27 Mai

Prends soin de toi : Grégory Mardon explore les blessures de l’amour

790537_01Jusque là tout allait bien, l’avion atterrissait tranquillement, le commandant de bord remerciait les passagers d’avoir fait confiance à sa compagnie et puis… et puis soudain l’avion se scratchait sur le tarmac.

Achille ouvre un oeil, puis le deuxième. Un mauvais rêve ! Ce n’était qu’un mauvais rêve. Mais sa vie n’est pourtant pas loin d’y ressembler. Tout allait bien et puis… et puis sa femme décida de le quitter.

En plein chagrin, Achille emménage dans un nouvel appartement, entame quelques travaux de rénovation et découvre sous le lino de l’entrée une lettre d’amour adressée à l’ancienne propriétaire décédée. Une lettre datée de 1976 qui aurait pu changer le cours de sa vie si toutefois elle l’avait lue.

La lettre était comme un fantôme qui m’empêchait d’emménager

Ébranlé par la découverte de cette lettre, Achille décide d’aller la remettre à son expéditeur. Direction Marseille, un petit périple d’une semaine et de plusieurs centaines de kilomètres en Vespa, de quoi prendre de la distance avec sa vie et diluer son chagrin d’amour.

Chroniqueur du quotidien comme il se définit lui-même, Grégory Mardon explore depuis une quinzaine d’années maintenant la vraie vie – titre par ailleurs d’un de ses albums – avec toujours autant de justesse et de finesse. Vagues à l’âme, Corps à corps, Leçons de choses, L’extravagante comédie du quotidien…, peu à peu, tranquillement, Grégory Mardon élabore une oeuvre singulière dans laquelle les accidents de la vie, les conflits intérieurs et surtout les rapports homme-femme forment un fil rouge.

Comme toujours, Grégory Mardon associe une narration fluide à un dessin simple mis au service de l’histoire qui embarque le lecteur dès les premières pages. Un album qui fait du bien !

Eric Guillaud

Prends soin de toi, de Grégory Mardon. Éditions Futuropolis. 22€

© Futuropolis / Mardon

© Futuropolis / Mardon

24 Mai

Le Voleur de souhaits : un conte de Loïc Clément et Bertrand Gatignol

89a0890279034319ffd06fdee1ba3024Félix collectionne les souhaits quand d’autres collectionnent les timbres ou les étiquettes de camemberts. Sauf que ça prend un peu plus de place sur les étagères…

Un château en Espagne, un voyage en avion, un costume de princesse, un séjour sur une île déserte… Peu importe le voeu, Félix les récupèrent tous au détour d’un éternuement.

Et pour se faire, rien de plus simple, Félix ne dit pas « À vos souhaits » comme le veut la coutume mais « À mes souhaits », une sorte de formule magique de son invention, et le tour est joué, clic-clac dans le sac, le souhait est piégé, direction l’étagère à souhaits.

Et ça marche à tous les coups, dans la rue, à l’école, avec les jeunes, avec les vieux, avec tous… sauf avec Héloïse. Cette jeune fille rencontrée au hasard d’une chasse aux souhaits a beau éternuer, aucun voeu ne s’échappe d’elle, rien, nada. Héloïse est vide de voeux et de rêves. À moins que…

Deux albums publiés le même mois, deux albums bourrés de tendresse et de poésie, Loïc Clément est un scénariste à surveiller de très près. Avec Anne Montel, il a écrit Chaussette dont on a dit beaucoup de bien ici, voici Le Voleur de souhaits mis en images cette fois par le talentueux Bertrand Gatignol dont certains d’entre vous ont pu apprécier l’univers dans la série des Ogres-Dieux parue chez Soleil.

Une histoire simple et délicieuse, un dessin clair et séduisant, Le Voleur de souhaits offre un bon moment de lecture intelligemment complété par un dossier détaillant les différentes étapes d’élaboration de l’album, de l’idée à la mise en couleurs.

Eric Guillaud

Le Voleur de souhaits, de Loïc Clément et Bertrand Gatignol. Editions Delcourt Jeunesse. 10,95€

© Dupuis / Clément & Gatignol

© Dupuis / Clément & Gatignol

Banana girl de Kei Lam : le témoignage d’une intégration chinoise au pays du camembert

STEINKIS_BananaGirl_couv.inddElle a les yeux bridés, les cheveux noirs, un visage plat et un nom qui ne peut faire illusion, Kei Lam est chinoise d’origine mais française d’adoption. Dans ce livre paru aux éditions Steinkis, elle raconte son arrivée à Paris, son parcours d’intégration et cet héritage culturel qu’elle se devait de préserver tant bien que mal…

Jaune à l’extérieur, blanche à l’intérieur. Comme une banane ! C’est ainsi que Kei Lam se voit et se revendique. Au point de l’afficher sur la couverture de ce livre à mi-chemin entre la bande dessinée et le livre illustré.

