22 Mar

« Plutôt plus tard » : Paul Gauguin tutoie Luc Leroi dans une balade spatio-temporelle signée Jean-C. Denis

9782754811347_cgNon seulement Luc Leroi se fait tutoyer par Gauguin, Paul Gauguin, mais encore il est prié de venir jouer de la musique chez l’artiste peintre qui lui offre en remerciement un dessin, oh trois fois rien, une simple étude, quelques traits qui dessinent le visage d’une femme.

Et Luc Leroi de rentrer chez lui avec le dessin sous le bras et de le poser en bonne place dans son appartement, sur la cheminée. Un Gauguin quand même !

Sauf que nous ne sommes plus au XXIe siècle mais au XIXe et l’oeuvre de Gauguin n’est pas encore mondialement connue et reconnue, tout juste bonne à récolter quelques menues monnaies au mont-de-piété. Mais que fait Luc Leroi au XIXe siècle me direz-vous ? Il s’est tout simplement perdu dans l’espace temps au retour d’un voyage à Tahiti. L’avion s’est posé avec beaucoup d’avance, tellement d’avance qu’il s’est retrouvé en 1894 et que son chemin a fini par croiser celui du célèbre peintre. Un sacré décalage horaire. Mais notre ami a toujours été décalé…

Habitué à traîner ses guêtres dans un univers assez ordinaire et contemporain, Luc Leroi se retrouve ici à voyager dans le passé tout en restant l’anti-héros primaire que tout le monde connaît, ou du moins que les plus vieux d’entre nous connaissent. Nous n’avions pas vu effectivement sa tignasse rousse et son costard mal fagoté depuis 2000 et l’album Toutes les fleurs s’appellent Tiaré. Autant dire une éternité ! C’est donc avec un plaisir non dissimulé que nous retrouvons ce personnage singulier, loin des aventuriers et autres héros formidables, créé en 1980 par le Grand Prix d’Angoulême Jean-Claude Denis. 36 ans de carrière donc, un double de papier pour son auteur qui lui permet régulièrement (huit albums à ce jour) de poser un regard parfois désabusé, parfois amusé, toujours avec légèreté, sur notre monde…

Eric Guillaud

Plutôt plus tard, Luc Leroi, de Jean-C. Denis. Editions Futuropolis. 16,50 €

17 Mar

Les enfants du capitaine Grant d’Alexis Nesme en intégrale

enfants-du-capitaine-grant-integraleAutant être direct sur ce coup là, l’album est aussi magnifique que les trois tomes sortis entre 2009 et 2014. Avec l’avantage d’être une intégrale et donc de nous offrir la possibilité de tout lire d’une traite. Et ça, c’est plutôt bien. Pas de temps mort, pas d’attente insupportable, tout est là et plus encore puisqu’un somptueux cahier graphique couronne le tout. Croquis, recherches, illustrations inédites… une dizaine de pages en tout qui permettent de nous attarder un peu plus sur le travail graphique d’Alexis Nesme. Une merveille.

Dans un style graphique radicalement différent, Alexis Nesme est coupable et responsable, toujours chez Delcourt, des séries Grabouillon et Les Gamins. Et pour la petite histoire, l’auteur a remporté en 1996 l’Alph’Art Graine de pro au festival d’Angoulême, il avait alors 22 ans.

Avec cette adaptation de Jules Verne, Alexis Nesme ne réalisait pas forcément un rêve d’enfant puisqu’il ne connaissait pas précisément ce roman, comme il le confiait en 2010 lors d’une interview donnée à Angoulême. « En fait je me suis intéressé à Jules Verne pour deux raisons, d’abord parce qu’il a des récits assez simples qui appartiennent au monde de l’enfance, et moi qui venais de l’illustration jeunesse, j’avais envie d’avoir quelque chose d’assez léger en terme de récit, et puis aussi j’avais envie de m’ancrer dans l’univers 19e, les bateaux, les vieilles architectures, tous les paysages différents, pour m’éclater en tant que dessinateur ».

