31 Oct

Quartier lointain : le chef-d’œuvre de Jirô Taniguchi édité pour la première fois en sens de lecture japonais

Après L’Homme qui marche et Le Journal de mon père, les éditions Casterman poursuivent la réédition des ouvrages de Jirô Taniguchi en sens de lecture original avec cette fois le chef-d’œuvre absolu Quartier lointain

Quartier lointain n’a pas été le premier ouvrage de Jirô Taniguchi traduit en français mais c’est assurément le plus connu du grand public, le plus vendu aussi avec 500.000 exemplaires écoulés en 20 ans. Sorti initialement en deux volumes, à la fin des années 90 au Japon, au début des années 2000 en France, ce manga a remporté un succès public immédiat récompensé par de nombreux prix dont l’Alph-art du meilleur scénario au festival d’Angoulême en 2003. Il a par ailleurs été adapté au théâtre en 2009 et au cinéma en 2010.

© Casterman / Taniguchi

Alors pourquoi cette nouvelle édition ? Et que peut-elle apporter ? C’est peut-être un détail pour vous mais pour les amoureux du maître, les amoureux du manga en général, c’est déjà beaucoup. Même si, fondamentalement, ça ne change rien !

Réponse de normand donc mais c’est bel et bien la réalité.

C’est en effet la première fois que ce manga est édité en sens de lecture original. Lors de sa sortie en France il y a 20 ans, Taniguchi était identifié comme un auteur BD plus qu’un auteur spécifiquement manga, c’est ce qui a d’ailleurs permis son succès, rappelait l’éditeur Wladimir Labaere à l’occasion de la sortie des deux premiers titres de la collection en 2021. 

© Casterman / Taniguchi

Les lecteurs habituels de mangas retrouveront ici le plaisir de la lecture à la japonaise, les autres apprécieront le travail fait autour du livre et notamment de cette couverture couleur carton. Dans le détail, chacun des titres de la collection bénéficie d’un nouveau scan des planches originales, d’une révision de la traduction et parfois de planches ou illustrations inédites.

© Casterman / Taniguchi

Pour les réfractaires au sens de lecture japonais, pas de souci, la collection habituelle ne va pas disparaître, bien au contraire, l’idée pour l’éditeur étant de faire vivre cette œuvre auprès du public le plus large.

Reste l’histoire, bien évidemment inchangée, à la fois intime et universelle, poétique et réaliste, celle d’un homme qui au retour d’un voyage d’affaires, retrouve son corps d’adolescent et son passé avec peut-être la possibilité de changer le cours des choses et surtout de poser un regard d’adulte sur sa jeunesse, son histoire…

Eric Guillaud

Quartier lointain, de Taniguchi. Casterman. 24€

28 Oct

Utopiales 2022 : quinze BD de science-fiction pour se mettre dans le bain

Le Festival international de science-fiction se tient à partir de demain samedi 29 octobre et jusqu’au mardi 1er novembre à Nantes. Des centaines de chercheurs et d’auteurs, des milliers de visiteurs sont attendus pour débattre, imaginer, penser, l’avenir autour cette année de la thématique Limite(s). Histoire de se mettre dans l’ambiance, voici déjà une quinzaine de bandes dessinées de science-fiction parues en 2022 et pour certaines en lice pour le Prix Utopiales BD 2022…

1/ Bug général

Imaginez un monde où tous les réseaux sociaux, tous les disques durs du plus gros serveur à la plus petite clé USB, toutes les données, toutes les archives, toute la mémoire du monde, ont disparu. Comme ça, d’un coup. C’est l’histoire de Bug, un récit d’Enki Bilal dont le troisième volet vient de sortir. Un Bug Numérique Généralisé avec une conséquence directe et immédiate :  l’humanité est dans la merde ! Oui, dans la merde, avec la résurgence de figures et d’idéologies du passé, celles qui ont mis à feu et à sang notre planète au XXe siècle. Et dans cette merde, Kameron Obb, unique survivant d’une mission sur Mars, navigue à vue, tant il est l’objet de toutes les convoitises pour avoir développé une hypermnésie singulière, comme si toutes les données numériques, toute la mémoire du monde avaient migré dans son cerveau. Une série incontournable !

