12 Sep

Germain et nous… Une intégrale au parfum de liberté

vSj0ZaPtepRquuQmtyAdux30TufUhlYT-couv-1200C’est sûr, 55 €, ce n’est pas franchement donné pour un album de bande dessinée. MAIS, il faut dire que celui-ci regroupe en fait 14 albums, soit 652 planches. Ce qui ramène notre affaire à 4 € l’album, soit encore 0,08 € la planche. C’est mieux non ? 

Arrêtons-là les comptes d’apothicaire ou de boucher-charcutier, l’important est que nous puissions aujourd’hui tenir entre nos mains l’intégrale de Germain et nous…, une série qui fit les beaux jours du journal Spirou dans les années 80, épuisée depuis belle lurette suzette. Enfin, quand je dis qu’elle fit les beaux jours du journal Spirou, ce n’est pas tout à fait exact. D’abord parce que les premières planches de Germain et nous… ont été publiées dans Le Trombone illustré, un supplément tout à fait mythique au Journal de Spirou. Ensuite, parce que, comme le rappelle Serge Honorez dans le dossier qui ouvre cette intégrale, les aventures de Germain et nous… ont été à l’origine de l’arrêt, justement, de ce fameux supplément considéré par la direction Dupuis et le rédacteur en chef de l’époque comme un repère de gauchistes. Il est vrai qu’on s’y moquait des militaires, qu’on y défendait le féminisme et que, c’est la goutte qui fit déborder le vase, on ironisait sur la religion. Et ça jamais!

Depuis, le temps est passé, la société a évolué au moins un peu, vous pourrez donc retrouver le gag numéroté 22 de Germain et nous… à l’origine de cette grosse colère à la page 43 de ce livre. De même que l’ensemble des gags imaginés par Thierry Culliford et Frédéric Jannin, fins observateurs des années 80 et notamment de la Bof-génération. D’autres scénaristes rejoindront l’aventure comme Yvan Delporte et Serge Honorez. Un album cher mais totalement indispensable!

Eric Guillaud

Germain et nous… de Jannin, Culliford, Delporte, Honorez. Editions Dupuis. 55 €

11 Sep

Zep plonge son personnage Titeuf dans le drame des réfugiés

extrait Mi-petit, mi-grand © Zep 2015

extrait Mi-petit, mi-grand © Zep 2015

Notre blondinet de Titeuf confronté à des tirs, à des explosions, à des bombardements, à la mort… Vous y croyez ? C’est pourtant bien le scénario très noir que l’auteur suisse à écrit pour son personnage sur le blog What a wonderful world ! hébergé sur le site du quotidien Le Monde. 42 cases qui nous rappellent si besoin est que la guerre a frappé et peut encore frapper sur notre territoire, semant la mort et jetant des millions d’hommes, de femmes et d’enfants sur les routes de l’exil.

Une page pour lutter contre « notre incroyable capacité au cynisme« , déclare l’auteur qui confesse avoir eu « le ventre noué » en dessinant ses personnages fauchés par les balles et les explosions.

Vue plus d’un million de fois, partagée près de 200 000 fois, cette page a profondément marqué les lecteurs qui relèvent unanimement dans les commentaires sa puissance d’évocation.

Pour la première fois dans l’histoire du quotidien Le Monde, une page de bande dessinée, cette page précisément, figure à la Une de l’édition papier du Monde daté du 11 septembre 2015.

Eric Guillaud

La page complète ici

07 Sep

Nungesser ou la vie d’un As de l’aviation française romancée par Fred Bernard et Aseyn

9782203074187Si vous deviez donner le nom d’un As de la Grande guerre, il y a fort à parier que vous citeriez Guynemer, Georges Guynemer, effectivement le plus célèbre d’entre tous. Sa disparition au combat en 1917 a grandement participé à sa légende.

Pourtant, rien que dans l’armée française sont comptabilisés plus de 180 pilotes élevés au rang d’as et notamment Charles Nungesser, As parmi les As, une grosse quarantaine de victoires à son actif et une vie romanesque que nous permettent de découvrir Fred Bernard et Aseyn dans ce très bel album paru chez Casterman.

