28 Sep

Une rentrée au féminin. Walicho, de Sole Otero

On a longtemps regretté la sous-représentation des femmes dans la création de bande dessinée, c’est chose ancienne aujourd’hui, tant elles ont repris le dessus et ouvert avec leur sensibilité propre de nouvelles voies narratives et graphiques. Preuve en est si besoin ce nouvel album de la très talentueuse autrice argentine Sole Otero…

Lauréate du Fauve d’Angoulême Prix du public France Télévisions 2023 pour l’album Naphtaline, une épopée familiale au ton et à l’esthétisme résolument modernes, l’autrice argentine Sole Otero est de retour avec Walicho, diable ou Satan en espagnol, une œuvre inattendue et singulière composée de neuf histoires situées à des périodes différentes, depuis l’époque de la colonisation de l’Argentine jusqu’à nos jours, mais se déroulant toujours au même endroit, Buenos Aires, et en la présence, parfois latente, de trois mystérieux personnages, trois sœurs dotées de pouvoirs magiques qui traversent les siècles sans prendre de rides…

Une rentrée au féminin : notre sélection complète ici

Graphisme, narration, mise en page, couleurs… chacune de ces histoires est l’occasion pour Sole Otero d’explorer avec talent et audace les possibilités du medium bande dessinée, d’offrir des instantanés de l’histoire de l’Argentine mâtinés de sorcellerie et de glisser des thématiques contemporaines notamment autour de la condition féminine, dénonçant ici les violences faites aux femmes et leur diabolisation, encourageant là leur émancipation au sein du couple et la lutte pour disposer librement de leur corps. Une œuvre dense aux ambiances sombres et mystérieuses qui révèle plus que jamais une autrice talentueuse. L’album vient d’ailleurs de remporter le prix Prima Bula décerné par le festival Formula Bula à Paris !

Eric Guillaud

Walicho, de Sole Otero. ça et là. 28€

© ça et là / Otero

27 Sep

Une rentrée au féminin. Pauvre meuf ! d’Éléonore Costes et Aria

On a longtemps regretté la sous-représentation des femmes dans la création de bande dessinée, c’est chose ancienne aujourd’hui, tant elles ont repris le dessus et ouvert avec leur sensibilité propre de nouvelles voies narratives et graphiques. Preuve en est si besoin cet album d’Éléonore Costes et Aria paru aux éditions Delcourt…

Pauvre Meuf! d’Éléonore Costes et Aria est un beau petit livre bleu paru dans la collection Une Case en moins des éditions Delcourt. Sur la couverture, une jeune femme et des mains posées sur elle, sur son corps, des mains d’hommes peut-on supposer, des mains qui l’ont traumatisée.

Cette jeune femme, c’est Lolo, Éléonore Costes, scénariste, actrice et réalisatrice, notamment créatrice de la série Bouchon. Et ce récit est le sien, celui d’une enfant qui grandit, devient une femme, sous le regard des hommes, son père d’abord, ses copains d’école ensuite, ses premiers flirts, ses amours. Sous le regard bienveillant des uns et celui malveillant des autres. Par deux fois, Lolo découvre le monde des femmes, comme dirait sa mère, à travers des agressions sexuelles. Par deux fois, des hommes posent la main sur elle sans son consentement.

Une rentrée au féminin : notre sélection complète ici

De quoi lui laisser des blessures à vie ! Et comme une envie de mourir. Mais avec le temps, Lolo parvient à affronter cette « réalité cabossée », à tracer sa route, surmonter ses angoisses, ses doutes, se construire, devenir actrice puis scénariste et finalement maman.

Pauvre meuf! raconte ce parcours avec beaucoup de délicatesse dans le propos et de tendresse dans le trait que l’on doit à Aria et dont c’est ici la toute première longue bande dessinée. Un très beau témoignage, aussi essentiel qu’universel, à mettre entre toutes les mains !

