21 Mai

Hibakusha : un récit romanesque envoûtant signé Cinna et Barboni chez Dupuis

9Fk0dx1pKktjOZZuLOUmkX6yS09g4WO3-couv-1200Ludwig Mueller n’est pas un nazi, ce n’est pas non plus un opposant, c’est un Allemand qui se fond dans la masse volontairement. Ne pas déranger l’ordre établi est sa priorité, presque sa devise…

« Je suis juste un homme qui exerce son métier du mieux qu’il peut », dit-il – peut-être – pour se rassurer. Ludwig Mueller n’est pas nazi, certes, mais il travaille pour le régime comme traducteur-interprète japonais. Et son dossier est excellent, « Le parfait aryen digne de confiance » disent de lui ses supérieurs. Alors, pour la deuxième fois, le régime l’envoie au Japon pour traduire des documents hautement confidentiels qu’il croira longtemps porter sur la purification de l’eau et la prévention des épidémies. Qu’il croira ou qu’il fera mine de croire ! Mais peu importe, partir à l’autre bout du monde, loin de sa femme et de son fils, n’est pas pour lui déplaire. La vie de famille ne l’a jamais intéressé, pas plus que les amours fades sans passion. Début 1945, Ludwig Mueller s’installe à Hiroshima où il rencontre une très belle Japonaise dont il tombe éperdument amoureux. Un amour qui a pour elle et lui un goût d’éternité. Mais l’Allemagne capitule et les États-Unis lâchent leurs bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki…

Direction le pays du Soleil levant pour cette très belle histoire d’amour inspirée de la nouvelle Hiroshima, fin de transmission de Thilde Barboni. C’est l’auteure elle-même qui signe l’adaptation du scénario et Olivier Cinna qui en assure la mise en images. Un travail de toute beauté, remarquable. Mais cette bande dessinée n’est pas simplement belle, elle a aussi l’intelligence d’aborder l’histoire avec un grand H sous un angle singulier, celui d’un Allemand (c’est encore assez rare!), qui plus-est en mission au Japon, et de nous interroger sur ce que nous, les hommes, pouvons laisser comme traces de notre passage sur cette planète. Hibakusha évoque aussi, bien sûr, la dévastation d’Hiroshima avec là aussi un angle singulier que nous ne dévoilerons pas ici afin de préserver le suspense. Le mot japonais Hibakusha, titre de l’album, désigne les survivants aux bombardements atomiques. Une fiction ancrée dans notre histoire, envoûtante et étonnante !

Eric Guillaud

Hibakusha, de Cinna et Barboni. Éditions Dupuis. 16,50€

© Dupuis / Cinna & Barboni

© Dupuis / Cinna & Barboni

20 Mai

Trump de A à Z, un abécédaire pour tout savoir du président des États-Unis

9782203149571A comme Anti système, B comme Bernie Sanders l’anti-Trump, C comme Climatoscepticisme, D comme Démagogue, E comme Enfance…

Et on pourrait continuer longtemps comme ça. Sur 96 pages, Hervé Bourhis, entouré d’une bonne trentaine d’auteurs BD parmi lesquels Hervé Tanquerelle, Hugues Micol, Terreur Graphique, Marion Montaigne ou encore Brüno, fait le tour de l’homme, de ses excès, de ses contradictions, de sa violence verbale, de sa bêtise vendu en paquet familial à une Amérique encore sur les fesses – en partie bien sûr – d’avoir pu mettre un tel personnage à la tête du pays.

Faut-il parler de Trump ou l’oublier ? Maintenant que nous avons de notre côté échappé au pire, on peut à nouveau et sereinement se pencher sur ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique. Et pour se remettre dans le bain, ce petit bouquin arrive à point nommé. Au delà des dessins parfois drôles, toujours pertinents, Hervé Bourhis dresse en une série de petits textes très courts le portrait du bonhomme et des gens qui gravitent autour de lui. Il nous rappelle sa vision de l’Europe, de l’éducation, de l’immigration, des médias, des femmes, des pauvres, du monde… et forcément ça fait peur !