Alors pourquoi a-t-il jeté son dévolu précisément sur ce titre ? Parce qu’à l’époque, plusieurs titres de Jules Verne qui auraient pu l’intéresser étaient déjà en cours d’adaptation notamment pour la collection Ex-Libris des éditions Delcourt. Mais il y a une autre raison : « Quand j’ai découvert ce bouquin, je l’ai trouvé parfait pour ce que j’avais envie de faire, il y avait exactement les visuels qui m’intéressaient en tant que dessinateur et puis le roman était assez intéressant puisqu’il y avait trois parties avec trois récits vraiment différents qui permettaient de faire des histoires et des tomes qui se tenaient bien ».

Avec un graphisme très technique, très fouillé au niveau de la couleur et de la lumière, inspiré par la peinture classique, romantique, flamande, plus proche au final de l’illustration que de la bande dessinée, Alexis Nesme nous offre une adaptation animalière flamboyante mais respectueuse du roman de Jules Verne.

Eric Guillaud

Les enfants du capitaine Grant de Jules Verne, par Alexis Nesme. Editions Delcourt. 35 €

© Delcourt / Nesme

© Delcourt / Nesme

« La Menuiserie » : un album d’Aurel sur la fermeture de l’entreprise paternelle

La_menuiserieC’est l’histoire d’une menuiserie ardéchoise, créée au lendemain de la deuxième guerre mondiale, portée par les Trente Glorieuses avant d’être finalement sacrifiée sur l’autel de la mondialisation.

Des commandes qui se raréfient, des normes qui alourdissent le travail au quotidien, un patron qui souhaite prendre sa retraite, les employés qui baissent les bras devant les difficultés administratives d’une éventuelle reprise… et c’est la fermeture, la mort d’une toute petite entreprise française, loin, bien loin, de la « Société anonyme » chantée par Eddy Mitchell.

Ici, pas de building en verre, pas d’actionnaires, pas de président directeur général à gros cigare et de responsables des ressources humaines aux chemise immaculées, la menuiserie tourne avec 6 personnes, Jacques, Khalid, Dominique et Julien côté atelier, Anne côté administratif et Arnaud Froment le patron.

Aurel, auteur de cette BD parue chez Futuropolis, la connaît bien cette menuiserie, comme il connaît bien le patron d’ailleurs. Arnaud Froment n’est autre que son père. Il a succédé à Marcel le grand-père à la fin des années 70. Aurel aurait pu lui-aussi reprendre l’entreprise familiale mais il a choisi une autre voie, le dessin de presse et la bande dessinée.

Familier des reportages et des enquêtes journalistiques, notamment pour Le Monde Diplomatique et Le Monde, Aurel est revenu quelques temps dans son village, Les Vans, et dans les ateliers de la menuiserie paternelle. Il y a partagé le quotidien des ouvriers et du patron, recueilli leurs témoignages et tenté de comprendre comment une entreprise peut disparaître et quelles peuvent être les conséquences humaines directes. Avec un ton très intime, une approche très humaine, Aurel nous invite à suivre la fin de vie d’une entreprise dirigée par la passion et non la volonté de domination.

Au delà de l’histoire de l’entreprise familiale, Aurel nous parle d’un monde qui est peut-être en train de disparaître avec ses valeurs. Un regard sur le monde du travail qui n’est pas sans rappeler l’oeuvre d’Etienne Davodeau. Absorbant !

Eric Guillaud

La Menuiserie, par Aurel. Editions Futuopolis. 19,90 €

13 Mar

« L’Homme de la maison », récit d’une adolescence à Singapour par Koh Hong Teng d’après le roman de Dave Chua

album-cover-large-29257« Il faut bosser dur cette année. Pas de bonnes notes, pas d’avenir ». À 12 ans, Yong écoute les recommandations de son père et approuve. Il voudrait même l’écouter plus souvent. Mais il n’est jamais là. Ni le matin quand il se lève, ni le soir quand il se couche. Un courant d’air qui ramène à la maison – quand il daigne s’y arrêter – des dettes de jeux. Pas vraiment une bonne image pour Yong à qui on demande pourtant d’assumer l’absence du père, de devenir un homme, l’homme de la maison.

