C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode détente et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…
En fait, cet album-là ne traîne pas sur ma table de chevet depuis bien longtemps. Il est tout chaud sorti des imprimeries et n’est pas encore disponible en librairie à l’heure où j’écris ces quelques lignes. Vous devrez patienter jusqu’au 24 août pour le tenir entre vos petites mains, de quoi finir cette période estivale en beauté !
Oui, vraiment, en beauté, car Bobby change de linge est un roman qui a de la classe, beaucoup de classe même, avec un graphisme et une narration qui ne sont pas sans rappeler l’esprit des romans graphiques américains actuels, et surtout une histoire singulière qui nous interpelle, nous interroge sur notre monde, notre société.
La classe populaire est-elle soluble dans la classe bourgeoise ? C’est un peu la question que pose Hugues Barthe dans cet album. Et plus largement, l’ascension sociale est-elle une invention des riches ou un fantasme des pauvres ? Derrière une couverture affichant le rose du bonheur pour la vie et les sourires de façade, l’auteur raconte le parcours de Bobby, oui oui Bobby comme Bobby Ewing du feuilleton Dallas, un parcours pas aussi rose qu’il en a l’air.
Bobby aurait préféré s’appeler Boris comme Boris Vian, Marcel comme Proust, Serge comme Gainsbourg, Arthur comme Rimbaud, mais ses parents ont choisi Bobby. Chacun sa culture. Chacun ses références, me direz-vous. Bobby, vous l’aurez compris, vient d’un milieu très populaire. Et un prénom comme celui-ci n’est pas toujours facile à porter, surtout dans le beau monde.
Et le beau monde, le beau linge comme on dit, Bobby va le fréquenter, mieux il va l’épouser. Elle s’appelle Victoire. Son monde à elle, c’est celui de la culture avec un grand C, les livres, la littérature, les grands auteurs. Son père est patron d’une grande librairie. Bobby travaille d’ailleurs pour lui et est promis à un bel avenir au sein de la petite entreprise familiale.
Oui mais voilà, Bobby veut écrire des livres, pas les mettre en rayon. Et peu importe que certains de ses collègues le considèrent comme un petit prétentieux. Il sait qu’il y parviendra en s’appuyant sur ce monde de la bourgeoisie si loin de ses racines, si proche de ses aspirations…
Bien qu’il ait débuté dans la BD d’humour, le Rouennais Hugues Barthe s’est fait remarqué par les lecteurs et les professionnels du milieu avec des thématiques plus sérieuses, notamment l’homosexualité (Dans la peau d’un jeune homo), ou les violences conjugales (L’Été 79 et L’Automne 79). Avec Boby change de linge, il signe un très bel album, une très belle histoire, traitée avec intelligence et finesse, autour de personnages attachants et jamais caricaturaux… Que du bonheur !
Eric Guillaud
Bobby change de linge, de Hugues Barthe. Editions La Boîte à bulles. 18 €
© La Boîte à bulles / Barthe