05 Juil

1989, Le grand Tour : un hommage au Tour de France signé Max Cabanes

Dans quelques heures maintenant, le Tour de France 2019 s’élancera de Bruxelles. En attendant, Max Cabanes nous invite à revivre celui de 1989, un rétropédalage de 30 petites années pour un plongeon au coeur d’un Tour complètement fou qui se disputa jusqu’à la dernière seconde, jusqu’au dernier mètre…

Les amoureux du Tour, même ceux qui n’étaient pas nés à l’époque savent que 1989 fût une édition singulière dans son histoire. Le « Tour le plus fou » comme le qualifie la presse sportive,  avec un casting de dingue, Greg LeMond, Stephen Roche, le vainqueur sortant de l’épreuve Pedro Delgado et le favori Laurent Fignon qui céda la plus haute place du podium à Greg LeMond sur les derniers mètres de la course avec 8 secondes d’écart.

Ce Tour-là, ce Tour de rêve, Max Cabanes eut l’opportunité de la suivre de l’intérieur, au plus près des coureurs, au plus près de la légende.

« En matière de rêve… », explique-t-il, « j’ai appris à être patient. J’ai fini par admettre qu’il existe bien une harmonie du hasard plus ou moins favorable aux accomplissements. J’ai fini par admettre qu’un simple coup de fil peut vous installer à l’arrière d’une limousine du Tour de France, avant même de réaliser que l’enchanteur s’appelle Pierre Christin, éditeur ex machina de mon rêve d’enfant? C’était en 1989… »

Pendant une vingtaine de jours, l’auteur se fait auteur se fait reporter pour partagera avec nous à la manière d’un carnet de voyage le quotidien de la Grande boucle, la caravane, la vie sur sur le village du Tour, les fans sur le bord de la route et bien sûr la course et les coureurs, avec leurs moments de joie et de peine.

Certains d’entre vous ont peut-être déjà vu certains dessins de ce livre, une partie du matériel a en effet connu une première édition en 1989 aux éditions Dargaud sous le titre La Boucle Magique. Elle est ici enrichie de nombreux dessins, le texte a été lui revu et augmenté. Un très bel ouvrage, un regard singulier sur l’une des plus grandes épreuves sportives.

Eric Guillaud

1989, Le grand Tour, de Max Cabanes. Dupuis. 26€

@ Dupuis / Cabanes

2112 : la société trop parfaite du XXIIème siècle et ses secrets par le dessinateur de comics culte John Byrne

Si Jack Kirby fut la star de Marvel des années 60 et John Buscema celle des années 70, la décennie suivante fut tout acquise à John Byrne. Ce dessinateur né en Angleterre mais qui a d’abord émigré au Canada à l’âge de huit ans avant d’être naturalisé américain a tout fait chez le géant américain, en commençant par Iron Fist avant d’enchaîner avec les X-Men, Spiderman ou Les Quatre Fantastiques. Une fois passé chez le concurrent DC, il s’est alors attaqué à Miss Hulk, Wonder Woman ou encore Superman. Il est surtout responsable de certains épisodes les plus mythiques de ces différentes sagas. Rien que ‘La Mort de Phoenix’ publié en 1984, point d’orgue de l’histoire des X-Men où Jean Grey se sacrifie pour éviter de détruire l’univers, est entré au Panthéon des meilleurs comics jamais sortis (si).

En France, les lecteurs assidus de Strange et Spidey connaissent aussi bien ce nom mais l’ont ensuite un peu perdu de vue, la seconde partie de carrière étant moins connue de ce côté-ci de l’Atlantique. Pourtant, là où d’autres vétérans auraient accepté un poste en or de chef artistique où directeur de collection histoire de se couler douce après des années de travail acharné, lui a préféré prendre dans les années 90 la tangente en faisant plusieurs aller-retour entre DC et Marvel tout en s’autorisant quelques apartés chez des éditeurs plus modestes, dont ce 2112 paru initialement en 1991 et jusqu’à lors jamais traduit en français.

