03 Juin

Mildiou : un des premiers albums de Lewis Trondheim réédité à L’Association

3543Tous ceux qui s’intéressent un tant soit peu au Neuvième art connaissent aujourd’hui Lewis Trondheim, au moins de nom. A l’époque de Mildiou, publié en 1994 au Seuil, ce n’était pas tout a fait le cas même si les plus pointus en la matière sentaient déjà que quelque chose de neuf frémissait sous la plume et le pinceau de l’auteur…

Et de fait, Lewis trondheim fait aujourd’hui partie des auteurs connus et reconnus de la bande dessinée, un auteur qui a contribué à faire avancer le genre grâce à sa technique du dessin direct, aux contraintes techniques qu’il s’est souvent imposées à son ton décalé mais aussi grâce son approche zoomorphique, à ses personnages (le lapin, le chat, le canard…) qui revenaient d’un livre à l’autre mais pas dans le même rôle…

Depuis, Lewis Trondheim a produit une quantité invraisemblable de livres, dans tous les genres, il a reçu l’Alph-Art Coup de coeur en 1994 pour l’album Slaloms, il été ordonné Chevalier des Arts et Lettres en 2005 et couronné Grand Prix à Angoulême en 2006… Il a aussi co-fondé la maison d’édition L’Association en 1990, laquelle réédite aujourd’hui – on y revient – l’album Mildiou qui n’a rien perdu de sa force et de sa farce.

Sur près de 150 pages, Lewis Trondheim nous offre une énorme scène de bagarre entre le gentil Lapinot qui ne demandait rien à personne et le méchant Mildiou, un usurpateur et oppresseur de première qui compte défendre bec et ongles ou plus justement museau et griffes sa place de roi qu’il a volé de la pire façon. Une bagarre sans fin où l’intelligence de l’un attise la bêtise de l’autre et vice-versa. Mildiou, c’est de l’action, beaucoup d’action, mais c’est aussi une sacrée leçon de mise en scène, des dialogues savoureux, un sens de l’absurde incroyable, bref un bouquin à découvrir ou redécouvrir au plus vite et à garder pas trop éloigné de sa table de chevet.

Eric Guillaud

Mildiou, de Lewis Trondheim. Editions L’Association. 13€

© L'Association / Trondheim

© L’Association / Trondheim

02 Juin

Hate, chroniques de la haine : rencontre avec l’auteur Adrian Smith à l’occasion de son passage à Paris

© Fef 2017

© Fef 2017

Baroque, épique, homonyme d’un des guitaristes d’iron Maiden (ceci expliquant cela ?) et bien connu des fans de jeux de plateaux, l’un des maîtres de la ‘dark fantasy’ Adrian Smith voit son premier livre intégralement signé de sa main paraître en français, alors qu’une exposition à la galerie Glénat à Paris salue son talent d’illustrateur…

« De toutes façons, je ne me considère pas comme un dessinateur de comics. Cela ne m’intéresse pas plus que ça et je ne crois pas que les fans du genre aiment beaucoup ce que je fais non plus de toute façon… », lâche Adrian Smith avant de se marrer doucement, avec ce mélange de punk sur le retour (t-shirt noir, cheveux longs blancs, regard amusé) et de flegme typiquement britannique. Mais d’une certaine HATE_couverturemanière, il a raison. C’est avant tout comme illustrateur que cet Anglais né en 1969 dans le Sussex est connu, notamment pour son travail pour Games Workshop, célèbre boîte de figurines pour jeux de plateaux dont les stars incontestées restent ‘Warhammer’ et son extension futuriste ‘Warhammer 40,000’. Soit des mondes imaginaires autour desquels des millions de nerds armés tout juste d’un dé et de quelques pots de peinture se retrouvent régulièrement pour écharper du troll à tout-va à coups de sort d’épées à double main ou de sort de boule de feu niveau 14. Des mondes peuplés de créatures hypertrophiées, aux muscles proéminents et armées jusqu’aux dents à faire passer le bestiaire du ‘Seigneur des Anneaux’ pour le village des Bisounours et où Smith à faire voler les têtes, un peu comme un John Frazetta des temps modernes gonflé aux OGM.

