Mar

Les Incroyables histoires de Miguel : de Twitch à la bande dessinée, le streamer ligérien Alexclick sort le grand jeu !

Alexis, plus connu sous le pseudo Alexclick, est un steamer bien connu dans l’univers du jeu vidéo. En compagnie du scénariste Maxe L’Hermenier et du dessinateur Antoine Losty, il vient de signer une BD désopilante, le récit d’un braquage à la mexicaine fortement épicé…

Extrait de la couverture « Les Incroyables histoires de Miguel »

En ces temps relativement anxiogènes, il est bon et même conseillé de rire un peu, beaucoup, voire énormément. C’est justement le but recherché et obtenu avec Les Incroyables histoires de Miguel, album paru en ce mois de février aux éditions Jungle.

Aux pinceaux, le Talençais Antoine Losty, à la plume, le Rémois Maxe L’Hermenier et le Ligérien Alexclick, jusqu’ici plus connu dans l’univers du jeu vidéo que dans celui de la bande dessinée.

Braquage à la mexicaine, tel est le nom du premier volet publié ces jours-ci, nous embarque dans une aventure complètement déjantée, l’histoire d’un braquage qui a tout pour capoter, à commencer par les costumes aussi ridicules que voyants portés par des malfrats plus bêtes que méchants.

On pense bien évidemment à Ocean’s Eleven ou à La Casa de Papel, et il y a de ça. Mais pas que ! Braquage à la Mexicaine est un concentré d’humour inspiré par le cinéma, les séries, le jeu vidéo et le théâtre d’improvisation façon Twitch où est né le personnage. Résultat : un récit survitaminé et drôle jusque dans le graphisme. Alexclick se déconnecte un instant de Twitch pour nous expliquer tout ça et plus encore…

L’interview ici

Spider-Man : six décennies à tisser sa toile

Et oui, soixante ans, ça se fête ! Surtout lorsqu’on est depuis peu une méga-star du cinéma et un véritable porte-étendard de la culture comics auprès du grand public. Â l’occasion de l’anniversaire de SPIDER-MAN, dix histoires sont donc rééditées dans la même collection à prix d’ami…

En juin prochain, cela fera soixante ans que SPIDER-MAN est pour la première fois apparu dans une publication MARVEL – dans le numéro 15 du magazine Amazing Fantasy pour être précis, au cas où vous tombez sur cette question Trivial Pursuit. De tous les héros de la Maison des Idées, il en fut pendant longtemps l’une des plus grosses stars incontestées, avec Les Quatre Fantastiques. Le coup de génie de ses créateurs, l’inratable Stan Lee et le dessinateur fantasque Steve Ditko, avait été d’en avoir fait un adolescent lambda, voire carrément nerd à ses débuts, alternant combats contre super-méchants sur les toits de New York City et problèmes existentiels, comme tout ado qu’il se soit. Pour le jeune lecteur, impossible de ne pas s’identifier à Peter Parker, lycéen sans le sou plus habile à affronter le Docteur Octopus qu’à parler aux jolies filles de son bahut qui lui préfèrent de toute façon le capitaine de l’équipe de foot.

© Panini Comics / Marvel

Mais depuis le début des années 2000, le tisseur a franchi un cap supplémentaire. Alors que les Quatre Fantastiques ont d’une façon inexplicable complètement raté (à trois reprises !) leur arrivée sur grand écran, depuis la sortie du Spider-Man réalisé par Sam Raimi en 2002, seuls les Avengers ont réussi à faire mieux que lui au box-office. Mieux : en dépassant cette année les 7 millions d’entrées, le dernier opus No Way Home est officiellement devenu le plus gros succès de l’histoire des films de super-héros en France, donnant à l’homme araignée un statut qui déborde désormais (très) largement le (petit) créneau des comics. Et cela se ressent dans cette collection anniversaire de dix tomes à prix cassés (6,99 euros par volume) rassemblant selon l’éditeur dix sagas (en général cinq ou six épisodes, soit environ 150 pages) « emblématiques » de sa carrière.

© Panini Comics / Marvel

Or un signe qui ne trompe pas est que sur dix tomes, deux seulement date d’avant 1986. Et aucun n’est signé Steve Ditko, pourtant à l’origine du personnage et aux manettes pendant ses quatre premières années. Non, clairement la volonté affichée ici est de s’adresser au jeune public et à ceux qui l’ont découvert par l’intermédiaire des films en mettant donc l’accent sur le ‘nouveau’ et plus moderne Spidey apparu au début des années 2000.