> Bug tome 3, de Bilal. Casterman. 18€

2/ Robot mon amour

Pièce de théâtre écrite en 1920 par l’auteur tchécoslovaque Karel Čapek, R.U.R. revient à la lumière un siècle plus tard grâce au talent de la jeune Tchèque Katerina Cupová qui en offre une bluffante adaptation BD aux éditions Glénat, un beau bouquin écrit par une humaine pour des humains… La suite ici

> R.U.R., de Katerina Cupova d’après l’oeuvre de Karel Capek. Editions Glénat. 25€

3/ Aventure intergalactique

Ils nous avaient emmenés dans un monde à la Jules Verne avec Le Voyage extraordinaire, Silvio Camboni et Denis-Pierre Filippi sont de retour avec Prima Spatia, de la SF de haut vol mettant en scène une jeune fille de 17 ans, Alba, cloitrée pour sa sécurité sur un astéroïde privé, loin de tout, loin même de ses parents, jusqu’au jour où elle est enlevée et se retrouve, elle et sa gouvernante, à errer pendant des mois à travers l’espace avant d’être finalement recueillie à bord de La Flèche, un navire cosmique conçu pour chasser les créatures stellaires… Dès les premières pages de ce volet d’ouverture, le ton est donné, Prima Spatia fait dans la grande aventure intergalactique tendance space opera avec un dessin, des couleurs, une galerie de personnages de toute beauté et un scénario relativement classique mais malin, glissant ici et là quelques problématiques contemporaines. Et que dire de ces créatures stellaires, aussi belles qu’inquiétantes ? À suivre…

> Prima Spatia (tome 1), L’Héritière, de Camboni et Filippi. Vents d’Ouest. 14,95€

4/ Thriller fantastique

Une banlieue triste, des adolescents incompris par leurs parents, et qui s’ennuient, une entreprise opaque cachant manifestement des choses, des rumeurs parlant de monstres aperçus ici et là… Le pitch d’un film fantastique des années 80 ou d’un épisode de la série Stranger Things ? En partie. Sauf qu’Immonde ! (oui, avec un point d’exclamation) va beaucoup plus loin que ça… La suite ici

> Immonde!, d’Elizabeth Holleville. Glénat. 22,50€

5/ Mafia spatiale 

2779, quelque part dans l’espace confédéré. La jeune fugueuse Kristina parvient à rejoindre clandestinement la planète Drenn grâce au cartel des Cimes pour qui elle est censée travailler un mois. C’est le prix à payer pour ce voyage. Mais une fois sur place, les quatre semaines se sont transformées en six mois. Et la brutalité du Cartel ne laisse aucune marge de manœuvre. Alors, Kristina plie l’échine un temps avant de se relever, de gravir les échelons des mafias extraterrestres et d’en devenir la reine… Spin off d’Orbital, une série de Runberg et Pellé, Outlaws nous embarque dans le monde des mafias galactiques en compagnie de la soeur de Caleb, héros d’Orbital. Un premier volet prometteur !

> Outlaws (tome 1), Le Cartel des Cimes, de Runberg et Chabbert. Dupuis. 14,95€

6/ Téléréalité martienne

Inspiré à la fois par la conquête spatiale et le poids de l’image dans notre société contemporaine, Phobos propose une épopée spatiale à forte dose de romance mais aussi de critique sociétale. Aux manettes de cette adaptation du best-seller de Victor Dixen, Victor Dixen lui-même pour le scénario et Eduardo Francisco pour le dessin. L’histoire ? Cap Canaveral a été racheté par Atlas Capital et sert dorénavant de base de lancement à une émission de télé-réalité, Genesis, dont le principe est simple : six filles et six garçons dans le même vaisseau, six minutes chaque semaine pour se rencontrer et plus si affinité, l’éternité pour créer la première colonie sur Mars. Et tant pis si tout ne se passe pas comme annoncé…

> Phobos tome 2, de Francisco et Dixen. Glénat. 16,90€

7/ Vertigineux 

On sait combien la vie tient parfois à un fil, dans cet album elle tiendrait plutôt à une pensée. Manel Naher est une jeune femme ordinaire, un peu trop peut-être, qui passe son temps à dénicher des récits d’aventure dans une vieille librairie pour s’évader du monde dans lequel elle vit, une espèce de mégalopole où chacun doit se battre contre l’anonymat en affichant son nom telle une publicité… La suite ici