La couverture très réussie donne le ton de ce qui suit. 150 pages balayées par le souffle de l’aventure avec un grand A. Un souffle qui va jusqu’à faire vibrer le trait léger, sensible, presque fragile, du dessinateur Aseyn sur ces planches voulues dès le départ en noir et blanc. « Didier Borg (leur éditeur, ndlr) a voulu d’emblée du noir et blanc… », confie Aseyn, « et ne l’a pas vu autrement. Et moi non plus, le noir et blanc permet cette âpreté que nulle couleur ne peut renforcer ».

L’histoire proposée par Aseyn et Fred Bernard n’est pas une biographie ordinaire, elle est romancée, un peu par la force des choses. « La réalité, c’est qu’on ne sait pas grand chose… », précise Fred Bernard, « Même Laurent Rabier, responsable du département Aviation-Conservation au musée du Bourget nous a dit que tout était plus ou moins romancé et très hagiographique… Ce qui ne m’a pas vraiment rassuré, et soulagé en même temps. Nous devions être fidèles, mais libres en même temps. Ce qui a été relaté et écrit les 10 ou 20 années suivant sa disparition l’a parfois été par des personnes l’ayant croisé, connu ou ayant eu accès à sa correspondance, éparpillée depuis. Ou par des fans d’aviation très calés, mais à genoux devant le héros du ciel. Comment faire la part des choses ? ».

La bonne idée, la très bonne idée même, que les auteurs ont eu, c’est la voix off qui nous accompagne tout au long du récit. Derrière cette voix off, il y a Émilie, la maîtresse de Nungesser qui l’accompagna jusqu’à sa disparition au milieu de l’Atlantique en 1927. « C’est forcément elle qui le connaissait le mieux… », explique Fred Bernard, « Les biographes disent tous qu’il était irrésistible pour beaucoup et insupportable pour certains. Forcément les fans et les groupies d’un côté, les jaloux de l’autre… Et Émilie au milieu. Au coeur, et consciente de tout, c’est ce qui m’a intéressé ».

Au delà de la vie de Nungesser, c’est toute une époque qu’on survole ici, une époque qui fabriquait des héros comme les As de l’aviation. Magnifique ! (En librairie le 9 septembre)

Eric Guillaud

Nungesser, de Aseyn et Fred Bernard. Editions Casterman. 23 €

Interview de Benoît Springer et Zidrou autour de l’album « L’Indivision » paru chez Futuropolis

capture_decran_2015-09-06_a_14.25.29Leur premier album commun, « Le Beau voyage« , avait marqué les esprits. Le dessinateur nantais Benoît Springer et le scénariste belge Zidrou reviennent avec une histoire encore une fois réaliste et intimiste, une histoire d’amour qui ne manquera pas d’interroger, voire de déranger.

Ils auraient pu opter pour une histoire d’amour ordinaire tendance un homme, une femme, chabadabada, chabadabada. Éventuellement, une histoire qui finit mal, un peu banale. Mais ce serait méconnaître Benoît Springer et Benoît Drousie, alias Zidrou. Nos deux auteurs aiment flirter avec les sujets sensibles et pourquoi pas tabous. 

Après « Le Beau voyage » qui traitait d’un lourd secret de famille, « L’Indivision » raconte l’histoire de Martin et Virginie, deux amants qui s’aiment depuis leurs vingt ans, depuis toujours. D’un amour fou, incontrôlé, ravageur… mais interdit. Martin et Virginie sont frère et soeur.

Sur une soixantaine de pages, Benoît Springer et Zidrou explorent les sentiments des protagonistes principaux mais aussi des proches, de la famille, des amis, et nous livrent un récit intense, intelligent, sensible et sensuel qui nous amène forcément sur la voie de la réflexion. Rencontre…

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Eric Guillaud

La Revue dessinée fête ses deux ans et travaille sur une déclinaison en direction d’un public jeunesse

reuvedessinée4500 abonnés, 20 000 exemplaires, 1500 points de diffusion… La Revue Dessinée fêtera ses 2 ans d’existence le 10 septembre prochain au moment de la sortie de son 9e numéro qui réunira comme d’habitude une trentaine de journalistes et de dessinateurs autour de reportages, d’enquêtes et de documentaires en bande dessinée.

De nouveaux projets en vue

Et notamment, une déclinaison du magazine en direction de la jeunesse. Même principe, des journalistes associés à des illustrateurs « proposeront des enquêtes et des reportages dessinés pour mieux appréhender le monde d’aujourd’hui« . Sortie prévue dans un an.