Cela dit, plusieurs de ces récits prouvent combien malgré son côté teenager à la base de son ADN, la série régulièrement a su s’imprégner de l’air du temps et aller plus loin. Le deuxième par exemple, au titre explicite La Mort de Gwen Stacy et paru en 1973, rappelle que la série fut l’une des premières, en plus d’abord frontalement le fléau de la toxicomanie, à ‘oser’ tuer la petite amie de son héros. Quant à Revelations, en plus d’être dessiné par John Romita Jr dont le père avait, en son temps, pris la suite de Steve Ditko, il traite du trauma du 11 Septembre 2001 dans la société américaine.

La collection permet aussi de rappeler par exemple que le bouffon Vert reste l’un de ses ennemis les plus tenaces ou que le désormais très populaire Venom (grâce au succès des deux adaptations cinés starring Tom Hardy) est, à la base, un symbiote extra-terrestre ayant initialement jeté son dévolu sur SPIDER-MAN. Elle réintroduit aussi le pour l’instant peu connu en France Miles Morales, jeune ado ayant pris la place de Peter Parker dans un univers parallèle.

Une collection donc peut-être un peu foutraque pour les fans purs et durs mais au prix défiant toute concurrence et qui permettra à certains de rattraper leur retard ou, au contraire, de creuser le psyché de ce héros fascinant qu’ils n’ont découvert que récemment.

Olivier Badin

Spider-Man, la collection anniversaire, 6,99 euros. Panini Comics/Marvel

19 Mar

Festival International de la BD d’Angoulême 2022: le palmarès complet

La 49e édition du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême vient de dévoiler son palmarès 2022 et notamment son Fauve d’Or attribué à Écoute jolie Márcia de Marcello Quintanilha…

Écoute, jolie Márcia de Marcello Quintanilha, Fauve d’Or 2022

 

Fauve d’or :  Écoute jolie Márcia de Marcello Quintanilha aux éditions ça et là

Fauve spécial du jury : Des vivants (éditions 2024) de Raphaël Meltz, Louise Moaty et Simon Roussin.

Prix de la série : Spirou, l’espoir malgré tout (3e partie) d’Émile Bravo aux éditions Dupuis

Prix de l’audace : Un visage familier de Michael DeForge aux éditions Atrabile

Fauve Révélation :  La vie souterraine de Camille Lavaud Benito

Fauve des Lycéens : Yojimbot t.1 de Sylvain Repos aux éditions Dargaud.

Prix du Public France Télévisions : Le grand vide de Léa Murawiec aux éditions 2024.

Fauve Patrimoine : Howard Cruse pour Stick Rubber Baby, aux éditions Casterman

Prix Éco-Fauve Raja : Mégantic, un train dans la nuit d’Anne-Marie Saint-Cerny et Christian Quesnel.

Prix de la bande dessinée alternative : fanzine Bento du collectif RADIO AS PAPER

Fauve Polar SNCF 2022 : L’Entaille d’Antoine Maillard aux éditions Cornélius

Prix René Goscinny – Jeune scénariste :  Raphaël Meltz et Louise Moaty pour l’album Des Vivants dessiné par Simon Roussin aux éditions 2024.

Prix René Goscinny du meilleur scénario d’album : Jean-David Morvan pour Madeleine, résistante

prix Konishi de la traduction de manga : Nathalie Lejeune, pour la traduction de Blue Period de YAMAGUCHI Tsubasa chez Pika Edition

Prix de la Bande Dessinée du Musée de l’histoire de l’immigration : Kei Lam, pour Les saveurs du béton chez Steinkis.

Le Palmarès jeunesse

Prix des écoles d’Angoulême : La sentinelle du petit peuple, tome 1 de
Carbone, Barrau et Forns, Dupuis

Prix des collèges – rectorat de Poitiers : Urbex de Clarke et Dugomier, Le Lombard

Prix des lycées – rectorat de Poitiers : Grand silence de Théa Rojzman et Sandrine Revel, Glénat

