10 Août

Pages d’été. Cinq comics garantis sans super-héros ajoutés… ou presque !

Sorti en mars dernier aux éditions Delcourt, Shadow Hills nous embarque pour un monde étrange, très étrange, et triste, affreusement triste. Avec pour personnages principaux deux sœurs, Anna et Dana, et deux frères, Cal et Will. Deux familles différentes, des histoires qui le sont tout autant mais qui se retrouvent imbriquées dans un récit à l’atmosphère de fin du monde, un paysage désertique truffé de derricks et de crevasses spontanées qui engloutissent régulièrement hommes et maisons. L’exploitation des gisements de shale fait des ravages mais fait vivre aussi toute la petite communauté de Shadow Hills. Jusqu’au jour où une mystérieuse épidémie fait son apparition. Tout devient alors encore plus sombre, plus étrange et plus triste…

Si Sean Ford ne fait pas ici dans la comédie et pourrait facilement plomber le moral de tout un régiment, c’est qu’il souhaite peut-être nous alerter sur les ravages causés par l’homme à l’environnement, notre environnement. Shadow Hills est une éco-fiction qui mélange les genres, du thriller à l’horreur en passant par le fantastique. Un comics à lire l’esprit reposé pour en appréhender toutes les subtilités et apprécier son dessin épuré ! (Shadow Hills, de Sean Ford. Delcourt. 20,50€)

Déjà responsables et coupables de quelques livres essentiels, notamment Criminel, Mes héros ont toujours été des junkies, Fatale, Kill or be killed ou encore Pulp, Ed Brubaker et Sean Phillips nous embarquent ici pour un quartier de l’Amérique moyenne comme les autres, Pelican Road, avec sa supérette, ses maisons, un quartier en apparence tranquille. En apparence seulement ! Car dans ce qui pourrait être un décor de théâtre se joue la vie, avec ses histoires d’amour et de haine, ses rêves et ses mensonges. Avec un casting de premier choix : un flic qui ne l’est pas, une femme fidèle qui ne l’est plus, une gamine qui se prend pour une super-héroïne, un SDF qui squatte une cabane dans les bois, une paumée qui a fui sa cure de désintoxication et vole sa famille, un privé qu’on va retrouver raide mort… Bref, de quoi faire un excellent scénario de polar. Et ça tombe bien, Là où gisait le corps est un polar, un excellent polar, à lire sur la plage ou ailleurs ! (Là où gisait le corps, de Ed Brubaker et Sean Philips. Delcourt. 18,50€)

Ce comics-là date un peu. De septembre 2023 pour être précis. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire et découvrir une petite perle. Vous souvenez-vous de Stray Bullets, une série policière publiée aux États-Unis à compter de 1995 et dans la foulée en France, double Prix Eisner 1996, des histoires noires et radicales qui nous entraînaient dans les bas-fonds de la société américaine. L’album Lodger qui nous intéresse aujourd’hui est signé par le même duo de choc, David et Maria Lapham, et nous plonge dans une toute aussi sombre histoire, celle d’une jeune femme, Ricky Toledo, à la poursuite d’un serial killer dont elle était tombée amoureuse plus jeune mais qui a surtout tué sa mère. La vengeance est un plat qui se mange froid ! (Lodger, de Maria Lapham et David Lapham. Delcourt. 15,95€)

Pas vraiment plus récent, celui-ci date de novembre 2023, mais tout aussi indispensable et bienvenu pour une lecture sur la plage, Clementine s’inscrit dans la lignée de la mythique série Walking Dead de Robert Kirkman, dessinée par Tony Moore puis par Charlie Adlard, et dans la lignée du jeu video édité par Telltale dont Clementine est l’un des personnages principaux. Avec ici l’immense Tillie Walden au dessin ! Plus qu’une suite, c’est en fait une véritable relecture de cet univers que nous propose la jeune autrice de Spinning et de Sur la route de West, deux albums qui lui valurent chacun un Eisner Award, ou encore du magnifique récit de science-fiction baptisé Dans un rayon de soleil. Avec sa grande sensibilité, son approche plus intimiste et son fabuleux trait tout en délicatesse, Tillie Walden nous offre une douce balade au pays des zombies. (Clementine tome 1, Walking Dead, de Tillie Walden. Delcourt. 18,95€)