Eric Guillaud

Pauvre meuf!, d’Éléonore Costes et Aria. Delcourt. 18,95€

© Delcourt / Costes & Aria

23 Sep

Journal de 1985. Xavier Coste imagine une suite au chef-d’oeuvre de George Orwell

Xavier Coste avait époustouflé le public et la critique avec son adaptation de 1984 en 2021, il nous revient aujourd’hui avec Journal de 1985, une suite au chef-d’œuvre de George Orwell. Et bien évidemment, Big Brother est toujours là…

Petit retour en arrière. Nous sommes en janvier 2021. Le roman de George Orwell, 1984, publié en 1949, vient de tomber dans le domaine public et est par conséquent libre de droits.

Résultat ? C’est la guerre des adaptations, quatre verront le jour en ce mois de janvier 2021. Si 1984 a été maintes fois adapté au cinéma, à la télévision, au théâtre ou encore décliné en chanson, il ne l’avait étrangement jamais été en bande dessinée. Le retard est alors rattrapé et bien rattrapé.

Et parmi ces quatre adaptations, un livre de Xavier Coste, paru aux éditions Sarbacane. L’auteur des – déjà – remarqués Egon Schiele vivre et mourir, Rimbaud l’indésirable ou encore A comme Eiffel, signe une adaptation époustouflante et très fidèle au texte d’Orwell, un magnifique livre de 224 pages en quadri accompagnées d’un non moins magnifique pop-up réservé à la seule version originale.

© Sarbacane / Coste

L’accueil du public et de la critique fut à la hauteur de l’évènement. Le livre obtint le prix Albert-Uderzo de la Meilleure contribution au 9ᵉ Art en 2021 et le Prix BD Fnac France Inter en 2022.

Mais Xavier Coste ne devait pas en rester là, imaginant dès la sortie de 1984 une suite au roman d’Orwell, une suite qui débute avec le même protagoniste, Winston Smith. Pas pour longtemps ! L’homme pourtant classé inoffensif à 99,9% depuis sa remise en liberté, une véritable coquille vide qui n’a plus rien à voir avec le révolté d’hier, est soupçonné d’avoir écrit et distribué un livre, Le Livre de Winston. Il est arrêté, torturé et exécuté comme tous ceux qui l’ont approché.

© Sarbacane / Coste

Si Winston Smith est bien mort, son livre continue à être diffusé, déposé ici et là avec l’espoir d’éveiller les consciences. C’est en tout cas ce qu’espèrent le jeune Lloyd Holmes et ses camarades réfractaires et imperméables à la propagande de Big Brother. Lloyd Holmes le sait et en rêve toutes les nuits. Un jour viendra où il sera arrêté pour activités contre-révolutionnaires et crimes aggravés contre le parti. Il sera emmené en prison, interrogé et exécuté. En attendant, Lloyd Holmes prend la relève de Winston pour combattre le régime.

En reprenant le même style graphique que l’adaptation, le même format carré, et en respectant l’esprit insufflé par Orwell, Xavier Coste s’approprie avec bonheur l’univers de 1984 pour en donner une suite cohérente et tout aussi effrayante.

En Bonus : découvrez ici l’envoûtante bande son du livre, une musique originale signée par le compositeur multi-instrumentiste franco-russe Ilia Osokin

Eric Guillaud

Journal de 1985, de Xavier Coste. Sarbacane. 29€

22 Sep

L’Héritage fossile : Philippe Valette en route vers l’infini

Changement radical de style et changement non moins radical de genre, après l’humour un brin déjanté et cartoonesque, Philippe Valette a décidé de nous propulser dans le cosmos avec un récit de science-fiction tout simplement remarquable…

Philippe Valette. En trois albums seulement, ce nom s’est imposé à nous comme un gage d’humour. Mais fini de rire, après le diptyque Georges Clooney suivi du pavé Jean Doux et le mystère de la disquette molle, Fauve Polar SNCF 2018, l’auteur publie ce mois-ci un récit SF beaucoup plus sérieux dans le ton et cinématographique dans la forme, un album qui fera certainement date. Son nom ? L’Héritage fossile. Son thème ? Les limites de la civilisation face à l’immensité du cosmos.

Et le résultat est absolument bluffant, le scénario limpide nous prend par la main du début à la fin, les dialogues sont percutants, le découpage ultra-efficace et le graphisme, inspiré des techniques employées dans les films d’animation, absolument saisissant.

