07 Mai

Miles Davis et la quête du son ou comment révolutionner le jazz à tout prix

Au dos de ce bel ouvrage, on retrouve en exergue cette citation de Miles Davis lui-même : « Je vois des couleurs et des choses quand je joue ». Un bon résumé de ce qui fait la force de cette biographie documentée et sérieuse, mais assez convenue, de l’un des plus grands trompettistes de l’histoire du jazz et pionnier infatigable.

Dans l’absolu, Miles Davis Et La Quête Du Son suit les rails balisés d’une biographie classique, en prenant comme point de départ la paralysie partielle dont le musicien a été victime en 1982 suite à un infarctus qui l’a poussé à se tourner vers le dessin pour rééduquer sa main droite. À partir de ce moment clef où, après des années de succès mais également d’abus en tous genres, Davis a failli perdre l’usage de l’une de ses mains et donc voir sa carrière se terminer, on suit chronologiquement l’histoire de cet enfant élevé en Arkansas par des parents aimants arrivant à dix-huit ans à New York en 1944 pour s‘inscrire à la prestigieuse école Julliard pour étudier la musique. 

L’introduction étant signée par Erin Davis, le dernier de ses fils qui gère désormais son héritage et son image, on sait d’entrée que le ton restera révérencieux. Sa part d’ombre n’est pas pourtant totalement occultée, notamment ses relations conflictuelles avec les nombreuses femmes de sa vie ou sa nature obsessionnelle. Mais c’est justement cette obsession à trouver ce qu’il nomme LE son qui reste au centre du récit, cette façon qu’il avait invariablement de se réinventer tous les trois ou quatre ans, quitte à laisser sur le bas-côté ses fidèles collaborateurs ou ses fans.

C’est dans ces moments-là que ce roman graphique, revendiqué tel quel, prend toute son ampleur, dans ses pleines pages où le corps même du trompettiste prend toute la place et s’étire au milieu parfois de couleurs explosives, Dave Chisholm réussissant alors à retranscrire toute la flamboyance et la volatilité de ce génie tyrannique.

Après, en tant que trompettiste lui-même, déjà auteur d’une bande dessinée sur l’idole de Davis Charlie ‘Bird’ Parker, celui qui cumule ici les rôles de dessinateur, scénariste et coloriste se laisse parfois trop emporter par son sujet. Donc autant cette litanie de featuring prestigieux (Dizzy Gillespie, Bird, Duke Ellington, John Coltrane etc.) et de précisions techniques sur la grammaire musicale ravira les fans les plus lettrés, autant elle risque de rebuter les auditeurs occasionnels venus peut-être chercher un propos plus accessible et pédagogue.

Olivier Badin

 Miles Davis et la quête du son, de Dave Chisholm. 23€. Glénat