Byrne a toujours vu Kirby comme son modèle et consciemment ou pas, il a essayé avec 2112 en gros de suivre à peu près la même voie que le maître avec Le Quatrième Monde. Comme lui, si en tant que dessinateur son style reste ici immédiatement reconnaissable avec son trait très droit et ses personnages au physique très rectiligne, en tant que scénariste ce fut vraiment sa première tentative de prendre un peu de distance avec le monde parfois Bisounours de Marvel/DC et d’ébaucher une critique sociale. Et quoi de mieux que cette description acide d’une société ultra-moderne a priori parfaite mais où les ratés et erreurs du passé ont été mises sous le tapis comme de la poussière. Comme le lecteur, le personnage principal, un jeune cadet des forces de l’ordre issu de la bonne société et plein de bons sentiments, va découvrir petit-à-petit l’envers du décor et le mensonge sur lequel tout ce monde soi-disant utopique s’est bâti.

Histoire indépendante servant aussi de prologue à la série des Next Men (qui devrait elle aussi avoir enfin droit bientôt à sa première traduction française) 2112 met certes un peu de temps à démarrer et souffre parfois d’un scénario un chouia linéaire. Mais c’est aussi le lien, manquant jusqu’à lors, entre la première et la seconde partie de la carrière d’un grand auteur de comics toujours actif de nos jours et qui a su se remettre en question au bon moment. Le tout sortant bien sûr on a presque envie de dire sur Delirium, petit mais (très) costaud éditeur indé français qui, décidément, a le chic pour combler nos lacunes…

PS : pour l’anecdote, Byrne a toujours su glisser dans ses œuvres des références à ce Canada si cher à ses yeux, dixit la Division Alpha chez les X-Men. Le fan de musique et notamment de musique des années 70 aura donc reconnu la date symbolique, 2112. Soit aussi le nom du quatrième album du groupe de rock progressif canadien Rush sorti en 1976…

Olivier Badin

2112 par John Byrne, 15 euros, Delirium

@ Delirium / Byrne

02 Juil

Frnck, Spirou, La Rose écarlate, L’Île au trésor, Mimosa, Raowl… une sélection de BD Jeunesse pour les vacances

De l’action de l’humour, de la poésie, de la parodie, du fantastique, douze albums à potasser pendant les vacances. Interro à la rentrée… 

On commence avec Spirou, le personnage emblématique des éditions Dupuis se fait défenseur des droits de l’homme avec cet album récemment publié et reprenant l’essentiel du matériel proposé dans le journal Spirou du 10 octobre 2018, un numéro spécial qui célébrait alors les 70 ans de la Déclaration des droits de l’homme. Au sommaire, la déclaration (et tout ce qui la touche) illustrée par les auteurs et avec les héros du journal.Tous les bénéfices et les droits d’auteurs seront reversés à une organisation liée à l’ONU. Spirou défenseur des droits de l’homme, collectif. Dupuis. 12,50€

Cinq albums en un peu plus de deux ans, un premier cycle bouclé et un deuxième qui débute, ça gaze pour le tandem Cossu / Bocquet et la série Frnck. Une nouvelle fois, direction la préhistoire, non pas pour un cours d’histoire mais pour une aventure un peu dingo avec un gamin de 13 ans comme héros qui s’est retrouvé propulsé là en cherchant ses parents. Frnck, je sais c’est difficile à prononcer mais vous pouvez l’appeler Franck, est un ado d’aujourd’hui, moderne, jean, baskets rouges au pied, du genre à avoir tout le temps le nez sur les écrans. Sauf que là, dans la préhistoire, il n’y a pas de réseau, pas d’internet, pas de Facebook… mais des bestioles monstrueuses en pagaille, des hommes poilus qui mangent les voyelles et de jolies filles. Poilant! Frnck tome 5, de Cossu et Bocquet, Dupuis, 10,95€

Sorti en avril, ce quinzième album de La Rose écarlate arrive à point nommé pour célébrer le quinzième anniversaire de la série. Avec plus d’un million deux cents mille exemplaires vendus en langue française, les aventures de Maud et de son compagnon Guilhem sont un des grands succès de la bande dessinée franco-belge. Leur recette ? Du cape et d’épée avec une bonne dose de romantisme. Le tome 16 est annoncé pour octobre et le tome 7 du spin-off La Rose écarlate – Missions devrait sortir en août. La Rose écarlate tome 15, de Patricia Lyfoung. Delcourt. 10,95€