Née à Hong Kong en 1985, Kei Lam arrive en France à l’âge de 6 ans, un séjour qui devait durer initialement quelques jours, le temps d’une visite à son père installé à Paris. Mais sur un coup de tête, toute la famille décide de rester et de s’intégrer.

« À première vue, Paris m’a paru calme, triste, vieillot et silencieux comparé à Hong Kong ».

Paris n’est pas Hong Kong et le chemin vers l’intégration n’est pas un long fleuve tranquille. Il faut apprendre la langue, trouver une école pour Kei, du travail pour les parents, un logement, se familiariser avec la gastronomie locale, se couler dans le moule de la vie locale sans oublier pour autant ses racines, sa propre culture.

Kei et ses parents découvrent le camembert, le roquefort, « Tu es sûre qu’on peut manger ça ??? », s’inquiète le père. « Quelle odeur, ça sent les pieds », réplique la mère. Key découvre aussi l’histoire française, la politique, le quotidien des Français…

Banana girl raconte cette confrontation des cultures en prouvant que rien n’est incompatible, qu’on peut célébrer le Nouvel An chinois et tirer les rois, manger du gruyère râpé et adorer les raviolis crevettes à la vapeur, se soigner au baume du tigre un jour et à l’eau bénite le lendemain, apprendre à parler le français et à écrire le chinois dans un même élan, partir de pas grand chose et devenir ingénieure. Kei Lam le sera pendant quelques années avant d’intégrer l’école de Condé à Paris pour suivre des études d’illustration et obtenir un master en 2016. Banana girl est son premier roman graphique, pas le dernier j’espère !

Eric Guillaud

Banana girl, de Key Lam, Éditions Steinkis. 17€

© Steinkis / Kei Lam

© Steinkis / Kei Lam

 

22 Mai

Les Gardiens de la Galaxie : stars de ciné mais pas que…

Capture d’écran 2017-05-22 à 12.43.35Hollywood peut dire merci aux super-héros. Mais le contraire est aussi valable car, grâce au cinéma, certains personnages du neuvième art jusqu’alors moins connus y ont gagné une notoriété redonnant une second jeunesse à leurs œuvres. Comme cette bande bigarrée de mercenaires de l’espace…

Ce n’est pas pour rien qu’à l’excellente exposition actuellement consacrée aux personnages de DC Comics au Musée des Arts Ludiques à Paris les éléments des différentes adaptations cinématographiques de Batman, Superman ou des Avengers prennent désormais autant de place que les planches de BD originales. Après tout, si il y a encore trente ans les futurs fans découvraient comment les Quatre Fantastiques avaient acquis leurs pouvoirs ou les tourments de Matt Murdock alias Daredevil dans les pages de Strange ou Spidey, aujourd’hui c’est le cinéma qui est la nouvelle porte d’entrée toute désignée dans le monde des comics. Il suffit d’ailleurs de voir l’avalanche de films – plus ou moins réussis d’ailleurs – depuis une décennie…marvel2in1_00fc

Reste qu’au milieu de tout ça, Les Gardiens de la Galaxie font un peu figure d’exception. Pourquoi ? Parce que c’est le seul cas, pour l’instant, de héros dit ‘mineurs’ dont le succès au 7e art a dépassé largement leur notoriété sur papier. Pour dire, à l’instar de la Suicide Squad, ce rassemblement hétéroclite de héros venus des quatre coins de l’univers avec chacun leurs fêlures et leur personnalité hors normes était virtuellement inconnu en France jusqu’au carton surprise du film qui leur été consacré en 2014 (plus de deux millions d’entrées) et dont la suite est – déjà – sur les écrans depuis le 26 Avril dernier. D’où l’intérêt de ce recueil qui permet de faire un (petit) tour de la question.

guardians1969Bien sûr, ce volumineux tome (320 pages !) est loin d’être le premier édité en France sous leur seul nom mais il reste une belle porte d’entrée, même si la démarche a aussi ses limites. En gros, on y retrouve seize histoires, parues initialement entre 1960 et 2014, chacune sensée illustrer une de leur facette, soit en revenant aux origines, soit en se focalisant sur certains épisodes clefs de leur histoire. Or même si on retrouve quelques grands noms (notamment le mythique dessinateur Jack Kirby, qui signe leur toute première apparition, Sal Buscema ou encore Mike Mignola), la qualité n’est pas toujours au rendez-vous, certaines apparaissant clairement ici avant tout pour des raisons historiques.