Prix d’Angoulême de la BD scolaire : L’enterrement de Laure Leclech

Prix Espoir de la BD scolaire : ANI-mots de Théo Royant-Sanchez

Prix du scénario de la BD scolaire : La chose de Marine Barbery

Prix du graphisme de la BD scolaire : Orpheline de Cathleen Rosaz

Concours #FIBDCHALLENGE : Inbound de Pierre Cesca

Lauréats jeunes talents : Anto Metzger, Diana Vlasa, Vicent Ducamin

Lauréates jeunes talents région : Mathilde Groothaerdt, Manon Ruhrmann, Jade Charlet

Fauve d’Angoulême – Prix jeunesse 8-12 ans : Bergères guerrières de Jonathan Garnier et Amélie Fléchais, Glénat

Fauve d’Angoulême – Prix jeunesse 12-16 ans : Snapdragon de Kat Leyh, Kinaye

Eric Guillaud

FIBD. Fauve d’Angoulême – Prix du Public France Télévisions 2022 : Le Grand vide de Léa Murawiec

Après Saison des roses de Chloé Wary en 2020 et Anaïs Nin de Léonie Bischoff en 2021, le Fauve d’Angoulême – Prix du Public France Télévisions troisième du nom revient une nouvelle fois cette année à une autrice, Léa Murawiec, pour Le Grand vide paru aux éditions 2024, un premier album unanimement salué par les membres du jury pour sa singularité graphique et scénaristique. Une œuvre vertigineuse qui annonce le retour de la grande aventure au rayon BD !

On sait combien la vie tient parfois à un fil, dans cet album elle tiendrait plutôt à une pensée. Manel Naher est une jeune femme ordinaire, un peu trop peut-être, qui passe son temps à dénicher des récits d’aventure dans une vieille librairie pour s’évader du monde dans lequel elle vit, une espèce de mégalopole où chacun doit se battre contre l’anonymat en affichant son nom telle une publicité.

Plongée dans ses livres, Manel se fait oublier de tous, de quoi disparaître à jamais.

© 2024 / Murawiec

Car oui, dans le monde dystopique que nous dépeint Léa Murawiek, si personne ne pense à vous, alors vous n’avez plus de présence et vous mourez. C’est aussi simple que cela. Manel va l’apprendre à ses dépens. En pleine rue, une crise cardiaque, direction l’hôpital.

« Votre présence était quasiment nulle, votre cœur ne l’a pas supporté »

Pour les médecins, les choses sont claires. Seul un traitement intensif peut lui permettre de s’en sortir, d’autant qu’un homonyme, chanteuse très célèbre dont le tube Mon nom sur toutes les lèvres fait un carton, accapare les pensées de toutes et tous.

Et ce traitement intensif ? Boites de nuit, réunions de famille, déjeuners d’affaires… bref des sorties, des rencontres, de quoi faire du lien social… et retrouver un peu de présence, d’existence aux yeux des autres et donc d’espérance de vie.

Mais Manel ne rêve que d’une chose : rejoindre le grand vide, un espace où la popularité ne décide pas de votre vie ou de votre mort.

© 2024 / Murawiec

Paru en aout dernier, Le Grand vide a fait sensation dans le milieu du neuvième art et au-delà par la singularité et la force qui se dégagent du scénario, par la formidable élasticité du trait et le dynamisme des planches.

Passée par l’école Estienne à Paris puis l’École européenne supérieure de l’image à Angoulême, Léa Murawiek écrit cette première bande dessinée au cours d’une résidence de deux ans à la Cité de la Bande dessinée.

Elle y met toutes ses influences, le manga bien sûr, mais aussi la bande dessinée européenne expérimentale et alternative d’où elle est issue.

© 2024 / Murawiec

À l’heure où les bandes dessinées documentaires, reportages, biographiques, autobiographiques, scientifiques, pédagogiques… ont colonisé – parfois un peu trop – les rayons de nos librairies préférées, Léa Murawiek fait souffler un vent nouveau où l’aventure retrouve ses lettres de noblesse sans pour autant oublier de jeter un oeil critique sur notre société.

Module

https://www.youtube.com/watch?v=FmI-pSO0po4&feature=youtu.be

« Ce que j’aime dans les fictions dystopiques… », explique Léa, « c’est qu’elles partent d’un constat sur le monde réel pour créer tout un univers parallèle à partir de ce détail ». 

De fait, Le Grand vide interroge, nous interroge, sur l’hyper-concentration urbaine, l’anonymat qui y règne, le regard des autres, la solitude et la popularité comme seul signe d’existence, autant de sujets importants en ces temps de pandémie, de confinement, de distanciation.