Vous avez aimé Strangers in Paradise ? Alors, vous aimerez Parker Girls qui n’est autre qu’un spin-off de la série mère aujourd’hui disponible en quatre intégrales chez Delcourt. Pas de super-héros en vue mais une organisation réunissant des héroïnes de choc, les Parker Girls, appelées à la rescousse pour dénouer les situations les plus inextricables. Et justement, l’une d’entre elles, Piper, vient d’être retrouvée morte sur une plage. De quoi donner du travail à Cherry, Kelly, Katchoo et Tambi. Un plongeon dans le monde du crime avec beaucoup d’action et pas mal d’humour… (Parker Girls, de Terry Moore. Delcourt. 22,95€)

Eric Guillaud

24 Juil

Pages d’été. Six BD SF pour prendre un peu de distance

Une météo capricieuse pour ne pas dire désastreuse, des élections au goût forcément amer, une violence endémique un peu partout sur la planète… on peut légitimement avoir envie d’être ailleurs, dans un autre monde, peut-être quelque part dans le futur ou dans l’espace. Mais rien ne dit que ce soit beaucoup mieux !

On commence avec Kaya, une bande dessinée 100% italienne qui nous embarque pour une Terre à la limite de l’asphyxie générale. Ses ressources naturelles sont épuisées, une partie de l’humanité a fui, l’autre tente de survivre au milieu des ruines, des animaux mutants et sous un ciel toxique. La jeune Kaya fait partie des derniers survivants. Avec son grand frère, elle tente de rejoindre le sud du pays où l’air serait dit-on plus respirable. Mais sur le chemin, Kaya se retrouve prise dans un piège avec une louve géante. Dans un monde où on ne peut plus compter sur qui que ce soit, pas même sur les derniers êtres humains, Kaya et la louve vont unir leurs forces pour survivre.

Avec un graphisme proche du cinéma d’animation et une bande son originale accessible via un QR code, Kaya est une petite curiosité même si le scénario n’a à priori rien d’exceptionnel ! Pour les amoureux de décors post-apocalyptiques. (Kaya, de Barbato, Cavallini, Tenderini et Lanfranconi. Glénat. 18,50€)

Ils nous avaient emmenés dans un monde à la Jules Verne avec Le Voyage extraordinaire, Silvio Camboni et Denis-Pierre Filippi sont de retour avec Prima Spatia, de la SF de haut vol mettant en scène une jeune fille de 17 ans, Alba, cloitrée pour sa sécurité sur un astéroïde privé, loin de tout, loin de ses parents, jusqu’au jour où elle est enlevée et se retrouve, elle et sa gouvernante, à errer pendant des mois à travers l’espace avant d’être finalement recueillie à bord de La Flèche, un navire cosmique conçu pour chasser les créatures stellaires…

Dès les premières pages du volet d’ouverture, le ton était donné, Prima Spatia faisait dans la grande aventure intergalactique tendance space opera avec un dessin, des couleurs, une galerie de personnages, de toute beauté et un scénario relativement classique mais malin, glissant ici et là quelques problématiques contemporaines. Le deuxième volet paru en février dernier ne déçoit pas et on attend maintenant le dénouement dans un troisième volet qui devrait paraître d’ici à quelques mois. (La Traque, Prima Spatia tome 2, de Filippi et Camboni. Vents d’Ouest. 14,95€)

Ce fut l’un de nos gros coups de cœur du début 2023, Kosmograd du Carpentrassien Bonaventure, alias Baptiste Corteggiani, nous embarquait pour une ville refuge perdue au milieu d’un monde dévasté par les catastrophes climatiques. Là se bâtissait, dit-on, l’avenir de l’humanité et plus véritablement l’avenir d’une élite assurée de fuir la planète via l’ascenseur orbital alors en construction. Mais la population, pas dupe de l’affaire, avait bien l’intention de manifester sa colère malgré la répression sévère promise par le régime totalitaire en place. Et parmi elle, Zoya, Paouk et Ev, trois jeunes nanas bien décidées à se faire entendre et à révéler une vérité pas vraiment jolie jolie.

Avant la chute, dont la première partie a été publiée en avril dernier, est un préquel à l’album originel, un préquel qui permet de s’attacher plus particulièrement à l’histoire de Zoya, réfugiée climatique, débarquée à Kosmograd pour trier des déchets et espérer un jour obtenir son accréditation de citoyenneté. Guerre, pénuries d’eau et de nourriture, séisme, raz de marée, flux migratoires brutaux, Zoya peut s’estimer heureuse et courbe l’échine jjusqu’au jour où… Un récit vif et dynamique, un album séduisant, même si ceux qui ont lu l’album initial peuvent avoir une impression de déjà vu, déjà lu ! (Avant la chute tome 1, Kosmograd, de Bonaventure. Casterman. 20€)