Et puis on passe d’un épisode très baston pif-paf-pouf à quelque chose de beaucoup plus introspectif sans crier gare, sans que les liens soient toujours très évidents. Mais il y a malgré tout un vrai souci de pédagogie (chaque histoire est précédé d’un rappel historique et sur ses auteurs) et surtout, même si on est à la limite de la surcharge pondérale, alors que les deux films misent avant tout sur l’action à tout va et le second degré, Nous Sommes Les Gardiens de la Galaxie permettent de mesurer l’incroyable richesse et la diversité de la série et comment elle est beaucoup plus profonde qu’elle ne paraît, ce pavé se révélant être bien plus qu’un simple complément de leur avatar cinématographique.

Olivier Badin

Nous Sommes les Gardiens de la Galaxie, Panini Comics / Marvel, 22 euros

21 Mai

Hibakusha : un récit romanesque envoûtant signé Cinna et Barboni chez Dupuis

9Fk0dx1pKktjOZZuLOUmkX6yS09g4WO3-couv-1200Ludwig Mueller n’est pas un nazi, ce n’est pas non plus un opposant, c’est un Allemand qui se fond dans la masse volontairement. Ne pas déranger l’ordre établi est sa priorité, presque sa devise…

« Je suis juste un homme qui exerce son métier du mieux qu’il peut », dit-il – peut-être – pour se rassurer. Ludwig Mueller n’est pas nazi, certes, mais il travaille pour le régime comme traducteur-interprète japonais. Et son dossier est excellent, « Le parfait aryen digne de confiance » disent de lui ses supérieurs. Alors, pour la deuxième fois, le régime l’envoie au Japon pour traduire des documents hautement confidentiels qu’il croira longtemps porter sur la purification de l’eau et la prévention des épidémies. Qu’il croira ou qu’il fera mine de croire ! Mais peu importe, partir à l’autre bout du monde, loin de sa femme et de son fils, n’est pas pour lui déplaire. La vie de famille ne l’a jamais intéressé, pas plus que les amours fades sans passion. Début 1945, Ludwig Mueller s’installe à Hiroshima où il rencontre une très belle Japonaise dont il tombe éperdument amoureux. Un amour qui a pour elle et lui un goût d’éternité. Mais l’Allemagne capitule et les États-Unis lâchent leurs bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki…

Direction le pays du Soleil levant pour cette très belle histoire d’amour inspirée de la nouvelle Hiroshima, fin de transmission de Thilde Barboni. C’est l’auteure elle-même qui signe l’adaptation du scénario et Olivier Cinna qui en assure la mise en images. Un travail de toute beauté, remarquable. Mais cette bande dessinée n’est pas simplement belle, elle a aussi l’intelligence d’aborder l’histoire avec un grand H sous un angle singulier, celui d’un Allemand (c’est encore assez rare!), qui plus-est en mission au Japon, et de nous interroger sur ce que nous, les hommes, pouvons laisser comme traces de notre passage sur cette planète. Hibakusha évoque aussi, bien sûr, la dévastation d’Hiroshima avec là aussi un angle singulier que nous ne dévoilerons pas ici afin de préserver le suspense. Le mot japonais Hibakusha, titre de l’album, désigne les survivants aux bombardements atomiques. Une fiction ancrée dans notre histoire, envoûtante et étonnante !

Eric Guillaud

Hibakusha, de Cinna et Barboni. Éditions Dupuis. 16,50€

© Dupuis / Cinna & Barboni

© Dupuis / Cinna & Barboni

20 Mai

Trump de A à Z, un abécédaire pour tout savoir du président des États-Unis

9782203149571A comme Anti système, B comme Bernie Sanders l’anti-Trump, C comme Climatoscepticisme, D comme Démagogue, E comme Enfance…

Et on pourrait continuer longtemps comme ça. Sur 96 pages, Hervé Bourhis, entouré d’une bonne trentaine d’auteurs BD parmi lesquels Hervé Tanquerelle, Hugues Micol, Terreur Graphique, Marion Montaigne ou encore Brüno, fait le tour de l’homme, de ses excès, de ses contradictions, de sa violence verbale, de sa bêtise vendu en paquet familial à une Amérique encore sur les fesses – en partie bien sûr – d’avoir pu mettre un tel personnage à la tête du pays.