À un âge où il devrait partager ses moments de liberté avec les copains, Yong doit souvent gérer son petit frère et sa grand-mère. Sa mère fait ce qu’elle peut pour maintenir la maison à flot. L’argent manque, elle doit sous-louer une partie de l’appartement…

Plusieurs fois primé, adapté à la télévision, la roman de Dave Chua nous entraîne au coeur de la société singapourienne, dans les quartiers populaires érigés dans les années 60 pour éradiquer les bidonvilles. Une histoire finalement assez universelle qui pourrait tout autant se dérouler dans les quartiers de la banlieue parisienne ou de Marseille. Avec un trait fin, précis, et délicat, que l’on dit influencé par le travail de Geof Darrow, le dessinateur Koh Hong Teng, l’un des plus grands auteurs de BD de Singapour, signe une très belle adaptation. 276 pages en noir et blanc à savourer comme on savoure un album de Jirô Taniguchi, en prenant son temps…

Eric Guillaud 

L’Homme de la maison, de Dave Chua et Koh Hong Teng. Editions Steinkis. 22 €

09 Mar

Cosey, Trondheim, Keramidas… font leurs Mickey chez Glénat

Une-mystérieuse-melodie-Cosey-Glénat-couvertureJamais l’expression « faire des Mickey » n’aura eu autant de sens. Cosey, Trondheim, Keramidas aujourd’hui, Loisel et Tebo demain, d’autres encore plus tard, se sont ou vont se pencher sur les aventures de Mickey Mouse, le fameux personnage de Walt Disney, des aventures jusqu’ici dessinées par quelques figures américaines telles que Carl Barks, Don Rosa et surtout Floyd Gottfredson, considéré aujourd’hui encore comme une référence en la matière. Quelques figures donc et beaucoup d’auteurs anonymes, parfois européens, notamment italiens, pas même crédités.

Mais les choses bougent. Jacques Glénat qui reconnait avoir appris à lire dans Le Journal de Mickey et édite aujourd’hui, non sans une certaine fierté, les aventures de Mickey et Donald, a réussi à convaincre le géant Disney de confier l’univers Mickey à quelques grands auteurs français, déjà connus et reconnus pour leur oeuvre. Une première !

« Avec cette collection… », explique l’éditeur, « nous offrons l’opportunité à des auteurs qui ont eux-aussi grandi avec Mickey et Donald de réaliser leur propre rêve : mettre en scène les héros de leur enfance dans des histoires qu’ils auront écrites et dessinées spécialement pour eux ».

Résultat : deux magnifiques premiers albums à l’ancienne, dos toilé jaune pour celui de Cosey, rouge pour celui de Trondheim et Keramidas. Le premier répond à une question essentielle pour des générations de lecteurs : comment Mickey a-t-il rencontré Minnie ? Le tout sur fond d’aventure rocambolesque autour d’un manuscrit original de Shakespeare égaré dans un train. « J’ai découvert que, dès sa première aventure en 1928, Mickey était accompagné de sa fiancée Minnie… », raconte Cosey, « Alors, je me suis demandé comment et où ils s’étaient rencontrés. C’est ce qui a donné Une mystérieuse mélodie que je situe en 1927″.

Dans le deuxième album, nous retrouvons aux côtés de Mickey d’autres vieilles connaissances : Donald, Picsou, Geo Trouvetou, Pat Hibulaire et les Rapetou. Le légendaire coffre-fort de Picsou a été dévalisé. Plus un dollar ne traîne. mickeytrondheim2-763x1024C’est le début d’une folle aventure à la Trondheim pour Mickey et Donald qui doivent retrouver les responsables. Animaux sauvages, régions inhospitalières, machine à rapetisser… rien ne leur sera épargné et pour couronner le tout, l’aventure n’est pas complète. Certaines pages de ce récit retrouvé dans un vide-grenier confie les auteurs, ont disparu. Au lecteur d’imaginer les séquences manquantes… « Quand Nicolas (Keramidas, ndlr) m’a demandé de faire le scénario, je n’ai pas hésité une seule seconde… », explique Trondheim, « Et quand il m’a dit  qu’il voulait  tous les personnages et tous les décors possibles, là, j’ai commencé à m’inquiéter. Et puis j’ai trouvé cette astuce de pages retrouvées où l’on pouvait éviter de scénariser et dessiner les pages de dialogues et d’explication qui ralentissaient l’action ».

