06 Déc

303 Bandes dessinées : interview du directeur éditorial François-Jean Goudeau

114-Couv-HD-e1478103704786Les Ligériens connaissent le sérieux de la revue 303 qui nous fait découvrir depuis 30 ans maintenant les richesses culturelles des Pays de la Loire. Elle vient de publier un hors-série exceptionnel sur la bande dessinée. 256 pages, 1kg 300, à la gloire d’un art foisonnant. Pour comprendre le pourquoi du comment d’une telle revue, nous avons interviewé François-Jean Goudeau, son directeur éditorial, qui fût longtemps le directeur de la très réputée médiathèque de Mazé en Maine-et-Loire… Et n’oubliez pas de lire notre avis sur la revue ici

Dans l’interview qu’il vous a accordée, Benoit Peeters dit que la bande dessinée est aujourd’hui un média qu’il faut prendre au sérieux. C’est aussi votre avis ?

F.J. Goudeau. Je crois que vous avez déjà la réponse ! Proposer puis diriger un numéro de 256 pages sur le 9e art suppose de croire à l’intérêt, au sérieux et à la valeur de sa création artistique !

La prendre trop au sérieux ne risque-t-il pas de tuer son hyper créativité, de l’assagir, de la normer, de tuer son hyper créativité ?

F.J. Goudeau. C’est toujours une menace, quel que soit le domaine lorsqu’il est en cours de légitimation. On peut toutefois considérer que la lenteur de ce mouvement en bande dessinée, sa présence encore très timide d’un point de vue médiatique ainsi que sa capacité incroyable à se réinventer environ tous les trente ans la protégera encore longtemps de cette sagesse et/ou de cet assèchement.

© Kazim Dubovski - François-Jean Goudeau

© Kazim Dubovski – François-Jean Goudeau

Qui a eu l’idée de cet ouvrage ? Et pourquoi ?

F.J. Goudeau. Lorsque le comité de rédaction de la revue 303 a été créée en 2013, j’ai immédiatement proposé ce sujet dans le cadre d’un hors-série, à savoir un ouvrage plus dense que le trimestriel traditionnel de la revue. Pourquoi ? Tout simplement, parce que nous vivons un nouvel âge d’or de la bande dessinée, que notre Région y participe pleinement (de la création à la diffusion)… Et qu’il fallait le faire savoir au plus grand nombre !

En préambule, vous parlez de la bande dessinée d’auteur. Quelle différence faites-vous entre cette BD dite d’auteur et celle qui ne l’est pas ?

F.J. Goudeau. Je n’aurais pas la prétention ici, ni de les définir, ni de les différencier. Disons que la bande dessinée d’auteur se démarque, peut-être, par son originalité, sa rupture avec certains codes traditionnels du medium, sa capacité à élargir son champ thématique et sémantique, à se réinventer aussi, justement. À la différence, peut-être encore, d’une BD plus inscrite dans une logique de série, de reproduction ; industrielle, oserais-je dire.

Davodeau, Rabaté, Mathieu, Pedrosa, Vide Cocagne, Maison Fumetti… Il fallait faire des choix pour cette revue, comment les avez-vous fait ?

F.J. Goudeau. Quand vous avez l’embarras du choix, tant les acteurs sont nombreux et de qualité, autant dire que ce dernier est particulièrement cornélien ! J’ai donc fait ces choix, en privilégiant – à mon humble et forcément subjectif avis – les fondateurs et piliers de cette création dite régionale, tout en multipliant les regrets évidemment… En vérité, Il faudrait trois ou quatre volumes supplémentaires pour traiter pleinement le sujet.

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Comment expliquez-vous une telle dynamique de création en Pays de la Loire ?

F.J. Goudeau. Par deux raisons : la première, le hasard, cher à ces messieurs auteurs Marc-Antoine Mathieu et Étienne Lécroart qui seront présents au Grand Théâtre d’Angers, le samedi 10 décembre, au cours d’une soirée (entrée libre mais sur réservation) qui ne manquera pas de sens à mon avis. La seconde, la précarisation des artistes qui souvent quittent Paris ou sa périphérie pour s’installer en province, bénéficiant ici de meilleures conditions de vie et de travail. Sans oublier, l’énergie et l’attractivité propres à notre territoire.