« Pour un présent heureux, un passé lisse » : une devise claire, nette et précise, ici on fait table rase du passé, on efface, on aménage, on dématérialise, on dynamite aurait dit un célèbre acteur du XXe siècle. Et de fait, même les livres ont disparu. À quoi bon s’embarrasser l’espace et l’esprit ? La vie est rose et le ciel est bleu, impossible de s’en plaindre. Prenez Will Jones par exemple. Un bon boulot à l’Académie historique, une jolie femme, une jolie gynoïde plus précisément, qui lui fait de bons petits plats, gère le ménage et ne dit jamais non à un petit câlin. Le bonheur ? Oui, jusqu’au jour où Will tombe sur un livre, puis un autre, et encore un autre. Et de les lire, poussé par la curiosité et soucieux de trouver des réponses aux questions qu’il se pose sur le monde, son monde, lisse et soi-disant heureux…

Dans cette dystopie prévue en trois volumes, les auteurs, Rodolphe et Griffo, nous rejouent quelque part le mythique SOS Bonheur avec un état providence qui veille scrupuleusement sur le bonheur de chacun, un bonheur officiel et illusoire, un miroir aux alouettes qui va finir par se briser et laisser apparaître sa véritable raison d’être. Deux albums parus, un troisième à paraître en septembre. (Utopie, tome 2/3, de Rodolphe et Griffo. Delcourt. 13,50€)

2779, quelque part dans l’espace confédéré. La jeune fugueuse Kristina parvient à rejoindre clandestinement la planète Drenn grâce au cartel des Cimes pour qui elle est censée travailler un mois. C’est le prix à payer pour ce voyage. Mais une fois sur place, les quatre semaines se sont transformées en six mois. Et la brutalité du Cartel ne laisse aucune marge de manœuvre. Alors, Kristina courbe l’échine un temps avant de se redresser, de gravir les échelons des mafias extraterrestres et d’en devenir la reine…

Spin off d’Orbital, une série de Runberg et Pellé, Outlaws nous embarque dans le monde des mafias galactiques en compagnie de la sœur de Caleb, héros d’Orbital. Le second volet vient de paraître ! (Les rivages de Midaluss, Outlaws (tome 2), de Runberg et Chabbert. Dupuis. 15,50€)

On termine avec une collection qui a vu le jour en mars dernier. Et ça tombe bien puisque l’un des deux premiers albums à paraître s’appelle Mars, La planète rouge, le second, Jupiter. Composée à terme de huit tomes, cette série s’offre comme un voyage d’étude à travers notre système solaire. Un album, une planète, et à chaque fois une fiction qui permet d’aborder la science de façon sérieuse grâce à la participation active de scientifiques experts à l’Observatoire de Paris – PSL. Quel est le diamètre de la planète rouge ? Peut-on trouver de l’eau à sa surface ? Quelle est la structure interne de Jupiter ? Quels sont ses satellites ? Autant de questions et plus encore qui trouvent réponses ici, à la fois dans la fiction et dans le dossier qui conclut chaque aventure. Et si vous souhaitez vraiment prendre de la distance avec la Terre et ses satanés Terriens sans vous ruiner, je vous conseille vivement cette collection… (Mars la planète rouge, de Lecigne et Bedouel. Glénat / Observatoire de Paris PSL. 15,50€)

Eric Guillaud

17 Juil

Pages d’été. 14 BD jeunesse à dévorer pendant les vacances

De l’action, de l’humour, de la magie, de l’histoire, du fantastique… voici une sélection de quatorze albums pour vous faire oublier la météo capricieuse. À lire sur la plage ou sous la couette…

On commence avec Lisou, le premier volet du diptyque baptisé Quand la nuit tombe de Marion Achard et Toni Galmès. Lisou est une grande tante de Marion Achard et ce récit est le sien. Lisou et sa grande sœur, Mylaine, de confession juive, ont connu la guerre, la débâcle, l’invasion allemande, les lois anti-juives et la fuite vers le sud de la France où elles trouvent un temps refuge avec leurs parents dans un chalet isolé. Mais les Allemands finissent par les dénicher, Mylaine est arrêtée, le reste de la petite famille parvient à fuir et à rejoindre la Suisse où ils attendront la Libération. Sans savoir ce qu’il est advenu de Mylaine… Quand la nuit tombe est un témoignage très fort sur ces années noires. Un témoignage de plus me direz-vous ? Oui et un témoignage aussi essentiel que les précédents, quand on sait que près de 20% des jeunes ne connaissent pas la Shoah, selon une récente étude OpinionWay. Un récit captivant et un dessin séduisant !(Quand la nuit tombe – Lisou, de Galmès et Achard. Delcourt. 19,99)

