15 Août

Chronique d’été. Chloé densité, un récit aérien de Trondheim, Vince et Stan

Un drôle de titre pour un drôle de récit. Mais pouvait-on en attendre autrement avec le trio formé de Trondheim, Stan et Vince ? Pas franchement. Un album léger comme l’air…

extrait de la couverture Chloé densité – © Delcourt – Trondheim, Stan et Vince

Si Chloé est son prénom, Densité n’est pas son nom de famille mais son super-pouvoir acquis lors d’un voyage au pays des super-héros, les États-Unis. Et un super-pouvoir comme on aimerait en avoir un, qui vous permet de vous élever dans les airs ou au contraire de vous enfoncer dans les profondeurs de la terre, de passer à travers les murs ou même à travers des gens. Comme son frère qui l’accompagne dans cette aventure, un grand malade des ovnis.

C’est d’ailleurs pour son anniversaire que Chloé, sa soeur et une copine l’ont emmené aux States, en espérant qu’il tombe « sur une Américaine aussi cintrée que lui avec les ovnis » et qu’ensemble ils fassent « plein de petits extra-terrestres ».

Et question ovnis, question extra-terrestres et phénomènes étranges, la petite troupe va être servie. Mais dans l’immédiat, ce qui les intéresse tous, c’est ce super-pouvoir de Chloé qui ouvre des perspectives assez bluffantes…

Si vous cherchez un album, un seul, à lire d’ici la rentrée, sans risque de vous prendre la tête, en vous amusant des situations souvent cocasses, des tronchouilles improbables des extra-terrestres, avec le plaisir d’ue mise en images d’une grande clarté, à la fois sobre et percutante, appuyée par des couleurs somptueuses… alors ne cherchez plus, c’est celui-ci qu’il vous faut !

Eric Guillaud

Chloé densité, de Trondheim, Vince et Stan. Delcourt. 29,95€

© Delcourt – Trondheim, Stan et Vince

Chronique d’été. Albert Londres, Agatha Christie, George Best, Orson Welles, Viollet-le-Duc, Ed Gein… : quand la BD se fait biopic

Quel rapport existe-t-il entre le tueur en série américain Ed Gein et le footballeur nord-irlandais George Best ? Entre l’écrivaine Agatha Christie et la légende de l’Ouest Jesse James ? Aucun bien évidemment. Si ce n’est de les retrouver les uns et les autres croqués en bande dessinée. La biographie est un des genres en vogue du neuvième art. La preuve avec ces dix albums…

On commence avec Ed Gein justement du nom d’un fameux serial killer qui a inspiré plusieurs personnages cinématographiques parmi les plus effrayants, Buffalo Bill dans Le Silences des agneaux, Leatherface dans Massacre à la tronçonneuse et Norman Bates dans Psychose. C’est d’ailleurs autour d’Alfred Hitchcock et de ce film culte, Psychose, que s’ouvre le roman graphique signé Harold Schechter et Eric Powell, un film accusé à l’époque de sa sortie en salles d’avoir poussé des esprits faibles à tuer. C’est un peu le paradoxe de l’œuf et de la poule. Qui des deux est arrivé le premier ? Bref, l’adaptation graphique présentée ici retrace la vie du tueur depuis sa plus tendre – si on peut dire – jeunesse en se basant sur des sources d’origine, journaux de l’époque, documents médico-légaux, rapports psychiatriques… Glaçant ! (Ed Gein, autopsie d’un serial killer, de Schechter et Powell. Delcourt. 24,95€)

On parlait d’Alfred Hitchcock plus haut, voici Orson Welles, une autre pointure du septième art, multicarte, à la fois acteur et réalisateur, producteur et scénariste, romancier et metteur en scène. L’homme s’est fait connaître au théâtre puis avec son émission radiophonique, La Guerre des mondes, qui selon la légende aurait paniqué l’Amérique. Citizen Kane fut son premier long métrage et son chef d’œuvre. Suivront entre autres La Splendeur des Amberson, Voyage au pays de la peur, Macbeth, Vérités et mensonges… des films exigeants mais pas toujours compris du grand public, une carrière hors norme que revisitent ici Noël Simsolo et Alberto Locatelli depuis ses débuts dans le théâtre jusqu’à sa mort en 1985 le tout avec une mise en images des plus agréables. (Orson Welles, l’inventeur de rêves, de Simsolo et Locatelli. Glénat. 25€)

Du septième au neuvième art, il n’y a qu’un pas que cet album de Bepi Vigna et Mauro de Luca nous permet de franchir agréablement en compagnie de l’un des plus grands représentants du genre, Hugo Pratt, dont la vie fut aussi romanesque que celle de son célèbre héros de papier Corto Maltese. Outre un récit en bande dessinée d’une cinquantaine de pages contant la jeunesse de Pratt jusqu’à son départ pour l’Argentine et le début d’une grande aventure dans la bande dessinée, l’album réunit de nombreuse illustrations originales et couvertures de la revue Sergent Kirk ainsi que plusieurs témoignages. Une biographie ? Plutôt, à en croire Bepi Vigna, « un récit d’aventures qui rassemblerait et rapprocherait les faits avec les rêves et toutes ces histoires dont il s’est nourri et qui, de l’aveu même du dessinateur, l’ont formé et influencé ». (La balade d’Hugo, de Bepi Vigna et Mauro de Luca. Glénat. 17,50€)