À 88 balais, oui oui quand même, Mickey retrouve une seconde jeunesse grâce à cette belle initiative. Les récits sont légers, drôles, graphiquement superbes, alliant à la fois un côté vintage et moderne. Les fans de Mickey devraient être comblés, les amoureux de la BD franco-belge aussi !

Eric Guillaud

Une Mystérieuse mélodie, de Cosey. Editions Glénat. 17 €, Mickey’s Craziest adventures, de Trondheim et Keramidas. Editions Glénat. 15 €

05 Mar

« Capa l’étoile filante », un biopic de Silloray sur l’une des figures du photojournalisme

Capture d’écran 2016-03-05 à 14.21.19Capa n’était pas un photographe comme les autres, c’était l’un des meilleurs photographes de presse, et surtout un photographe engagé, clairement affiché à gauche, antifasciste. C’est pour cette raison que Florent Silloray le représente sur la couverture de son album le poing levé en surplomb d’une manifestation de républicains espagnols. Sa vie, son métier, étaient un combat.

Et de 1937 à 1954, l’homme sera de tous les combats, au plus près des champs de bataille, au plus près des hommes, au plus près de la mort. L’Espagne, où il perd sa compagne Gerda Taro, il en restera inconsolable, la Chine que viennent d’envahir les Japonais, l’Afrique du Nord où ont débarqué les forces alliées, la Sicile, l’Italie, la Normandie et le DDay où il réalise l’un de ses clichés les plus connus, où il devient également une légende vivante… Et puis l’Indochine où il saute accidentellement sur un mine antipersonnel. Nous sommes en 1954. Il n’a que 40 ans mais son nom est déjà connu dans le monde entier.

L’album de Florent Silloray retrace cette vie incroyable faite de passion, de conviction et d’action, un biopic qui s’appuie sur une solide bibliographie, 80 pages couleur sépia d’une très belle facture dans lesquelles Capa – placé en narrateur – se dévoile. Les femmes, le jeu, la guerre bien sûr qu’il déteste tant, ses amis, ses amours, son métier de photographe mais aussi de patron de presse, Paris, New York…, on comprend pourquoi cet homme qui s’était lui-même inventé, transformant ses origines hongroises en un passé de photographe américain, est aujourd’hui encore une référence pour quantité de photographes.

Trois et demi de travail ont été nécessaires à l’auteur. Le résultat est magnifique et exaltant. Une belle rencontre entre le 8e et le 9e art.

Eric Guillaud

Capa l’étoile filante, de Florent Silloray. Editions Casteman. 17 €

© Casterman / Silloray

© Casterman / Silloray

01 Mar

Le Syndrome du petit pois : un récit autobiographique de Domas sur le syndrome de Benson

9782849532508_cgC’est une banalité mais une vérité. Il faut profiter des gens qu’on aime et des bons moments, de ceux qui font les souvenirs. Comme ce jour où Max, aka Domas, prend cinq minutes pour écouter sa mère jouer du piano. Elle ne le voit pas, il est derrière la fenêtre du salon. C’est l’été, c’est magique.

Et puis quelques jours plus tard, c’est le diagnostique, sans appel. Les troubles qui affectent sa mère depuis quelques temps sont le signe d’une maladie neuro-dégénérative rare, précisément le syndrome de Benson, parfois assimilé à une forme exceptionnelle de la maladie d’Alzheimer.

Oublis fréquents, perte de repères, baisse des aptitudes générales… Il n’y a pas d’issue, pas grand chose à faire si ce n’est de l’entourer, de lui donner un maximum d’amour.

Max va en donner de l’amour, du temps aussi, même si chez lui, dans son propre foyer ça ne va pas fort non plus. Les relations avec Coquillage, sa femme, se détériorent de jour en jour. ils ne forment plus un couple, dit-il, mais une famille. Alors Max se réfugie dans le boulot, le dessin, et assiste impuissant au long déclin de sa mère.

