Après Hagar Dunor, c’est au tour des petits vauriens de Pim Pam Poum de revenir dans une réédition de qualité du même acabit, après avoir fait le bonheur des lecteurs du Journal de Mickey pendant des décennies. Un vrai bout d’histoire du neuvième art et un premier volume classieux de 250 pages.
Il y a deux niveaux d’intérêt avec ce très beau livre au format ‘à l’italienne’, c’est—dire s’étalant dans le sens de la largeur. Le premier est avant tout historique : sous sa première forme et sous le nom de The Katzenjammer Kids ce strip fut publié à partir de 1897, ce qui en fait l’un des tous premiers de l’histoire. L’autre est purement nostalgique car certains d’entre nous les ont connu dans les pages du Journal De Mickey, magazine où ils sont apparus pour la première fois en 1935-36 avant de revenir trente ans plus tard de façon épisodique, jusqu’en 1989.
Renommée en VF Pim Pam Poum, cette bande dessinée a contribué à établir certaines des bases sur lesquelles le genre se repose encore aujourd’hui : un cadre unique (l’île imaginaire de Bongo), deux garnements toujours à la recherche de nouvelles bêtises à faire (Hans et Fritz), un souffre-douleur attitré (le Capitaine) plus la petite morale qu’il faut à la fin de chaque épisode.
Accessoirement, c’est aussi un cas d’école car suite à un désaccord entre leur créateur Rudolph Dirks et son premier éditeur, ce dernier l’a confié à partir de 1912 à un autre dessinateur Harold Knerr. Furieux, Dirks décide de continuer de publier sa version chez un éditeur concurrent. S’en suit un procès dont le jugement fait depuis jurisprudence, statuant qu’un personnage appartient à son éditeur, non pas à son créateur. Ce qui n’a pas empêché les deux séries de continuer d’exister, en parallèle.
Ce premier volume reprend la version de Knerr et les planches publiées à partir du 20 septembre 1936, soit les plus anciennes retrouvées dans un état jugé suffisamment acceptable. Dirks étant un immigré allemand, il avait glissé dans la version originale pas mal de références à sa culture germanique, notamment dans le choix des prénoms des héros ou dans les dialogues, mélange d’argot américain et allemand. Dans l’excellente introduction de ce volume, le spécialiste Tristan Lapoussière explique que ces traits ont dû être gommés dans la version française pour des raisons pratiques : impossible de retranscrire correctement nombre d’expressions intraduisibles de patois, à moins de les dénaturer. Les héros, aussi, ont été rebaptisés, devenant Pam et Poum, leur tante devenant, elle, Pim.
Ces recadrages n’entachent en rien le rendu, bien au contraire. Grâce notamment au superbe travail de reproduction (du même niveau que celui effectué par le même éditeur pour les Dailies de Batman signés Bob Kane) et au séquençage étonnement moderne et dynamique pour un comics des années 30, le tout garde une fraicheur et une simplicité qui transcende assez vite son caractère historique. Oui, peut-être que la façon dont des personnages secondaires, comme le roi Bongo et ses sujets, sont décrits est un chouia caricaturale et cela fera peut-être tiquer ceux qui aujourd’hui considèrent qu’une BD comme Tintin Au Congo est trop colonialiste. Mais il faut remettre les choses dans leur contexte et ne pas oublier que la série s’adressait avant tout à des enfants des années 30, ni occulter le superbe travail de restauration effectué.
Olivier Badin
Pim Pam Poum – 1936 – 1942 de Harold Knerr. Urban Comics. 29 euros.