D’Agatha Christie, La reine du crime comme on l’a surnommée, nous connaissons les livres, à commercer par Les Dix petits nègres rebaptisé Ils étaient dix en 2020, Les Vacances d’Hercule Poirot, La Mystérieuse affaire de styles ou encore Un Cadavre dans la bibliothèque. Des dizaines de romans, plus de 150 nouvelles, 20 pièces de théâtre. Mais d’elle, que sait-on ? Pas grand-chose. Partant de ce constat, Anne Martinetti, Guillaume Lebeau et Alexandre Franc ont pris le parti de nous faire découvrir le personnage qui se cache derrière la romancière à travers un récit reprenant quelques épisodes de sa vie, son enfance, ses débuts dans l’écriture, sa mission d’infirmière durant la première guerre mondiale, ses multiples mariages, la naissance de son unique enfant, les voyages qu’elle affectionnait tant et son étrange disparition en 1926… Une vie d’une richesse insoupçonnée, une mise en images raffinée, un bel album.   (Agatha, La vraie vie d’Agathe Christie, de Martinetti, Lebeau et Franc. Marabulles. 17,95€)

Albert Londres, une pointure, que dis-je, une sommité, une référence dans le monde du journalisme d’investigation capable de passer en son temps d’un reportage au pays des soviets à une enquête sur le bagne de Cayenne, en passant par une interview des coureurs du Tour de France ou des membres de la bande à Bonnot. Bref un journaliste passionné par son travail, engagé et souvent dérangeant. Le roman graphique de Kinder et Borris évoque justement son dernier voyage en Chine. Aucun journal ne l’a missionné mais il promet du lourd, de la « dynamite » qui pourrait déranger en haut lieu. De ce voyage, Albert Londres n’en reviendra pas, disparaissant dans le naufrage du Georges Philippar. Un drame mystérieux et peut-être pas accidentel pour lequel l’album Albert Londres doit disparaître propose une explication entre fiction et réalité. Passionnant ! (Albert Londres doit disparaître, de Kinder et Borris. Glénat. 17,50€)

Le Kayak, c’est une affaire de famille chez les Estanguet. Un père prof de sport et champion dans le domaine, des enfants mis sur l’eau dès le plus jeune âge et parmi eux un Tony qui deviendra en 2012 le premier Français triple champion olympique dans la discipline. Elsa Krim au scénario et Fred Campoy au dessin, en étroite collaboration avec Tony Estanguet lui-même, nous offrent dans ce premier tome un plongeon dans l’intimité du sportif depuis son enfance jusqu’à sa première médaille olympique décrochée à Sydney en 2000. La suite dans le tome 2 à paraître en janvier 2023. (Tony, l’enfant des rivières, de Estanguet, Krim et Campoy. Delcourt. 15,50€)

Un autre sport, un autre champion, Kris et Calvez se sont intéressés pour leur part à George Best en adaptant en BD le roman de Vincent Duluc intitulé Le cinquième Beatles. Pourquoi ce nom ? Parce que George Best a eu la même importance pour le football que les Fab Four pour la musique. Et tous les cinq ont colonisé les colonnes des mêmes journaux pendant les mêmes années faisant de l’Angleterre le paradis du ballon rond et de la pop. Considéré comme l’une des plus grandes légendes de Manchester United, George Best débarque au club au lendemain d’une tragédie, le crash de l’avion qui ramenait les joueurs d’un match contre l’Etoile rouge de Belgrade. Résultat, 23 morts dont 8 joueurs et 3 encadrants. « Jouer à Manchester, désormais, c’était côtoyer des héros, des survivants et des fantômes », écrit Vincent Duluc. Et de fait, George Best aura un parcours singulier fait de passion pour le football mais aussi pour le rock’n’roll, le sexe et l’alcool. Une légende qui dépasse le seul cadre des terrains de football, c’est ce que les auteurs font ressortir ici dans cet album où l’on reconnait le talent d’écriture de Kris et le somptueux coup de crayon de Florent Calvez. Incontournable pour tous les amoureux du ballon rond et les autres… (George Best, de Kris et Calvez. Delcourt. 17,95€)

Les premières scènes, les premières images, de cette bande dessinée de Rubio et Ocana, nous les connaissons bien, trop bien, pour les avoir vécues il y a peu de temps, retransmises en direct et à travers le monde par les médias et les réseaux sociaux. La Cathédrale de Paris en flamme ! C’était en 2019, c’était hier. Et tout de suite de promettre sa reconstruction à l’identique. Mais à l’identique de quoi ? La cathédrale n’a cessé d’évoluer à travers les siècles, il a même été question de sa destruction dans la première moitié du XIXe siècle avant qu’elle ne devienne un temps un entrepôt à vin. La révolution était passée par là, les croyances religieuses mises un temps au placard. Mais un homme va la sauver et la restaurer, un jeune architecte sans diplôme, ni formation théorique. Son nom : Eugène Viollet-le-Duc. C’est cette histoire que raconte ce premier volet paru dans une nouvelle collection dédiée aux grands architectes. Pour les férus d’histoire. (Viollet-le-Duc tome 1, de Rubio et Ocana. Delcourt. 15,95€)

