25 Nov

Emma G. Wildford : une histoire de caractère signée Zidrou et Edith

emmaGWildfordEmma G. Wildford jette du noir sur le blanc, c’est sa façon à elle de dire qu’elle écrit. Des poèmes. Dans sa famille, on la prend au mieux pour une rêveuse, au pire pour une écervelée. Elle fait preuve en tout cas d’un sacré caractère et de beaucoup d’obstination…

Beaucoup d’obstination à garder la fraîcheur de sa jeunesse quand sa sœur et son affreux mari ne parlent plus de que de sujets graves et ennuyeux. Chose inhabituelle en Essex où se joue ce récit d’Edith et Zidrou, Il fait très chaud, c’est la canicule, depuis des semaines. Alors pourquoi s’embarrasser de vêtements ? Emma se déshabille. Nue, elle plonge dans la fontaine. Elle est comme ça Emma. Un peu de légèreté dans un monde brutal. Et elle en sait quelque chose Emma. Depuis 14 mois maintenant, son fiancé Roald, parti en expédition du côté de la Laponie, n’a pas donné signe de vie. Sauf cette lettre qu’il lui a envoyée, une lettre à n’ouvrir que si et seulement si il lui arrivait malheur.

Emma ne peut s’y résoudre. Elle n’ouvrira pas l’enveloppe mais décide contre l’avis de tous de partir à sa recherche. Direction la Suède puis la Laponie où la quête de son amoureux va prendre une tournure inattendue.

Avec son trait délicat et aérien et ses récits toujours humains et sensibles, Edith nous a habitué à l’excellence. Ce nouvel album n’y déroge pas, l’histoire signée Zidrou est tout simplement exquise, le dessin de toute beauté et l’objet en lui-même un petit bijou ultra-léché, avec couverture en trois volets aimantés, pages de garde aux motifs élégants et pour finir plusieurs éléments qui, glissés entre les pages du livre (photo, ticket d’embarquement et lettre), finissent par nous happer totalement. Magnifique !

Eric Guillaud

Emma G. Wilford, de Zidrou et Edith. Editions Soleil. 19,99€

 © Soleil / Zidrou & Edith

© Soleil / Zidrou & Edith

21 Nov

Marsupilami, Game Over, Louca, Kid Paddle, Frigiel et Fluffy, Game of Crowns, Buck Danny, Les Tuniques bleues… les héros jeunesse prêts pour Noël

Ils sont dans les starting blocks nos héros, prêts à dégainer leur plus beau sourire pour appâter le chaland venu arpenter les allées de nos librairies préférées. L’occasion de faire le point sur quelques nouveautés incontournables…

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On commence avec le Marsupilami, un personnage légendaire créé par André Franquin en 1952. On peut le croiser régulièrement dans les aventures de Spirou et Fantasio avant qu’il devienne à son tour le héros d’une série bien à lui en 1987 et une vedette du cinéma en 2012 grâce au film Sur la piste du Marsupilami réalisé par Alain Chabat. Le revoici en BD dans un recueil paru aux éditions Dupuis. Dix-huit auteurs y ont participé, de Bertolucci à Cossu, en passant par Reynès, Munuera ou encore Lapuss, dix-huit auteurs 9782800173535-couv-M800x1600je disais, autant de styles graphiques et de visions de la bestiole. Une belle initiative qui se développera sur deux volumes. (Marsupilami histoires courtes tome 1, Dupuis, 19€)

On continue avec une nouvelle série mettant en scène des héros aux formes cubiques dans un décor de pixels, bienvenue dans l’univers Minecraft autour des aventures de deux stars de YouTube Frigiel et Fluffy. Frigiel est un personnage de jeu mais c’est aussi l’un des joueurs les plus connus de la communauté française Minecraft, il co-scénarise d’ailleurs ces premières aventures sur papier avec Jean-Christophe Derrien. Si le dessin et les histoires ne vous causent pas, c’est que vous êtes trop vieux. Les enfants, eux, adorent cet univers qui associe aventure, humour et fantasy. (Frigiel & Fluffy tome 1, Soleil, 10,95€)frigielEtFluffyT1

L’apparition de Louca dans les pages du journal Spirou en 2012 puis en album en janvier 2013 avait fait sensation au point de prédire assez facilement une belle carrière à ce personnage et à son auteur, Bruno Dequier, transfuge du monde de l’animation, qui réalisait là un premier album BD remarquablement fin, drôle, très drôle même et graphiquement enlevé. Et Louca est toujours là, mieux, il revient avec un cinquième album, en à peine cinq ans. L’histoire ? Celle d’un ado paresseux, mauvais élève, menteur et maladroit avec les filles – rien d’un super héros en somme – qui voit sa vie changer grâce à Nathan, un fantôme qui lui veut du bien. (Louca tome 5, Dupuis, 10,95€)