Cédric le retour ! 36 albums et 38 ans d’existence pour ce – toujours – gamin né d’une rencontre entre le regretté scénariste Raoul Cauvin, bien connu pour ses Tuniques Bleues, et le dessinateur Laudec. 36 albums, tous conçus sur le même principe de l’histoire courte, drôle et tendre, des aventures du quotidien qui, mine de rien, parlent de vous, de nous, de la famille, de la société, avec amour et fantaisie. Des millions d’albums vendus, un classique de la BD franco-belge aujourd’hui emmené par le seul Laudec. (Transports à risques, Cédric tome 36, de Laudec. Dupuis. 12,50€)

Vous avez aimé Raowl, histoire d’un prince pas vraiment charmant, super violent et vraiment moche, sauveur de princesses en détresse ? Alors vous aimerez La Méthode Raowl, une véritable bible pour tout savoir de la vie. Comment faire ses devoirs en trente secondes ? Comment devenir un bon méchant ? Comment plonger avec classe ? Comment acheter des chips pas chères ? Autant de questions fondamentales qui trouvent ici sous la plume et les pinceaux du génialissime Tébo des réponses pleines d’humour. Il y a du génie derrière tout ça ! (La Méthode Raowl tome 2, de Tebo. Dupuis. 12,50€)

Moon la chauve-souris, vanille la chouette, Bazil le grillon, Shadow l’araignée, Fog le corbeau, Snow et Winter les lapins, Honey le renard, Cotton le chat, sans oublier Urania la sorcière… Bienvenue dans l’univers de Barbara Canepa et sa série-concept faite pour sensibiliser les jeunes à la nature, à l’écologie. Un univers anthropomorphique de toute beauté mis en images pour ce premier volet par Florent Sacré, ex-directeur artistique d’Ubisoft, à l’origine des jeux vidéos Assassin’s Creed, Les Lapins crétins ou encore Rayman. C’est drôle, c’est beau, c’est tendre et c’est éducatif ! Au fil de l’histoire, les auteurs proposent de découvrir les secrets de la nature, des araignées aux betteraves en passant par une recette de grand-mère pour soigner les dents. Coup de cœur ! (Le Chant des grenouilles, de Canepa, Halard et Sacré. Editions Oxymore. 14,95€)

C’est l’histoire d’un OVNI, mais pas comme vous l’imaginez. Cet OVNI-là est un Organisme Vivace Non Identifié, un être humain en quelque sorte, mais un être humain un peu différent. Elle s’appelle Mitsuko, vit seule, ne parle pas ou peu, fait les poubelles du village, récupère des objets cassés, bref de quoi alimenter les interrogations, pour ne pas dire les ragots et les moqueries des habitants. C’est sûr, elle a un secret, se disent-ils. Et c’est vrai, elle a un secret, un secret bien gardé jusqu’au jour où elle décide de l’exposer au grand jour… Mitsuko est le neuvième volet des Contes des cœurs perdus et on s’en lasse pas, LoÏc Clément posant un regard toujours aussi tendre et sensible sur la vie, l’enfance, la nature, avec ici, cerise sur le gâteau, un magnifique dessin de l’illustratrice jeunesse Qin Leng.  (Mitsuko, Les Contes des cœurs perdus, de Clément et Leng. Delcourt. 11,50€)

Et de neuf pour la série Frnck. Une nouvelle fois, direction la préhistoire, non pas pour un cours d’histoire mais pour une aventure un peu dingo avec pour héros un gamin de 13 ans qui s’est retrouvé propulsé là en cherchant ses parents. Frnck, je sais, c’est difficile à prononcer mais vous pouvez l’appeler Franck, est un ado d’aujourd’hui, moderne, jean, baskets rouges au pied, du genre à avoir tout le temps le nez sur les écrans. Sauf que là, dans la préhistoire, il n’y a pas de réseau, pas d’internet, pas de Facebook, pas de TikTok… mais des bestioles monstrueuses en pagaille, des hommes poilus qui mangent les voyelles et de jolies filles. Toujours aussi poilant ! (Apocalypse, Frnck tome 9, de Cossu et Bocquet, Dupuis, 12,50€)