 

© Glénat / Adrian Smith

© Glénat / Adrian Smith

‘Les Chroniques de la Haine’ ne sont pas exactement ses premiers pas dans les comics. Avant cela, il avait déjà fait des couvertures pour le magazine anglais ‘Toxic’ avant de signer en 2005 ‘Broz’ (sorti en deux tomes chez éditions Nickel). Sauf que ‘Hate’ se révèle être une œuvre beaucoup plus personnelle dont la réalisation s’est étalée sur près de trois ans. « Tout est parti d’une illustration toute bête de celui qui allait devenir le personnage central de l’histoire. C’était vraiment sous le coup de l’inspiration du moment et je l’ai faîte sans vraiment savoir ce que j’allais en faire, juste pour mon plaisir. Mais je ne sais pas, il y avait quelque chose en elle qui me disait que derrière, il y avait tout une histoire à raconter. J’ai donc commencé à dessiner page par page l’histoire, chacune m’entraînant car je ne suis pas scénariste ! C’était très organique et quelque chose de très égoïste en même temps car je l’ai vraiment faîte avant tout pour moi, souvent entre minuit et cinq heures du matin lorsque j’avais fini mon ‘vrai’ boulot, tu sais, celui qui permet de payer le loyer… » rajoute t’il en souriant. « C’est un peu comme une maîtresse que ma femme m’autorise à avoir, du moins à certaines heures. »

© Glénat / Adrian Smith

© Glénat / Adrian Smith

Smith n’y croit pourtant tellement pas qu’une fois fini, il décide de mettre gratuitement l’intégralité à disposition via les réseaux sociaux, jusqu’à ce qu’un éditeur américain décide d’en faire une première sortie papier sur le continent américain il y a trois ans, avant que Glénat ne s’en empare en 2016 afin d’en publier les deux volumes pour le territoire français. Une transcription rendue encore plus facile grâce par la facilité de la traduction, vu le peu de dialogue. « Et encore, je n’en voulais pas du tout ! C’est un ami qui m’a conseillé d’en mettre un petit peu, histoire de donner quelques repères aux lecteurs. Et puis le héros est muet et en partie sourd donc je voulais que le lecteur ressente et vive l’aventure de la même façon que lui. Et puis le plus important pour moi était l’atmosphère. C’est aussi pour cette raison que j’ai décidé de tout faire en noir et blanc, j’avais peur que la couleur ne devienne une trop grande distraction. Et puis pour être honnête, cela m’a aussi permis de travailler plus vite. »

À l’inverse de ses nombreux confrères américains dont les héros gigotent comme s’ils étaient atteints de la maladie de Parkinson, Smith est très avare en mouvement. Il y en a ici très peu, l’action devenant presque comme les vignettes de pellicule d’un film muet d’heroic fantasy oublié de la grande époque du cinéma expressionniste allemand. « Je n’ai pas besoin de faire quinze planches pour décrire une bataille, je trouve beaucoup plus fort de dessiner l’avant et l’après. On revient toujours à cette notion d’atmosphère, je préfère suggérer plutôt que tout montrer. Et puis je trouve beaucoup plus fort mettons une simple image des piles de corps et des vautours tournant autour une fois que les armes se sont tues. »

© Glénat / Adrian Smith

© Glénat / Adrian Smith

Monochrome et parfois plus proche du concept-art que la BD pure, ‘Hate’ n’est pas fait pour tout le monde. Autant immersif que contemplatif, son monde est aussi ahurissant de beauté que laid car cruel et sans pitié. Pas de grande explication, pas de philosophie cosmique ni d’ode à l’aventure ici mais juste des créatures parfois grotesques et effrayantes qui vit par l’épée et meurt par l’épée. Son trait incroyablement précis est un condensé de l’essence même de la dark fantasy, celle sublimée par les écrivains Robert E. Howard (‘Conan’) ou Karl Edward Wagner (‘Kane’). Bonne nouvelle : il commence tout juste à travailler à la suite, ou plutôt à un préquel dont l’action se situera donc avant celle de ‘Hate’.