Aucun doute, en l’espace d’un livre, Léa Murawiek s’est fait un sacré nom dans le neuvième art et nous ne sommes pas près de l’oublier…

Eric Guillaud

Le Grand vide, de Léa Murawiek. Éditions 2024. 25€

Les membres du jury du Prix du Public France Télévisions

14 Mar

Dix BD qu’il faut avoir impérativement lues avant le festival d’Angoulême

Plus que quelques jours, quelques heures, avant la ruée des amoureux du neuvième art vers Angoulême pour la 49e édition du festival. Histoire de se mettre en condition, voici une sélection de dix albums essentiels, dix coups de cœur, dont on vous recommande chaudement la lecture…

Des dizaines de milliers de visiteurs, auteurs, éditeurs ou passionnés, sont attendus à Angoulême pour le Festival international de la bande dessinée à partir de ce jeudi 17 mars, après une édition 2021 annulée en raison de la pandémie et une édition 2022 reportée.

Autant dire que l’impatience est grande de tous les côtés. Que vous y alliez ou pas, nous vous avons concocté une sélection de dix ouvrages qui reflète parfaitement la richesse de ce neuvième art. Autant de pistes pour découvrir d’autres albums, d’autres histoires, parmi les milliers de titres publiés cette année.

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11 Mar

INTERVIEW. La Vie de ma mort : une nouvelle BD de l’Angevin Fortu pour les bons vivants et les autres

Un bon brossage des dents, un coup de peigne et voilà nos amis les zombies fin prêts pour de nouvelles aventures croquées par l’auteur saumurois Fortu. De quoi retrouver le sourire, même dans un monde de brutes épaisses.

© Delcourt / Fortu

Nous l’avons découvert en 2016 avec l’album Saudade, recueil d’histoires courtes inspirées de sa vie, retrouvé en 2020 alors qu’il croquait le confinement sur Instagram, il est de retour avec un petit format paru aux éditions Delcourt délicieusement baptisé La Vie de ma mort. L’auteur y décrit le quotidien d’une famille de morts-vivants, un père, une mère et deux ados, prête à tout pour s’intégrer dans la société des vivants, même si les vieux réflexes reprennent vite le dessus. Des histoires courtes d’une ou deux pages à mourir de rire. Un bon bol de sang frais et Fortu nous dit tout ici et maintenant…

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10 Mar

Saint Exupéry Le Dernier vol et autres récits : Pratt pour toujours !

C’est à chaque fois le même bonheur que de se replonger dans l’univers d’Hugo Pratt. Et pas seulement dans les traces du grand Corto Maltese. Saint-Exupéry Le Dernier vol, Dans un ciel lointain ou encore Morgan sont autant de pièces maîtresses d’une œuvre et d’une vie marquées par le voyage et l’aventure. Ce nouveau recueil de plus de 300 pages réunit cinq récits écrits dans les dernières années de son existence…

Extrait de la couverture de l’album Saint-Exupéry Le Denier vol et autres récits @ Casterman / Pratt

On ne s’en lasse pas ! Et comment le pourrait-on ? Hugo Pratt est l’un des géants du neuvième art, un artiste qui a goûté à l’aventure et à la poésie de la vie pour en retenir et restituer l’essentiel dans ses albums.

Bien sûr, il y a eu Corto Maltese, douze albums incontournables parus entre 1967 et 1991. Mais l’œuvre d’Hugo Pratt ne s’arrête pas à ce personnage et à cette série. L’As de pique, Junglemen, Sergent Kirk, Ticonderoga, Ernie Pike, Ann de la Jungle, Capitaine Cormorant, Billy James, Jesuit Joe ou encore Fanfulla explorent d’autres terres, d’autres horizons, d’autres époques et notamment la seconde guerre mondiale qu’il a vécu enfant et qui l’a profondément marqué.

C’est avec celle-ci qu’il partage les dernières années de sa vie, à travers divers récits publiés ici et là à commencer par Saint-Exupéry Le Dernier vol repris ici en compagnie de quatre autres histoires : Un Pâle soleil printanier, Baldwin 622, Dans un ciel lointain et surtout le merveilleux Morgan qui est sa dernière création.