Mais aussi deux premiers albums pour les éditions La Revue Dessinée: #Cyberbook L’Admirable Saga de l’informatique et de la culture numérique d’Hervé Bourhis et Rudy Spiessert et Face B Les Figures pittoresques de la musique du XXe siècle d’Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog. Sorties prévues le 20 novembre 2015.

Eric Guillaud 

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04 Sep

Tyler Cross entre au bagne, Brüno passe aux aveux…

© éric guillaud

© éric guillaud

Vous n’avez jamais croisé Tyler Cross ? Heureusement pour vous. Ce personnage ne joue pas dans la catégorie bisounours. C’est un dur, un vrai, un tueur de sang froid, un gangster sans pitié. Fabien Nury et Brüno viennent de lui offrir une deuxième aventure. Pas sûr qu’il leur dise merci..

Nous n’avons pas eu besoin de le cuisiner longtemps pour qu’il passe à table. Il faut dire que nous étions venus en force ce jour-là, une équipe de la télé, une autre du Web. Une caméra, des micros, des smartphones, trois cerveaux, six yeux… de quoi enregistrer tout ce qui allait se dire dans la cellule du dessinateur, plantée quelque part dans le quartier Chantenay à Nantes. 

Une cellule, oui, l’image est assez juste, une cellule au fond d’un jardin, 10 m2 à tout casser, une porte blindée. Il va falloir se relayer. A l’intérieur, un bureau, un ordinateur, un tourne-disque, des vinyles… rien qui ressemble à un univers d’auteur de BD.

Et puis et puis, dans un coin, des grands classeurs noirs que Brüno attrape, pose sur le bureau et ouvre. A l’intérieur, la centaine de planches originales de l’album « Angola » fraîchement paru. Le choc…

Cette fois, la messe était dite. Pris la main dans le sac ou plus exactement le feutre sur la planche, Brüno ne pouvait plus se défiler. Tyler Cross, c’était donc lui, lui et son complice Fabien Nury. L’interrogatoire pouvait commencer…

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03 Sep

Le festival Formula Bula troisième édition à Paris du 25 au 27 septembre

Capture d’écran 2015-09-03 à 11.03.45« Formula Bula, c’est un festival de bd et plus si affinités, on y vient pour découvrir un auteur et voilà qu’on repart avec des acouphènes. On y vient pour danser et on repart les mains pleines d’encre. On y vient les mains vides et on repart la tête pleine…« . À en croire le dossier de presse, Formula Bula serait un ovni dans le monde des festivals de BD, posant son regard sur « des oeuvres insolentes, exigeantes, stimulantes et mutines sans se soucier des postures et du bruit ambiant« . 

Il est vrai que du côté des auteurs invités, les organisateurs n’ont pas tapé dans le mainstream. Visez plutôt : Masse, Liberatore, Blutch, Ayroles, Winshluss, Vivès, Rodolphe Burger (oui oui le musicien), Super Loto Editions, Jean-Pierre Dionnet, Chaumet… Ce qui risque bien de rendre le week-end inoubliable pour les amoureux de la BD alternative.

Au menu notamment, une soirée « Je hais les dédicaces », une rencontre avec le physicien Etienne Klein et l’auteur Masse, des dédicroisières…

Eric Guillaud

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01 Sep

Après Le Pogo aux yeux rouges, Eugénie Lavenant adapte Babyboom de Jean Vautrin

51X8dqYhYuL._SX369_BO1,204,203,200_Tracy veut un enfant ! Duncan veut Tracy. Un couple comme tant d’autres, pas vraiment sur la même longueur d’onde. Ils ont quand même essayé d’avoir cet enfant le plus naturellement possible. Rien à faire. Mais Tracy veut quand même un enfant. Elle veut tellement un enfant que ça lui donne des envies de fraises et de gros ventre. Pour le gros ventre, un oreiller sous ses vêtements fait l’affaire. Pas longtemps. Tracy veut vraiment un enfant. Alors, son thérapeute lui conseille de prendre un bébé-choux, une vulgaire poupée de chiffons, un substitut. Duncan doit jouer le jeu, choisir ses traits physiques, la couleur de ses yeux, son caractère et surtout le sexe. Ce sera une fille. Esprit créatif et synthétique, impulsive et parfois coléreuse. Bien sûr, comme tous les bébés, elle ne devra pas faire ses nuits et avoir l’appendicite. Une bonne rougeole aussi. Et les oreillons. Duncan n’en peut plus mais Duncan veut toujours Tracy. Alors Duncan fait comme si…