Histoire de compléter votre lecture, un petit conseil : passer dans le 3e arrondissement à Paris jeter un œil à l’exposition consacrée à l’auteur jusqu’au 21 Juin. Soit la douzaine de planches originales réalisées entièrement à la main (le reste a été fait à l’aide d’outils numériques) plus que quelques acryliques peintes spécialement pour l’occasion qui permettent de se rendre compte de la masse de travail accomplie.

Olivier Badin

Hate : Chroniques de la Haine d’Adrian Smith, Glénat, 30 euros

Exposition Adrian Smith, jusqu’au 21 Juin, 22 Rue de Picardie, 75003 Paris. Plus d’infos ici

Les dessins de Vuillemin réalisés pour Charlie Hebdo exposés à la galerie Huberty & Breyne à Paris du 16 juin au 2 septembre

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Son truc à lui, c’est la provoc, l’irrévérence, l’anticonformisme, le dégueu dégoulinant tendance anar… mais le tout avec classe et dignité. Héritier direct de Reiser, Philippe Vuillemin est devenu le maître incontesté toutes catégories de la ligne crade, à des années lumière de la ligne claire d’Hergé.

Et cette ligne crade, aujourd’hui, s’expose dans les galeries ! Oui oui comme Tintin. « Vuillemin, le meilleur de lui-même » est le nom de l’expo présentée à la galerie Huberty et Breyne à Paris du 16 juin au 2 septembre. Elle rassemblera des dessins réalisés pour les pages « Entretien avec… » de Charlie Hebdo ainsi qu’une vingtaine de rébus d’ « A la Recherche du Temps Perdu », une variation autour du chef d’œuvre de Marcel Proust.

Plus d’infos ici

31 Mai

DC Univers Rebirth : on prend les mêmes et on recommence… ou presque !

REBIRTHBonne façon de rebondir sur la plan scénaristique pour certains, arnaque récurrente pour d’autres… Le ‘rebirth’ (ou ‘renaissance’ en bon Français) est un procédé désormais bien rodé de l’industrie des comics. Cette fois-ci, c’est DC (Batman, Superman, Wonder Woman etc.) qui s’y colle…

En langage cinématographique, on appellerait cela un « reboot », un nouveau départ en quelque sorte. Ou alors une sorte de remise à plat de tout ce que vous croyiez comme acquis. Et même si les éditeurs aiment bien alors se cacher derrière un soi-disant souci pédagogique, genre « comme ça on peut remettre les pendules à l’heure et accueillir les néophytes », ce genre d’opération, de construction/destruction, tient parfois à la limite du blasphème, tant tout est mis à bas. Et dans ces cas-là, aucune idole n’est épargnée. Même l’homme de Krypton lui-même qui, ici, est passé à trépas, laissant sa place à son double venu d’une dimension parallèle…

Vous vous sentez perdu ? Ce n’est que le début… Car même si ce copieux volume (près de 600 pages !) a l’intelligence de se découper en vingt-trois histoires, chacune étant consacrée à un personnage ou à une équipe (comme la Justice League ou Suicide Squad) bien précis, il est facile de se perdre dans ce labyrinthe scénaristique assez emberlificoté. Le point de départ de cette remise en cause ? Un super-héros justement, Flash, qui, en remontant le temps pour sauver sa mère assassinée, a perturbé sans le savoir l’espace-temps, entraînant ainsi toute une série de changements remettant complètement en cause un paquet de certitudes, comme Batman découvrant par exemple qu’en fait il n’y a pas un mais trois Joker ou Lex Luthor prenant la place de Superman dans la Justice League.

DC Universe Rebirth

DC Univers Rebirth

En fait, ce Rebirth est pratiquement un univers à part entière, avec ses séries propres et indépendantes où les cartes ont été redistribuées à tout va, ces vingt-trois chapitres étant autant de points de départ de nouvelles sagas.

Ce tour de passe-passe peut paraître assez fumeux, surtout comme tout prologue, le ton y est assez bavard et pas forcément bourré d’action tonitruante. Mais bien servi par une belle brochette de jeunes loups aux dents longues (dont Geoff Johns, ancien scénariste du film ‘Blade’ avec Wesley Snipes et vedette de chez DC), même si ici on reste dans les thématiques propres aux comics (sauver l’univers, tout bousiller sur son passage, des monstres à tout va etc.), le ton y est étonnement adulte et sérieux, loin, très loin de l’esprit manichéen des pionniers. Ici, les héros doutent de tout et surtout d’eux-mêmes, du bien fait de leurs actions ou encore si cette foutue planète mérite vraiment qu’on se batte pour elle.

