inconnue jusqu’ici dans le monde de la bande dessinée, mais déjà reconnue dans les domaines de l’illustration et de l’animation, Sixtine Dano aborde pour son premier roman graphique un phénomène de société qui touche les plus précaires : la prostitution étudiante.
Même s’il n’existe pas vraiment d’étude sur le sujet au niveau national, on estime le nombre d’étudiants et d’étudiantes se prostituant en France à plusieurs dizaines de milliers. Un véritable fléau qui touche bien évidemment les plus précaires et serait aujourd’hui facilité, comme l’expliquait Libération dans un article paru en novembre 2024, par l’explosion des plateformes prostituantes.
C’est justement par l’intermédiaire d’une de ces plateformes que Raphaëlle, l’héroïne de Sixtine Dano, met un pied – et pas seulement – dans le monde de la prostitution. Tout juste débarquée à Paris pour des études en Archi, la jeune femme prend rapidement conscience du cout élevé de la vie. Est-ce la promesse d’un peu d’argent ou bien la curiosité, Raphaëlle finit par accepter de rencontrer un homme beaucoup plus âgé qu’elle.
Sur la plateforme, elle se fait appeler Sibylline et ne cache pas ses prétentions :
« Étudiante, j’aime l’art, je suis ouverte, naturelle et curieuse. Je cherche à financer mes études tout en m’amusant »
C’est dit ! Mais pas si facile à faire. Raphaëlle enchaîne les cours, les nuits blanches à peaufiner ses maquettes ou à faire la fête avec son amie Leïla, le tout entrecoupé d’aventures amoureuses et de passes d’un soir…
Librement inspiré de témoignages recueillis par l’autrice, notamment auprès de jeunes femmes ayant débuté dans le sexe tarifé dès l’âge de 15 ou 17 ans, Sibylline évite toute caricature pour livrer un récit subtil, sensible et empreint de bienveillance. Sans jugement, mais avec acuité, l’album met en lumière le poids du patriarcat dans notre société et surtout la précarité qui pousse certains étudiants et étudiantes, parfois encore mineurs, vers la prostitution. Si celle-ci est légale en France, rappelle Sixtine Dano en postface, le cas des mineurs est une exception : leur prostitution est interdite, et les clients encourent des amendes de plusieurs milliers d’euros ainsi que des peines de prison.
Subtil dans le propos, subtil dans le trait, Sibylline est une petite douceur graphique réalisée à l’encre et au fusain. Un premier album qui en appelle d’autres !
Eric Guillaud
Sibylline, Chroniques d’une escort girl, de Sixtine Dano Glénat. 22,50€