Magnifique. Totalement émouvant. Le Syndrome du petit pois est typiquement le genre de bouquin que vous ouvrez et ne pouvez jamais vraiment refermer, qui vous reste en tête pendant des semaines, des mois.  Sur un peu plus de 280 pages, Domas nous ouvre en grand les portes de son intimité pour nous raconter, avec le talent qu’on lui connaît maintenant, sa vie, sa mère, la maladie, l’accompagnement, la culpabilité toujours présente, le beau-père qui craque et décide de partir, le déclin, la perte de l’être cher… C’est pas franchement gai mais c’est un bel album, une belle histoire !

Eric Guillaud

Le syndrome du petit pois, de Domas. Editions La Boîte à Bulles. 28 €

© La Boîte à bulles / Domas

© La Boîte à bulles / Domas

28 Fév

Les Tuniques bleues en intégrale : les derniers récits de Salvérius

1PUFMeNrJDeUoWhUBQOsV5mr3w1H187s-couv-1200Si le nom de Lambil est aujourd’hui associé à ceux de Cauvin et des Tuniques Bleues, c’est un autre auteur belge qui a créé graphiquement la série. Son nom : Salvérius. Il a assuré les aventures de Blutch et Chesterfield pendant quatre petites années avant d’être victime d’un infarctus, juste le temps de signer quelques récits courts et deux longs (Et pour quinze cents dollars en plus et Outlaw), qui se trouvent réunis dans le second volet de cette intégrale.

Au décès de Salvérius en mai 1972, c’est Lambil qui est choisit pour reprendre le dessin. « Lorsque Dupuis et Raoul (Cauvin, ndlr) m’ont téléphoné et demandé de terminer les dernières pages des Hors-la-Loi, j’ai presque cru à une blague. J’ai vraiment hésité. J’ai malgré tout accepté de les dépanner ». Ces propos rapportés par Patrick Gaumer dans le très riche dossier qui accompagne l’intégrale, sont ceux d’un ami désireux avant tout de ne pas laisser la famille de Salvérius dans l’embarras. « J’ai tout d’abord réalisé divers croquis et j’ai achevé une planche qui avait été à demi crayonné par Louis (…) J’avoue que j’ai traversé un grand moment de solitude. Je me suis efforcé de coller au dessin de Salvérius, de le copier, même ». Finalement, Lambil termina l’épisode laissé inachevé par Salvérius et assura la continuité graphique de la série qui compte 59 albums à ce jour.

Dans le deuxième volet de cette intégrale sont réunis les récits Et pour quinze cents dollars en plus, Outlaw, Des Bleus et des Tuniques ainsi que plusieurs mini récits et la suite du dossier élaboré par Patrick Gaumer, les coulisses de la création avec de nombreuses illustrations et photos.

Eric Guillaud

Intégrale Les Tuniques Bleues (tome 2), de Cauvin et Salvérius. Editions Dupuis. 24 €

25 Fév

Lennon, l’adaptation en BD du roman de Foenkinos par Corbeyran et Horne

9782501103725-001-X_0The Beatles, John Lennon, ne font pas partie de mes musiciens de prédilection. Bien sûr je connais d’eux ce que la grande majorité des gens connaissent. Mais sans plus…

Et puis je suis tombé sur cet album de Corbeyran et Horne, enfin disons plutôt qu’on me l’a envoyé. Une attachée de presse qui fait bien son boulot. Tellement bien qu’elle m’a rappelé au bout de quelques jours pour savoir ce que j’en avais pensé. Honte à moi, je n’en pensais rien parce que je ne l’avais pas lu. Au fil des jours et des semaines, l’album s’était retrouvé coincé sous la pile bancale des choses urgentes à lire, pas franchement en bonne situation. Son coup de fil eut pour effet de le faire remonter en première position. Comme quoi un coup de fil vaut parfois mieux que dix mails. Je l’ai donc ouvert. Et là, surprise, en première page et sous toutes les coutures, le Dakota, un building new-yorkais situé face à Central Park.