Eric Guillaud

Trump de A  à Z, de Bourhis et collectif. Éditions Casterman. 8,95€ (en librairie le 24 mai)

© Casterman / Bourhis et collectif

© Casterman / Bourhis et collectif

17 Mai

Les vacheries des Nombrils : Delaf et Dubuc surfent sur la vague du succès

9782800169774_cgOn connaissait l’humour au dessous de la ceinture, Delaf et Dubuc ont osé l’humour au niveau du nombril. 10 ans que ça dure et fait un carton auprès des ados. Aujourd’hui, les auteurs bien décidés à surfer sur la vague du succès, lancent une série parallèle avec les mêmes protagonistes, le même esprit vachard, mais plus d’histoire, uniquement une succession de gags en une page…

10 ans, 7 albums, 1,7 million d’exemplaires vendus, 415 000 fans sur Facebook, 12 000 followers sur Instagram… Les chiffres parlent d’eux-mêmes, Les Nombrils est aujourd’hui une série phare des éditions Dupuis et un véritable phénomène dans le monde de l’édition BD.

Pourtant, le concept n’a rien de révolutionnaire, trois jeunes filles, Jenny, Vicky et Karine, nous embarquent dans leur quotidien d’ados, un monde impitoyable rempli de considérations nombrilistes, de beaux gosses musclés, d’histoires d’amour impossibles, de coups bas et de méchancetés en tout genre. Mais Delaf et Dubuc, qui forment un couple dans la création comme dans la vie, ont su capter l’air du temps en instaurant dès le début un ton très libre et drôle qui dépoussière le genre. Les filles adorent (j’ai pu le vérifier!), les garçons et les parents aussi affirme la maison d’édition.

Alors, pourquoi se lancer dans une une série parallèle ? Avec Les Vacheries des Nombrils, Delaf et Dubuc comptent renouer avec l’esprit du tout début de la série, des gags en une page libérés du carcan parfois rigide d’une l’histoire en 50 pages.

« Les sept tomes des Nombrils réalisés jusqu’à aujourd’hui étaient comme un numéro d’équilibriste. Faire des gags tout en essayant de garder le cap sur l’histoire qu’on avait envie de raconter, c’est du sport ! Mais cela nous a permis de constater qu’avec un peu de travail, il est possible de trouver une chute humoristique à toute situation. De se retrouver, tout à coup, entièrement libres de raconter ce qu’il nous plait en ayant pour seule contrainte d’être drôles, ça fait se sentir légers ! »

Tiré d’emblée à 130 000 exemplaires, le premier volet débarque donc en librairie ce mois-ci, le 19 mai pour être précis, et devrait contenter tou(te)s les fans de la série.

Eric Guillaud

Vachement copines, Les Vacheries des Nombrils (tome 1), de Delaf et Dubuc. Éditions Dupuis. 10,95€

© Dupuis / Delaf et Dubuc

© Dupuis / Delaf et Dubuc

16 Mai

Pierre de cristal : un récit sur l’enfance signé Frantz Duchazeau

Pierre-CouveJe ne suis pas un fin connaisseur de l’oeuvre de Frantz Duchazeau, c’est le deuxième album que je lis de lui seulement, c’est la deuxième fois que je suis très agréablement surpris.

La première fois, c’était avec Le rêve de Meteor Slim, un très beau bouquin au format carré paru chez Sarbacane en 2008, un dessin charbonneux pour un récit au coeur du blues, dans le Mississippi des années 30.

Changement radical de sujet, de contexte et même de dessin -le trait est beaucoup plus léger cette fois- Pierre de cristal nous embarque pour un voyage intimiste au coeur de l’enfance. De notre enfance, de votre enfance pourrais-je écrire. Car ce livre parlera forcément à chacun de nous, tant Frantz Duchazeau a su capter et retranscrire les peurs, les joies, les incertitudes, les interrogations propres à cette étape de la vie.

Le personnage principal de ce récit s’appelle Pierre. C’est un petit garçon de 10 ans qui mène une vie ordinaire, celle d’un gamin de son âge, avec peut-être un peu plus de sensibilité que les autres. Au fil des pages, Pierre découvre la vie, la cruauté des uns, la lâcheté des autres, la violence du monde, la mort… Il voudrait que rien ne change, jamais, que ses parents ne se quittent pas, qu’ils continuent à s’aimer, à l’aimer: Mais on n’arrête pas le temps, on ne peut non plus revenir en arrière, Pierre le comprend. « Je sais aussi que je serai triste de ne plus être un enfant… », se dit-il, « alors je repenserai à ces moments quand la lumière était  belle ».