Olivier Badin

DC Univers Rebirth, Urban Comics, 35 euros

DC Univers Rebirth

DC Univers Rebirth

29 Mai

Bâtard : une histoire rock’n’roll de Max de Radiguès

9782203141414 52 braquages le même jour, à la même heure, dans la même petite ville de Prescott dans le sud-ouest des États-Unis. Un coup énorme, invraisemblable, qui va forcément chatouiller la police. Alors, pas le temps de se la couler douce au bord de la piscine d’un palace, les braqueurs vont devoir appuyer dur sur la pédale et disparaître le plus loin possible…

Surtout qu’en plus de la police, il semblerait que les braqueurs font l’objet d’un règlement de compte organisé. Plusieurs d’entres eux ont été retrouvés morts assassinés. 14 coprs découverts à ce jour et ce ne serait pas fini.

May et son fils Eugène, son petit bâtard comme on l’appelle dans le milieu, ont compris le message, il faut cacher le pognon, plusieurs sacs quand même, et se mettre au vert. Direction la maison du vieux pote Hank perdu au milieu des bois. Un lieu sûr pense May. Mais peut-on encore faire confiance aux amis les plus chers quand on se promène avec plusieurs millions de dollars dans le portefeuille ?

Tous ceux qui suivent de près le travail de Max de Radiguès espéraient, priaient même pour les plus croyants, que sorte en album ce qui n’était au départ qu’une série publiée en auto-édition et de façon relativement confidentielle. C’est chose faite grâce aux éditions Casterman. Un bel album à la couverture jaune qui ne vient que confirmer l’immense talent de Max de Radiguès juste après la publication de La Cire moderne, album que je recommande tout aussi chaudement. Le trait est toujours aussi léger et drôle même si le contexte est beaucoup plus noir et l’histoire très rock’n’roll. Lu et adoré !

Eric Guillaud

Bâtard, de Max de Radiguès. Éditions Casterman. 12,50€

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27 Mai

Prends soin de toi : Grégory Mardon explore les blessures de l’amour

790537_01Jusque là tout allait bien, l’avion atterrissait tranquillement, le commandant de bord remerciait les passagers d’avoir fait confiance à sa compagnie et puis… et puis soudain l’avion se scratchait sur le tarmac.

Achille ouvre un oeil, puis le deuxième. Un mauvais rêve ! Ce n’était qu’un mauvais rêve. Mais sa vie n’est pourtant pas loin d’y ressembler. Tout allait bien et puis… et puis sa femme décida de le quitter.

En plein chagrin, Achille emménage dans un nouvel appartement, entame quelques travaux de rénovation et découvre sous le lino de l’entrée une lettre d’amour adressée à l’ancienne propriétaire décédée. Une lettre datée de 1976 qui aurait pu changer le cours de sa vie si toutefois elle l’avait lue.

La lettre était comme un fantôme qui m’empêchait d’emménager

Ébranlé par la découverte de cette lettre, Achille décide d’aller la remettre à son expéditeur. Direction Marseille, un petit périple d’une semaine et de plusieurs centaines de kilomètres en Vespa, de quoi prendre de la distance avec sa vie et diluer son chagrin d’amour.

Chroniqueur du quotidien comme il se définit lui-même, Grégory Mardon explore depuis une quinzaine d’années maintenant la vraie vie – titre par ailleurs d’un de ses albums – avec toujours autant de justesse et de finesse. Vagues à l’âme, Corps à corps, Leçons de choses, L’extravagante comédie du quotidien…, peu à peu, tranquillement, Grégory Mardon élabore une oeuvre singulière dans laquelle les accidents de la vie, les conflits intérieurs et surtout les rapports homme-femme forment un fil rouge.

Comme toujours, Grégory Mardon associe une narration fluide à un dessin simple mis au service de l’histoire qui embarque le lecteur dès les premières pages. Un album qui fait du bien !