9782800167893-couv-M800x1600Eux ne sont pas des perdreaux de l’année, pas même de la décennie, bientôt 50 ans d’activité pour Les Tuniques Bleues, 61 albums au compteur et toujours le même plaisir de retrouver le dessin minutieux de Lambil et les scénarii inspirés de Cauvin. Cette fois, les deux compères ont décidé de nous raconter une histoire vraie, celle de Sarah Emma Edmonds qui, déguisée en homme sous le pseudonyme de Franklin Flint Thompson, a servi l’Armée de l’Union et notamment infiltré les troupes ennemies. Une série qui appartient déjà à la légende ! (Les Tuniques bleues, tome 61, Dupuis, 10,95€)

D’un côté Kid Paddle, 24 ans d’existence, 15 tomes parus, 7 millions d’albums vendus, de l’autre Game Over, spin-off de Kid Paddle, 13 ans d’âge, 16 tomes au compteur, plus d’1,5 million d’exemplaires vendus, et au centre un auteur belge, heureux, enfin on peut le penser, Midam, devenu en quelques années un 501 KID PADDLE T15[BD].inddpilier de la bande dessinée humoristique franco-belge. Et ce pilier termine l’année en beauté en ajoutant une nouvelle pierre à chaque édifice sans essoufflement, sans fatigue, les doigts dans le nez. (Game Over 16 et Kid Paddle 15, de Midam, Glénat. 10,95€ chaque)

Attention, Game of crowns offre une avalanche de gags plus loufoques que crétins. Ce n’est pas moi qui le dit mais l’éditeur lui-même. Et c’est vrai que cette nouvelle série publiée chez Casterman a tout du complètement foldingue, du radicalement déjanté, du foncièrement barré. Avec une histoire tout de même, la guerre entre sept clans qui règnent sur sept royaumes, et un titre qui pourrait bien vous rappeler quelque chose. (Game of crowns tome 1, Casterman, 9,95€)

9782800171036-couv-M800x1600On termine avec un vieux monsieur qui arrive aujourd’hui précisément dans sa 70e année de carrière dans l’aéronautique, oui oui, et pourtant toujours frais et dispo pour se mettre au service des gentils, je veux parler du célèbre Buck Danny. Le personnage créé par Victor Hubinon au dessin et Jean-Michel Charlier au scénario est de retour pour le deuxième et dernier volet d’une aventure vieille de quasi vingt années, Les Oiseaux noirs, écrite partiellement par Jean-MIchel Charlier avant qu’il décède, dessinée en partie par Bergèse, reprise par Buendia et Zumbiehl au scénario et Le Bras au dessin dans un esprit « à la manière de » que les inconditionnels du personnage apprécieront. (Les Oiseaux noirs tome 2, Dupuis. 12,95€)

Eric Guillaud

19 Nov

Mirages : une exceptionnelle biographie en images de Will réalisée par Vincent Odin pour les éditions Daniel Maghen

9782356740533Les éditions Daniel Maghen nous ont habitué depuis une bonne dizaine d’années à la production de très beaux livres, qu’il s’agisse de bandes dessinées originales ou de biographies en images. En voici justement une nouvelle consacrée à l’immense dessinateur et scénariste belge Willy Maltaite, alias Will…

Bien sûr, pour la plupart des amateurs de bandes dessinées, Will est avant tout associé aux personnages Tif et Tondu dont il anima les aventures de 1949 à 1991 aux côtés de plusieurs scénaristes dont Fernand Dineur le créateur, Maurice Rosy, Maurice Tillieux ou encore Stephen Desberg. Mais Will, c’est aussi le dessinateur d‘Isabelle entre 1968 et 1995 et l’auteur de trois one shot plus adultes qu’il écrivit sur la fin de sa carrière, Le Jardin des désirs, La 27e lettre et L’Appel de l’enfer, trois albums réédités en intégrale sous le titre de Trilogie avec Dames.

Et c’est là que le talent de Will a peut-être été le plus incroyable, dans son approche de la gent féminine. D’abord avec l’héroïne Isabelle lancée à une époque où les premiers rôles féminins étaient rares, avec cette Trilogie avec Dames, puis avec ces peintures, ces croquis, à l’érotisme subtil.

« Les femmes sont des créatures trop belles pour être traitées en noir et blanc… Je rêvais de les mettre en couleurs, de les parer de mille feux puis de les entraîner dans mon jardin nocturne… », écrivait Will au moment de la parution du Jardin des désirs.