Une écriture sensible et poétique, un graphisme aussi fragile que les souvenirs, Pierre de cristal aborde des thèmes graves avec finesse et intelligence.

Eric Guillaud

Pierre de cristal, de Frantz Duchazeau. Éditions Casterman. 16,95€

© Casterman / Duchazeau

© Casterman / Duchazeau

14 Mai

Le Chemin des égarés : un plongeon au coeur de la marginalité et de la drogue signé Vincent Turhan

Capture d’écran 2017-05-14 à 16.11.40Dans sa mise en scène, ses couleurs, la couverture du Chemin des égarés m’en rappelle une autre, celle de La Guerre d’Alan en version intégrale. Mais là s’arrêtent les similitudes même si les deux racontent un périple humain dans un pays dévasté…

Gros plan sur une seringue planté dans ce qu’on peut imaginé être un bras. Nous voilà prévenus, Le Chemin des égarés est un voyage difficile en pays junkie, l’histoire de marginaux dans La Nouvelle-Orléans tout juste dévastée par l’ouragan Katrina en 2005.

A l’abris d’un tunnel, Layne et Cesar émergent de leur dernier shoot et découvrent le paysage d’apocalypse laissé par l’ouragan Katrina, un amoncellement de câbles, de poteaux, de morceaux de toitures. Un désastre.  Layne et Cesar n’ont pourtant qu’une préoccupation : trouver « le toubib », leur dealer, et récupérer leur dope quotidienne. Oui, mais voilà, avec l’ouragan, le fameux toubib est allé voir ailleurs si l’air était meilleur. Qu’importe, le marché se déplace ? Les consommateurs suivent. Et voilà nos deux acolytes partis à sa recherche, bientôt rejoints par Joe, un sans abri comme eux, et une gamine prénommée Zoé.

Dans un décor apocalyptique, notre petite bande qui aurait pu se souder face à l’adversité se déchire au rythme des crises de manque. « Nous n’étions en fait qu’un peloton de junkies en recherche de dope. Autour de nous, le monde s’écroulait ». Pourtant, tous ne trouveront pas la même chose au bout de la route, certains continueront de sombrer, d’autres referont surface…

« Le chemin des égarés est né de l’envie de raconter une histoire sur la marginalité… », explique l’auteur. « La pratique constante du dessin d’observation dans les gares parisiennes m’a permis de côtoyer de loin comme de près l’univers de la rue. Savoir à quoi, et comment pense l’individu m’a toujours intéressé. Je me suis impliqué dans une association dédiée à l’aide aux SDF. Je me suis imprégné de nombreux parcours, d’anecdotes, de visages. Le chemin des égarés s’est nourri de toutes ces personnes… ».

Derrière le tragique et la violence du contexte général et des histoires individuelles, Le Chemin des égarés se termine sur un message d’espoir, quand « la volonté de s’affranchir d’un processus de destinée » devient plus fort que toutes les peurs. Un sujet assez rare aujourd’hui magnifiquement mis en scène par ce trait idéalement tourmenté et ces ambiances sombres.

Eric Guillaud

Le Chemin des égarés, de Vincent Turhan. Éditions Les Enfants Rouges, 20€

© Les Enfants Rouges / Turhan

© Les Enfants Rouges / Turhan

13 Mai

Constellation : réédition d’un huis-clos aérien sur fond de guerre froide signé Frederik Peeters

Capture d’écran 2017-05-12 à 14.22.00Tenir entre les mains un album de 300 pages à plusieurs dizaines d’euros peut rassurer certains boulimiques du neuvième art mais le bonheur peut être aussi simple que Constellation, 30 pages, 9 euros dans toutes les bonnes librairies…

On ne va pas tortiller de l’arrière train pendant longtemps, Constellation fait partie de ces albums qu’il faut avoir en permanence sous la main pour le relire régulièrement, un petit bijou scénaristique qu’on ne trouvait plus chez nos amis libraires sans y mettre le prix, souvent plus de 20 euros. Il faut dire que sa publication remonte à 2002, l’auteur Frederik Peeters venait d’obtenir la reconnaissance de la profession et du public avec l’album Pilules bleues.