Une histoire troublante, une adaptation éclatante ! Et éclatée. Une centaine de pages, un texte morcelé, des cases parsemées, Babyboom ressemble plus à un livre illustré qu’à une bande dessinée. « L’éclatement des cases dans la mise en page faite par Stéphane Bienfait colle bien à l’histoire », nous confie la dessinatrice Eugénie Lavenant, « Paradoxe de l’éclatement, le blanc de la page apporte pourtant de l’air, une respiration au lecteur dans cet univers clos« . Et de l’air, on en ressent effectivement le besoin tant la lecture de Babyboom peut déstabiliser, effrayer et finalement interroger.

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Comment un couple peut-il en arriver là ?  A trouver un substitut d’enfant dans une vulgaire poupée de chiffons ? « En fouillant dans les archives internet, j’ai découvert qu’il existait aux Etats Unis un poupon appelé « Garbage Kids » que l’on pouvait adopter avec sa carte d’identité, son prénom propre et ses comportements respectifs… Mais l’écriture de Jean Vautrin n’est pas une moquerie au sens premier du terme, elle est plutôt une douce ironie, car il aime profondément les gens, éprouve beaucoup de tendresse pour les gens fêlés ou marginaux dans la vie« .

C’est en 2012 que la dessinatrice rencontre Jean Vautrin et qu’ils décident ensemble de collaborer sur un premier livre paru aux éditions Sarbacane, Le Pogo aux Yeux rouges. « J’ai découvert Jean Vautrin en achetant un de ses livres à la la librairie « la Hune » dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés à Paris. J’avais la notion que c’était un très bon écrivain sans toutefois pouvoir le situer réellement. Je ne savais pas qu’il avait eu le César du scénariste pour le film « garde à vue », je ne connaissais pas non plus ses prix Goncourt. J’ai été captivée par son écriture et ai décidé de lui envoyer mes livres sur Amy Winehouse « Cocaïne et chaussons blancs » et le livre que j’avais fait avec Marc Villard auteur de roman noir : « La messe est dite ». J’y ai joint une lettre. Jean m’a rappelé et nous avons décidé de travailler ensemble. C’est seulement après que j’ai découvert son palmarès« .

Sur le texte puissant de Jean Vautrin, qui s’est suffit à lui-même pendant une trentaine d’années, vient donc aujourd’hui s’ajouter la griffe d’Eugénie Lavenant, un trait imprégné de ses modèles graphiques, notamment Muñoz, Tardi, le groupe Bazooka et plus largement l’art contemporain. On feuillette cet ouvrage avec un double plaisir, littéraire et graphique. Et c’est bien là l’essentiel…

Eric Guillaud

Babyboom, de Lavenant et Vautrin. Editions La Boîte à bulles. 19 €

28 Août

Titeuf devient adolescent… nouvel album, exposition et tournée de dédicaces pour son papa Zep

501 TITEUF T14[BD].indd« L’humour est une forme de pudeur. Mais il permet aussi d’aborder les sujets les plus durs et les plus tabous« , nous déclarait Zep dans une interview accordée en octobre 2013 à l’occasion de la sortie de l’album Une histoire d’hommes.

Ni vraiment dur, ni tabou, le passage à l’adolescence est tout de même un sujet délicat que l’auteur a décidé d’aborder avec son personnage fétiche, Titeuf, dans son dernier album sorti le 27 août, Bienvenue en adolescence!.

Titeuf ado ?

« Titeuf était à la porte de l’adolescence depuis 23 ans, c’est normal qu’il souhaite passer de l’autre côté« , déclare Zep. « L’adolescence est fascinante et effrayante, vue de son âge. On s’y comporte de manière incompréhensible, nos corps subissent d’étranges mutations, la voix, la taille, les poils, les boutons… La littérature pour enfants regorge de métaphores de l’adolescence. Pour Titeuf, l’exemple le plus parlant est celui de Hulk : ça n’a rien de rassurant, vous voyez..« 

Dès la couverture, le ton est donné, on y découvre un Titeuf avec du poil au menton et des petits boutons sur le nez. Rien de bien méchant, reste à savoir si ça attire les filles...