Belle coïncidence ! Je revenais justement d’un voyage à New York, mon premier, et ressentais une certaine frustration de ne pas avoir pu visiter toutes les rues, tous les quartiers, tous les recoins de la ville. Et notamment ce quartier et cet immeuble, très prisés des gens fortunés. C’est là qu’habitait Lennon, c’est d’ailleurs toujours là, je crois, que séjourne Yoko Ono. C’est aussi là, à l’entrée du building que le musicien a été assassiné en décembre 1980 par Mark David Chapman, depuis lors en prison.

Je m’égare. Cette adaptation du roman de David Foenkinos ne porte pas sur l’assassinat en lui-même de John Lennon, pas plus que sur l’histoire de ce building aussi célèbre aujourd’hui que ses locataires. Non, l’album Lennon parle de Lennon tout simplement, de son enfance, de son père, de sa mère, de ses enfants, de ses blessures, d’Elvis Presley, des Beatles bien sûr, de sa rencontre avec Paul, des premiers concerts, du succès, de la drogue, des filles, bref de ce tout qui a fait sa vie, de ce qui l’a construit en tant qu’artiste, en tant qu’homme.

Et qui mieux que Lennon pour nous en parler ? David Foenkinos hier, Corbeyran et Horne aujourd’hui, nous font pénétrer dans l’intimité de la star en imaginant ses confidences sur le divan de son psychanalyste, 18 séances, autant de chapitres, et un épilogue forcément triste qui nous en apprennent beaucoup sur Lennon. Un récit construit avec intelligence et clairvoyance, une bio surprenante, une adaptation qui vous prend les tripes de la première à la dernière page. Passionnant !

Eric Guillaud

Lennon, de Foenkinos, adapté par Corbeyran et Horne. Eidtions Marabout. 17,90 €.

24 Fév

Journal d’Anne Frank : une première adaptation en BD signée Ozanam et Nadji

journal-danne-frankAussi étonnant que cela puisse paraître, l’album d’Ozanam et Nadji est la première adaptation en bande dessinée du Journal d’Anne Frank, ce puissant témoignage sur l’antisémitisme et le nazisme paru en 1947, traduit depuis en 70 langues et vendu à plus de 30 millions d’exemplaires.

Un best seller qui aurait dû tomber dans le domaine public en janvier dernier, 70 ans précisément après la mort d’Anne Frank, mais le Fonds Anne-Frank s’y est fermement opposé prétextant que le texte avait été modifié par le père d’Anne, Otto Frank, ce qui fait de lui un co-auteur et du Journal une oeuvre posthume protégée… Une tambouille qui aurait pour résultat de repousser l’échéance à 2037 voire 2051. Bref aux calendes grecques !

Quoiqu’il en soit, voici donc l’adaptation dessinée d’une oeuvre immortelle. On imagine que pour les auteurs, Ozanam et Nadji, l’affaire ne fut pas si simple. Une adaptation n’est jamais simple à vrai dire, plus encore dans ce cas. Mais force est de constater que l’un au scénario et l’autre au dessin s’en sortent plutôt bien avec un parti pris graphique séduisant et une palette de couleurs réduite qui nous plonge instantanément dans l’atmosphère de cette histoire singulière.

Pas franchement partisan des adaptations, Ozanam n’a pourtant pas hésité quand les éditions Soleil lui ont proposé ce projet. « Quand ma fille eut 12 13 ans… » confie le scénariste Ozanam à nos confrères de France 3 Poitou-Charentes, « je lui ai dit qu’il fallait qu’elle le lise, je l’avals déjà fait pour mon fils avant, c’est un passage obligé. Et si on peut être un passeur supplémentaire pour aider à ce qu’on ne l’oublie pas, c’est bien ». C’est même l’essentiel ! Une BD à mettre bien évidemment entre toutes les mains, même entre celles qui ont déjà porté le journal dans sa version initiale.

Eric Guillaud

Journal d’Anne Frank, par Ozanam et Nadi. Editions Soleil. 17,95 €