Alors, me direz-vous, et l’histoire ? L’histoire s’inscrit dans la continuité d’une science-fiction dite classique tendance « conquête de l’espace » avec un équipage parti pour l’infini ou presque, objectif Geminæ, une planète éloignée de la Terre de quelque 19 999 années, oui vous avez bien lu, mais une planète aux conditions de vie idéales pour y établir une colonie humaine et donc perpétuer la civilisation.

© Delcourt / Valette

Pour effectuer ce voyage, les membres de l’équipage emmenés par le milliardaire philanthrope Reiz Iger sont placés en biostase, une sorte d’hibernation stoppant le vieillissement, avec un réveil programmé tous les 25 ans histoire d’effectuer quelques travaux de maintenance sur le vaisseau baptisé Héritage. Bien évidemment, sinon il n’y aurait pas d’histoire, tout ne se passe pas comme prévu. Le contact avec la Terre est subitement rompu et tous développent au premier millénaire de voyage un mal étrange qui ronge leurs corps. Entre la survie de la civilisation et leur propre survie, les astronautes vont devoir faire un choix douloureux…

© Delcourt / Valette

Philippe Valette, qui dit s’interroger énormément sur l’avenir du monde et se refuser à faire de la « science-fiction gratuite », développe ici toute une réflexion sur la place de notre civilisation dans l’univers et sur notre place à nous, en tant qu’individus et simples mortels. Mais l’aventure n’est pas oubliée pour autant et ce récit en vase clos dans le vaisseau Héritage développe son lot de péripéties et de tragédies. On y sent bien évidemment l’influence de certains chefs-d’œuvre de la SF tels que 2001, l’odyssée de l’espace, Philippe Valette reconnaissant pour sa part l’influence de L’Armée des 12 singes de Terry Gilliam, des romans Spin de Robert Charles Wilson et Silo de Hugh Howey mais aussi l’influence de scientifiques comme l’astrophysicien Aurélien Barreau.

Un récit puissant, un scénario maitrisé, une mise en images ultra-léchée, des décors fabuleux, une lecture plaisir et un bel objet au format carré. Tout est là. Immense coup de cœur !

Et un auteur qui ira loin, très loin…

Philippe Valette sera en dédicaces à la librairie Bulles au Mans vendredi 27 et samedi 28 septembre.

Eric Guillaud 

L’Héritage fossile, de Philippe Valette. Delcourt. 34,95€

© Delcourt / Valette

10 Sep

La BD fait sa rentrée. Les Yeux doux de Corbeyran et Colline : un album plus que séduisant !

Vous rêviez d’un autre monde ? En voici un qui pourrait calmer vos ardeurs, un monde aussi atypique que dystopique où votre unique chance d’exister est de vous conformer à la norme…

Ce monde-là n’a pas de nom, pas de données GPS, mais une usine, une seule, qu’on appelle L’atelier universel, un commerce, un seul, Le Panier garni, et pour que tout fonctionne sans anicroche, une société de surveillance baptisée Les Yeux doux qui n’a de doux que le nom et ses affiches de propagande mettant en scène des pin-ups et des slogans affligeants.

Pour le reste ? Pour le reste, il n’y a rien, nada, nothing, nichts. Tout est interdit et si vous perdez votre boulot à L’Atelier universel comme Arsène, un des personnages de ce récit, alors vous vous retrouvez sans logement, sans dignité et même sans apparence. Du jour au lendemain, Arsène devient un homme invisible dans tous les sens du terme. Effacé de la vie !

© Glénat / Colline et Corbeyran

Fort heureusement, là où il y a obéissance aveugle de la majorité, il y a désobéissance d’une minorité. Anatole, jusqu’ici employé modèle de la société de surveillance Les Yeux doux a craqué par amour, menti à ses chefs pour sauver une jeune femme prise à voler au Panier garni. Elle s’appelle Annabelle et n’est autre que la sœur d’Arsène. Vous suivez ?