On termine avec trois légendes de l’Ouest américain. Tout d’abord Jesse James, un fameux bandit des grands chemins, braqueur de banques, pilleur de diligences et de trains, tueur impitoyable et pourtant élevé par la légende au rang de Robin des Bois américain. Dans cet album au magnifique dessin et aux ambiances crépusculaires, Dobbs au scénario, Chris Regnault au scénario et au dessin accompagnés de Farid Ameur en qualité de conseiller artistique, reviennent sur le parcours de cette figure élevée dans le respect de la morale chrétienne et qui bascula dans la violence la plus totale après que la ferme familiale fut détruite et son beau-père lynché par des partisans des Confédérés en 1863. Dans cette même collection baptisée La Véritable histoire du Far West, co-éditée par Glénat et Fayard, est sorti un opus sur Wild Bill Hickok. (Jesse James, de Dobbs, Regnault et Ameur. Glénat / Fayard. 14,95€)

Enfin, Wild Bill Hickok, justement, partage avec Martha Jane Cannary l’affiche de ce dernier album signé Thierry Gloris et Jacques Lamontagne. Après deux albums consacrés à l’un puis à l’autre, ce troisième volet permet de les retrouver tous les deux, le premier confronté à un tueur en série, la seconde noyée dans son chagrin et sa soif de vengeance après la mort de son mari indien, tué par Wild Bill. Un western comme on les aime, avec ses grands espaces, ses saloons, ses indiens, ses bons, ses brutes et ses truands, et ses héros de caractère. Wild West tome 3, de Gloris et Lamontagne. Dupuis. 14,50€)

Eric Guillaud

 

09 Août

Chronique d’été. Djemnah, les ombres corses, une chasse au trésor entre mer et maquis signée Philippe Donadille et Patrice Réglat-Vizzanova

La Corse comme terrain d’aventure. C’est finalement assez rare dans la BD pour ne pas le signaler, du moins avec ce regard bienveillant, loin des clichés et des idées toutes faites, une Corse authentique qui conserve sa part de mystère pour mieux séduire l’étranger de passage comme Ange Pizarti, chineur d’antiquités parisien, personnage principal de cette histoire…

Il a un nom qui sonne corse, pourtant Ange Pizarti n’a jamais mis les pieds sur l’île de Beauté, pas plus que son père d’ailleurs. Quant à son grand-père il en est parti dans les années 30 mais il ne l’a jamais connu.

C’est pourtant sur les traces de ce dernier, sur les traces de ses ancêtres, qu’il se retrouve un beau jour en débarquant à Ogliastro attiré ici à l’origine par un vieux dessin trouvé dans un journal illustré et une promesse de chasse au trésor sur fond d’héritage napoléonien. Une aubaine pour le chineur d’antiquités qu’il est.

Lui qui n’avait aucun sens de la famille, aucun attachement particulier à quelques terres que ce soit se retrouve au fil de son enquête en terre corse avec une famille, un passé et des racines…

Scénarisé par Philippe Donadille et mis en images par Patrice Réglat-Vizzanova, ce récit d’aventure tranquille est une ode à la Corse avec ses somptueux paysages, ses villages accrochés à la montagne, sa mer bleue turquoise, ses hommes et ses femmes de caractère.

À travers chacune de ses planches, on devine la chaleur du soleil, l’odeur du maquis, on approche surtout l’âme si singulière de ce petit coin de la planète. Une ode à la Corse, oui, mais aussi un beau récit d’aventure, une chasse au trésor captivante qui nous mène jusqu’à Napoléon Bonaparte. 

Eric Guillaud 

Djemnah, les ombres corses, de Philippe Donadille et Patrice Réglat-Vizzanova. Delcourt. 24,95€

© Delcourt / Donadille & Réglat-Vizzanova

06 Août

Chronique d’été. 10 BD jeunesse pour la plage

De l’action, de l’humour, de la magie, de l’histoire, du fantastique… dix albums à potasser pendant les vacances. Interro à la rentrée…

On commence avec un album paru en avril dernier, un conte animalier qui aborde le thème de l’abandon mais aussi ceux du divorce et de la différence, avec beaucoup d’intelligence et de délicatesse. Yeowoo, c’est le nom du personnage principal, est une petite renarde de 5 ans lorsqu’elle est déposée comme un vulgaire colis chez son grand père par des parents démissionnaires et en instance de divorce. Elle y passera toute sa jeunesse et son adolescence avec un grand-père âgé et peu aimant et une tante qui a tout de la vieille-fille. Rien de très fun en somme dans son foyer comme à l’extérieur où elle est largement incomprise par ses camarades de classe, jusqu’au jour où Yeowoo rencontre Paulette, une poule rejetée elle-aussi par sa communauté pour ne jamais pondre d’œufs. (Seizième printemps, de Yunbo. Delcourt. 26,50€)

Après les quatre premiers albums qui retraçaient quatre histoires parallèles avec quatre héros différents, ce cinquième volume réunit tout le monde pour un final qu’on nous promet surprenant. U4 est l’adaptation en bande dessinée de la fameuse saga post-apocalyptique qui a fait un carton en roman avec plus de 350 000 exemplaires vendus. L’histoire ? Un virus baptisé U4 a décimé la population mondiale à l’exception des adolescents. Jules, Yannis, Stéphane et Koridwen sont quatre d’entre eux. Ils ne se connaissent pas mais tous sont des joueurs experts de « Warriors of Time » (WOT), un jeu en ligne, et tous ont reçu un étrange message les convoquant à un rendez-vous à Paris… (U4, de Renders, Lapière et Huelva – 5 volumes parus. Dupuis. 14,50€ le volume)