> Le Grand vide, de Léa Murawiek. Éditions 2024. 25€

8/ Virtuellement vôtre

Bolchoi Arena le retour. Les auteurs Boulet et Aseyn nous embarquent toujours aussi habilement dans l’univers du monde virtuel. Les premières pages du premier volet paru en septembre 2018 sont à cet égard assez bluffantes, déstabilisantes, le lecteur ne sachant plus très bien sur quel niveau d’imaginaire il se trouve. Dans un futur proche, internet n’est plus. Mais pas de panique les geeks, le réseau mondial de réalité virtuelle, le Bolchoi, tel est son nom, l’a remplacé offrant des possibilités beaucoup plus infinies. Vous rêviez d’explorer l’espace aux commandes de votre propre vaisseau spatial ? Le Bolchoi vous le permet et sans bouger de votre canapé. Marje, jeune étudiante en astrophysique va y goûter et ne jamais s’en remettre. Une histoire bien ficelée, un trait léger, des couleurs pastel et une belle présentation avec jaquette transparente en rhodoïd. Le tome 3 est sorti en janvier de cette année. On attend la suite avec impatience. En attendant, vous pouvez explorer l’univers avec les bonus en réalité augmentée sur l’application Delcourt Soleil +.

> Bolchoi Arena tome 3, Révolutions, de Boulet et Aseyn. Delcourt. 23,95€

9/ Rencontres du troisième type

Dans un style très différent des autres albums présentés dans cette chronique voici Space connexion, de ElDiablo et Romain Baudy, une anthologie en deux tomes qui se propose de revisiter les codes de la science-fiction pulp, autrement dit de ces récits qu’on trouvait dans des petits magazines ou livres bon marchés édités au début du XXe siècle. Hommage appuyé à ce genre de littérature ou tentative de le remettre au goût du jour, les auteurs signent ici une petites dizaine d’histoires courtes nerveuses et franchement drôles avec pour point commun la rencontre entre des extra-terrestres bienfaiteurs et des Terriens un brin stupides.

> Space Connexion tome 2, de Eldiablo et Baudy. Glénat. 15,50€

10/ Monde vertical

2072. L’humanité a été décimée par une bactérie. Seuls 2746 hommes et femmes ont survécu, entassés dans une tour gigantesque du côté de Bruxelles, une tour indestructible, gérée par une intelligence artificielle et conçue pour être en totale autonomie alimentaire et énergétique. Mais, la vieille dame de 80 étages et de 30 ans d’âge commence à grincer de part et d’autre. À l’extérieur, le monde urbain est envahi par la végétation et les animaux sauvages. À l’intérieur, des tensions naissent entre les « anciens » qui ont connu le monde avant la bactérie et les « intrus » nés dans la tour et pas franchement prêts à accepter les règles imposées par leurs ainés. Des tensions exacerbées par l’explosion d’une serre et la perte d’un tiers de la production agricole… Pour ceux qui aiment les récits SF post-apocalyptiques dans le sillage du mythique Transperceneige

> La Tour, de Kounen, Mr Fab et Ladgham. Comix Buro / Glénat. 15,50€

11/ Entre mythe et réalité

René.e aux bois dormants est un magnifique album de 272 pages signé Elene Usdin, artiste française qui a débuté comme peintre pour le cinéma et illustratrice de presse et de livres jeunesse. René.e est son premier roman graphique… La suite ici 

> René.e aux bois dormants, d’Elene Usdin. Sarbacane. 29,50€

12/ L’illusion du bonheur

Aussi étonnant que celui puisse paraître, jamais Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley n’avait été adapté en bande dessinée. C’est chose faite et bien faite depuis cet automne avec ce roman graphique de Fred Fordham publié par Philéas, une maison d’édition spécialisée dans les adaptations en BD d’oeuvres cultes. Et pour être culte, Le Meilleur des mondes l’est assurément. Publié en 1932, cette dystopie « heureuse » comme la qualifie très justement Fred Fordham nous offre une vision cauchemardesque du futur avec un monde contrôlé et asservi par le confort. Du pain et des jeux, en somme, pour une parfaite illusion du bonheur ! Si le roman est toujours très actuel, son adaptation le projette définitivement dans le XXIe siècle avec un trait précis traité numériquement, une proposition visuelle très convaincante.