Unique survivant d’un terrible accident de la route qui a couté la vie à ses parents et peut-être à sa sœur qui reste depuis lors introuvable, Thomas a été placé dans un foyer pour ados où il tente tant bien que mal de surmonter le traumatisme. Toujours affublé d’un casque à cornes qui lui vaut son surnom de Torot, Thomas se réfugie dans un premier temps dans sa bulle, ne s’exprimant que par quelques rots, jusqu’au jour où il évoque à ses camarades de foyer un monde secret, le Royaume de Tiketone, et les cinq reliques qui en permettraient l’accès. Avec ses amis, Eliott, Florian, Marianne, Robin et Virgile, Thomas se lance dans la quête de ces reliques… Une aventure fantastique qui nous plonge dans le monde l’enfance et ses traumas, un livre conçu, selon l’autrice Mélissa Morin, comme « un réconfort pour ceux qui se sentent isolés, pas à leur place, victimes d’humiliations, de petites blessures ».   (Les reliques des morts vivants, Les Royaumes de Tiketone (tome 1), de Morin. Casterman. 19€)

Ils auraient pu nous raconter les aventures des Preux, cinq héros aux super-pouvoirs lancés dans une lutte sans merci contre tous les brigands et les monstres du royaume ! Ils auraient pu, oui, mais les auteurs de cette BD ont finalement préféré s’intéresser à leurs apprentis, des héros pas vraiment finis, pas vraiment prêts à affronter l’adversité et qui se lanceront malgré tout dans une incroyable aventure, à la recherche de leurs maîtres mystérieusement disparus. De quoi nous promettre une belle partie de rigolade en mode Fantasy ! (Les Apprentis, Du miel et des cailloux, de Gay et Boiscommun. Drakoo. 18,90€)

Et hop, 30 ans, tout rond, oui 30 ans que Midam nous fait marrer avec les gags sur une ou deux pages de son Kid Paddle. 30 ans, 12 millions d’albums vendus, des adaptations en série animée, en jeux vidéo, en jeux de cartes, une multitude de produits dérivés et bientôt une exposition au musée de la BD à Angoulême. Bref, Kid Paddle est un vrai phénomène éditorial. Pourquoi un tel succès ? Tout simplement parce que l’auteur, Michel Ledent, aka Midam, a su créer un personnage d’aujourd’hui, passionné de jeux vidéo et de monstres en tout genre, souvent gluants et visqueux. Pour fêter cet anniversaire dignement, les éditions Dupuis nous offrent un deuxième tome de Kid Paddle Best-of, une sélection des meilleurs gags savoureusement gores. (Jurassic Paddle, Kid Paddle Best-of tome 2, de Midam, Dupuis. 12,50€)

Et si ça ne vous suffit pas, les mêmes éditions Dupuis ont publié deux ouvrages autour de la série, Midam L’art du gag, un très long entretien largement illustré dans lequel l’auteur revient sur sa méthode de travail, ses personnages, la mécanique du gag, ses influences… et Les Modèles mathématiques de Midam, un étrange bouquin signé par le Mathématicien Daniel Justens où il est question d’arithmétique, de paradoxe de Zénon, de conception poppérienne, des équations d’Einstein et autres joyeusetés du genre, le tout à la lumière des aventures de Kid Paddle… Il fallait oser ! Pour les amoureux des maths ! (Midam, L’art du gag et Les Modèles mathématiques de Midam. Dupuis. 25€ l’album)

Depuis que son grand-père l’a emmené voir Superman au cinéma pour son anniversaire, Xavier ne vit plus que par et pour les super-héros. Au point de se croire lui-même doté du pouvoir de voler et d’envisager de le vérifier en se jetant par la fenêtre de l’appartement. L’intervention de son père évite le drame mais Xavier ne s’arrête pas là. Grâce à son imagination débordante, le petit garçon s’invente des histoires qui lui permettent d’échapper un moment à son quotidien, d’oublier la sévérité de son père et surtout le harcèlement dont il est victime à l’école. Une histoire aux thématiques actuelles emmenée par un dessin moderne. (Invulnérable, de Damián, Sanz et Ceballos. Bamboo Édition. 16,90€)

Avec Le Métier le plus dangereux du monde, les auteurs souhaitaient explorer le monde des super-héros avec un côté social et un contexte ordinaire. De fait, leurs deux héros, Ziad et Louna, sont issus d’un milieu populaire et qui plus-est d’une famille issue elle-même de l’immigration ! L’idée est simple : dans un monde légèrement futuriste avec des super-héros à gogo, plus préoccupés par leur image sur les réseaux sociaux que par le sort de la veuve et l’orphelin, Louna et Ziad se mettent à rêver eux aussi de super-pouvoirs. Le costume sera-t-il à leur taille ? Rien n’est moins sûr ! (Le Métier le plus dangereux du monde, tome 2 de Bocquet et Lai. Dupuis. 12,95€)