Faut-il parler de Trump ou l’oublier ? Maintenant que nous avons de notre côté échappé au pire, on peut à nouveau et sereinement se pencher sur ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique. Et pour se remettre dans le bain, ce petit bouquin arrive à point nommé. Au delà des dessins parfois drôles, toujours pertinents, Hervé Bourhis dresse en une série de petits textes très courts le portrait du bonhomme et des gens qui gravitent autour de lui. Il nous rappelle sa vision de l’Europe, de l’éducation, de l’immigration, des médias, des femmes, des pauvres, du monde… et forcément ça fait peur !

Eric Guillaud

Trump de A  à Z, de Bourhis et collectif. Éditions Casterman. 8,95€ (en librairie le 24 mai)

© Casterman / Bourhis et collectif

© Casterman / Bourhis et collectif

17 Mai

Les vacheries des Nombrils : Delaf et Dubuc surfent sur la vague du succès

9782800169774_cgOn connaissait l’humour au dessous de la ceinture, Delaf et Dubuc ont osé l’humour au niveau du nombril. 10 ans que ça dure et fait un carton auprès des ados. Aujourd’hui, les auteurs bien décidés à surfer sur la vague du succès, lancent une série parallèle avec les mêmes protagonistes, le même esprit vachard, mais plus d’histoire, uniquement une succession de gags en une page…

10 ans, 7 albums, 1,7 million d’exemplaires vendus, 415 000 fans sur Facebook, 12 000 followers sur Instagram… Les chiffres parlent d’eux-mêmes, Les Nombrils est aujourd’hui une série phare des éditions Dupuis et un véritable phénomène dans le monde de l’édition BD.

Pourtant, le concept n’a rien de révolutionnaire, trois jeunes filles, Jenny, Vicky et Karine, nous embarquent dans leur quotidien d’ados, un monde impitoyable rempli de considérations nombrilistes, de beaux gosses musclés, d’histoires d’amour impossibles, de coups bas et de méchancetés en tout genre. Mais Delaf et Dubuc, qui forment un couple dans la création comme dans la vie, ont su capter l’air du temps en instaurant dès le début un ton très libre et drôle qui dépoussière le genre. Les filles adorent (j’ai pu le vérifier!), les garçons et les parents aussi affirme la maison d’édition.

Alors, pourquoi se lancer dans une une série parallèle ? Avec Les Vacheries des Nombrils, Delaf et Dubuc comptent renouer avec l’esprit du tout début de la série, des gags en une page libérés du carcan parfois rigide d’une l’histoire en 50 pages.

« Les sept tomes des Nombrils réalisés jusqu’à aujourd’hui étaient comme un numéro d’équilibriste. Faire des gags tout en essayant de garder le cap sur l’histoire qu’on avait envie de raconter, c’est du sport ! Mais cela nous a permis de constater qu’avec un peu de travail, il est possible de trouver une chute humoristique à toute situation. De se retrouver, tout à coup, entièrement libres de raconter ce qu’il nous plait en ayant pour seule contrainte d’être drôles, ça fait se sentir légers ! »

Tiré d’emblée à 130 000 exemplaires, le premier volet débarque donc en librairie ce mois-ci, le 19 mai pour être précis, et devrait contenter tou(te)s les fans de la série.

Eric Guillaud

Vachement copines, Les Vacheries des Nombrils (tome 1), de Delaf et Dubuc. Éditions Dupuis. 10,95€

© Dupuis / Delaf et Dubuc

© Dupuis / Delaf et Dubuc

16 Mai

Pierre de cristal : un récit sur l’enfance signé Frantz Duchazeau

Pierre-CouveJe ne suis pas un fin connaisseur de l’oeuvre de Frantz Duchazeau, c’est le deuxième album que je lis de lui seulement, c’est la deuxième fois que je suis très agréablement surpris.

La première fois, c’était avec Le rêve de Meteor Slim, un très beau bouquin au format carré paru chez Sarbacane en 2008, un dessin charbonneux pour un récit au coeur du blues, dans le Mississippi des années 30.