> Le Meilleur des mondes, de Fred Fordham d’après le roman d’Aldols Huxley. Philéas. 21,90€

13/ En plein rêve

Après Centaurus et Europa, les auteurs Leo et Rodolphe poursuivent leur exploration du futur avec le premier volet d’une série tout simplement baptisée Demain. Pas de voyage dans l’espace pour le moment mais un va et vient entre deux périodes, les années 50 d’un côté et un futur proche post-apocalyptique de l’autre, avec à chaque période son adolescent, Jo dans le passé et Fleur dans le futur. Rien ne les réunit pour le moment, rien sauf leurs rêves respectifs. Un premier album très mystérieux qui ouvre agréablement l’appétit. À suivre…  

> Demain Acte 1, de Leo, Rodolphe et Alloing. Delcourt. 13,50€

14/ L’avenir est ailleurs

Colonisation nous embarque dans un futur où l’homme a dû quitter la Terre surpeuplée pour coloniser d’autres planètes. Un exode de masse à bord d’une multitude de vaisseaux spatiaux dont certains se sont perdus dans l’immensité de l’espace et sont sujets à des pillages. Retrouver ces vaisseaux, c’est précisément la mission de Milla Aygon et de son équipe, une mission dangereuse qui les entraîne dans des recoins inhospitaliers de l’univers. Un scénario captivant, une mise en images sublime, toute en finesse et dynamisme, une très bonne série dont le 6e volume est sorti en février !  

> Colonisation tome 6, Unité Shadow, de Filippi et Cucca. Glénat.14,50€

15/ Retour sur le passé

On termine avec une réédition et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit de l’album Métamorphoses initialement publié en 2007 chez Casterman et reprenant trois récits parmi les premiers de François Schuiten et Claude Renard : Aux Médianes de Cymbiola entièrement réalisé au crayon, L’Express qui était à l’origine un portfolio, et le récit de SF Le Rail d’une éblouissante modernité. Trois récits, autant de facettes du travail de Schuiten et autant de signes évidents d’un talent hors norme qui allait exploser peu de temps après avec Les Cités obscures, série réalisée en compagnie de Benoit Peeters.

> Métamorphoses, de Schuiten et Renard. Casterman. 29€

Eric Guillaud avec la participation d’Olivier Badin

24 Oct

Spirou et Fantasio, 421, Les Petits hommes, Mickey Mouse… Le temps des intégrales

Vacances ! Du temps pour lire et pourquoi pas pour renouer avec les héros et les aventures de notre passé. De Mickey Mouse version Floyd Gottfredson à Spirou et Fantasio par le tandem Morvan & Munuera, plus de 60 années de création nous contemplent…

On commence avec l’une des séries mythiques de la BD franco-belge, Spirou et Fantasio, plus de 80 ans d’existence, 56 aventures et une bonne quinzaine d’auteurs pour l’animer au fil du temps dont Morvan et Munurera. C’est à la contribution de ces deux derniers, dans les années 2000, que ce 17e volet de l’intégrale Spirou et Fantasio est consacré, une contribution qui se concrétise par quatre albums baptisés Paris sous-Seine, L’Homme qui ne voulait pas mourir, Spirou et Fantasio à Tokyo et Aux Sources du Z. Viennent s’ajouter dans cette intégrale plusieurs récits courts et, surtout, un imposant dossier rédactionnel qui revient sur la « délicate » passation de plumes et de pinceaux entre les tandems Tome & Janry et Morvan & Munuera, leur premier album Paris sous-Seine n’ayant pas reçu à l’époque l’accueil espéré, tant de la part de l’éditeur que des lecteurs. (Spirou et Fantasio, L’intégrale tome 17, de Morvan et Munuera. 33€)

Huitième volume d’une très belle collection consacrée à Floyd Gottfredson, l’une des grandes signatures de Disney et en l’occurrence de Mickey dont il dessina les aventures des années 30 à 70. Cette collection publiée aux éditions Glénat, qui font entre parenthèse un gros travail autour de Disney depuis des années, réunit l’intégralité des récits de Gottfredson dans un ordre chronologique, ici, dans ce huitième volume, Le Vaisseau fantôme, Le Monde de demain, La Maison du mystère, Billy Mouse et plusieurs autres histoires courtes, le tout en noir et blanc et dans un format à l’italienne respectant le format des strips d’origine. Pour les inconditionnels ! (Mickey Mouse tome 8, Le Monde de demain et autres histoires, de Floyd Gottfredson. Glénat. 35€)