Que ce soit pour le cinéma, la télévision ou la bande dessinée, on ne compte plus ses adaptations. L’île au trésor est une pièce maîtresse du patrimoine littéraire mondial, un grand classique du roman d’aventure que tout le monde connaît, que tout le monde ou presque a lu. Aurélien d’Almeida et Benjamin Bachelier en proposent ici leur propre vision dans un style graphique nerveux au trait épais. En bonus, l’album comporte dans les dernières pages un petit dossier sur Robert Louis Stevenson et son roman. L’Île au trésor, de Bachelier et D’Almeida. Casterman. 14,95€
.
Après Le blog de Charlotte et Le blog de Nina, voici Le blog de Léonie, troisième opus de cette série signée Beka pour le scénario et Grégoire Mabire pour le dessin. Avec toujours le même principe, une subtile association d’aventure classique, de journal intime et de thématiques sociétales comme cette fois les migrants et notamment le sort des mineurs isolés étrangers. Pour occuper leurs vacances, Nina, Charlotte et Léonie découvrent le géocaching, une sorte de chasse au trésor avec GPS. Léonie crée un blog pour y retracer ces trouvailles. mais au fil de ses pérégrinations, la jeune fille rencontre Yedo, un jeune migrant. Elle décide de l’aider…  Le blog de Léonie, de Beka et Mabire. Bamboo Edition. 14,90€
.
Que de chemin parcouru depuis sa première apparition dans une aventure de Spirou et Fantasio. C’était en1952 sous le pinceau du talentueux Franquin. Depuis, l’animal a imposé son pelage jaune et noir, sa queue préhensile démesurée et ses Houba! Houba! dans le neuvième art et au-delà. Bienvenido a Bingo est la 32e aventure en album à paraître chez Marsu Productions. Au programme, un très vieux cactus, une botaniste venu le sauver d’un projet immobilier, une ville de machos, une prison pour femmes qui distribue de l’électroménager pour distraire ses pensionnaires et une petite Marsupilamie bien loin de chez elle… Marsupilami tome 32, de Franquin, Batem et Colman. Marsu Productions. 10,95€

« Chaire journale, je m’appelle Mimosa, j’ai deux frère et une seur, et un chat moche et aveugle qui s’appelle Janloui. Plus tard, je veux faire jardinière, ou arqéologue… ou incroyable hulk ». Voilà – avec les fautes d’orthographe – les premiers mots de Mimosa, une héroïne complètement mimi née de l’imagination de Catmalou et Edith. De l’imagination mais pas que. Pendant des années, Catmalou a noté sur des carnets les mots, les phrases, de sa fille. En une succession de strips, Mimosa met le quotidien de la gamine en cases avec un sens de l’observation et de la répartie hors du commun. C’est drôle, fin, intelligent et graphiquement sublime. Un très bel album à l’italienne pour tous. Mimosa, de Catmalou et Edith. Soleil. 22,95€

Les Cochons dingues de Laurent Dufreney et Miss Prickly sont de retour pour une deuxième aventure. Et cette fois, nos héros ont décidé de partir en vacances. Mais comment faire pour s’échapper sans être vu par les maîtres de la maison ? Et surtout, comment faire avec Dodo qui, comme son nom peut le laisser supposer, dort en permanence ? Le réveiller pourrait le mettre de mauvaise humeur. La solution : le traîner dans sa couverture. Des vacances qui ne s’annoncent pas de tout repos… Les Cochons dingues, de Dufreney et Miss Prickly, Delcourt, 10,95€

Nos amis les bêtes, il en est également question avec ce premier volet de la série Comme des bêtes emmené par le tandem Goum – Lapuss’, adaptation en BD du film produit par Universal Pictures et illumination Entertainment. Des gags en une page mettant en scène nos animaux domestiques préférés en notre absence. Mais oui, que font-ils quand on n’est pas là ? Une question essentielle, des réponses qui ne le sont pas moins. Comme des bêtes, de Goum et Lapuss’. Dupuis. 9,90€

Comment se prémunir d’une attaque de moules ? En brandissant des frites bien croustillantes. Bon, ça ne marche pas à tous les coups mais là, dans ce sixième volet de Naguère les étoiles réalisé par Bourhis et Spiessert, ça le fait, de quoi permettre à nos deux héros de survivre et d’atterrir dans la bouche d’un blobfish où ils vont tenter de sauver le sénateur. Vous me suivez ? Non ? Le mieux est de vous jeter sur cette parodie de Star Wars où les héros ont pour noms Arlekin, Jean-Michel Jar-Jar, Seigneur Slip, Pricesse Leïca, Yann Kersolo, Jean-Luc, Ravi Ravi dit R2… Naguère les étoiles tome 6, de Bourhis et Spiessert. Delcourt. 10,95€