Cette Biographie en images de plus de 400 pages nous montre tout le génie de cet homme à commencer bien sûr par ces dessins de femmes. « Will a retardé autant qu’il a pu le moment de faire de la bande dessinée… », écrit Vincent Odin au début de l’ouvrage, « ce qu’il voulait, c’était peindre des femmes, jolies de préférence ». Et cette biographie comme il précise ensuite s’ouvre et se ferme sur des portraits de femmes. Mais on y trouve aussi, bien évidemment, des illustrations de couverture, des recherches graphiques, des planches de Tif et Tondu ou Isabelle, des contes illustrés, des peintures…

Un livre exceptionnel qui arrive à point pour Noël. Une exposition de dessins originaux de l’auteur est en outre proposée aux Parisiens du 24 novembre au 16 décembre à la galerie Maghen. En librairie le 23 novembre.

Eric Guillaud

Mirages, Biographie en images de Will. Éditions Daniel Maghen. 59€

18 Nov

Bug : entre chaos planétaire et effondrement numérique, la fin de l’humanité selon Enki Bilal

Capture d’écran 2017-11-16 à 20.48.38Tout a disparu, tous les réseaux sociaux, tous les disques durs du plus gros serveur à la plus petite clé USB, toutes les données, toutes les archives, toute la mémoire du monde, nous sommes en présence d’un Bug Numérique Généralisé. Conséquence directe et immédiate, l’humanité est dans la merde!

« L’humanité est dans la merde et on imagine mal à quel point », déclare un protagoniste de ce récit signé Enki Bilal. Et c’est vrai qu’on a du mal à imaginer les conséquences d’une fin brutale du règne numérique. On a réussi à s’en passer pendant des siècles, des millénaires, serions nous capables de nous en passer aujourd’hui et encore plus demain ? Pas sûr du tout.

Et si on a du mal à imaginer ce monde replongé dans l’obscurité, Enki Bilal, lui, l’imagine très bien dans ce récit incroyable, un thriller d’anticipation qui nous embarque en 2041. 24 ans nous séparent, le numérique a fini par s’imposer partout dans notre quotidien. Plus une vie ne passe à côté. Il enseigne, il soigne, il nourrit, il cultive, il transporte, il garde en mémoire… et puis c’est le bug, le black-out, le chaos. Ascenseurs bloqués, automobiles à l’arrêt, banques attaquées, bijouteries pillées, aéronefs en perdition, le monde est paralysé, pire, il est amnésique.

Dans ce chaos, un homme, le cosmonaute Kameron Obb, unique survivant d’une mission sur Mars, revient sur Terre avec un alien en lui, un espèce de bug extraterrestre qui s’est posé sur ses cervicales. Et surtout, l’homme souffre d’une hypermnésie singulière, comme si toutes les données numériques, toute la mémoire du monde avaient migré dans son cerveau. C’est Internet à lui tout seul !

Et c’est là que le récit de science fiction tourne au thriller car, bien sûr, cet homme devient l’objet de toutes les convoitises. Et il n’y a pas que sa femme et sa fille qui attendent son retour avec impatience…

Ça va peut-être vous sembler étrange, tant Enki Bilal est connu et reconnu comme l’un artistes majeurs du neuvième art et au-delà, mais je ne fais pas partie de ses inconditionnels en terme d’univers, surtout dans ces productions les plus récentes. Mais cette fois, j’ai mordu à l’hameçon de la plus belle façon, dès la première page de l’album, quasiment dès la couverture. L’auteur de Partie de chasse, des Phalanges de l’ordre noir ou de La trilogie Nikopol pose à travers ce récit un regard plus accessible et malgré tout très affûté sur ce monde, notre monde, capable de confier toute sa mémoire à des machines. Car c’est bien là le thème central de ce récit, la mémoire, avec tout ce qu’elle a d’essentiel pour la bonne marche de l’humanité. Un album incontournable !

Eric Guillaud

Bug, de Bilal. Éditions Casterman standard 18€, édition luxe 30€

 © Casterman / Bilal

© Casterman / Bilal

15 Nov

Le Livre des livres : Marc-Antoine Mathieu à l’ouvrage…

livreDesLivresUne chose est certaine avec Marc-Antoine Mathieu, c’est qu’on est certain de rien. Chacun de ses livres est un coup de génie dans le Neuvième art, inattendu, étonnant, déroutant, questionnant, vertigineux. Celui-ci est même au dessus de tous puisque c’est Le Livre des livres…

Si Marc-Antoine Mathieu n’existait pas, il faudrait l’inventer ! C’est le constat qu’on est tenté de dresser à chacune de ses publications, à chaque fois un régal d’expérimentations narratives, une exploration sans fin des possibilités offertes par la bande dessinée. En voici un nouvel exemple avec cet gros pavé qui ne fait pourtant que 50 pages mais 50 pages cartonnées comme celles qu’on peut trouver dans les ouvrages pour très jeunes enfants.