Petits par la taille mais grands par la notoriété, les habitants de Ravejols, village touché par la chute d’une mystérieuse météorite, reviennent pour quatre dernières aventures, Opération QI, Au nom du frère, Castel Montrigu et l’ultime Eslapion 3. Très proche graphiquement de Franquin, le dessinateur Seron fut très longtemps un pilier « discret » de la rédaction de Spirou et Les Petits hommes une des séries phares du même journal. Après plus de 40 ans de bons et loyaux services, Pierre Seron décide d’arrêter la série. Le dernier volet est publié en 2011 chez un autre éditeur que Dupuis, Clair de Lune. L’auteur tente à diverses reprises de relancer la série. Sans succès. Il décède en 2017 en marquant d’une empreinte indélébile le neuvième art. (Les Petits hommes, Intégrale tome 11, de Seron. Dupuis. 29,95€)

Troisième et ultime volet de l’intégrale consacrée à l’agent 007, pardon 421, un héros un peu oublié de Maltaite et Desberg mais qui a marqué son époque, les années 80, avec des aventures d’abord gentiment parodiques puis liées à une réalité plus sombre. Le dessin lui-même gagne en réalisme au fil des histoires. Cette troisième intégrale réunit les titres Falco, Les Années de brouillard, Morgane Angel et Le Seuil de Karlov, le tout judicieusement accompagné en introduction d’un dossier signé Didier Pasamonik et en conclusion d’un cahier revenant sur les différents projets d’aventures restés dans les cartons. (421, intégrale tome 3/3, de Desberg et Maltaite. Dupuis. 29,95€)

Eric Guillaud

20 Oct

Dans le cœur gros d’Anouk : un album jeunesse sur la différence signé Mathou

On connaissait l’Angevine Mathou pour ses romans graphiques « feel good » autour du quotidien et de ses petits ou grands tracas, elle change de format, s’adresse aux plus jeunes, mais continue de poser un regard aiguisé sur la vie avec humour et sensibilité pour le plus grand bien de tous…

Mathou • © Christophe Martin

Elle a le cœur gros Anouk, très gros. Il faut avouer que s’entendre dire en pleine récré, devant tout le monde, qu’elle est grosse et moche ne peut pas rendre le cœur léger.

Le responsable ? Jules. Ah… ce Jules !

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Vacances de la Toussaint : dix BD jeunesse pour les jours de pluie

On a beau en avoir un grand besoin avec l’été qu’on vient de vivre, la pluie pendant les vacances, ce n’est jamais chouette. Histoire de ne pas être pris au dépourvu, voici une sélection de BD à lire sous le parapluie ou au fond de la couette…

Humour, aventure, intrigues policières… nous avons lu et retenu dix albums de bandes dessinées jeunesse aux styles graphiques et aux genres très différents. Ce n’est bien sûr qu’une sélection aussi subjective qu’assumée, restez curieux et filez vers votre librairie préférée pour en dénicher beaucoup plus…

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17 Oct

Refrigerator Full Of Heads : pour en prendre plein la tête !

Après un panier, c’est au tour d’un réfrigérateur d’accueillir tout un stock de têtes découpées ayant la fâcheuse tendance de toujours bavasser pendant qu’un tas de gens qui ne sont jamais ce qu’ils semblent être se découpent en rondelle pour récupérer une hache viking aux propriétés magiques.

Extrait de la couverture © Urban Comics – DC Comics / Rio Youers & Tom Fowler

Dans l’horreur, on aime les franchises. Ok, parfois un peut trop – avait-on vraiment besoin d’un énième remake (raté) de Massacre  La Tronçonneuse ? Ou de douze ( !) films Vendredi 13 ? Mais bon, malgré des résultats donc très divers, l’exercice permet quand même aussi de prolonger le plaisir et d’en parfois creuser plus profondément le sillon.

En juin dernier sortait Basketful Of Heads, une ‘première’ à plusieurs niveaux : première sortie en France d’une nouvelle collection baptisée ‘Hill House’ et première sortant sous cette bannière là avec un scénario signé Joe Hill (justement), fils du romancier Stephen King s’étant fait un nom grâce à la saga Locke & Key. En pleine mode revival horreur 80’s grâce au succès phénoménal de la série TV Stranger Things, le résultat était un joyeux pot-pourri de références cinématographiques à peine voilées, d’action très série B et de gore foutraque. Avec en guise de véritable héroïne de cette histoire une hache magique dont la lame a été prétendument forgée avec une dent de Fenrir, mythique loup géant de la mythologie scandinave. Sa particularité ? Les têtes qu’elle décapite restent en vie…

© Urban Comics – DC Comics / Rio Youers & Tom Fowler

Un pitch foutraque mais au final assez drôle. Enfin à condition d’aimer l’humour noir, et avec un final voyant la jeune June Branch partir au soleil couchant après avoir laissé un belle trainée de sang derrière elle alors qu’elle était à la base venue passer de tranquilles vacances avec son petit ami à la mer.