Pendant que certains parodient Star Wars, d’autres dégomment les contes de fées. Mais quand on s’appelle Tebo, on a le droit. On en a même le devoir. Et il ne s’en prive pas avec ce premier volet de sa toute nouvelle série Raowl publiée chez Dupuis. Raowl est un prince pas vraiment charmant, super violent, vraiment moche. Même la première princesse passant par là préfère embrasser une éponge avec du gras. C’est dire… Mais pour l’aventure, il n’y a pas mieux, Raowl nous embarque dans une histoire complètement déjantée imaginée par le créateur de Samson et Néon et de Captain Biceps dont le septième tome est annoncé pour septembre. Raowl tome 1, de Tebo. Dupuis. 12,50€

Un one-shot pour finir, Légendes zurbaines de Nick Bruno, Paul Downs et Michael Yates, trois Américains travaillant dans l’animation, notamment pour Pixar et Blue Sky Studios. Légendes zurbaines est une aventure inédite mettant en scène un groupe de jeunes justiciers en lutte contre de terribles monstres qui ont décidé d’attaquer Brooklyn.  Légendes zurbaines de Nick Bruno, Paul Downs et Michael Yates. Les Humanoïdes Associés. 14,99

Eric Guillaud

25 Juin

Tif et Tondu de Blutch & Robber et Haïku de Cinna : deux cahiers Dupuis pour les vacances

Deux cahiers de vacances ? Non, deux cahiers pour les vacances, rien à voir avec l’école et les révisions pour la rentrée, on parle ici de plaisir pour les yeux et pour le mental, le troisième volet du Tif et Tondu d’un côté et le magnifique Haïku du regretté Olivier Cinna de l’autre…

Tif et Tondu sont de retour. Le mythique tandem imaginé par Fernand Dineur en 1938 pour le journal Spirou connaît une nouvelle aventure sous la plume et les pinceaux des deux frangins Blutch et Robber qui devrait s’appeler Mais où est Kiki ? et dont la parution un temps annoncée pour octobre 2018 devrait se faire finalement, du moins on l’espère, début 2020.

Un petit retard à l’allumage qui ne gâche en rien notre plaisir. Cette histoire traîne depuis 10 ans dans les cartons des auteurs mais l’écriture du scénario et sa présentation aux ayant-droits auraient imposé ce délais. D’autant que les auteurs, amoureux de la série, ne voulaient surtout pas la « singer », comme le confiait il y a quelques temps Blutch au site ligneclaire.

Et c’est vrai qu’on est assez loin du style graphique de Will et des histoires de Rosy, Tillieux ou même Lapière qui se sont succédés à l’écriture. De quoi faire hurler les intégristes de la série ? Peut-être mais Blutch et Robber apportent un vrai et nécessaire dépoussiérage à la série, les planches sont magnifiques, les décors soignés, l’histoire peut-être un peu plus adulte et le tandem toujours aussi savoureux.

Les trois cahiers aujourd’hui disponibles réunissent l’ensemble des planches en noir et blanc ainsi qu’un roman de Tif et Tondu rédigé par Robber, L’Antiquaire sauvage, qui est bien évidemment étroitement lié au scénario.

Très différent dans l’approche et le style graphique, le cahier du regretté Olivier Cinna, décédé le 24 mars dernier, rassemble une cinquantaine d’haïkus graphiques, autant de déclarations d’amour à la femme et au Japon, des croquis aussi troublants que poétiques, aussi simples que complexes, tous réellement magnifiques. Ceux qui connaissent l’album précédent de Cinna, Hibakusha, y retrouveront le même esprit, ce cahier s’inscrit d’ailleurs dans son prolongement. Un tirage unique limité à 2000 exemplaires accompagné d’un tiré à part numéroté et signé par l’auteur. Un talent fou qui vous embarque aussi loin qu’un dessin de Pratt.

Eric Guillaud

Cahiers Tif et Tondu 3, de Blutch et Robber. Dupuis. 14€

Haïku, Les Cahiers Aire Libre tome 3, de Cinna. Dupuis. 28€

15 Juin

Mickey all stars : cinquante auteurs, cinquante histoires pour fêter les 90 ans de Mickey

90 ans d’un côté, 50 ans de l’autre et un album au centre, Mickey fêté par Glénat dans un album collectif réunissant la crème de la bande dessinée contemporaine…

Deux anniversaires pour le prix d’un ! 90 ans pour la souris de Disney, 50 ans pour les éditions Glénat. Aucun lien entre les deux pensez-vous ? Justement si. D’abord, il y a la passion que voue depuis toujours Jacques Glénat pour Mickey, l’éditeur historique reconnaissant avoir appris à lire grâce à ses aventures.