Ne vous y trompez pas toutefois, Le Livre des livres n’est pas un ouvrage jeunesse, plutôt un livre pour grands réunissant des couvertures de livres imaginaires qui ont tout de vraisemblables.

« Le Grand Entrepôt des albums imaginaires renfermait toutes les couvertures des livres en attente de leur récit. Un jour l’entrepôt brûla (…) Des couvertures échappèrent miraculeusement à la destruction. Le Livre des livres en réunit quelques-unes. »

Voilà pour l’histoire qui habille le recueil, relie toutes les couvertures entre elles et fait que nous restons encore dans l’univers du neuvième art.

Pour le reste, chaque couverture propose une autre histoire, sa propre histoire, avec son titre, ses auteurs, son éditeur, son texte de présentation, parfois ses chapitres et bien sûr son illustration. À vous d’imaginer le récit qui va avec…

Minutieuses et réfléchies, ces compositions permettent de retrouver tout le talent graphique et narratif de Marc-Antoine Mathieu, mais aussi son attirance pour les univers décalés, insolites, fantastiques, absurdes, kafkaïens. Et c’est toujours un pur bonheur !

Pour les Parisiens permanents ou de passage dans le paysage, la galerie Huberty Breyne, 91 rue Saint-Honoré, vous invite à découvrir du 17 novembre au 16 décembre l’intégralité des dessins originaux qui composent Le Livre des livres, l’occasion d’admirer au plus près la finesse du trait de l’auteur.

Eric Guillaud

Le Livre des livres, de Marc-Antoine Mathieu. Éditions Delcourt. 27,95€

 © Delcourt / Mathieu

© Delcourt / Mathieu

12 Nov

D’en haut, la terre est si belle : une histoire d’amitié sur fond de guerre froide et de course aux étoiles signée Toni Bruno

Capture d’écran 2017-11-10 à 20.12.02Un cosmonaute soviétique suivi par un psychologue américain en pleine guerre froide, alors que Russes et Américains se livrent une course aux étoiles sans pitié, c’est l’histoire pas banale de ce roman graphique signé par l’auteur italien Toni Bruno chez Glénat…

L’Union soviétique aime ses héros. Et habituellement, ses héros le lui rendent bien. Le chouchou du moment s’appelle Akim Smirnov, il est cosmonaute et n’a peur de rien. Ou plus exactement n’avait peur de rien. Car depuis sa dernière mission dans l’espace, quelque chose est cassée en lui. Et pas sûr qu’il reprenne un jour le chemin de la rampe de lancement. Nul ne sait d’où ça vient, pas même lui. Alors bien sûr, c’est embêtant, très embêtant, à la fois pour les responsables de la Cité des étoiles et plus largement pour les cadres du parti communiste. Que faire d’un héros qui n’est plus un héros ? Il faut le remettre debout. Et pour ça, il n’y a qu’un homme capable d’un tel miracle, c’est Franklin Jones, un psychologue américain…

Oui, vous avez bien lu, un psychologue américain appelé à la rescousse pour soigner un cosmonaute russe et ce en pleine guerre froide, en pleine course à la conquête de l’espace. Mais d’où l’auteur peut-il tenir un tel scénario ? De son imagination fertile très certainement. L’Italien Toni Bruno, que certains connaissent peut-être déjà de ce côté-ci des Alpes pour son roman graphique Kurt Cobain – When I was an alien paru au début de l’année chez Urban Comics, nous offre un petit bouquin, de plus de 200 pages tout de même, au format très agréable, à la présentation générale soignée, au graphisme élégant, au scénario captivant, bref une bonne pioche pour tous ceux qui aiment les histoires humaines sur fond historique. Une belle histoire d’amitié qui fait fi des frontières qui, d’en haut, ne se voient pas !

