Attentats, état d’urgence, Brexit, crise des migrants, Trump, montée du FN… oui, il y a de quoi voir la vie en noir depuis quelques temps. Pour Marianne, c’est bien simple, c’est la déprime totale. Sous la plume et le pinceau de Baptiste Chouët, la figure symbolique de la République française accepte de nous confier ses humeurs, ses joies, ses peines, dans un journal intime qui pourrait paradoxalement nous remonter le moral ou en tout cas nous faire remonter les manches…
« Dieu, Mais que Marianne était jolie, Quand elle marchait dans les rues de Paris, En chantant à pleine voix, « Ça ira, ça ira, toute la vie ». Ces quelques vers vous parlent ? Ils sont de Michel Delpech, une chanson en hommage à notre belle Marianne. C’était en 1972 ! Le ton est déjà à la mélancolie, à la nostalgie des « printemps qui brillaient sous son soleil », allusion bien évidemment à mai 1968.
Depuis, Marianne en a vu de toutes les couleurs, de quoi parfois en perdre la tête, de quoi surtout se payer une bonne déprime. Le récit de Baptiste Chouët commence le 21 septembre 2015, le jour de son anniversaire. 223 ans et pas un pékin moyen pour le lui souhaiter. Et comme si tout ça ne suffisait pas, il pleut !
Naître le premier jour de l’automne, ça vous prédestine à la dépression
Coiffée de son bonnet phrygien et très très légèrement vêtue, notre belle Marianne a décidé de nous raconter sa vie ou plus exactement les trois dernières années de sa vie, c’est peu eu égard son grand âge mais il faut bien reconnaître qu’il y en a des choses à dire et des larmes à sécher.
Fini le bon temps où tout le monde se battait pour elle. Marianne fait tellement partie du paysage qu’on l’aurait presque oubliée. Mais elle s’est subitement rappelée à nous en novembre 2015 avec les attentats meurtriers de Paris. Marianne était-elle à nouveau en danger ? Le peuple allait-il devoir battre une nouvelle fois le pavé comme en janvier après l’attentat contre Charlie Hebdo ?
Tu dirais que mon problème c’est que je suis : A/ auto-centrée, B/ Peu sûre de moi, C/ trop narcissique ?
Marianne s’interroge, doute, ne dort plus, pleure, s’énerve… L’actualité se bouscule, les attentats se succèdent, l’Angleterre annonce son départ de l’Europe, les exilés meurent par milliers dans la Méditerranée, le Front National arrive au deuxième tour de l’élection présidentielle…, son journal intime est un chapelet de mauvaises nouvelles qui pourraient nous faire sombrer dans la morosité nous aussi pauvres lecteurs.
Mais c’est finalement le contraire qui se passe. Bien sûr, on peut la critiquer, avoir envie parfois d’en changer ou carrément d’en finir avec elle mais le livre de Baptiste Chouët, son premier, et les confidences de son héroïne Marianne ont pour effet de nous réveiller. Il faut être fier de Marianne, la protéger, lui chanter des chansons, lui fêter son anniversaire tous les jours, lui offrir des fleurs, lui dire qu’on l’aime… parce que concrètement, est-ce qu’on a fait mieux que la République quelque part ? Est-ce qu’on a mieux que Marianne ? Non ? Et puis merde, un buste de Marianne, ça a quand même plus de gueule qu’une statue de Kim Jong-un…
Non mais allô quoi! T’es une République et t’es pas corrompue ? Aaallô!
En conséquence je déclare Le Journal de Marianne livre d’utilité publique. « Dieu, Mais que Marianne était jolie, Quand elle embrasait le cœur de Paris, En criant dessus les toits : Ça ira ! Ça ira ! Toute la vie. »
Eric Guillaud
Le journal de Marianne, de Baptiste Chouët. Éditions Marabout. 17,95€