Perceval, ça vous cause ? Oui bien sûr Perceval le fameux chevalier de la table ronde qui, à la demande du roi Arthur, participa à la quête du Graal. Mais avant d’être un vaillant chevalier, Perceval fut un enfant. C’est cette jeunesse que Brrémaud et Bertolucci retracent dans ce premier volet, d’une histoire complète en quatre tomes, paru en juin aux éditions Vents d’Ouest, un récit truffé d’aventures, d’humour, de magie, de fées et autres créatures au cœur des forêts du sud de l’Angleterre. On avait déjà pu apprécier le talent des auteurs, le scénariste Frédéric Brrémaud et le dessinateur Federico Bertolucci, dans le diptyque Brindille ou la série Love, ce nouvel album ne vient que confirmer tout le bien qu’on pense d’eux. Brillant ! (La légende oubliée de Perceval tome 1/4, de Brrémaud et Bertolucci. Vents d’Ouest. 14,50€)

Coup de chaud sur la planète, la forêt flambe en Gironde, la glace fond au pôle nord. Au point de rendre la vie des ours blancs particulièrement difficile. Pol Polaire et ses deux oursons en savent quelque chose. Il leur est impossible de s’amuser à glisser sur la neige sans se frotter les fesses sur la roche et pire encore il leur devient de plus en plus difficile de chasser le phoque, la glace trop fine se brisant sous leur poids. Et que dire de tous ces détritus échoués sur la banquise et récupérés par L’oncle Bob ? Non franchement la banquise n’est plus ce qu’elle était et Caroline Soucy nous le prouve avec cette série d’histoires courtes drôles faite pour sensibiliser les plus jeunes aux enjeux de l’écologie. (Pol Polaire tome 1, Coup de Chaleur!, de Caroline Soucy. Glénat. 10,95€)

Étrange univers que celui proposé par le duo de scénaristes Beka et le dessinateur Munuera. Étrange univers où les chevaux de traits, les bateaux à vapeur, les biplans, les robots high tech, les amis virtuels et les écrans se côtoient dans un décor qui rappelle le sud des États-Unis au XIXe siècle avec ses champs de coton. Et dans cet univers, Iséa est une pré-adolescente qui ne se sépare jamais de son écran sur lequel elle regarde en boucle le film Cyrano de Bergerac. Un vestige du passé dont elle raffole. Comme elle raffole de sa nounou-robot Debry qu’elle retrouve tous les soirs après l’école. Jusqu’au jour où sa mère la chasse. Iséa décide alors de partir à sa recherche… Un conte aux confins des époques et des genres pour parler d’amour, le tout avec un somptueux dessin.(Les Cœurs de Ferraille tome 1, Debry, Cyrano et moi, de Beka et Munuera.  Dupuis. 13,50€)

À côté des créations originales qui permettent à des auteurs européens d’imaginer leur propre aventure de Mickey, les éditions Glénat proposent depuis quelques années maintenant la réédition des aventures signées par les plus grands dessinateurs de l’univers Disney, de Carl Barks à Romano Scarpa en passant par Floyd Gottfredson, Don Rosa ou, ici, Luciano Bottaro avec Donald et la mission Jupiter, un récit de science fiction inédit en album avec Picsou, Donald, Minnie, Géo Trouvetou… et pas mal d’extra-terrestres très envahissants. (Donald et la mission Jupiter, de Bottaro. Glénat. 15€)

Voici une nouvelle aventure de Michel Vaillant, la onzième de la saison 2 lancée il y a maintenant dix ans par Benéteau, Bourgne, Lapière et Philippe Graton, le propre fils du créateur de la série Jean Graton. Si ce dernier s’est retiré depuis, notre fameux pilote de course poursuit sur sa lancée avec des aventures toujours aussi punchy. Il est cette fois au départ d’une course hors norme, la Cannonball, une course initiée dans les années 70 du siècle passé et consistant à relier la côte est à la côte ouest des États-Unis, près de 5000 kms en circuit ouvert sans itinéraire imposé, sans règle précise. Et face à lui : Pog, un célèbre youtubeur. Mais la menace viendra bien d’ailleurs. Sabotage, attentat à la bombe, la course ne sera pas qu’une affaire de vitesse…  (Michel Vaillant tome 11 Saison 2, Cannonball, de Lapière, Bourgne et Marin. Dupuis. 15,95€)