Dans les airs, sur les océans ou sur la terre ferme, ces récits nous racontent des histoires de guerre en en montrant parfois toute l’absurdité, parfois l’héroïsme des protagonistes, quelque soit leur drapeau. Des histoires de guerre, des histoires d’amitié aussi plus fortes que les idéologies, plus fortes que la mort. Un très beau livre complété par un texte d’Umberto Eco daté de 1995, une postface de Gregory Alegi, journaliste et spécialiste d’histoire militaire, et plusieurs aquarelles du maître.

Eric Guillaud

Saint-Exupéry, Le Dernier vol et autres récits, de Pratt. Casterman. 35€ (en librairie le 16 mars)

© Casterman / Pratt

09 Mar

Alger – Retour et Appelés d’Algérie : deux albums Marabulles autour d’un traumatisme collectif

À l’approche du soixantième anniversaire des accords d’Évian, le 18 mars prochain, les éditions Marabulles proposent deux albums autour de la guerre d’Algérie, deux albums qui racontent des destins d’hommes, pied noir pour l’un, appelé pour l’autre, blessés dans leur chair dans les deux cas…


Si la parole s’est aujourd’hui considérablement libérée, longtemps la guerre d’Algérie a été occultée de notre mémoire collective. À l’époque d’ailleurs, et on pourrait faire un parallèle aujourd’hui avec la communication russe autour de la guerre en Ukraine, on ne parlait pas de guerre mais d’événements ou d’opérations de maintien de l’ordre. N’empêche que des hommes se sont battus sur la terre d’Algérie, nombre d’entre eux y sont morts, ont été blessés physiquement ou traumatisés par les violences, les attentats, les tortures, les massacres…

Les deux albums parus en ce mois de mars aux éditions Marabulles, à la veille du soixantième anniversaire des accords d’Évian qui marquaient la fin d’un conflit de huit ans, reviennent sur le traumatisme collectif qu’il a engendré plusieurs décennies durant.

Appelés d’Algérie © Marabulles / Meralli & Deloupy

Avec deux histoires d’hommes, deux destins personnels plongés dans la grande histoire du monde, d’un côté celui d’un appelé avec Appelés d’Algérie, un personnage fictif imaginé par Swann Meralli au scénario et Deloupy au dessin, une BD qui s’inscrit comme la suite d’Algériennes (1954 – 1962), illustration pour sa part de destins de femmes pendant la guerre. De l’autre, le destin d’un pied noir avec Alger – Retour, un pied-noir qui a dû tout quitter à l’indépendance pour rejoindre la métropole. En se promettant bien de ne jamais y retourner.

Les deux albums mettent en scène deux générations, ceux qui ont vécu la guerre et ont enfoui les souvenirs sous d’épaisses couches de silence. Et ceux plus jeunes qui sont aujourd’hui à la recherche de réponses sur cette époque. Deux histoires qui nous parlent de l’histoire, de notre histoire, de transmission et de devoir de mémoire. Poignants, instructifs et forcément indispensables !

Eric Guillaud

Alger-Retour, de Fred Neidhardt, 16,90€ / Appelés d’Algérie (1954 – 1962), de Meralli et Deloupy. 17,95€

Alger – Retour © Marabulles / Neidhardt

04 Mar

Hellfest : Bientôt en chair, en os et en papier

Et si le site du Hellfest devenait un mini-golf géant ? Non, pas de panique, il ne s’agit pas là du dernier projet de la mairie de Clisson mais du scénario complètement déjanté d’un album de bande dessinée à paraître début juin dans toutes les bonnes librairies.

D’un côté le Hellfest, célèbre festival de metal de Clisson qui devrait revenir en juin après deux années d’annulation pour cause de pandémie. De l’autre, la maison d’édition nantaise Rouquemoute. Au centre Hellmoute, une nouvelle collection de BD autour du festival qui verra le jour début juin avec un premier album baptisé Hellfest Metal Vortex et signé Jorge Bernstein, Fabrice Hodecent et Pixel Vengeur.

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Chronique BD. Shadow Life d’Hiromi Goto et Ann Xu ou la chronique d’une vieillesse presque ordinaire

Certaines couvertures suffisent à nous convaincre de l’importance du récit qui la suit, c’est le cas ici avec Shadow Life paru en janvier aux éditions Ankama et signé par une Japonaise et une Américaine, un album extraordinaire d’humanité qui nous raconte l’histoire d’une vieille femme asiatique confrontée à la vie et à la mort avec pour seule arme un aspirateur…

Je ne vous ferai pas le coup de l’écrire en caractères japonais mais Shadow Life est un chīsana hōseki, autrement dit un petit bijou, un petit bijou de sensibilité autant qu’une déclaration d’amour à nos ainés, les vieux. Oui les vieux et les vieilles comme Kumiko, 76 ans, qui malgré son souffle court et ses fuites urinaires a gardé une indépendance d’esprit intacte. C’est même devenu une obsession pour elle au point, un jour, de faire le tri dans ses souvenirs, d’en envoyer une bonne partie à la poubelle et de fuir sa maison de retraite pour emménager seule quelque part dans un appartement dont elle refuse de donner l’adresse à ses filles.