Alexandra a une passion : le football. Et pas devant son petit écran. Non, pour elle, ça se joue sur un terrain, celui de son village, Angebois de la Source. Avec une spécialité que beaucoup lui envient : le dribble et notamment la technique du grand pont. Tout le monde l’admire, ses adversaires la respectent, de quoi rêver d’un bel avenir footballistique. Jusqu’au jour où, dans un accident de la circulation, Alexandra perd une jambe. Terminé le football ? Pas vraiment. Après le choc et la rééducation, Alexandra ne s’avoue pas vaincue. Retour sur le terrain… Une belle histoire, une leçon de vie, qui aborde le handicap avec beaucoup d’humanité et d’humour. (Remise en jeu, Balle au pied tome 1, de Lylian et Lesdeuxpareilles. Glénat. 12,50€)

Yoko Tsuno, le retour ! 54 ans d’aventures, 31 albums, mais toujours pas une ride, pas un cheveu blanc, pas un petit bourrelet, Yoko fait partie de ces héros et de ces héroïnes qui ne vieillissent pas, aussi intemporelle qu’universelle. Et c’est un nouveau voyage dans le temps que nous propose L’Aigle des Highlands, un retour vers le XIIIe siècle où la belle électronicienne japonaise va tenter de lever un mystère autour de l’abbaye de Loch Castle et de l’existence d’un animal satanique. Un grand classique des éditions Dupuis !(Anges et Faucons, Yoko Tsuno tome 29, de Leloup. Dupuis. 10,95€)

Eric Guillaud

Budule : une nouvelle plateforme pour vendre et acheter des BD entre particuliers

Tous les amateurs de bande dessinée vous le diront, leur passion remplit les étagères et vide les portefeuilles. Une quadrature du cercle mise à mal par l’émergence des sites de vente en ligne et notamment Budule, une plateforme conçue à Nantes et spécialement dédiée au neuvième art.

Wilhem Vandyck, créateur de la plateforme Budule © France 3 Pays de la Loire / Eric Guillaud

Wilhem Vandyck a la bande dessinée dans le sang. Dans le sang et un peu partout dans sa maison ! Des chambres au salon, plus de 4000 albums attendent sagement sur leurs étagères d’être lus ou relus. Alors forcément, au fil des ans et des nouvelles acquisitions, la question de tous les garder s’est inévitablement posée. Une véritable « lutte des places », s’amuse aujourd’hui Wilhem.

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08 Juin

80ᵉ anniversaire du massacre d’Oradour-sur-Glane : une BD pour se souvenir !

Tous ceux qui ont visité Oradour-sur-Glane vous le diront : impossible d’en revenir intact ! Au milieu des ruines de ce bourg limousin, règne depuis précisément 80 ans un silence comme nulle part ailleurs, un silence lourd de larmes et de sang. Retour sur un acte de barbarie figé pour l’éternité…

Nous sommes le 10 juin 1944. Le débarquement des Alliés en Normandie a surpris les Allemands par son lieu et son ampleur, celui en Provence se prépare.

Appelée à rejoindre le nouveau front ouvert par les Alliés, la division Waffen SS Das Reich remonte vers la Normandie en semant l’horreur sur son passage, à Tulle tout d’abord, où 99 hommes furent pendus, puis à Oradour-sur-Glane.

Dans ce bourg relié par le tramway à Limoges, jusqu’ici à bonne distance des violences de la guerre, 643 morts, des hommes, des femmes et des enfants, meurent sous les balles ou dans les brasiers allumés par les Allemands, faisant d’Oradour-sur-Glane un village martyr dont les ruines sont aujourd’hui visitées par 300 000 personnes chaque année.

© Eric Guillaud

C’est cette histoire que raconte Oradour, L’Innocence assassinée, une bande dessinée de Jean-François Miniac pour le scénario, Bruno Marivain pour le dessin et Cerise pour les couleurs. Par la volonté et avec l’aide du dernier rescapé, Robert Hébras, malheureusement décédé le 11 février 2023, les auteurs reconstituent ici le déroulé de cette terrible journée. Avec une ambition forte et aujourd’hui plus que nécessaire : la transmission de la mémoire aux jeunes générations.

© Eric Guillaud

Réticente jusqu’ici à utiliser la bande dessinée comme médium de transmission, l’Association nationale des Familles des Martyrs d’Oradour-sur-Glane a finalement accepté et accompagné ce projet qui a obtenu la labellisation « 80 ans de la Libération », un gage de sérieux.