Eric Guillaud

D’en haut, la terre est si belle, de Toni Bruno. Éditions Glénat. 20€

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08 Nov

L’Écorce des choses : Cécile Bidault nous plonge avec émotion et pédagogie dans le quotidien d’une enfant sourde des années 70

Habituellement, les bandes dessinées muettes répondent à une recherche stylistique, l’album de Cécile Bidault paru aux éditons Warum? l’est par la force des choses, son personnage principal, une petite fille, est sourde et muette…

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Pas de bulles ou tout au moins des bulles blanches, vides, figurant les paroles échangées entre son père et sa mère qu’elle ne peut entendre. La petite fille de ce récit souffre de surdité sévère. Pas de bulles mais quelques mots tout de même de cette petite fille, et narratrice, en ouverture de l’album pour nous planter le décor. « Je n’ai jamais pu entendre. Quand j’avais neuf ans, mes parents ont déménagé à la campagne… ». Voilà pour l’essentiel!

C’est à ce moment précis du déménagement que l’histoire commence. Nous sommes en été, la petite fille, déjà isolée par son handicap, se retrouve sans repères, dans une nouvelle maison, un nouvel environnement, coincé entre une mère désemparée et un père au mieux maladroit, tentant de lui faire prononcer des lettres de l’alphabet, au pire complètement absent.

 © Warum? / Bidault

© Warum? / Bidault

Peu à peu, la petite fille explore sa nouvelle maison, le grenier tout d’abord où elle découvre un vieux poste radio qu’elle allume et serre contre sa poitrine pour ressentir les vibrations. Le jardin ensuite et ses alentours. C’est là qu’elle croise un jeune garçon qui va devenir son copain de jeu et partager son quotidien. Les saisons passent ainsi, les  bons moments, les mauvais aussi…

Elle voit qu’il se se dit des choses importantes autour d’elle, à la télévision, chez elle quand son père et sa mère se disputent, mais elle ne peut comprendre. Pire, elle ne peut intervenir.

Et la langue des signes me direz-vous ? Oui bien sûr, sauf que l’histoire se déroule dans les années 70 et que, comme nous le rappelle un bref historique placé à la fin de l’album, la langue des signes était interdite jusqu’en 1976 et qu’il faut attendre 1991 pour que la loi Fabius autorise son enseignement aux enfants sourds. Ça peut paraître dingue aujourd’hui mais c’est la réalité.

Le parti pris d’une bande dessinée muette place de fait le lecteur dans la peau et la tête de la petite fille. Alors forcément, le récit est troublant, riche en émotions, il est surtout très pédagogique. C’est « une invitations à la tolérance, au respect des différences et à l’ouverture aux autres… », écrit en préface Élodie Hemery, Directeur de l’institut national de jeunes sourds de Paris. Et on pourrait ajouter : sans être ennuyeux une seconde. Car L’Écorce des choses est avant tout un récit qui se lit comme une fiction, une très belle fiction, à la narration subtile et au graphisme délicat ! Lu et adoré.

Eric Guillaud

L’Écorce des choses, de Cécile Bidault. Éditions Warum?. 20€

 © Warum? / Bidault

© Warum? / Bidault

07 Nov

Elric : une nouvelle adaptation épique et grandiose chez Glénat

elric couvElric : enfin une adaptation à la hauteur de la légende de l’heroic fantasy, quarante-cinq ans après le premier coup de maître de Philippe Druillet

On va dire que c’est la faute de cette adaptation en jeu de rôles dans les années 80 qui lui a fait autant de bien que de mal au final. Du bien parce qu’elle a permis de populariser le personnage le plus flamboyant sorti de l’imagination pourtant luxuriante de l’auteur anglais d’heroic-fantasy Michael Moorcock. Mais du mal aussi parce qu’il a perdu au passage une partie de sa superbe car alors trop résumé à ses quelques traits les plus marquants et donc un chouia caricaturé. Car Elric de Melniboné n’est ni un héros ni un chevalier servant sur son blanc destrier mais bien un monarque sadique et égoïste que l’on pourrait plus rapprocher à la limite d’un Vlad Tepes et toute la force de cette nouvelle adaptation bédé est, justement, de lui rendre enfin justice.

 © Glénat / Blondel, Poli, Recht & Bastide

© Glénat / Blondel, Poli, Recht & Bastide

C’est loin d’être la première mais ce n’est pas pour rien que l’affiliation graphique avec Philippe Druillet – qui le premier tenta sa chance en 1971 en collaboration directe avec Moorcock – saute aux yeux d’entrée ici. Dès les premières planches du Trône du Rubis, on est propulsé dans un monde noir, acéré de partout, violent et sans pitié au bestiaire démoniaque, celui des Ménilbonéens, race aristocratique régnant sans pitié sur le monde mais en pleine décadence. Albinos et malade mais aussi cruel et raffiné, leur souverain Elric est malgré tout trahi par son ambitieux cousin Yrkoon. Pour se venger, il vend son âme à Arioch le Dieu du Chaos qui lie alors son destin à Stormbringer, épée magique et insatiable buveuse d’âme qui demande toujours de tueries et qui entraînera sa perte. Loin, très loin de l’univers limite Bisounours en comparaison d’un Seigneur des Anneaux ou même d’un Conan, ici on vit et on meurt au gré des désirs des rois et des dieux, sans justice ni pitié…