Pensez-vous qu’il existe une école ligérienne ?

F.J. Goudeau. J’y ai cru, il y a quelques années. Mais plus je l’observe, moins j’en suis convaincu. Et, pour être honnête, c’est mieux ainsi : nous avons des talents pluriels à forte personnalité humaine et artistique, profitons-en !

On dit souvent que la BD est un art urbain. Le ressentez-vous comme ça vous qui êtes directeur d’une médiathèque en milieu rural ?

F.J. Goudeau. Même si je ne suis plus directeur (je suis en disponibilité depuis ce début d’année) de La Bulle – Médiathèque de Mazé, coéditrice de ce bel ouvrage, je l’ai été assez longtemps pour vous dire que non. Et que l’on parle aussi bien du lectorat, des bibliothèques, des librairies, des festivals comme des auteurs. C’est un cliché qui devrait disparaître dans les années à venir.

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Quels sont vos livres de chevet en ce moment ?

F.J. Goudeau.  Les derniers Olivier Supiot (Le cheval qui ne voulait plus être une œuvre d’art, Delcourt/Musée du Louvre), et Marc-Antoine Mathieu (Otto, l’homme réécrit, Delcourt), évidemment ! Même si je me régale des dernières parutions de Daniel Clowes et Richard McGuire, ayant un faible avoué pour les romans graphiques nord-américains. Et puis, non sans tristesse, je relis le génial Marcel Gotlib, notamment ses Gai-Luron

Vous abordez dans la revue la BD d’aujourd’hui mais aussi celle de demain avec les supports numériques, de nouvelles approches collaboratives ou de nouvelles voies. Selon vous, à quoi pourrait ressembler la BD du siècle prochain ?

F.J. Goudeau. Je crois qu’elle investira et séduira toujours plus d’autres champs artistiques par ses qualités séquentielles et narratives propres ainsi que ses supposées malléabilité et rentabilité économique, comme sa capacité à élargir et toucher de nouveaux publics. D’un point de vue purement formel, je vais sans doute vous surprendre, mais je pense que le support le plus généralisé et courtisé du livre de bande dessinée sera demain le même qu’aujourd’hui, à savoir celui du support papier… Et je m’en réjouis !

Merci François-Jean

Interview réalisée par Eric Guillaud le 5 décembre 2016. Notre avis ici

04 Déc

Chroniques de Noël. Un Monde flottant : Nicolas de Crécy nous fait vire sa passion pour la culture japonaise et son imaginaire débridé

capture-decran-2016-11-07-a-15.09.56Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.

Dire que l’oeuvre de Nicolas de Crécy est singulière et incomparable est un doux euphémisme. Son trait, son univers, son approche de la bande dessinée ne ressemble à rien d’autre de connu sur la planète BD. Foligatto, Léon la Came, Monsieur Fruit, Le Bibendum céleste, Prosopopus, Salvatore, Journal d’un fantôme… cela fait plus de 25 ans que cet ancien des studios Disney, où il officia sur les décors, nous émerveille de ses productions propres.

Avec La République du catch, son album précédent, Nicolas de Crécy nous embarquait au Japon pour un polar affreusement déjanté inspiré à la fois par la mythologie yôkai et par notre culture occidentale.

On reste au pays du Soleil-Levant pour quelque chose de très différent, imprégné complètement cette fois de la culture japonaise, entre yôkai et haïkus, esprits, fantômes, créatures surnaturelles d’un côté, poésies brèves de l’autre. Un Monde flottant réunit les deux dans un format singulier, un leporello, un livre accordéon, d’une très belle facture.

« Cet ouvrage, dans sa forme proche de l’emaki (rouleau peint)… », explique l’auteur, « est un hommage à la passion commune des peintres et des poètes : le voyage. En l’occurence, un voyage de l’Est vers l’Ouest, comme un pont entre elle concept japonais du yûgen – Le Mystère ineffable – et le concept, plus familier en occident, de L’Inquiétude étrangeté ».