Rien à voir cependant avec l’histoire d’amour malmenée par le sida de Pilules bleues, Constellation est une fiction qui se déroule en 1957, en pleine guerre froide, sur un vol Paris-New York, une histoire en forme de huis-clos savamment construit, trois chapitres, autant de points de vue de la même scène, celui de deux passagers, un soi-disant représentant en insecticide américain et une écrivaine à l’accent russe, et celui d’un steward vengeur. Simple en apparence, efficace de toute évidence !

Constellation, de Frederik Peeters. Éditions L’Association. 9€

© L'Association / Peeters

© L’Association / Peeters

10 Mai

Akira : le tome 2 enfin disponible !

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Onze mois. Il aura fallu patienter onze mois pour pouvoir tenir entre nos petites mains fébriles le deuxième tome de la réédition en noir et blanc du cultissime Akira de Katsuhiro Otomo. Un problème technique serait à l’origine de ce retard à l’allumage…

Je vous épargne le détail de ces problèmes techniques, l’important est de pouvoir enfin lire la suite de ce monument du manga, même si bien évidemment on connaît tous déjà l’histoire par coeur.

hormis de légers détails, ce deuxième volume est en tout point identique au premier. Exit la couleur, retour au noir et blanc, nouvelle traduction, onomatopées sous-titrées, jaquette originale et surtout, surtout, sens de lecture initial respecté pour une édition que l’on dit définitive, pilotée par le patron himself, Otomo, depuis le Japon.

Bref, vous pouvez éteindre la télé et reprendre votre activité normale de lecture. La suite ? L’éditeur nous assure qu’il ne faudra pas attendre autant de temps pour le troisième volume. On l’espère !

Eric Guillaud

Akira (tome 2), de Katsuhiro Otomo. Editions Glénat. 14,95€

07 Mai

Soft City : une étrangeté signée Pushwagner aux éditions Inculte

1decouv_softcityJe ne vous ferai pas le coup de celui qui connait Pushwagner depuis qu’il est né. Non, son nom m’était absolument inconnu jusqu’à ce jour où mon regard a été happé par la couverture radicalement rouge et asphyxiante de Soft City. Alors, j’ai fait comme tout le monde, je suis allé voir sur Internet qui pouvait bien être cet auteur et d’où sortait cet album surprenant dans le fond et dans la forme…

Pushwagner, Hariton de son prénom, Terje Brofos de son vrai nom, est un artiste contemporain norvégien, un « peintre pop » nous dit Wikipédia, qui connait aujourd’hui un succès national, voire international. Ce qui ne fut pas toujours le cas, notamment lorsqu’il débute cette bande dessinée, Soft City, en 1969. Il met six ans à la terminer avant, dit-on, de perdre les planches. Réapparues en 2002, elles sont exposées à l’occasion de la 5e biennale d’art contemporain de Berlin en 2008, offrant à l’auteur une exposition et une reconnaissance internationale. Il faut attendre fin 2016 pour que Soft City soit finalement publié par la New York Review of Books et 2017 pour qu’il soit traduit en français par les éditions Inculte.

Une préface de Chris Ware

Ce qui a arrêté mon regard sur la couverture de Soft City, c’est aussi un nom, qui cette fois m’était familier, Chris Ware, auteur de bande dessinée américain, notamment responsable de l’extraordinaire et multi-primé Jimmy Corrigan. Que venait-il faire dans cet album ? Signer une préface tout simplement. Il y explique notamment comment ce livre relève du miracle. « Non pas à cause de son existence… », précise-t-il, « mais de sa survie. Dessiné entre 1969 et 1975 par l’artiste Hariton Pushwagner, il est niché dans la pénombre durant des décennies. Tout le monde le croyait perdu, avant qu’un éditeur norvégien, No Coprendo, ne le refasse surgir en 2008, à la suite d’une longue dispute entre l’artiste et son ancien galeriste. Mais le miracle, plus encore, est à chercher du côté de la forme de cette oeuvre – la bande dessinée -, qui arrive à restranscrire une vision désenchantée et unique qui ne ressemble à nulle autre… »