© Eric Guillaud

Et de fait, l’album Oradour, L’Innocence assassinée a été réalisé avec une grande rigueur documentaire dans le déroulement des faits, une grande pudeur dans la représentation de l’horreur et un grand respect pour toutes les victimes de ce qui reste comme le plus grand massacre de civils perpétré par les nazis.

Côté graphisme, Bruno Marivain, qui a déjà signé plusieurs ouvrages sur cette sombre période (Normandie Juin 44, Julia von Kleist…) signe ici une belle mise en images, réaliste, sobre et bougrement efficace. Un dossier historique d’une dizaine de pages réunissant photos et documents accompagne judicieusement le récit.

Eric Guillaud

Oradour, L’Innocence assassinée, de Miniac, Marivain et Cerise. Editions Anspach. 20€

© Anspach / Miniac, Marivain & Cerise

03 Juin

INTERVIEW. « Je suis hanté par les mêmes obsessions depuis bien longtemps », rencontre avec Fabien Vehlmann, un scénariste BD qui met le monde en fiction

Spirou et Fantasio, Le Dernier Atlas, Seuls, Green Manor… son imaginaire n’a semble-t-il aucune limite, sa volonté de gratter la surface des choses non plus, le scénariste nantais Fabien Vehlmann revient avec trois albums d’un coup, l’occasion d’échanger avec lui sur son approche de l’écriture, ce qui l’inspire ou l’obsède, ses projets…

Fabien Vehlmann et ses derniers livres • © Rita Scaglia (photo Fabien Vehlmann)

Nous l’avons rencontré en 2014 pour la 54ᵉ aventure de Spirou et Fantasio, en 2019 pour Le Dernier Atlas, en 2020 pour Supergroom. Bien sûr, sa biographie ne s’arrête pas là. Loin de là. Il est également le scénariste de la série à succès Seuls, portée au cinéma par David Moreau, de Paco les mains rouges, de Samedi et Dimanche, du Marquis d’Anaon, de Green Manor, de L’Herbier sauvage et de tant d’autres.

Une bonne soixantaine de livres au total dans des genres très différents. Et pas mal de récompenses, notamment le prestigieux Prix René-Gosciny 2020 qu’il partage avec Gwen de Bonneval pour Le Dernier Atlas. Bref, de quoi donner le tournis. Comment passe-t-on d’un univers à l’autre sans y laisser quelques neurones ? C’est la première question que nous lui avons posée…

La suite ici

31 Mai

Eerie Et Creepy présentent Alex Toth : tapis rouge pour un maître de la BD d’horreur des années 70

Après Richard Corben et Bernie Wrightson, le dessinateur américain Alex Toth a droit, à son tour, à une rétrospective de toutes ses histoires réalisées pour la crème de la crème des magazines d’horreur des années 60 et 70.

Vous connaissez sûrement son trait mais peut-être pas son nom. Comme cela a été très bien dit par le créateur de Métal Hurlant et des Humanoïdes Associés lui-même Jean-Pierre Dionnet, Alex Toth était « le dessinateur préféré des autres dessinateurs ». Dixit la biographie assez conséquente que l’on peut retrouver dans la présente édition en appendice, il avait également ses humeurs et a fait pas mal d’aller-retour entre plusieurs maisons d’édition, mais aussi entre la bande dessinée et la télévision. Une grande gueule comme on dit. Mais aussi un grand artiste, spécialiste reconnu d’un noir et blanc stylisé et dauphin quasi-officiel du grand Milton Caniff, le créateur de Terry Et Les Pirates et Steve Canyon.

© Delirium / Alex Toth

Or justement, même si Toth s’est essayé dans sa carrière à pas mal de styles différents (même le dessin animé pour enfant avec Le Fantôme De L’Espace !), c’est peut-être dans le registre horreur et fantastique que son trait tout en nuance, où l’ombre a autant d’importance la lumière, qu’il a fait briller le mieux. Les deux magazines phares de l’écurie Warren Publishings Eerie et Creepy étaient à ce propos taillés sur mesure pour lui : là, aux côtés d’illustres collègues comme Frank Frazetta, Richard Corben ou Ken Kelly, il a pu laisser parler son goût pour le macabre et les ambiances gothiques à la Edgar Allan Poe.