Eric Guillaud

Prends soin de toi, de Grégory Mardon. Éditions Futuropolis. 22€

© Futuropolis / Mardon

© Futuropolis / Mardon

24 Mai

Le Voleur de souhaits : un conte de Loïc Clément et Bertrand Gatignol

89a0890279034319ffd06fdee1ba3024Félix collectionne les souhaits quand d’autres collectionnent les timbres ou les étiquettes de camemberts. Sauf que ça prend un peu plus de place sur les étagères…

Un château en Espagne, un voyage en avion, un costume de princesse, un séjour sur une île déserte… Peu importe le voeu, Félix les récupèrent tous au détour d’un éternuement.

Et pour se faire, rien de plus simple, Félix ne dit pas « À vos souhaits » comme le veut la coutume mais « À mes souhaits », une sorte de formule magique de son invention, et le tour est joué, clic-clac dans le sac, le souhait est piégé, direction l’étagère à souhaits.

Et ça marche à tous les coups, dans la rue, à l’école, avec les jeunes, avec les vieux, avec tous… sauf avec Héloïse. Cette jeune fille rencontrée au hasard d’une chasse aux souhaits a beau éternuer, aucun voeu ne s’échappe d’elle, rien, nada. Héloïse est vide de voeux et de rêves. À moins que…

Deux albums publiés le même mois, deux albums bourrés de tendresse et de poésie, Loïc Clément est un scénariste à surveiller de très près. Avec Anne Montel, il a écrit Chaussette dont on a dit beaucoup de bien ici, voici Le Voleur de souhaits mis en images cette fois par le talentueux Bertrand Gatignol dont certains d’entre vous ont pu apprécier l’univers dans la série des Ogres-Dieux parue chez Soleil.

Une histoire simple et délicieuse, un dessin clair et séduisant, Le Voleur de souhaits offre un bon moment de lecture intelligemment complété par un dossier détaillant les différentes étapes d’élaboration de l’album, de l’idée à la mise en couleurs.

Eric Guillaud

Le Voleur de souhaits, de Loïc Clément et Bertrand Gatignol. Editions Delcourt Jeunesse. 10,95€

© Dupuis / Clément & Gatignol

© Dupuis / Clément & Gatignol

Banana girl de Kei Lam : le témoignage d’une intégration chinoise au pays du camembert

STEINKIS_BananaGirl_couv.inddElle a les yeux bridés, les cheveux noirs, un visage plat et un nom qui ne peut faire illusion, Kei Lam est chinoise d’origine mais française d’adoption. Dans ce livre paru aux éditions Steinkis, elle raconte son arrivée à Paris, son parcours d’intégration et cet héritage culturel qu’elle se devait de préserver tant bien que mal…

Jaune à l’extérieur, blanche à l’intérieur. Comme une banane ! C’est ainsi que Kei Lam se voit et se revendique. Au point de l’afficher sur la couverture de ce livre à mi-chemin entre la bande dessinée et le livre illustré.

Née à Hong Kong en 1985, Kei Lam arrive en France à l’âge de 6 ans, un séjour qui devait durer initialement quelques jours, le temps d’une visite à son père installé à Paris. Mais sur un coup de tête, toute la famille décide de rester et de s’intégrer.

« À première vue, Paris m’a paru calme, triste, vieillot et silencieux comparé à Hong Kong ».

Paris n’est pas Hong Kong et le chemin vers l’intégration n’est pas un long fleuve tranquille. Il faut apprendre la langue, trouver une école pour Kei, du travail pour les parents, un logement, se familiariser avec la gastronomie locale, se couler dans le moule de la vie locale sans oublier pour autant ses racines, sa propre culture.