Et c’est une évidence. Soft City est une oeuvre pour le moins singulière, un récit de science fiction à la Orwell (1984) ou à la Huxley (Le Meilleur des mondes) qui nous embarque dans un univers urbain oppressant, étouffant, où le collectif a définitivement anéanti les libertés individuelles, chacun partageant une vie identique dans un environnement identique, un quotidien ramené à une revue militaire permanente, un monde déshumanisé et consumériste à l’extrême où les protagonistes parviennent tout de même à se rassurer en s’affirmant heureux et surtout en avalant au réveil la petite pilule du bonheur.

Du béton à en perdre l’horizon

Pour le reste, Soft City, c’est du béton à en perdre l’horizon, des voitures qui saturent l’espace, des entreprises d’armement qui travaillent pour le bonheur des uns et forcément pour le malheur des autres, des supermarchés énormes, gigantesques, propices à endormir toutes velléités de changement. Soft City est une bande dessinée à caractère dystopique et, avec le recul des 40 ans, quasi-prophétique.

Mais s’agit-il vraiment d’une bande dessinée ? Pour Chris Ware, Soft City ne relève ni des beaux-arts, ni de la bande dessinée underground, « c’est une oeuvre imposante et expérimentale; un défi visuel qui touche profondément son lecteur, alors que s’insinuent dans son sillage les spectres des poésies, films et textes expérimentaux des années soixante ».

Une vraie curiosité !

Eric Guillaud

Soft City, de Pushwagner. Éditions Inculte. 30€

© Inculte / Pushwagner

© Inculte / Pushwagner

03 Mai

Bangalore : Simon Lamouret signe un portrait pas comme les autres d’une ville pas comme les autres

album-cover-large-32936Passer de 800 000 à 9 millions d’habitants en 50 ans laisse forcément des traces. Et de fait, Bangalore n’a pas l’attrait, le charme, que peuvent avoir Calcutta, Bombay ou New Delhi. Mais c’est dans cette ville, agglomérat de « décors maladroits », que Simon Lamouret a vécu et travaillé et c’est de cette ville dont il a décidé de nous parler à travers ce très bel album paru chez Warum….

Et il le fait non seulement avec un talent graphique affirmé mais aussi avec beaucoup d’esprit, de singularité et d’humanité. Son album n’a en tout cas rien à voir avec les carnets de voyage habituels, Simon Lamouret ne se met pas en scène ou très peu, ne raconte pas un voyage mais une suite d’anecdotes de la vie quotidienne. Des saynètes en une ou deux pages décrivent la ville et les gens qui la font, la circulation rue folie, les chargements improbables qui font vaciller motos et vélos, l‘urbanisation anarchique, les multiples petits métiers de la rue, la vie nocturne, les mariages arrangés ou encore la misère des ouvriers de chantiers.

« Pendant trois années… », epxlique-t-il en préambule, « j’ai arpenté cette ville et ai posé mon regard sur les interactions qui se déroulent dans la rue. Devant le spectacle des passants anonymes, de ces acteurs des trottoirs, j’ai tenté de décoder une part de l’âme indienne, sans chercher à démontrer, en regardant et en écoutant, pour retranscrire, de la façon la plus juste, ce qe j’ai cru percevoir de ce peuple ».

Les dessins de Simon Lamouret mettent en scène ce qui fait la singularité du pays, tout s’y entrechoque, la tradition et la modernité, la richesse et la pauvreté, la religion et le business, la vie et la mort. Cerise sur le gâteau, les anecdotes de Simon Lamouret sont rythmées par une série de dessins grand format en double page où se révèle l’agitation compulsive qui secoue ce pays jour et nuit. Simon Lamouret ne juge pas, il ne fait que montrer ce qui se voit et parfois ce qui se voit moins avec bienveillance et un brin d’humour. Magnifique !

Eric Guillaud

Bangalore, de Simon Lamouret. Éditions Warum. 22€

© Warum / Lamouret

© Warum / Lamouret

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