Ensuite, il y a l’ambitieux programme de parution consacré aux héros de la maison Disney, un programme entrepris il y a quelques années maintenant et qui compte une bonne cinquantaine d’albums à ce jour.

Enfin, Jacques Glénat a réussi à convaincre le géant Disney de confier l’univers Mickey à quelques grands auteurs français, déjà connus et reconnus pour leur oeuvre. Résultat : une dizaine d’aventures inédites signées Cosey, Keramidas, Trondheim ou encore Tébo.

90 ans, ce n’est pas 100, mais c’est déjà pas mal. Pour marquer le coup, les éditions Glénat ont proposé à 50 auteurs parmi lesquels Brüno, Cestac, Clarke, Munuera, Pirus, Supiot ou encore Bouzard de réaliser leur propre histoire inédite en une page. Avec une contrainte tout de même : Mickey doit entrer par une porte dans la première case, sortir de la même manière dans la dernière, et vivre une aventure sans limite entre les deux. Intéressant !

Eric Guillaud

Mickey all stars, collectif. Glénat. 15€

The Killmasters : la Norvège, ses fjords, ses démons, ses huis clos sanglants…

L’été arrive, cela commence à sentir fortement les vacances, les shorts de bain, les paires de tongs… Et le Hellfest. Alors quoi de mieux que de se mettre dans l’ambiance avec The Killmasters ?

Le 21 Juin prochain, tous les chevelus de France et de Navarre (et d’ailleurs !) vont se retrouver du côté de Clisson pour célébrer la grande messe du metaaaaaaaal. Histoire de se chauffer un peu, certains ont opportunément (non ? Si !) choisi cette période pour sortir des one-shot comme ce Killmasters. Malgré tout, attention, on ne tient pas là une BD sur le metal, mais disons que le décor et une bonne partie des personnages sont issus de cet univers et parleront donc à ses fans.

D’ailleurs, dès la première page, le groupe norvégien de black-metal Darkthrone est cité. Le black-metal (‘le métal noir’), c’est la branche la plus extrême de la grande famille du metal, dans le sens musical et conceptuel on va dire, née en Scandinavie au début des années 90 et qui a connu son paroxysme en 1993 et 1994, époque tourmentée qui a vu plusieurs musiciens de cette micro-scène brûler des églises, se suicider voire s’entretuer entre eux. Vous voyez l’ambiance et cela colle pile-poil à celle de cette BD aux couleurs rouge-sang… C’est justement en 1995 et en Norvège que l’action démarre ici, quelque part sur une route solitaire entre deux pics enneigés où un groupe de quatre musiciens de metal esseulés essayent de retrouver leur chemin après un concert, avant qu’une rencontre fortuite avec un camion roulant à tombeau ouvert et d’où s’écoule du sang chamboule tout…

Si The Killmasters était un film, ce serait une série B d’horreur sans prétention, du genre qu’on loue en VOD le samedi soir, histoire de se vider la tête avec un seau de popcorns et un soda frais à portée de main. Sorte de huis clos mâtiné de fantastique où nos héros doivent s’allier avec des locaux d’abord pas très accueillants pour faire face à un démon particulièrement coriace (ah merde, on en a déjà trop dit !), l’accent est ici volontairement sur l’action. Pas de grande théorie, pas de grand scénario non plus il faut avouer, une fin un peu en queue de poisson (histoire de préparer la suite ?) : les deux auteurs, tous les deux originaires de Barcelone, misent tout ici sur l’action et y vont à fond ! D’ailleurs le style graphique de Javier est très dynamique et bizarrement anguleux, comme s’il dessinait toujours dans l’urgence, ses choix d’angles biscornus trahissant souvent sa culture cinématographique et les amateurs de la franchise espagnole friande de zombies ‘Rec’ s’y retrouveront par exemple. À lire en écoutant le dernier Darkthrone (Old Star) qui vient de sortir d’ailleurs, comme par hasard…

Olivier BADIN

The Killmasters de Damian et Javier, Ankama, 14,50 euros

12 Juin

On Mars, Colonisation, U.C.C. Dolores… trois séries SF sinon rien

Explorer et conquérir de nouveaux territoires, c’est finalement l’histoire de l’humanité. Mais c’est très certainement aussi son futur. Dans ces trois séries qui ont en commun une certaine approche de l’écriture, avec des scénarios accessibles à tous, les auteurs imaginent ce à quoi pourrait ressembler demain ou après demain…