Kei et ses parents découvrent le camembert, le roquefort, « Tu es sûre qu’on peut manger ça ??? », s’inquiète le père. « Quelle odeur, ça sent les pieds », réplique la mère. Key découvre aussi l’histoire française, la politique, le quotidien des Français…

Banana girl raconte cette confrontation des cultures en prouvant que rien n’est incompatible, qu’on peut célébrer le Nouvel An chinois et tirer les rois, manger du gruyère râpé et adorer les raviolis crevettes à la vapeur, se soigner au baume du tigre un jour et à l’eau bénite le lendemain, apprendre à parler le français et à écrire le chinois dans un même élan, partir de pas grand chose et devenir ingénieure. Kei Lam le sera pendant quelques années avant d’intégrer l’école de Condé à Paris pour suivre des études d’illustration et obtenir un master en 2016. Banana girl est son premier roman graphique, pas le dernier j’espère !

Eric Guillaud

Banana girl, de Key Lam, Éditions Steinkis. 17€

© Steinkis / Kei Lam

© Steinkis / Kei Lam

 

22 Mai

Les Gardiens de la Galaxie : stars de ciné mais pas que…

Capture d’écran 2017-05-22 à 12.43.35Hollywood peut dire merci aux super-héros. Mais le contraire est aussi valable car, grâce au cinéma, certains personnages du neuvième art jusqu’alors moins connus y ont gagné une notoriété redonnant une second jeunesse à leurs œuvres. Comme cette bande bigarrée de mercenaires de l’espace…

Ce n’est pas pour rien qu’à l’excellente exposition actuellement consacrée aux personnages de DC Comics au Musée des Arts Ludiques à Paris les éléments des différentes adaptations cinématographiques de Batman, Superman ou des Avengers prennent désormais autant de place que les planches de BD originales. Après tout, si il y a encore trente ans les futurs fans découvraient comment les Quatre Fantastiques avaient acquis leurs pouvoirs ou les tourments de Matt Murdock alias Daredevil dans les pages de Strange ou Spidey, aujourd’hui c’est le cinéma qui est la nouvelle porte d’entrée toute désignée dans le monde des comics. Il suffit d’ailleurs de voir l’avalanche de films – plus ou moins réussis d’ailleurs – depuis une décennie…marvel2in1_00fc

Reste qu’au milieu de tout ça, Les Gardiens de la Galaxie font un peu figure d’exception. Pourquoi ? Parce que c’est le seul cas, pour l’instant, de héros dit ‘mineurs’ dont le succès au 7e art a dépassé largement leur notoriété sur papier. Pour dire, à l’instar de la Suicide Squad, ce rassemblement hétéroclite de héros venus des quatre coins de l’univers avec chacun leurs fêlures et leur personnalité hors normes était virtuellement inconnu en France jusqu’au carton surprise du film qui leur été consacré en 2014 (plus de deux millions d’entrées) et dont la suite est – déjà – sur les écrans depuis le 26 Avril dernier. D’où l’intérêt de ce recueil qui permet de faire un (petit) tour de la question.

guardians1969Bien sûr, ce volumineux tome (320 pages !) est loin d’être le premier édité en France sous leur seul nom mais il reste une belle porte d’entrée, même si la démarche a aussi ses limites. En gros, on y retrouve seize histoires, parues initialement entre 1960 et 2014, chacune sensée illustrer une de leur facette, soit en revenant aux origines, soit en se focalisant sur certains épisodes clefs de leur histoire. Or même si on retrouve quelques grands noms (notamment le mythique dessinateur Jack Kirby, qui signe leur toute première apparition, Sal Buscema ou encore Mike Mignola), la qualité n’est pas toujours au rendez-vous, certaines apparaissant clairement ici avant tout pour des raisons historiques.

Et puis on passe d’un épisode très baston pif-paf-pouf à quelque chose de beaucoup plus introspectif sans crier gare, sans que les liens soient toujours très évidents. Mais il y a malgré tout un vrai souci de pédagogie (chaque histoire est précédé d’un rappel historique et sur ses auteurs) et surtout, même si on est à la limite de la surcharge pondérale, alors que les deux films misent avant tout sur l’action à tout va et le second degré, Nous Sommes Les Gardiens de la Galaxie permettent de mesurer l’incroyable richesse et la diversité de la série et comment elle est beaucoup plus profonde qu’elle ne paraît, ce pavé se révélant être bien plus qu’un simple complément de leur avatar cinématographique.

Olivier Badin

Nous Sommes les Gardiens de la Galaxie, Panini Comics / Marvel, 22 euros

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