Et tout ce beau monde se retrouve dans un repaire d’exclus, un monde à l’ancienne où chacun participe à la vie de la communauté selon ses savoirs, ses envies, un monde qui rêve de faire la révolution et d’anéantir le système en place…

© Glénat / Colline et Corbeyran

Un vrai bonheur ! Dès sa couverture, Les Yeux doux nous transporte dans un univers futuro-vintage du plus bel effet, un univers signé du prolixe Corbeyran au scénario et du surprenant Colline au dessin. Avec un brin de gravité dans le fond et beaucoup de fantaisie dans le trait, les auteurs imaginent un possible avenir pour l’humanité, un monde affreusement déshumanisé où la consommation serait érigée en religion et le moindre de nos gestes épiés par des caméras de surveillance. Big Brother is watching you ! Il y a du 1984 dans l’air, du Brazil aussi, de la ligne claire dans le trait et de l’école de Marcinelle dans l’esprit. C’est beau, c’est bon, ça se lit sans fin. Un vrai bonheur je vous dis !

Eric Guillaud

Les Yeux doux, de Corbeyran et Colline. Glénat. 24€

23 Août

Pages d’été. Avant la rentrée, biopics à volonté…

Avant de retrouver le train-train quotidien, voilà six bonnes occasions de s’évader encore un peu, six albums retraçant des parcours exceptionnels dans le sport, la politique, le cinéma ou dans le monde de l’entreprise…

On commence avec un biopic olympique, celui consacré à Pierre de Coubertin, connu pour avoir relancé les Jeux en 1896 avec une volonté affichée d’universalisme et de pacifisme. Xavier Betaucourt au scénario et Didier Pagot au dessin retracent ici son parcours, son combat pour « rebronzer la France » comme il disait en référence au bronze des monuments historiques alliant beauté et solidité, puis pour initier les Jeux Olympiques modernes. Du sport pour tous et toutes ? Pas vraiment, le sport est alors pour lui « une affaire d’hommes de bonne famille ». Les hommes dans la course, les femmes aux applaudissements ! Une tâche dans l’œuvre de Coubertin largement détaillée et présentée dans les pages de cet album au dessin délicat et séduisant. Tout comme sa misogynie légendaire, les auteurs illustrent ici aussi son esprit colonialiste et raciste, un homme entre ombre et lumière. (Pierre de Coubertin, Entre ombre et lumière, de Bétaucourt et Pagot. Steinkis. 20€)

On continue avec les Jeux Olympiques et un ouvrage signé Églantine Chesneau retraçant le parcours de 16 athlètes qui ont marqué l’épreuve et plus largement la planète, tels que le marathonien Shizô Kanakuri qui s’est endormi chez l’habitant pendant sa course aux JO de 1912, la légendaire gymnaste Simone Biles, notre Marie-José Pérec nationale, triple championne olympique d’athlétisme, Jesse Owens, quadruple médaille lors des jeux de 1936 à Berlin ou le plus grand plongeur de tous les temps Greg Louganis. Seize athlètes, autant de destins exceptionnels qui ont participé à changer la face des jeux, du sport et peut-être aussi de notre monde.  (Vies en jeux, d’Églantine Chesneau. Vents d’Ouest. 19,95€)

Changement radical d’univers cette fois avec cette biographie consacrée au géant du cinéma allemand, réalisateur, acteur, scénariste et producteur, Rainer Werner Fassbinder, et signée par un connaisseur en la matière, Noël Simsolo, lui-même réalisateur, comédien, scénariste, romancier, historien du cinéma et auteurs de plusieurs biopics en BD sur Orson Welles, Sergio Leone ou encore Jean Gabin. Accompagné de Stefano D’Oriano pour le dessin, Noël Simsolo illustre ici la vie de Fassbinder depuis sa naissance au lendemain de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à sa mort prématurée à l’âge de 37 ans. C’est jeune, trop jeune pour disparaître, mais suffisant pour nous laisser une œuvre conséquente, une quarantaine de longs métrages dont quelques chefs-d’oeuvre tels que Le Mariage de Maria Braun, Lola une femme allemande ou Lili Marleen, une vision du cinéma sans concession, en rapport frontal avec la société allemande d’après-guerre. Un biopic documenté porté par une mise en images claire et cinématographique. (Fassbinder, l’homme qui voulait qu’on l’aime, de Simsolo et D’Oriano. Glénat. 25,50€)