Vous avez adoré, dévoré, la série Irena, histoire vraie d’Irena Sendlerowa, résistante et militante polonaise qui sauva près de 2500 enfants juifs du ghetto de Varsovie ? Alors vous aimerez Simone. D’abord, parce qu’il s’agit des mêmes auteurs, Jean-David Morvan au scénario et David Evrard au dessin, parce qu’ensuite, comme Irena, Simone se penche sur une figure héroïque de la seconde guerre mondiale, Simone Lagrange, une résistante juive française cette fois, déportée à Birkenau, passée entre les mains du boucher de Lyon, Klaus Barbie, qu’elle retrouvera bien des années plus tard à son procès. Ce premier volet de ce qui est présenté comme une trilogie est en tout point passionnant et bien évidement très pédagogique. On connaît le sérieux de Jean-David Morvan quand il s’agit de s’intéresser à notre passé et en l’occurrence à cette période sombre. Avec Madeleine, résistante une autre série en cours de publication chez Dupuis, histoire là encore d’une héroïne résistante nommée Madeleine Riffaud, l’auteur a obtenu le prestigieux Prix René-Goscinny. C’est dire ! (Simone tome 1, de Morvan et Evrard. Glénat. 15,50€)

Vous ne pouvez décemment pas être passés à côté de la série Raowl ou si c’est le cas vous pouvez encore vous rattraper en achetant les deux premiers albums disponibles à ce jour et partager les aventures de ce prince pas vraiment charmant chargé de sauver les princesses en détresse avec plus ou moins de bonheur. Des aventures délicieusement déjantées aujourd’hui complétées par ce premier album d’une série parallèle baptisée La Méthode Raowl. Elle vous dévoilera en une série de gags d’une page tous ses secrets pour avoir du succès auprès des princesses, battre les sorcières, devenir super fort mais aussi péter en toute discrétion ou frimer sur la plage avec son slip. Du Tebo quoi ! (La méthode Raowl tome 1, de Tebo. Dupuis. 10,95€)

Quelle famille ! Des parents en prison pour avoir cambriolé un musée, une grand-mère qui turbine à la vodka dès le petit déjeuner et une ado, collégienne le jour, voleuse d’objets magiques la nuit. Même son prénom, Héliotrope, elle le doit à la couleur bleue qu’elle a volée et qui lui donne dorénavant une allure singulière. Un visage bleu, une chevelure rousse, un tempérament de feu, Héliotrope nous embarque dans une aventure complètement foldingue où l’on croise des zombies, des sorcières et même des vampires. Au scénario, l’une des pointures du neuvième art, Joann Sfar, et au dessin, Benjamin Chaud jusqu’ici plus connu dans le monde de l’illustration. Vitaminé ! (Héliotrope tome 1, de Sfar et Chaud. Dupuis. 13,95€)

Eric Guillaud

24 Juil

Chronique d’été. « Ce Garçon » ou le joli mois de mai de Maby mis en images par Valentin Marechal

Sous les pavés, la plage ? Pour leur première bande dessinée, Maby et Valentin Marechal grattent la surface et le vernis des apparences pour nous offrir une histoire pleine d’amour et de liberté autour d’un fils débordant d’imagination et d’une mère profondément gaulliste tendance frapadingue, le tout dans le chaudron de mai 68…

C’est la guerre, affirment certains ! Enfin, pour l’instant, c’est surtout la grève générale. Des déchets partout sur les trottoirs de la ville, des autos en panne sèche au beau milieu de la chaussée, les stations de métro fermées, des slogans sur les murs… et partout la radio allumée pour suivre les événements.

Nous sommes en mai 1968 à Paris. Non, ce n’est pas la guerre mais c’est suffisant pour effrayer celle qu’on appelle La Mère bien décidée à fuir la capitale avec ses enfants et attendre le rétablissement de l’ordre républicain pour y remettre les pieds.

Les pieds ou plus exactement LE pied. Car La Mère a une jambe de bois, en plus d’un air peu commode, d’une coiffure outrageusement protubérante, d’une clope collée au bec en permanence et d’un sacré caractère que Jean, son propre fils, a parfois du mal à cerner. Pour lui, La Mère est un mystère. D’elle, il ne sait finalement rien ou presque. Même sa jambe de bois, il n’en connaît pas l’origine. De là à l’imaginer espionne…

Et les jours s’écoulent ainsi, loin du tumulte parisien, jusqu’au moment où Jean surprend dans sa maison un inconnu, une espèce d’ogre au cœur tendre, recherché par la police. Il décide de le cacher dans la cave familiale sans en avertir La Mère…

Dans un contexte historique fort, contexte qu’on devine plus qu’on ne voit, Maby raconte ici sa jeunesse avec une touche de fiction, une petite histoire au cœur de la grande, aussi personnelle qu’universelle, où il raconte comment lui et sa mère que l’on pensait si différents, si lointains, se sont rapprochés et découverts mutuellement dans un acte de résistance à l’ordre établi.

Aucune violence, aucun sensationnalisme dans ce récit, bien au contraire, tout est d’une grande douceur à commencer par la mise en images et en couleurs de Valentin Maréchal. Une très belle histoire, pleine de liberté, d’amour et d’imagination !