On commence avec le deuxième volet de l’excellente série On Mars publiée par le non moins excellent éditeur Daniel Maghen. On vous avait déjà dit ici tout le bien qu’on en pensait à l’occasion de la sortie du premier volet, la suite est du même très bon niveau, un scénario simple et carré accessible à tous, un graphisme de toute beauté et une histoire qui nous embarque sur la planète Mars où les hommes ont décidé de jeter leur dévolu après avoir bien rincer la Terre. Et pour ce faire, pour créer les cités dômes qui doivent accueillir les colons, la main d’oeuvre est toute trouvée : les repris de justice. Mais bien sûr, tout ne se passe pas comme prévu… (Les Solitaires, On Mars tome 2, de Grun et Runberg. Daniel Maghen. 16€)

Dans le même esprit, Colonisation nous embarque dans un futur où l’homme a dû quitter la Terre surpeuplée pour coloniser d’autres planètes. Un exode de masse à bord d’une multitude de vaisseaux spatiaux dont certains se sont perdus dans l’immensité de l’espace et sont sujets à des pillages. Retrouver ces vaisseaux, c’est précisément la mission de Milla Aygon et de son équipe, une mission dangereuse qui les entraîne dans des recoins inhospitaliers de l’univers comme la planète X42F qui regorge de jolies bébêtes peu sympathiques. Un scénario captivant, une mise en images sublime, toute en finesse et dynamisme, une très bonne série !  (L’Arbre matrice, Colonisation tome 3, de Filippi et Cucca. Glénat.13,90€)

Didier Tarquin. Ce nom vous dit forcément quelques chose. C’est le dessinateur de l’une des séries phares de l’heroic fantasy en BD, Lanfeust de Troy. Il revient en auteur complet cette fois sur une aventure de SF dont le premier volet est sorti au début de l’année 2019. U.C.C. Dolores, c’est son nom, a tout du western intergalactique et peut-être déjà tout d’un classique du genre. « Quand on parle de western en bande dessinée… », explique l’auteur, « il y a une oeuvre qui vient immédiatement à l’esprit. Une et une seule : Blueberry. Avec, évidemment, la patte de Giraud. J’avais envie de retrouver ça, de faire quelques chose de très classique – de néo-classique, disons. Une BD moulée à la louche et au pinceau, c’était comme un besoin de revenir aux fondamentaux quelque part ».  Inutile de vous dire que le résultat est graphiquement sublime. Quand à l’histoire, celle d’une orpheline élevée dans un couvent qui se retrouve du jour au lendemain propriétaire d’un croiseur de guerre baptisé U.C.C. Dolores, on ne peut être que conquis. (U.C.C. Dolores, de Didier Tarquin et Lyse Tarquin. Glénat. 13,90€)

Eric Guillaud

10 Juin

Les Métamorphoses 1858 : le mythe de Frankenstein sous le Second Empire revisité façon gore?

Entre steampunk, fantastique merveilleux et horreur gothique, cette première œuvre d’un duo novice en BD nous replonge dans le Paris du milieu du XIXème siècle, plein de sociétés secrètes, de disparitions inexpliquées et d’apprentis sorciers sous couvert de faire avancer la science.

Cela commence presque comme une nouvelle horrifique de Gaston Leroux avant de prendre un détour du côté du quasi-contemporain ancien bagnard devenu policier Vidocq puis de passer par le fantastique merveilleux de Jules Verne pour retourner, sans prévenir, dans un cauchemar absolu faisant passer le ‘Docteur Jekyll et Mr Hyde’ de Stevenson pour une bluette…

Bien que ce soit leur première incursion dans le monde de la BD pour ses deux auteurs, toute la force de Métamorphoses, c’est bien l’incroyable richesse de son univers, nourri à la littérature populaire fantastique du XIXème siècle. Ça et sa description réaliste du Paris de l’époque, proche dans l’esprit de Londres avec ses mansardes mal chauffées, ses rues tortueuses et sa misère poisseuse.

En plus d’un gros travail sur les couleurs, le trait peu orthodoxe de Sylvain Ferret y est aussi pour beaucoup car assez singulier. À la fois nourri aux mangas, notamment dans sa façon de dessiner les visages, et à la BD franco-belge, son sens du cadre parfois baroque et son goût pour la foison de détails donne une épaisseur inhabituelle à un scénario qui multiplie les faux-semblants.