Le développement de PayPal, c’est lui, Telsa, c’est également lui, SpaceX, c’est toujours lui, et Twitter, oui, c’est encore lui depuis qu’il en a remis les rênes en 2022. L’homme a tendance à être un peu partout, parfois là où on ne l’attend pas, défrayant souvent la chronique avec des prises de positions radicales, certains le considèrent comme l’un des nouveaux maîtres du monde, d’autres comme un ultra-réactionnaire à l’égo surdimensionné, Donald Trump se dit même prêt à lui offrir un poste de ministre en cas de victoire. Mais qui est vraiment cet homme ? Comment s’est-il fabriqué ? C’est ce que Darryl Cunningham nous explique dans cette bande dessinée qui relève plus de l’enquête journalistique que du biopic. Forcément instructif ! (Elon Musk, enquête sur un nouveau maître du monde, de Darryl Cunningham. Delcourt. 22,95)

C’est une Légende, une Légende avec un L majuscule, pour tous les passionnés de sport automobile et au-delà, un pilote hors norme, le plus grand pilote de tous les temps disent les connaisseurs, trois fois champion du monde, 41 victoires au compteur, 65 pole positions, mort dans une sortie de route sur le circuit d’Imola le 1ᵉʳ mai 1994. Dans cet album tout simplement titré Ayrton Senna, histoires d’un mythe, les auteurs nous emmènent dans les roues de ce génie des circuits depuis ses premiers tours de roues en karting jusqu’à son accident tragique. Publiée à l’occasion du trentième anniversaire de sa disparition, cette nouvelle édition est enrichie d’un cahier spécial de huit pages signé par le scénariste et journaliste spécialisé en sports automobiles Lionel Froissart. (Ayrton Senna, Histoires d’un mythe, de Froissart, Papazoglakis et Paquet. Glénat. 14,50€)

Co-édité par Glénat et Fayard dans la collection Ils ont fait l’histoire, cet album de Marie Bardiaux-Vaïente au scénario et Sergio Gerasi au dessin retrace le parcours de Jean Monnet considéré comme l’un des « pères de l’Europe ». Coordonnateur des ressources de guerre franco-britanniques pendant la Première Guerre mondiale, promoteur de la SDN, Société des Nations, dont il fut un temps secrétaire général adjoint, coordonnateur de l’effort de guerre entre le Royaume-Uni et les États-Unis pendant la Deuxième Guerre mondiale, puis promoteur infatigable de la construction européenne avec, dans un premier temps, la création de la CECA, Communauté européenne du charbon et de l’acier, Jean Monnet n’eut de cesse de promouvoir cette Europe unie qui devait rassembler les Européens dans la paix et prévenir toute future guerre. (Jean Monnet, de Bardiaux-Vaïente et Gerasi. Glénat / Fayard. 14,95€)

Eric Guillaud

18 Août

Pages d’été. « Racines » ou l’histoire d’une quête d’identité capillaire signée Lou Lubie

Largement repérée par le public avec ses trois albums précédents tous parus aux Éditions Delcourt, Goupil et Face, Et à la fin ils meurent et Comme un oiseau dans un bocal, la talentueuse Lou Lubie était de retour en mai dernier avec Racines, une BD qui explore ses racines capillaires autant que ses racines familiales…

L’album s’ouvre sur un visage, celui d’une gamine en furie sous une tignasse en folie. Elle s’appelle Rose, a la peau blanche mais le cheveu crépu, résultat d’un métissage, une mère noire d’un côté, un père blanc de l’autre, et le soleil de La Réunion pour témoin.

Si notre fameuse Rose est en furie, c’est que l’heure est au coiffage. Et elle déteste ça, comme elle déteste ses cheveux. Et elle les détestera pendant de longues années encore, peut-être plus encore lorsqu’elle finit par débarquer en métropole pour poursuivre ses études. Là, plus qu’ailleurs, la norme est le cheveu lisse.

Coupe rasée, tissage, lissage, défrisage… Rose n’aura de cesse de malmener ses cheveux au risque de sa santé, pour ressembler aux autres, se fondre dans la masse, échapper au sexisme et au racisme ambiants, et bien sûr pour répondre aux codes de la beauté féminine.