Refrigerator Full Of Heads en est la suite directe, l’action se déroulant un an après. Joe Hill a cédé sa place au romancier britannique Rio Youers mais le ton, presque potache, avec toujours ces clins d’œil appuyés : l’action se passe sur Brody Island, île fictive de la côte est américaine et la première ‘victime’ de la hache magique est un… Requin blanc. Cela ne vous rappelle un certain film des années 70 signé Steven Spielberg se passant sur une île nommée Amity et où un squale est chassée par un chef de la police locale nommé Brody ???

© Urban Comics – DC Comics / Rio Youers & Tom Fowler

Fidèle aux canons du genre, ce Basketful Of Heads : deuxième partie se pique donc de faire plus fort, plus violent et plus gore que son prédécesseur. Mission plus que réussie. On découvre notamment que la hache n’est au final qu’un seul élément d’une série de quatre artefacts magiques, détail qui aura son importance lors d’un final à la Brain Dead (le film culte de Peter Jackson, avant qu’il ne devienne quelqu’un de respectable avec la trilogie du Seigneur Des Anneaux) où l’hémoglobine coule tellement à flot qu’on frôle l’overdose.

Oui, on est volontairement dans l’excès et oui, c’est parfois délirant mais c’est assumé, même si le style graphique de Tom Fowler reste un chouia trop sage à notre goût et pas assez déstructuré.

© Urban Comics – DC Comics / Rio Youers & Tom Fowler

Pour faire un parallèle de circonstance, Refrigerator Full Of Heads est un peu à son prédécesseur ce qu’Evil Dead 2 fut Evil Dead. Une relecture plus plus, peut-être sans le charme de la nouveauté mais quand même bien fun. Et surtout bien gore, avec plein d’éclaboussures dedans ! Reste à savoir ce qui sera utilisé pour le prochain numéro : ‘un four micro-ondes plein de têtes’ peut-être ?

Olivier Badin

Refrigerator Full Of Heads de Rio Youers & Tom Fowler. Urban Comics/DC/Black Label. 15 euros

Kiss the Sky : Quand Jean-Michel Dupont et Mezzo tirent le portrait de Jimi Hendrix

Nul besoin d’être un amateur éclairé de rock pour le connaître. Jimi Hendrix fait partie de notre patrimoine mondial musical. Mais derrière l’artiste, il y a l’homme et avant l’homme, l’enfant. C’est cette vie que nous invitent à découvrir ici Dupont et Mezzo. Et c’est franchement passionnant !

Un génie de la guitare ! C’est ainsi que la plupart d’entre nous le connaissons, un génie de la guitare mort à 27 ans dans des circonstances relativement troubles, après seulement quatre ans de carrière internationale. C’est peu, très peu, mais suffisant pour marquer l’esprit et l’histoire du rock. Jimi est une star, une légende, un mythe qui aujourd’hui encore influence nombre d’artistes bien au-delà de la seule musique rock.

Ça c’est pour la face A, le côté visible, connu de tous ou presque. Pour le reste, la face B, à moins d’avoir ingurgité l’une des nombreuses biographies ou la volumineuse fiche wikipedia le concernant, vous pouvez être passé à côté de son histoire, de sa jeunesse réellement misérable et sordide dans le Seattle des années 40/50, de cette mère volage, de ses frères et sœurs abandonnés, de son apprentissage musical sur des guitares d’un autre âge auxquelles il manquait forcément des cordes, de ses treize mois passés dans l’armée pour échapper à la prison, de ses premiers groupes, de ses premières amoureuses, de ses rencontres avec Little Richard, BB King ou encore les Rolling Stones…

C’est cette jeunesse que racontent Jean-Michel Dupont et Mezzo dans ce premier des deux volets prévus. Une biographie ? Plutôt un portrait aiment-ils préciser, affirmant avoir eu une approche subjective montrant le côté lumineux de Jimi Hendrix mais aussi son côté sombre, comme ils l’avaient déjà fait avec une autre figure mythique de la musique, Robert Johnson, dans l’album Love in vain.