@ Delcourt / Ferret & Durant

Démarrant comme une simple enquête policière, deux amis d’enfance dont un détective amateur et son ami d’enfance et médecin sont engagés pour retrouver une jeune couturière qui a disparu sans laisser de trace, le tout prend assez rapidement une tournure beaucoup plus sombre et délirante, avec en filigrane des sociétés secrètes, des proto-androïdes et la recherche de la vie éternelle – à tout prix.

Rien ici n’est vraiment ce qu’il paraît être dans ce scénario assez touffu qui n’hésite à maltraiter la chair (comprendre : passages gore à foison). Et plus on avance et plus l’aventure prend de l’ampleur, quitte en contrepartie à parfois un peu perdre le lecteur à force de détours et de dialogues. Mais en choisissant cette époque charnière à l’aube de la révolution industrielle et à deux doigts du steampunk (couramment littéraire rétro-futuriste) tout en accentuant l’ambiance gothique, cette mini-saga réussit à accoucher de son propre univers, aussi luxuriant qu’angoissant. Les fans du jeu vidéo Bioshock par exemple s’y retrouveront totalement. Reste à savoir après comment ses auteurs ont réussi à raccorder tout ça dans le troisième et dernier volume à venir, tant le récit est dense. Mais on est assez impatient.

Olivier Badin

Les Métamorphoses 1858, tome I Tyria Jacobaeae et tome II Dinocampus Coccinellae, de Sylvain Ferret et Alexie Durant, Delcourt, 18,50 €

@ Delcourt / Ferret & Durant

07 Juin

Valhardi, Replay, Les Crannibales, Jodorowsky, Black & Mortamère, Aux Carrefours du destin… Un été en intégrales

Bien que le format ne soit pas franchement idéal pour le transport, c’est quand même en été quand les journées s’étirent et que les séances de farniente s’enchaînent qu’on peut apprécier à leur juste valeur les éditions intégrales. En voici quelques-unes qui pourraient bien ensoleiller vos vacances…

On commence avec un grand classique, Valhardi, Jean de son prénom, héros détective né en 1941 sous la plume de Jean Doisy et le pinceau de Jijé et publié dans les pages du journal Spirou tant que celui-ci eut l’autorisation par l’occupant allemand de paraître. Cette sixième intégrale réunit cinq aventures, les cinq dernières signées Jijé, Le Secret de Neptune, Rendez-vous sur le Yukon, Le Retour de Valhardi, Le Grand rush et Le Duel des idoles, toutes publiées entre 1959 et 1965, toutes délicieusement baignées dans l’atmosphère des sixties. Architecture, automobiles, mobiliers, décos… Un beau voyage dans le temps ! (Valhardi intégrale tome 5, de Philip, Jijé & Mouminoux. Dupuis. 35€)

Dans un tout autre genre, sortie à la fin de l’année 2018, l’intégrale Replay réunit les trois volets de ce récit paru au début des années 2000, à savoir Le début et la fin, Le Plein et le vide, La Fin et le début. Magnifique thriller signé David Sala et Jorge Zentner, tandem à qui l’on doit plus récemment Le Silence de Malka ou Le Joueur d’échecs, Replay nous embarque dans l’Amérique des années 90 mais aussi des années 70 par le jeu de flashbacks permanents. Replay comme retour en arrière, ou l’histoire d’une amitié à travers le temps et les destinées. Scénario fort, dessin magnifique. Indispensable ! (Replay, de David Sala et Jorge Zentner. Casterman. 23€)

Retour dans l’écurie Dupuis avec le deuxième et dernier volet de l’intégrale consacrée aux Crannibales. Sortez vos couverts, l’humour de Zidrou et Fournier se déguste saignant ou à point. Dans l’honorable – en apparence – famille Ducroc, tout est possible, tout est comestible, tous les plats sont à la carte, depuis le ragoût d’époux sur leur lit de noce jusqu’aux pieds de ballerine sauce Bolchoï, en passant par le pote au feu, les gens bons ou les gros lards fumés. Et si vous avez encore un petit creux après toutes ces aventures croquantes, alors jetez-vous sur le dossier très complet de Boris Henry en ouverture du volume : illustrations, planches, photos et anecdotes à gogo ! (Les Crannibales tome 2, de Zidrou et Fournier. Dupuis. 32€)