Au point d’en faire une obsession, des crises de dysmorphophobie, et vider son porte-monnaie. Jusqu’au jour où elle en a assez de courir après les salons de coiffures pour d’effacer son identité et décide de revendiquer enfin sa créolité…

Il y a beaucoup de Lou Lubie dans le personnage de Rose, beaucoup de Lou mais aussi  beaucoup de toutes ces femmes qui ont comme elle tenté par le passé et tentent aujourd’hui encore de se rapprocher du « modèle dominant » en masquant leur identité. Mais au-delà de l’aspect autobiographique, Racines est aussi un ouvrage très pédagogique, particulièrement documenté, qui démêle pas mal d’idées reçues sur le cheveu. Une autrice à suivre !

Eric Guillaud

Racines, de Lou Lubie. Delcourt. 24,95€

© Delcourt / Lubie

14 Août

Pages d’été. Quand l’accouchement devient aussi une affaire d’homme : « Naissance » de Samuel Wambre

Les témoignages en BD sur la maternité et plus spécifiquement sur ce moment important qu’est l’accouchement sont pléthores mais toujours signés par des femmes. Ce qui peut sembler logique de prime abord. Pourtant, voici un album que l’on doit à un homme, Samuel Wambre, car oui il faut être deux pour faire un enfant et, non, l’accouchement n’est pas forcément l’affaire d’une seule personne…

Bien sûr, Samuel Wambre n’a pas accouché. Mais c’est tout comme ! Lui aussi a connu la joie à l’annonce de la grossesse, lui aussi a suivi les séances de préparation à l’accouchement et les échographies, lui aussi a aménagé la chambre destinée à accueillir l’enfant… et bien évidemment, lui aussi s’est réveillé la nuit aux premières contractions.

Alors, lorsque le moment est venu de se rendre à la clinique, que sa femme, Stéphanie, a perdu les eaux, Samuel est encore plus présent, plus impliqué. Et il le sera pendant les prochaines 58 heures, à partager les joies et parfois les doutes, les moments de douce exaltation et ceux d’immense épuisement, des moments dans tous les cas saturés d’amour.

Si Samuel Wambre a avant tout écrit ce livre pour les futurs pères, afin qu’ils sachent à quoi s’attendre et les aider à trouver leur place dans ce grand épisode de la vie, Naissance s’adresse bien à tous et toutes. Un récit aussi intime qu’universel !

Eric Guillaud

Naissance, de Samuel Wambre. Steinkis. 24€

© Steinkis / Wambre

13 Août

Pages d’été. Envoyez l’armée !, un délire atomique signé Fabrice Erre

Rire de l’armée. En voilà une drôle d’idée. Dans un autre temps, dans un autre lieu, l’auteur de ce pamphlet aurait été passé par les armes pour dénigrement de l’uniforme, insulte envers l’autorité et tentative de démoralisation face à l’ennemi… mais là non !


Non et c’est tant mieux pour Fabrice Erre qui s’en donne à cœur joie dans ce petit livre paru dans la collection Pataquès des éditions Delcourt. Tant mieux pour Fabrice Erre et tant mieux pour nous, lecteurs, qui pouvons sans aucun risque rire de la Grande Muette et de ses frasques à travers une série d’histoires courtes franchement drôles et bien senties.

Au centre de tout, un général, aussi fou que bête, qui suggère de déclarer la guerre à l’Uruguay pour défendre le pouvoir d’achat des Français, qui n’hésite pas à envoyer l’armée contre les routiers qui bloquent les routes, les profs qui font grève, les touristes qui occupent les plages, les vaches qui pètent… sans oublier les boches, ces éternels boches, qui cherchent toujours, forcément, à nous reprendre l’Alsace et la Lorraine.

Et pour ça, tous les moyens sont bons, les chars, l’aviation, la bombe atomique, du gel hydroalcoolique, les latrines sèches… Bref, du grand et bon n’importe quoi à distribuer dans toutes les casernes du monde avec un message clair : Faites l’humour, pas la guerre!

Eric Guillaud

Envoyez l’armée, de Fabrice Erre. Delcourt. 13,50€

© Delcourt / Erre