Un format carré à l’image des vinyles, des planches en noir et blanc d’une beauté, d’une densité, d’une intensité incroyables et cette histoire sobrement synthétisée et racontée de façon linéaire. Un album à l’esprit rock, très rock complété, comme il se doit, par une bande son de premier ordre dans les dernières pages.

Eric Guillaud

Kiss the sky, de Dupont et Mezzo. Glénat. 24,50€

© Glénat / Dupont & Mezzo

08 Oct

DUO : 110 artistes issus du monde de l’illustration et de la BD réunis autour d’un projet collaboratif international

Il y a une dizaine d’années, Sébastien Mesnard et Gérald Guerlais mettaient en circulation deux carnets avec l’idée que les artistes issus de la BD et de l’illustration se les repassent de la main à la main en y laissant des contributions façonnées en tandem. Les éditions Glénat viennent de les réunir dans un très bel ouvrage tout simplement baptisé DUO…

Ils ou elles s’appellent Zep, Vincent Mallié, Juanjo Guarnido, Benjamin Lacombe, Kim Jung Gi, Arthur de Pins, Bastien Vivès, Benoît Springer, Pénélope Bagieu, Magali Le Huche, Clément Lefèvre, Pierre Poux ou encore Marietta Ren. Ils ou elles sont plus ou moins connu(e)s, originaires de France mais aussi d’Angleterre, d’Allemagne, de Colombie, d’Espagne ou encore des États-Unis, issus du monde de la BD, du jeu vidéo, du cinéma d’animation ou de la communication graphique, et se sont retrouvés autour de ce projet collaboratif international dont le premier objectif était de dépasser l’individualisme ambiant pour proposer une approche collective de la création artistique, une approche sociale qui plus-est, la totalité des bénéfices des ventes de cet ouvrage étant reversés à la fondation EPIC qui œuvre auprès d’associations à travers le monde autour de deux causes majeures : l’enfance et la jeunesse, l’environnement et l’action climatique.

Résultat, 160 pages, 57 illustrations réalisées par autant de duos, parfois spontanés, parfois arrangés, pour autant de styles, de techniques et d’imaginaires, avec en fil rouge la thématique du partage. Un très beau livre – et une idée généreuse – qui devrait ravir tous les amoureux de l’illustration au sens large.

Eric Guillaud 

DUO, collectif. Glénat. 40€

 

07 Oct

Colorado Train: une adaptation en images et en musique du roman de Thibault Vermot par Alex W. Inker

Vous aimez vous faire peur ? L’auteur Alex W. Inker vous en donne l’occasion avec son nouveau roman graphique adapté du livre de Thibault Vermot tous deux parus aux éditions Sarbacane. Un récit à se réfugier au fond de la couette la plus proche et ne plus en ressortir même pour une envie pressante…

Six albums en six ans et une douzaine de récompenses dans le même temps, parmi lesquels un Grand Prix de la critique pour Servir le peuple, un Fauve Polar SNCF pour Apache, un Prix Fnac France Inter pour Un Travail comme un autre et un Prix Töpffer International pour Panama Al Brown. Si cet homme, à seulement 36 ans, n’est pas un génie de la BD, il n’en est pas loin !

Et ce succès absolument mérité ne l’empêche pas de se remettre à chaque fois en question, que ce soit dans le genre abordé ou le style graphique choisi. Après l’Amérique paysanne des années 20 et la France ouvrière du XIXe siècle, Alex W. Inker nous embarque cette fois dans l’Amérique profonde des années 90, celle des laissés pour compte, des sinistrés de la croissance, pour une histoire de gamins qui tentent de tuer le temps comme ils peuvent jusqu’au jour où un autre gosse du coin disparaît et est retrouvé découpé en morceaux…

© Sarbacane / Alex W. Inker

Vous l’avez compris, Colorado Train est une BD d’horreur, genre mineur en tout cas en Europe, un peu moins aux États-Unis et au Japon, peut-être parce qu’il manque à la BD ce dont le cinéma a su s’emparer et rendre indispensable: la musique. Et la musique pour accompagner un récit d’horreur, c’est incontournable sinon essentiel et son utilisation, souvent proportionnelle à la frayeur recherchée.