Ses filles sont bien évidemment folles d’inquiétude. Une attaque cardiaque, un malaise, une chute, sont si vite arrivés. Mais qu’importe, la vieille dame veut être libre de choisir sa vie. Elle parvient à se débrouiller seule jusqu’au jour où une tâche sombre apparaît sur son épaule et où l’ombre de la mort se met à planer au dessus d’elle. Un bon coup d’aspirateur devrait suffire à s’en débarrasser pense-t-elle. Mais on ne se débarrasse par de la mort aussi facilement…

© Ankama / Ann Xu & Hiromi Goto

S’il est vrai que depuis quelques temps, le troisième âge trouve de l’intérêt aux yeux des auteurs de BD, il est longtemps resté dans l’ombre des héros, occupant des rôles très secondaires.

Les Vieux fourneaux chez Dargaud, Le Plongeon chez Grand Angle, Ne m’oublie pas au Lombard ou encore Les Seignors chez Bamboo Éditions pour ne citer qu’eux changent la donne et la perception que nous pouvons avoir à la fois des personnes âgées et des héros de papier, parfois avec humour, plus souvent avec sérieux.

© Ankama / Ann Xu & Hiromi Goto

Avec Shadow Life, la scénariste japonaise Hiromi Goto a voulu nous parler de la vieillesse et de tout ce qui l’accompagne, la solitude, le fardeau des souvenirs, la maladie, la mort… mais Hiromi Goto aborde également, et c’est peut-être là le point fort de cet album, l’amour et la bisexualité. Car avant de se marier et d’avoir des enfants, Kumiko était amoureuse d’une femme avec qui elle vécut. Shadow Life raconte aussi cette histoire et les retrouvailles avec cet amour de jeunesse au crépuscule de sa vie.

© Ankama / Ann Xu & Hiromi Goto

Pour Hiromi Goto, qui a écrit de nombreuses histoires sur des femmes âgées asiatiques, il s’agissait ici de dépasser les clichés comme elle l’explique en postface :

« La représentation des femmes âgées en tant que figure captivante, héroïque, forte et complexe n’est pas chose courante dans la pop culture. Les médias mainstream les représentent souvent de manière clichée, contribuant à l’âgisme de notre société. J’ai vu plein de films sur des vieux bonshommes bougons, mais très peu sur des vieilles femmes. Pourriez-vous citer un film nord-américain grand public mettant en scène une héroïne âgée et queer, noire ou autochtone ? J’évoque ici le cinéma, car c’est la forme la plus visuelle qui soit. Et pour beaucoup d’entre nous, voir c’est croire ».

© Ankama / Ann Xu & Hiromi Goto

Si le scénario date d’une dizaine d’années, l’album a été finalisé pendant le confinement à un moment de souffrance générale et plus particulièrement pour la population âgée, donnant à l’album une intensité singulière.

« En ces temps incertains… », écrit Hiromi Goto, « nous avons besoin de lire des histoires qui nous font du bien. Qui mènent notre esprit et notre âme vers une sorte de sanctuaire. Qui nous transportent et nous offrent une parenthèse de joie, d’espoir, d’excitation et de réconfort. J’espère que Shadow Life sera l’une d’entre elles ».

Aucun doute, Shadow Life remplit parfaitement cette mission. L’album fait du bien, d’abord par son scénario à la fois beau et sensible, par son traitement réaliste avec des touches fantastiques, par son dessin fluide et élégant et enfin par ses personnages pour le moins attachants, notamment Kumiko avec sa bouille d’amour, une grand-mère comme on aimerait tous en avoir. Au fil des pages, on apprend à la découvrir, à comprendre sa façon de voir la vie et de combattre la mort… Un régal !

Éric Guillaud

Shadow life, d’Hiromi Goto et Ann Xu. Ankama. 22,90€