Réalisateur, acteur, mime, romancier et scénariste de bande dessinée, le Franco-chilien Alejandro Jodorowsky fête cette année ses 90 ans. À cette occasion, les Humanoïdes Associés ont lancé une collection anniversaire de 12 volumes reprenant tous les albums parus sous leur pavillon. Cinq ont d’ores et déjà été publiés, l’occasion de se replonger dans quelques-uns des chefs-d’oeuvres de la bande dessinée, depuis Les Yeux du chat jusqu’à Megalex, en passant par L’Incal ou Le lama blanc… (Alejandro Jodorowsky 90e anniversaire. Les Humanoïdes Associés. Prix variable)

Qui est capable de réunir dans une même bande dessinée Rahan, Blake et Mortimer, Bernard Prince,  John Difool, le comte de Champignac, Spiderman ou encore le Surfer d’argent ? Réponse : Pixel Vengeur dans Les aventures de Black & du suprême Mortamère récemment rééditées en intégrale par les éditions Rouquemoute, trois tomes réunis, cent pages inédites et des histoires toujours aussi déjantées qui nous offrent mine de rien un sacré voyage au pays du neuvième art. Indispensable ! (L’Intégrale de sa mère, de Pixel Vengeur. Rouquemoute. 34€)

On termine avec un polar ou plus exactement cinq polars réunis dans l’intégrale Aux Carrefours du destin, cinq polars signés Jean-Pierre Autheman, qui nous embarquent à travers le monde, de la Camargue à l’Océan indien, de la Toundra à la jungle sud-américaine pour des histoires noires, très noires, portées par un dessin ô combien efficace. L’occasion de retrouver l’oeuvre de cet auteur rare qui n’a pas signé d’albums depuis plusieurs années maintenant. (Aux Carrefours du destin, de Jean-Pierre Autheman. Glénat. 45€)

Eric Guillaud

04 Juin

Lino Ventura, l’oeil de verre : un très beau portrait signé Arnaud le Gouëfflec et Stéphane Oiry

C’est l’une des grandes figures du cinéma français, devenu acteur par accident, un homme de caractère, secret. Arnaud le Gouëfflec et Stéphane Oiry nous en dressent un portrait singulier et fascinant dans le roman graphique Lino Ventura et l’oeil de Verre paru aux éditions Glénat…

Roger le Catalan dans Razzia sur la Schnouf, brigadier Théo Dumas dans Un Taxi pour Tobrouk, Oncle Fernand dans Les Tontons flingueurs ou encore inspecteur Antoine Gallien dans Garde à vue… Des rôles de légende, des films mythiques, Lino Ventura a marqué le cinéma français d’une empreinte indélébile au point de susciter encore 33 ans après sa mort une admiration, voire une fascination générale…

Preuve en est ce roman graphique d’Arnaud Le Gouëfflec et Stéphane Oiry sorti aux éditions Glénat. Les auteurs racontent le personnage, sa première vie sur les rings de catch, sa rencontre avec la caméra de cinéma, l’œil de verre comme il aimait l’appeler,  son ascension, son premier film avec Gabin, sa pudeur qui lui faisait refuser certaines scènes, son exigence qui lui faisait de la même manière refuser certains films comme Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, La Chèvre de Francis Veber, Le Vieux fusil de Robert Enrico…

Mais il est comme ça Lino, entier, sans détour, avec sa façon de voir et de dire les choses. Alors, plutôt que d’écrire une biographie ordinaire enchaînant banalement les différentes étapes de sa vie, les auteurs ont imaginé un scénario qu’il aurait peut-être bien accepté de jouer de son vivant, un Lino Ventura pourchassé, harcelé même, par un journaliste désireux d’écrire sa biographie. Graphisme agréable et dialogues savoureux à la Lino. On sent la passion des auteurs pour l’acteur.

Une autre légende du cinéma, inventeur du western spaghetti celui-ci, je veux parler de Sergio Leone, fait également l’objet d’une biographie dans la même collection 91/2 chez Glénat. Elle est signée Noël Simsolo et Philan.

Eric Guillaud

Lino Ventura, l’oeil de verre, d’Arnaud Le Gouëfflec et Stéphane Oiry. Glénat. 22,50€

Sergio Leone, De Noël Simsolo et Philan. Glénat. 22,50€

@ Glénat / Le Gouëfflec & Oiry