Eric Guillaud

Ce Garçon, de Maby et Valentin Marechal. Jungle. 19€

@ Jungle / Maby & Marechal

23 Juil

Marvel lance son Deadpool à l’assaut des mangas

À priori, les mangas et les héros Marvel ne sont pas faits pour cohabiter. À priori. Sauf lorsqu’on s’appelle Deadpool et que de toutes façons, que cela soit face à des super-méchants en plein cœur de New York ou au Japon aux côtés d’une star de télé-crochet, on n’en fait qu’à sa tête…

Deux systèmes de valeurs, deux types de narration et surtout, deux styles graphiques différents. Non vraiment, sur le papier, on ne voyait pas comment les mangas avec leurs personnages stéréotypés aux grands yeux et aux expressions surjouées pouvaient s’accorder avec la norme comics américaine, beaucoup plus ancrée dans le réel et plus sombre. D’ailleurs, on grimace d’abord ici franchement un peu lorsqu’on croise (brièvement) dans ce premier tome (sur deux) les personnages de Captain America, Loki ou encore du docteur Bruce Banners (alias Hulk) méconnaissables et ressemblant désormais aux héros de dessins animés qui occupaient nos mercredi après-midi dans les années 80. Sauf que le vrai coup de génie de cette OPA de la Maison des Idées sur le marché asiatique est d’avoir choisi le très déglingué Deadpool en guise de figure centrale. Et contre toute attente, ça marche.

Déjà, d’une façon purement pratique, il ne se défait ici jamais une seule fois de son masque, pirouette qui lui permet de voir son visage refait à la sauce manga. Autre énorme avantage apporté par le anti-héros : en plus de son humour foutraque, il a pour habitude de briser régulièrement et d’une façon complètement décomplexée le quatrième mur. C’est-à-dire qu’il s’adresse souvent directement aux lecteurs, tout en vannant les autres protagonistes de l’histoire, le scénariste ou même la maison d’édition. Pirouette qui rend non seulement le tout très drôle mais qui, en plus, lui permet de sortir de ses rails et donc de ne pas trop donner l’impression de vouloir à tout prix dans une case sinon trop contraignante pour lui.

Surtout que le scénario est ici volontairement simpliste, une succession de scénettes où le ‘mercenaire disert’ (surnom qu’il a gagné à force de déblatérer sur tout, tout le temps) est surtout là pour en faire des caisses. Et souvent au détriment de ses compagnons du jour – une jeune chanteuse vivant, à l’instar de Venom, avec un symbiote extra-terrestre dévorant tout sur son passage, ou Sakura Spider, sorte de Spider-Woman locale. Le résultat est bourré de clins d’œil – autant du côté des super-héros que des célèbres anime japonais comme Dragonball Z – quitte à parfois perdre le fil. Mais c’est quand même drôle, très drôle même et complètement survolté. Et même dans ce petit format en noir et blanc, Deadpool Samurai se révèle être une bonne tentative (réussie) de convertir les fans de MARVEL aux joies du manga.

Olivier Badin

Deadpool Samurai, de Sanshiro Kasama et Hikaru Uesugi. Marvel/Panini Comics. 7,29€

17 Juil

Chronique d’été. Comme une envie de prendre le large ?

Prix et températures qui s’envolent, guerre qui tonne, épidémie qui joue les prolongations… il y a des moments où on aimerait être ailleurs, embarquer pour l’aventure sous d’autres horizons. En attendant, voici déjà six albums qui vont vous permettre de lever l’ancre sans bouger l’orteil gauche…

On commence par un album paru aux éditions Delcourt en mai dernier. Vent Debout est son nom, un récit inspiré de faits réel et notamment des voyages de Sabine Merz et Jurgen Kantner, deux navigateurs allemands au destin tragique. Kidnappés une première fois par des terroristes au large de la Somalie, libérés contre une rançon, ils reprendront la mer avant d’être finalement assassinés par l’État islamique en 2017 au large – cette fois – de la Malaisie. Mais ce n’est pas là les seuls personnages du livre. Les auteurs, Grégory Jarry, Nicole Augereau et Lucie Castel, mettent en scène trois histoires parallèles, celle de ce couple de navigateurs, celle aussi d’une famille partie à la découverte du monde et celle enfin d’un vieux baroudeur installé en Indonésie. Avec pour point commun entre tout ce beau petit monde : l’amour de la liberté. (Vent debout, de Augereau, Jarry et Castel. Delcourt. 29,95€)

En deux volumes publiés en février et juin de cette année, Un Capitaine de quinze ans n’est autre que l’adaptation en bande dessinée du roman de Jules Verne. Adapté plusieurs fois au cinéma et à la télévision, il ne l’avait bizarrement pas été en BD. C’est chose faite donc, direction le port d’Auckland où le capitaine Hull du brick-goélette Le Pilgrim s’apprête à larguer les amarres avec une cargaison bien singulière à son bord : l’épouse de l’armateur ainsi que son fils et son cousin. Hull est chargé d’emmener tout ce beau monde à Boston. Mais au milieu de l’océan, une pêche à la baleine vire au drame. Les Cinq marins du navire et le capitaine sont projetés à la mer et disparaissent. C’est à DIck Sand, un jeune mousse resté à bord du Pilgrim, que revient alors la lourde charge de ramener tout le monde à bon port contre vents et marées… De l’aventure avec un grand A magnifiquement mis en images par Christophe Picaud. (Un Capitaine de quinze ans, de Picaud et Brrémaud. 2 volumes parus. Vents d’Ouest. 14,50€)