© Sarbacane / Alex W. Inker

Pour autant, Colorado Train n’est pas dénué de musique car Alex W. Inker a trouvé la parade, découpé son récit en chapitres et proposé pour chacun d’eux une musique, ici Back to School de Deftones, là Incinerate des Sonic Youth ou plus loin Bullet with Butterfly Wings des Smashing Pumpkins.

Bref, faites chauffer la playlist, pour le reste, laissez-vous immerger dans les atmosphères glauques mitonnées avec délectation par l’auteur qui a abandonné ici ses habituelles bichromies et trichromies pour un noir et blanc bien évidemment plus adapté à l’horreur. Alex W. Inker souhaitait des images qui impriment notre subconscient et hantent nos nuits, c’est réussi ! Merci…

Eric Guillaud

Colorado Train, de Alex W. Inker d’après le roman de Thibault Vermot. Sarbacane. 29€

© Sarbacane / Alex W. Inker

06 Oct

Full Circle : la rencontre de deux géants des comics au service des Quatre Fantastiques

Cette histoire n’a beau faire « que » 64 pages et être la 876745e aventure des Quatre Fantastiques, elle reste un événement car on parle là d’un passage de témoin entre deux géants des comics US à près de soixante ans d’intervalle : Jack Kirby et Alex Ross. Le résultat ? Superbe, époustouflant, incroyable.

Le premier reste bien sûr le ‘king of comics’, celui qui régnait sans contestation possible sur la planète MARVEL dans les années 60 et qui en a défini les plus grands héros, comme les Quatre Fantastiques susnommés mais aussi Captain America, Black Panther, Ant-Man et plein d’autres. Son style très emphatique, coloré et quasi-pop art est pour beaucoup dans la façon dont l’art du comics s’est par la suite développé.

Né en 1970, Alex Ross s’est, lui, avant tout fait un nom grâce à ses dessins de couvertures et son coup de pinceau hyper-réaliste, en général réalisés à la gouache, faisant de lui l’un des rares dessinateurs de comics avec un profil de peintre. Sa rareté n’a fait qu’augmenter sa valeur ces dernières années et ce Full Circle est d’ailleurs son premier signe de vie (artistique) depuis longtemps. Par contre, attention, on parle là d’artbook et c’est ce qui fait toute la différence.

© Panini Comics / Marvel – Ross

Car oui, c’est bien là que réside le principal attrait de Full Circle, cette capacité à complètement transcender la notion de ‘simple’ comics, quitte à en faire une sorte d’œuvre d’art que certains trouveront peut-être pédante et figée. Le choix de reprendre l’intrigue d’un épisode précis datant de 1966 (le 51ème de la saga au cas où vous voudriez chercher) n’est pas innocent car c’est à ce moment-là que Kirby et son alors éternel compère Stan Lee ont introduit pour la première la notion de Zone Négative, sorte de dimension parallèle permettant au ‘king of comics’ de se lâcher complètement avec ses pleine pages psychédéliques mélangeant dessin et collages déstructurées si caractéristiques. 

© Panini Comics / Marvel – Ross

Bien que Ross assume complètement le côté hommage de ce exercice de style – même le style de narration semble reprendre les canons des 60’s – il en accentue l’élégance absolue. Comme un pied de nez aux canons modernes et aux productions actuelles parfois hélas affreusement digitales et tristes, on a presque envie de se perdre complètement dans ces panels si détaillés et si réalistes. Après, si le scénario paraît donc très (trop) simpliste et calé sur des rails qu’il ne quitte jamais, nous rappelant qu’en 1966 les comics s’adressait avant tout aux jeunes ados, dans la forme le résultat est donc époustouflant. Une véritable explosion de couleur où chaque planche mériterait d’être affichée en poster, malgré une psychologie réduite donc au minimum et des personnages quelque figés dans leur posture, critique récurrente dans l’œuvre de Ross.

© Panini Comics / Marvel – Ross

Un exercice de style donc, avec des limites que l’on ressent très vite mais qui, visuellement, est d’une telle beauté et d’une telle fougue que l’on en oublie très vite les défauts pour (re)plonger la tête la première dans la zone négative. Et à quand une édition (très) grand format pour rendre justice à sa démesure ?

Olivier Badin

Full Circle d’Alex Ross. Panini Comics/Marvel. 26 euros