 © Glénat / Blondel, Poli, Recht & Bastide

© Glénat / Blondel, Poli, Recht & Bastide

Ils s’y sont pris à trois pour arriver à ce résultat – quatre si l’on compte le scénariste Julien Blondel – mais il est assez bluffant car épique et grandiose à la fois. Si de nombreuses pleines pages accentuent le souffle et la noirceur qui s’en dégagent, c’est bien le refus des auteurs de sombrer dans le manichéisme et leur façon assez subtile de tour à tour sublimer leur héros avant de le jeter dans des abîmes de doutes et de souffrances qui donne toute sa force au récit. Il y a toujours eu quelque chose de très Shakespearien chez ce personnage, notamment son côté maudit, et c’est la première fois où il transpire autant. Même s’ils se sont permis quelques libertés par rapport aux originaux (les fans doivent s’attendre à une belle surprise à la fin du tome 3), ils finissent quand même par sublimer l’œuvre de Moorcock plutôt que de la dénaturer, redonnant à Elric toute sa profondeur et sa complexité. Attendu pour le printemps prochain, le quatrième et dernier tome devrait donc être dantesque !

Olivier Badin

Elric 1. Le Trône de Rubis, 2. Stormbringer et 3. Le Loup Blanc, Glénat BD, 14,95 €

Utopiales 2017 : rencontre avec Éric Henninot, auteur de l’adaptation en BD du roman culte d’Alain Damasio, La Horde du Contrevent

Un homme tranquille, tranquille et heureux. C’est l’impression que m’a tout de suite donné Éric Henninot lors de notre rencontre au festival international de science fiction de Nantes. Un homme tranquille et heureux d’avoir enfin réalisé après deux ans et demi d’un travail parfois difficile le premier volet d’une adaptation qui lui tient particulièrement à cœur, celle de La Horde du Contrevent, un roman d’Alain Damasio…

 © Eric Guillaud - Eric henninot aux Utopiales 2017

© Eric Guillaud – Eric Henninot aux Utopiales 2017

Tranquille et heureux de découvrir également l’exposition consacrée à son travail et présentée dans le grand hall impersonnel de la cité des congrès à Nantes. Des reproductions de planches à la fois en noir et blanc et en couleurs, un écran vidéo, le tout dans un décor sobre mais efficace pour qui veut s’immerger dans l’univers de cette aventure profondément venteuse parue aux éditions Delcourt il y a quelques jours.

Né à Rouen d’une famille originaire du Nord, Éric Henninot vit aujourd’hui à Marseille où souffle le mistral, ce qui n’a rien d’anecdotique comme nous le comprendrons dans cette interview. Il nous a parlé du vent mais aussi et bien sûr du roman, de son travail d’adaptation, de la science fiction, des Utopiales et de plein d’autres petites choses…

 © Delcourt / Henninot

© Delcourt / Henninot

Éric, peux-tu nous présenter l’histoire en quelques mots ?

Éric Henninot. C’est l’histoire de personnes parties à la recherche de l’origine du vent. Ces personnes vivent dans un monde où le vent souffle en permanence, il ne s’arrête jamais, il peut être calme parfois, il peut être surtout violent, voire très violent. Ces gens vivent dans ce monde sans savoir d’où le vent vient même s’il souffle toujours d’est en ouest. Alors, régulièrement, ils forment une espèce de troupe d’élite pour aller en quête de l’Extrême-Amont à la recherche de la source du vent et trouver une solution aux problèmes qui lui sont liés. En effet, les récoltes s’ensablent sans arrêt, les maisons sont sans cesse à reconstruire…

Oui, la vie dans ce monde est semble-t-il insupportable…

E.H. Insupportable, je ne sais pas, elle est difficile en tout cas. Ça fait huit siècles que ces gens cherchent la source du vent, on suit ici la 34e horde qui atteindra peut-être l’Extrême-Amont.

Au delà ce cette simple lutte contre les éléments, peut-on y voir, peut-on y lire autre chose ?

E.H. Oui, ça me semble assez évident, c’est pour moi une métaphore. Ce qu’il y a d’intéressant dans l’histoire, c’est que sous cet aspect assez simple d’une quête, et d’un trajet assez linéaire finalement puisque la Harode se dirige toujours contre le vent, il se trouve que pour chaque personnage, l’Extrême-Amont est une quête intime. C’est ce qui m’a plu dans le roman d’Alain Damasio, avec aussi la cohérence de l’univers et son extrême richesse où tout est bâti autour du mouvement, de la turbulence, du vortex.