Changement radical de sujet, de contexte et même de dessin -le trait est beaucoup plus léger cette fois- Pierre de cristal nous embarque pour un voyage intimiste au coeur de l’enfance. De notre enfance, de votre enfance pourrais-je écrire. Car ce livre parlera forcément à chacun de nous, tant Frantz Duchazeau a su capter et retranscrire les peurs, les joies, les incertitudes, les interrogations propres à cette étape de la vie.

Le personnage principal de ce récit s’appelle Pierre. C’est un petit garçon de 10 ans qui mène une vie ordinaire, celle d’un gamin de son âge, avec peut-être un peu plus de sensibilité que les autres. Au fil des pages, Pierre découvre la vie, la cruauté des uns, la lâcheté des autres, la violence du monde, la mort… Il voudrait que rien ne change, jamais, que ses parents ne se quittent pas, qu’ils continuent à s’aimer, à l’aimer: Mais on n’arrête pas le temps, on ne peut non plus revenir en arrière, Pierre le comprend. « Je sais aussi que je serai triste de ne plus être un enfant… », se dit-il, « alors je repenserai à ces moments quand la lumière était  belle ».

Une écriture sensible et poétique, un graphisme aussi fragile que les souvenirs, Pierre de cristal aborde des thèmes graves avec finesse et intelligence.

Eric Guillaud

Pierre de cristal, de Frantz Duchazeau. Éditions Casterman. 16,95€

© Casterman / Duchazeau

© Casterman / Duchazeau

14 Mai

Le Chemin des égarés : un plongeon au coeur de la marginalité et de la drogue signé Vincent Turhan

Capture d’écran 2017-05-14 à 16.11.40Dans sa mise en scène, ses couleurs, la couverture du Chemin des égarés m’en rappelle une autre, celle de La Guerre d’Alan en version intégrale. Mais là s’arrêtent les similitudes même si les deux racontent un périple humain dans un pays dévasté…

Gros plan sur une seringue planté dans ce qu’on peut imaginé être un bras. Nous voilà prévenus, Le Chemin des égarés est un voyage difficile en pays junkie, l’histoire de marginaux dans La Nouvelle-Orléans tout juste dévastée par l’ouragan Katrina en 2005.

A l’abris d’un tunnel, Layne et Cesar émergent de leur dernier shoot et découvrent le paysage d’apocalypse laissé par l’ouragan Katrina, un amoncellement de câbles, de poteaux, de morceaux de toitures. Un désastre.  Layne et Cesar n’ont pourtant qu’une préoccupation : trouver « le toubib », leur dealer, et récupérer leur dope quotidienne. Oui, mais voilà, avec l’ouragan, le fameux toubib est allé voir ailleurs si l’air était meilleur. Qu’importe, le marché se déplace ? Les consommateurs suivent. Et voilà nos deux acolytes partis à sa recherche, bientôt rejoints par Joe, un sans abri comme eux, et une gamine prénommée Zoé.

Dans un décor apocalyptique, notre petite bande qui aurait pu se souder face à l’adversité se déchire au rythme des crises de manque. « Nous n’étions en fait qu’un peloton de junkies en recherche de dope. Autour de nous, le monde s’écroulait ». Pourtant, tous ne trouveront pas la même chose au bout de la route, certains continueront de sombrer, d’autres referont surface…

« Le chemin des égarés est né de l’envie de raconter une histoire sur la marginalité… », explique l’auteur. « La pratique constante du dessin d’observation dans les gares parisiennes m’a permis de côtoyer de loin comme de près l’univers de la rue. Savoir à quoi, et comment pense l’individu m’a toujours intéressé. Je me suis impliqué dans une association dédiée à l’aide aux SDF. Je me suis imprégné de nombreux parcours, d’anecdotes, de visages. Le chemin des égarés s’est nourri de toutes ces personnes… ».

Derrière le tragique et la violence du contexte général et des histoires individuelles, Le Chemin des égarés se termine sur un message d’espoir, quand « la volonté de s’affranchir d’un processus de destinée » devient plus fort que toutes les peurs. Un sujet assez rare aujourd’hui magnifiquement mis en scène par ce trait idéalement tourmenté et ces ambiances sombres.

Eric Guillaud

Le Chemin des égarés, de Vincent Turhan. Éditions Les Enfants Rouges, 20€

© Les Enfants Rouges / Turhan

© Les Enfants Rouges / Turhan

RSS