On connait tous cette histoire des révoltés du Bounty magnifiquement portée à l’écran par Lewis Milestone en 1962, avec Marlon Brando dans le rôle du lieutenant Fletcher et adaptée maintes fois en roman, notamment par Jules Verne en 1879 et plus récemment par Sébastien Laurier. Pitcairn en est l’adaptation en BD, une adaptation signée Mark Eacersall, qui s’est récemment fait remarquer avec l’album Tananarive, et le dessinateur hongrois Gyula Németh dont le trait expressif fait ici parfaitement l’affaire. (Pitcairn, L’île des révoltés du Bounty, de Eacersall, Laurier et Németh. glénat. 14,95€)

Publié en octobre 2020 pour le premier volet, en novembre 2021 pour le second, ce diptyque nous raconte la vie de l’un des pirates les plus célèbres des océans, Edward Teach, plus connu sous le nom de Barbe Noire, Blackbeard en anglais. Quand je vous aurais dit que l’auteur Jean-Yves Delitte est peintre officiel de la Marine, membre titulaire de l’Académie des Arts & Sciences de la mer, qu’il a réalisé précédemment les aventures de Black Crow, relaté l’histoire du Belem, de la frégate Hermione ou encore, on y revient, de la mutinerie de la Bounty, vous aurez compris qu’on n’a pas affaire là à un marin d’eau douce. Un diptyque essentiel pour tous les amoureux de la mer et de la marine. (Black Beard – 2 tomes parus, de Jean-Yves Delitte. Glénat. 13,90€)

Cette histoire-là est aujourd’hui devenue légendaire et le voilier qui l’a permis un monument historique. C’est dire ! Damien, c’est le nom de ce voilier, a parcouru le monde d’est en ouest, du nord au sud, pendant cinq ans avec à son bord deux mordus de la voile, Jérôme Poncet et Gérard Janichon, deux mordus de liberté aussi, désireux de découvrir notre belle planète et ses populations les plus reculées. Partis de La Rochelle en mai 1969, ils y reviendront en septembre 1973 après avoir parcouru plus de 55 000 miles, remonté l’Amazone, affronté le Cap Horn, abordé le continent Antarctique, traversé les tempêtes, survécu à plusieurs chavirages… « À la fin, il reste un témoignage… », écrit Isabelle Autissier en préface de l’album, un témoignage repris aujourd’hui en bande dessinée qui pourrait faire naître de nouvelles vocations. (Damien, l’empreinte du vent, de Vincent et Janichon. Vents d’Ouest. 25€)

C’était en 2012 sur le ponton du Vendée Globe. Sébastien Destremau décidait de prendre le départ de la future édition. Lui, le néophyte de la course au large, de la navigation en solitaire, sans un sou, s’embarquait dans une aventure au longs cours dont il ne savait s’il verrait le bout. Pourtant, quatre ans plus tard, en novembre 2016 le skipper toulonnais est bien sur le départ de la mythique course autour du monde à bord de son voilier FaceOcéan. Après 124 jours 12 heure 38 minutes et 18 secondes de navigation, de tempêtes, de pétoles, d’avaries, de joies et de frayeurs, Sébastien Destremau remonte le chenal des Sables-d’Olonne, 18e, bon dernier au classement, avec un titre, celui de coqueluche de la huitième édition. De cette aventure hors-norme, le skipper en tire un livre paru en juin 2017 chez Xo Editions, Seul au monde, 124 jours dans l’enfer du Vendée Globe. En 2019, Serge Fino lance une adaptation en bande dessinée, fidèle au roman, sensible et humaine dont le troisième tome est sorti en début d’année … (Seul au monde, de Serge Fino d’après le livre de Destremau – 3 tomes parus. Glénat. 14,50€)

15 Juil

Dark Vador en 10 histoires

La citation est archi-connue mais ô combien appropriée : comme le disait Alfred Hitchcock, « plus réussi est le méchant, plus réussi est le film ».  Le big boss de Star Wars Dark Vador méritait donc bien sa petite anthologie à prix cassé en dix volumes !

Extrait de la couverture de : Le Neuvième Assassin, par Siedell, Fernàndez et Thompson

 Allez, avouez-le, vous aussi vous avez gamin éprouvé un vague sentiment de culpabilité en vous rendant compte que sous son casque teutonique de la Première Guerre Mondiale et avec sa respiration de plongeur sous-marin, Dark Vador était quand même le méchant le plus cool de l’histoire de la science-fiction. Et tout le buzz autour de la dernière série en date de la chaine Disney + consacrée à Ob-Wan Kenobi, où il se taille une part de lion, l’a encore prouvé…

Donc oui, très tôt les éditeurs de comics, et en premier lieu MARVEL qui récupéra en premier la licence, ont compris tout l’intérêt qu’il pouvait tirer d’un personnage aussi hors norme. Donc sur le modèle de la série de dix récits sortis à prix d’amis il y a quelques mois pour célébrer les soixante ans de Spider-Man, leur distributeur français sort aujourd’hui (l’excuse officielle étant la sortie il y a quarante-cinq ans du premier film de la saga) dix histoires individuelles, publiées à l’origine entre 1999 et 2013, chacune au prix défiant toute concurrence de 6,99€.