 © Delcourt / Henninot

© Delcourt / Henninot – recherches graphiques

Comment as-tu découvert le roman ?

E.H. C’est un ami qui me l’a fait lire en me disant que c’était extraordinaire. Et de fait…

As-tu tout de suite imaginé l’adapter en BD ?

E.H. Non non, ça a pris du temps. Déjà, il a fallu que je digère le bouquin parce qu’il m’a accompagné un bon moment, et puis, petit à petit, je me suis dit que je pourrai en faire une BD. j’ai des amis qui connaissent Alain Damasio, il est marseillais comme moi, il n’est donc pas inaccessible, il gravite dans mon entourage, alors peu à peu l’idée a germé. Et puis, je me voyais bien passer du temps avec cette horde.

Et en l’occurrence, tu vas passer beaucoup de temps en compagnie de cette horde…

E.H. Oui, j’ai déjà passé un bon moment avec elle et je vais en passer encore pas mal, 5 ou 6 albums, à raison d’un an, d’un an et demi par album…

Oui, le calcul est vite fait. Combien de temps a été nécessaire pour la réalisation de ce premier volet ?

E.H. C’est difficile à quantifier parce que j’ai commencé le projet en étant sur autre chose. Il faut dire aussi que c’est la première fois que j’écris le scénario, il a donc fallu apprendre les mécanismes de l’écriture, écrire un premier scripte, le réécrire, travailler, retravailler, pendant 2 ans, 2 ans et demi. L’album fait 74 pages, presque un album et demi. il fallait mettre en place l’univers et entamer l’histoire, créer le design, les univers graphiques, ça prend beaucoup de temps. Mais tout ça, je n’aurai plus à la faire pour les prochains tomes.

 © Delcourt / Henninot

© Delcourt / Henninot – recherches graphiques

Est ce que le résultat aujourd’hui correspond à ce que tu avais en tête au moment de ta première lecture du roman ?

E.H. Non pas du tout. Dans la préface, Alain Damasio écrit que si on lui avait posé la question de savoir à quoi ressemble Golgoth, à quoi ressemble Caracole, il aurait répondu que non. Et moi c’est pareil, j’ai des idées, des sensations, j’ai eu des impressions diffuses en lisant le roman, mais les images apparaissent vraiment en dessinant. Ça se modèle comme une pâte. C’est pour ça qu’il faut faire et refaire des croquis, parfois aller dans de mauvaises directions, se tromper, revenir en arrière, essayer d’autres choses, avant de se dire, oui là c’est bon c’est Golgoth. Il n’y a pas cette forme d’évidence même si je travaille dans l’image. Quand je lis des romans, je n’ai jamais en tête une image du personnage principal, je me fais une idée mais c’est très vague, juste une impression.

Adapter, c’est forcément trahir, suggère Alain Damasio dans la préface de l’album. As-tu le sentiment d’avoir suffisamment trahi le roman ?

E.H. C’est vraiment difficile à dire. Au départ, quand j’ai voulu adapter le roman, je me suis vraiment posé la question de savoir si il y avait un intérêt à faire l’adaptation d’un bouquin que je trouve formidable. Que pouvais-je y apporter de plus ? Et puis, est-ce que faire une adaptation, c’est ajouter quelque chose. Finalement, c’est en la réalisant que je me suis rendu compte de ce qu’était une adaptation. Il se trouve que  le roman  d’Alain est une polyphonie, chaque personnage de la horde parle et le lecteur recompose l’histoire comme un kaléidoscope. Dans la bande dessinée, j’ai fait un choix différent qui s’est fait assez spontanément, i’ai choisi Sov (le scribe, ndlr) comme personnage principal. J’ai dû redramatiser toute l’histoire autour de lui, c’est un personnage qui me touche à titre personnel. Bien sûr, j’ai continué de raconter l’histoire de la horde mais avec Sov en fil rouge.

Le fait de passer d’une polyphonie à un récit plus classique avec un personnage principal, un héros, change déjà considérablement les choses. Alain Damasio dit que je suis trop fidèle au roman mais bon, moi j’ai l’impression d’avoir modifié pas mal de choses déjà. J’essaie de créer une oeuvre en tant que telle même si  je pars d’un roman. La Horde du Contrevent est mon premier scénario. C’est la première fois que j’ai l’impression de signer une oeuvre personnelle. Ça peut paraître paradoxal mais à force de travailler sur l’adaptation, je me suis en quelques sortes approprié l’histoire.