© Delirium / Alex Toth

L’intégralité des vingt-et-un histoires réalisées pour le compte de ces deux mythiques revues, et publiées entre 1965 et 1982, est pour la première fois compilées en français ici. Si celles scénarisées par LA star de Creepy et Eerie Archie Goodwin restent assez classiques (mais réussies) dans leur construction, d’autres sont de véritables œuvres d’art, notamment dans leur découpage reflétant la claustrophobie des personnages (Pris Au Piège ! digne d’un très bon épisode de La Quatrième Dimension) ou cette subtile façon de suggérer l’immutable plutôt que de le montrer. Surtout que Toth aime les détails, ces regards effrayés qui en disent long ou ces ombres portées menaçantes…

© Delirium / Alex Toth

Quant la plus longue histoire du lot, la mini-saga du Hachoir, c’est un véritable script détaillé de slasher (type de film d’horreur prédéfini où un tueur sans pitié accumule les victimes, à la Vendredi 13) mais dans un cadre victorien où, derrière le raffinement et la fortune, se cache la pire des perversités.

Olivier Badin

Eerie Et Creepy Présentent Alex Toth. Delerium. 25€

27 Mai

La baie des Cochons : une nouvelle aventure explosive de Spirou et Fantasio

Entre la série mère, les hors-séries, et maintenant la série classique, il y a de quoi s’y perdre mais on ne va pas bouder notre plaisir de retrouver les légendaires héros des éditions Dupuis dans une nouvelle aventure qui nous entraîne cette fois-ci à Cuba…

Alors que nous attendons toujours la suite de La Mort de Spirou, cinquante-sixième album de la série mère signé Olivier Schwartz, Benjamin Abitan et Sophie Guerrive, c’est un deuxième album de la série classique qui sort en ce mois de mai 2024. La baie des Cochons, tel est son nom, se déroule dans le Cuba du tout début des années 60, Fidel Castro s’apprête à prononcer son fameux discours historique au siège des Nations Unies et les États-Unis, un peu plus tard, à débarquer dans la baie des Cochons.

Voilà pour le contexte historique ! Côté fiction, Elric au dessin et au scénario, Clément Lemoine et Michaël Baril au scénario, imaginent une pure comédie autour de Castro, du Che Guevara et de nos intrépides Spirou, Fantasio et Seccotine, envoyés pour les deux premiers couvrir le discours à l’ONU tandis que la dernière est chargée de réaliser un reportage sur la Révolution à La Havane. Bien évidemment, rien ne se passera comme prévu, les agents de la CIA, les révolutionnaires et contre-révolutionnaires s’invitant à la fête dans un joyeux désordre bourré d’action et d’humour.

Deux autres titres sont d’ores et déjà annoncés dans cette collection dite classique, Zorgrad avec le même trio d’auteurs et Le Trésor de San Inferno avec Tarrin et un certain Lewis Trondheim.

Eric Guillaud

La baie des Cochons, Les aventures de Spirou et Fantasio, de Baril, Lemoine et Elric. Dupuis. 12,95€

© Dupuis / Elric, Lemoine & Baril

25 Mai

Les Tribulations de Félix Mogo : un désir d’ailleurs signé Christian Cailleaux

Auteur-voyageur, Christian Cailleaux appartient au paysage comme dirait Bernard Lavilliers. Un jour ici, un jour là, à découvrir d’autres cultures, d’autres peuples, chaque retour au pays étant l’occasion de publier une aventure bien évidemment inspirée par ses périples. Comme ce recueil, Les Tribulations de Félix Mogo, qui réunit quatre récits épuisés depuis longtemps…

Publiés initialement aux éditions Treize Étrange entre 1998 et 2007, Harmattan le vent des fous, Le Café du voyageur, Le Troisième thé et Tchaï Masala sont réunis ici dans un format légèrement supérieur à l’original et sous pavillon Glénat, Treize Étrange n’étant plus qu’une collection de l’éditeur. Un beau petit livre de plus de 600 pages à la couverture de couleur vert amande qui nous permet de replonger dans l’univers de Christian Cailleaux, un dessin proche de la ligne claire, épuré, élégant, et des histoires qui nous emmènent en voyage vers des horizons lointains.

Fou de littérature et voyageur infatigable, Christian Cailleaux a toujours aimé aller à contre-sens de l’histoire, proposer des récits ambitieux, très littéraires, qui se déroulent avec une certaine lenteur et économie de mots, le tout avec une seule volonté affichée : raconter le monde.

L’Afrique, les Indes, l’exotisme, l’aventure, le mystère, l’amour, le voyage… Christian Cailleaux explore le monde et ses sentiments depuis une trentaine d’années maintenant. Il a récemment dessiné Le Flèche ardente, une suite au Rayon U d’Edgar P. Jacobs, signée Jean Van Hamme pour le scénario.

Eric Guillaud

Les Tribulations de Félix Mogo, de Cailleaux. Glénat. 35€

© Glénat / Cailleaux