@ Panini Comics/Marvel

Comme toujours dans ces cas-là, il y a boire et à manger. Mais pris dans son ensemble, cette célébration permet de se rendre compte des possibilités quasi-infinies offertes par le seigneur Sith. Déjà, si l’on suit la chronologie Star Wars, entre sa création à la naissance de ses deux enfants (cf La Revanche Des Sith) et sa mort (cf Le Retour Du Jedi), quasiment trois décennies se sont écoulées. Liberté totale donc aux auteurs de situer telle ou telle aventure soit, par exemple, au début de l’expansion de l’Empire ou, au contraire, bien plus tard. Autre avantage : pouvoir faire intervenir d’autres personnages connus du grand public, comme par exemple Chewbacca et Han Solo (Vol. 10, Dans L’Ombre De Yavin) ou le chasseur de primes Boba Fett (Vol. 7 : L’Ennemi De L’Empire). Et dans ces récits plutôt ramassés (en général autour de 120 pages), autant dans certains cas toute l’aventure est centrée autour de Dark Vador, autant dans d’autres il presque comme en retrait mais pourtant omniprésent, preuve de sa puissance absolue.

Cerise sur le gâteau : le panel hallucinant de scénaristes et de dessinateurs qui ont voulu se frotter au Côté Obscur – de la superstar Alex Ross à Dave Gibbons de Watchmen en passant par l’illustrateur culte récemment décédé Ken Kelly – et qui, chacun, apporte leur patte propre au mythe.

 ce prix-là, cela ne refuse pas !

Olivier Badin

La Légende de Dark Vador, dix volumes. Panini Comics/Marvel. 6,99€.

@ Panini Comics / Marvel

06 Juil

En lutte : trois récits de résistance, autant de reflets du monde, consignés par Fabien Toulmé

Il y était parti pour un salon du livre, il n’y verra finalement pas le bout du nez d’un lecteur mais n’échappera pas aux poings levés des milliers de manifestants appelant à la révolution. Beyrouth en plein thawra est le point de départ de ce nouveau récit de Fabien Toulmé qui nous emmène du Liban au Bénin en passant par le Brésil pour des histoires de résistance populaire…

En lutte – extrait de la couverture

S’il manie aussi bien la fiction que le témoignage, l’autobiographie ou le documentaire, c’est bien dans le reportage de terrain que Fabien Toulmé trouve sa raison de vivre, sa vocation d’auteur.

« La bande dessinée que vous vous apprêtez à lire… », explique-t-il d’ailleurs en avant-propos « est née de mon envie de faire du reportage de terrain, pour voir la façon dont vivent les gens aux quatre coins de la planète, pour les écouter me raconter leurs histoires et pour comprendre ce qui les anime et par extension, peut-être ce qui fait notre monde ».

Après Ce n’est pas toi que j’attendais, Les deux vies de Baudouin, L’odyssée d’Hakim ou plus récemment Suzette ou le grand amour, Fabien Toulmé nous emmène ici sur des terrains de lutte avec des hommes et des femmes en résistance contre des rouleaux compresseurs en tout genre.

Le récit commence à Beyrouth où Fabien Toulmé devait se rendre initialement à un salon du livre, salon annulé à cause des immenses manifestations qui secouent alors le pays. C’est la Thawra, la révolution, Fabien maintient tout de même son voyage pour essayer de comprendre la situation. D’observations en rencontres, il tente de comprendre et de nous transmettre ce qui se joue alors dans les rues de la capitale à la lumière de ce qui s’est joué hier pendant la guerre civile.

Autre lieu, autre lutte, Fabien nous emmène ensuite à João Pessoa au Brésil où il a un temps vécu et où il est question d’expulser une communauté, autrement appelée favela, pour construire un pôle touristique. Un processus de gentrification qui ne plait pas à tout le monde. Enfin, direction le Bénin où il rencontre des militantes de la cause féminine, une gageure dans un pays qui est, comme le rappelle l’auteur, 158e sur 189 dans le classement des inégalités hommes-femmes établi par les Nations unies.

Si Fabien Toulmé se met en scène dans ces trois récits, ce n’est que pour mieux laisser la parole aux hommes et – principalement d’ailleurs –  aux femmes qu’il a rencontrés. Et c’est ce qui est passionnant ici, la parole de gens ordinaires en lutte contre des causes à portée locale ou internationale. Trois luttes, autant de reflets du monde, de notre monde, et déjà une suite envisagée dans les dernières pages de l’ouvrage qu’il dessine au moment même où les Ukrainiens se retrouvent eux-aussi en lutte contre un rouleau compresseur, russe cette fois.

« J’aimerais pouvoir ajouter un nouveau chapitre pour parler d’eux et de leur courage ». Mais il faut savoir s’arrêter… pour mieux reprendre. Un très bel album de plus de 330 pages dans lesquelles on retrouve le trait délicatement naïf – ou l’inverse – de l’auteur associé à un propos d’une grande finesse. La marque Toulmé !

Eric Guillaud 

En lutte, Les reflets du monde, de Fabien Toulmé. Delcourt. 24,95

@ Delcourt – Toulmé

04 Juil

Vacances : 10 BD à lire sous le soleil exactement

Polar, fantastique, autobiographie… voici rien que pour vous une petite sélection de bandes dessinées à glisser dans la valise la plus proche et à lire les doigts de pied en éventail sur votre plage ou au sommet de votre montagne préférées…

Freiner, respirer, se détendre et lire, c’est l’été, bientôt l’heure des grandes migrations, le moment largement venu de préparer sa pile de livres à emporter. On vous y aide avec ces dix bandes dessinées dans des styles très variés…

La suite ici