Justement, à qui pensais-tu t’adresser en adaptant ce livre : aux fans d’Alain Damasio, aux fans de SF, aux fans de BD ? As-tu l’impression d’avoir rendu l’oeuvre plus accessible ?

E.H. C’était une volonté, J’avais fait une première version qui était un peu abrupte comme le roman. Dans les premiers retours, tous les gens qui ne connaissaient pas le roman m’ont dit qu’ils ne comprenaient rien. Moi, je voulais que ce soit comme dans le roman, qu’on soit aveuglé, qu’on se prenne du vent dans la figure, du sable, qu’on ne comprenne rien. Mais ce qui fonctionne en roman ne fonctionne pas toujours en BD où on est plus proche du théâtre et du cinéma. La dramaturgie y est extrêmement importante. De fait, cette simplification est simplement dû à un changement de média, non à l’éventuelle complexité du roman.

 © Delcourt / Henninot

© Delcourt / Henninot – recherches graphiques

J’imagine que le travail fut énorme (univers complexe, écriture particulière, personnages).  Qu’est-ce qui a été le plus compliqué pour toi ?

E.H. Deux choses, d’abord ce moment des premiers retours. Ça faisait plus d’un an que je bossais, 30 pages étaient encrées, et tout d’un coup on me dit que c’est trop compliqué. Là je me suis effondré, j’ai pense arrêté. Un vrai moment d’abattement. C’est dur de se dire qu’il faut recommencer. Mais je l’ai fait… et je suis content de l’avoir fait. L’adaptation doit finalement beaucoup à ces retours. La deuxième chose très difficile, c’est la création des design, une longue recherche. Je ne devais pas me planter parce que j’allais dessiner les personnages pendant quelques années.

Et le vent ? Traiter le vent en BD n’est pas vraiment simple. Comment t-y es-tu pris ?

E.H. C’est venu assez facilement, peut-être par le fait d’habiter à Marseille, d’être régulièrement confronté à cette présence du vent, du mistral. Et puis, il y a eu un déclic assez important un jour de grand vent , je me suis aperçu que non seulement le vent nous obligeait à nous incliner, qu’il tirait un peu sur les vêtements, mais qu’en plus il avait une présence sonore incroyable. Je me suis dit que le son était fondamental et qu’il fallait le rendre. Je n’avais pas le son mais j’avais les onomatopées, elles sont très présentes dans l’album.

 © Delcourt / Henninot

© Delcourt / Henninot

Que représente les Utopiales pour toi ? Et la SF d’une façon générale ?

E.H. C’est la première fois que je viens aux Utopiales, je découvre, je trouve ça passionnant. Ensuite, la SF, est un univers dans lequel j’ai toujours navigué, même si je ne suis pas un grand spécialiste. Il y a plein de livres, plein d’auteurs que je n’ai pas lus mais c’est une littérature qui me fascine et me passionne.

Quel livre, quel auteur, a pu te décider à faire ce métier ?

E.H. Bonne question mais il m’est impossible de donner un nom précis, la BD a toujours été très présente dans mon enfance, mon adolescence. J’ai toujours voulu dessiner.

À quoi va ressembler l’avenir proche d’Éric Henninot ?

E.H. Je vais replonger dans l’écriture, le deuxième volet est en cours…

Propos recueillis par Eric Guillaud le 4 novembre 2017 aux Utopiales.

La horde du Contrevent (tome 1), Éditions Delcourt. 16,95€

Retrouvez la chronique de l’album ici

 © Delcourt / Henninot

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06 Nov

Les aventures de Gaston Lagaffe au cinéma : les premières photos

A tout juste 60 ans, le héros ou plus exactement l’anti-héros Gaston Lagaffe imaginé par André Franquin se paye une adaptation au cinéma sous la houlette du réalisateur Pierre-François Martin-Laval, avec dans le rôle titre Théo Fernandez, Pierre-François Martin-Laval dans celui de Prunelle, Arnaud Ducret en Longtarin, Jérôme Commandeur en M. de Mesmaeker, Alison Wheeler en Mademoiselle Jeanne, Estéban en Bertrand Labévue et une start-up en lieu et place du journal Spirou pour le décor, histoire nous dit-on de donner un coup de jeune à l’univers. En attendant sa sortie prévue pour le 4 avril 2018, voici les toutes premières photos…

 © Arnaud Borrel

© Arnaud Borrel

 

 © Arnaud Borrel

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 © Arnaud Borrel

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 © Arnaud Borrel

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 © Arnaud Borrel

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 © Arnaud Borrel

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