On sait les dégâts que peut provoquer l’adaptation d’une bande dessinée au cinéma, c’est exactement la même chose pour l’adaptation d’un roman en bande dessinée même s’il arrive parfois des miracles. En voici un très beau…
Non, nous ne sommes pas à Lourdes mais en Normandie, plus précisément à Giverny où s’inscrit le récit de Michel Bussi, un polar tendance roman d’amour, ou l’inverse, sorti en 2011 aux Presses de la Cité et aujourd’hui adapté en bande dessinée par le duo Duval / Cassegrain chez Dupuis.
Est-ce leur appartenance commune à cette Normandie verdoyante, et parfois mystérieuse, ou leur amour identique pour le récit populaire de qualité, toujours est-il que Fred Duval parvient aujourd’hui, comme Michel Bussi hier, à embarquer les lecteurs et les tenir en haleine jusqu’au fameux coup de théâtre final qui rendait toute adaptation visuelle vouée à l’échec. Du moins, c’est ce qu’on pouvait penser jusqu’à ce jour, c’est ce que pensait aussi Michel Bussi.
« Mes Nymphéas noirs étaient réputés inadaptables en images… », explique l’écrivain en ouverture du livre, « Avec cette bande dessinée, c’est un rêve qui devient réalité ».
Plus qu’un miracle donc, une réalité ! Fred Duval, qui a travaillé sur cette adaptation en étroite collaboration avec l’écrivain, n’a jamais été du genre a s’effrayer devant les défis scénaristiques. Et adapter ce roman en était un, clairement.
« Ça m’a demandé deux grosses semaines de réflexion pour lister tous les pièges, toutes les séquences inadaptables visuellement et trouver les solutions, les alternatives, j’ai ainsi ajouté le personnage de Liliane, policière au commissariat de Vernon. Le plus difficile a été de garder, de retranscrire l’ambiance absolument incroyable du roman, Giverny est un personnage a part entière… ».
Mais pour le scénariste, le dessin est aussi important que l’écriture dans la réussite du livre.
« Je pense que le dessin de Didier était idéal pour réussir cette adaptation, il est à la fois impressionniste avec des flous d’arrière-plan magiques (et on avait besoin de pas mal de magie) et un traité des personnages assez réaliste pour que l’histoire soit bien perçue au premier degré et que les lecteurs s’identifient bien aux protagonistes ».
Alors bien sûr, ceux qui ont lu le roman de Michel Bussi connaissent déjà l’histoire, celle d’un meurtre étrange autant qu’inexpliqué dans les bucoliques paysages de Monet, et le dénouement qui lève le voile sur le mystère dans une secousse sismique temporelle de forte magnitude.
Pas de surprise donc de ce côté-là, mais les plus curieux auront le plaisir de découvrir une adaptation plus que réussie, scénaristiquement bluffante et graphiquement sublime. En même temps, ils s’offriront une belle petite promenade au cœur de la Normandie et de l’impressionnisme.
Pour les autres, ceux qui n’ont jamais lu Michel Bussi et peut-être Fred Duval, voilà une belle et première occasion, à priori pas la dernière puisque Fred Duval envisage aujourd’hui l’adaptation de deux autres romans de Michel Bussi dans les prochaines années.
Eric Guillaud
Nymphéas noirs, de Duval, Cassegrain et Bussi. Dupuis. 28,95€ (sortie le 25 janvier)