A priori oui, nous dit Zep : « Pour une fois, il intéresse les filles… mais c’est seulement parce qu’il est un sujet de jalousie! (…) Evidemment, il le gère assez mal. Il essaie depuis 13 albums d’attirer l’attention de Nadia et là, deux filles se le disputent !« 

Pour ce nouvel album, pas de récits courts mais une histoire longue, « 46 pages pour lui laisser le temps de grandir« . 46 pages aussi pour nous faire rire et parfois nous émouvoir.

Le phénomène Titeuf en chiffres

L’aventure Titeuf a commencé il y a plus de 20 ans, en 1992 pour être tout à fait précis. La série compte aujourd’hui quatorze albums, vendus à plus de 20 millions d’exemplaires et dans 25 langues différentes. Elle a été en série animée pour la télévision en 2001 et en long métrage 3D en 2011. Bienvenue en adolescence a été tiré à 500 000 exemplaires.

Une exposition à Paris

A l’occasion de la sortie de ce nouvel album, 40 auteurs ont réalisé des portraits de Titeuf adolescent. Parmi eux, Milo Manara, Luz, Bastien Vivès, Trondheim, Tebo, Yoann… Les originaux de ces portraits seront exposés du 2 au 22 septembre à la galerie Glénat, 22 rue de Picardie à Paris. Plus d’infos ici.

Des séances de dédicaces

Zep sera à la librairie Bulles au Mans pour une séance de dédicaces le lundi 31 août, à la librairie BHV Marais à Paris le 2 septembre, à la librairie L’Oreille cassée le 4 septembre, à la librairie La BD à Lyon le 9 septembre.

Eric Guillaud

L’Indivision, un regard sur l’inceste signé Zidrou et Springer chez Futuropolis

album-cover-large-27004Un baiser dans le cou, une caresse sur la joue, un souffle, un regard, un mot. À bien observer le jeu de Martin et Virginie, on ne peut que les imaginer amants.

Ils le sont. Ils sont même plus que ça. Martin et Virginie sont frère et soeur. Et ils s’aiment. Depuis leurs vingt ans, depuis toujours. D’un amour fou, incontrôlé, ravageur, interdit. De scènes de rupture en retrouvailles, le temps est passé. Virginie est aujourd’hui mariée et mère de famille. Martin, toujours célibataire, est revenu au pays après un long séjour à l’étranger. Tous deux ont vieilli, mûri chacun de leur côté, mais l’amour qui les portent l’un vers l’autre, est indestructible. Le temps, l’éloignement, n’y changeront rien. Ils sont faits l’un pour l’autre… même s’ils sont frère et soeur.

Aborder l’inceste en BD, comme dans tout autre médium, n’est pas la chose la plus facile. Ce serait même plutôt du genre casse-gueule. Véritable tabou dans notre société, les histoires d’amour incestueuses existent pourtant dans quantité de familles. Restant bien souvent à l’état de secret pendant des générations et parfois à l’origine de déchirements familiaux. Sujet difficile donc, très difficile, abordé ici avec retenue et intelligence par un tandem qui fonctionne bien, le Belge Zidrou au scénario, le Nantais Springer au dessin. Un tandem rejoint ici par la coloriste Lambour elle aussi nantaise qui a su trouvé la palette juste pour cette histoire d’amour pas comme les autres.

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retrouvez l’interview des auteurs ici

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Ce n’est pas la première fois que Zidrou et Springer abordent un thème difficile. Le Beau voyage, publié en 2013, racontait l’histoire d’un secret de famille dévastateur, la mort d’un enfant, et l’impossible reconstruction pour ceux qui restent.

Réaliste autant qu’intimiste, L’Indivision explore les sentiments des personnages et nous interroge sur notre capacité à accepter ou du moins comprendre ou non de telles situations. Le scénario élaboré du prolifique Zidrou (L’élève Ducobu, Les Crannibales, Le Boss, Tamara, La Peau de l’ours) permet à Springer (Les Funérailles de Luce, La Boussole…) de se placer à hauteur des différents protagonistes et de nous emmener pleinement dans le récit avec un trait toujours aussi séduisant et des cadrages simplement efficaces. Beau boulot !

Eric Guillaud

L’Indivision, de Zidrou et Springer, couleurs de Lambour. Editions Futuropolis. 15 €