Unanimement saluée par la presse, les professionnels et le public, couronnée d’un Fauve Prix de la série lors du festival d’Angoulême 2022, la saga d’Émile Bravo trouve son dénouement dans un quatrième album qui parie sur l’espoir, malgré tout…
Spirou et Fantasio responsables du déraillement d’un train allemand convoyant une unité de blindés ? Ils auraient pu. Ils en étaient chargés. Mais même en temps de guerre, la chose reste inconcevable de la part de ces deux personnages. Et pourtant, un train va effectivement dérailler et tomber au fond d’un ravin devant leurs yeux emplis d’effroi. Tout ça grâce à un concours de circonstance et à la finesse du scénario d’Émile Bravo qui sauve ici l’honneur des deux personnages sans pour autant les mettre à contre-courant de l’histoire.
Les Allemands en déroute, les Alliés défilant dans Bruxelles, ce cinquième album est placé sous le signe de l’espoir. La victoire n’est plus qu’une question de temps et Spirou fait tout pour rester humain, face à l’ennemi nazi, face aussi aux collaborateurs d’hier devenus par enchantement des résistants de la première heure.
Rester humain, c’est bien là son objectif, aujourd’hui comme hier. Au début de la guerre et donc au début de cette très belle saga, Émile Bravo lui faisait dire dans un dialogue avec Fantasio : « Tu sais bien qu’une guerre est un abattoir. Nous aurions pour devoir de retourner à la barbarie ? Tuer nos semblables, tu te rends compte ? »
Après cinq années de guerre, d’horreurs en tout genre, Spirou n’a pas changé, il reste un fanatique oui mais un fanatique de la vertu, un héros ordinaire plongé dans l’extraordinaire avec pour mission d’aider les autres, pas un super-héros, pas un super-résistant, juste un super-humaniste.
À l’instar du Journal d’un ingénu, cette saga permet à Émile Bravo d’apporter certaines réponses concernant le personnage. Qu’a-t’il fait pendant la guerre ? Comment s’est-il comporté et positionné ? Aurait-il pu être résistant ? Dans la vraie vie, le journal Spirou a continué de paraître pendant la guerre jusqu’à son interdiction par les Allemands en septembre 1943.
Est-ce cette interdiction ou autre chose, quoiqu’il en soit, les éditions Dupuis ne seront pas inquiétées par l’épuration et pourront rapidement reprendre la publication du journal, avec un héros-titre aussi irréprochable que le Spirou de Bravo.
Une saga magnifique, une fiction à haute valeur de témoignage sur les heures les plus sombres de notre histoire contemporaine.
Éric Guillaud
Spirou, L’espoir malgré tout, d’Émile Bravo. Dupuis. 13,50€