Sur une petite trentaine d’illustrations en double page, Nicolas de Crécy plonge ces fameuses créatures de la mythologie nippone dans l’univers familier de la ville, en l’occurrence Kyoto et Tokyo dont il a pu découvrir par lui-même les architectures si particulières. Résultat, Un Monde flottant est un album aussi fantastique que poétique, on y trouve bien évidemment la griffe de Crécy mais aussi une initiation à la culture japonaise. Un cadeau à offrir sans retenue pour Noël !

Eric Guillaud

Un Monde flottant, de Nicolas de Crécy. Editions Soleil. 18,95€

© Soleil / De Crécy

© Soleil / De Crécy

Gotlib : mort d’un géant de la BD!

© MaxPPP / Gotlib en 2006

© MaxPPP / Gotlib en 2006

Les éditions Dargaud viennent d’annoncer sur leurs réseaux sociaux le décès à l’âge de 82 ans de l’un des géants de la bande dessinée francophone, Marcel Gottlieb, alias Gotlib, et font part de leur « immense tristesse ».

« Les millions de lecteurs ayant appris à rire dans les pages de la Rubrique à brac, des Dingodossiers, ou de Gai Luron perdent un humoriste fascinant, un dessinateur virtuose, un touche à tout iconoclaste et un ami cher qui parvenait à provoquer le rire à la moindre de ses pages. Quiconque aura eu un jour la chance de croiser le « brave et généreux Gotlib », comme l‘appelait René Goscinny, se souviendra avec tendresse d’un homme d’une gentillesse inouïe, au sourire contagieux et à l’humanité parfaite, qui ne se rendit jamais totalement compte de l’admiration sans borne qu’il suscitait. »

Gotlib a commencé la BD dans les pages du journal Vaillant en 1962 où apparaît pour la première fois le personnage Gai-Luron. Il rejoint Pilote en 1965, lance les Dingodossiers puis Rubrique-à-brac. En 1972, il créé avec Bretécher et Mandryka le magazine L’Echo des Savanes puis en 1975 le fameux mensuel Fluide Glacial qui réagit aujourd’hui – à sa façon – à cette triste nouvelle.

Gotlib, c’est aussi les aventures de Pervers Pépère, sa dernière création qui date de 1981, et du super-héros à la française, Superdupont, dans lesquelles l’auteur se moque du patriotisme, de la xénophobie, du racisme de certains Français.

Né en 1934, Gotlib a non seulement révolutionné la bande dessinée humoristique en la faisant entrer dans le monde adulte mais il a aussi inventé une nouvelle forme de presse BD et influencé plusieurs générations d’auteurs en France et ailleurs. Même s’il ne dessinait plus ou presque plus depuis des lustres, ses albums, ses personnages, son style ont survécu et survivront encore longtemps aux années. Ce soir, les hommages se bousculent sur les réseaux sociaux…

Eric Guillaud

03 Déc

Chroniques de Noël : Une vie de géant ou la légende du golem revisitée par Anke Kuhl

9782822214612_cgAïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.

Un géant d’argile. Voilà ce à quoi Olli et Ulla ont donné naissance par un bel après-midi au bord de la rivière. Un géant d’argile pas franchement décidé à jouer les sculptures éphémères. Une petite nuit et hop, direction la ville la plus proche où notre bon gros géant va se faire remarquer en semant le chaos. Rien de très méchant mais des maladresses qui vont le rendre persona non grata jusqu’au moment où il trouve enfin à se rendre utile…

Avec ce premier livre traduit en français, l’Allemande Anke Kuhl revisite la légende du golem, créature humanoïde de la mythologie juive qui aurait inspiré nombre de personnages de l’imaginaire moderne tels que Frankenstein ou Superman. Un beau petit livre au graphisme séduisant pour les plus jeunes.

Eric Guillaud

Une vie de géant, de Anke Kuhl. Éditions Jungle! Kids. 9,95€

Chroniques de Noël : le Bouboule-book collector de Nathalie Jomard pour tous ceux qui aiment Chat-Bouboule

album-cover-large-31415Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.

Fais pas chi, fais pas chat. Elles sont partout ces fameuses bouboules de poils, sur les réseaux sociaux, dans le Neuvième art et sur nos canapés. Tout ça pour quoi ? Dormir. Car oui, la majeure partie de la vie d’un chat consiste à dormir quand nous les humains, nous devons trimer des heures et des heures pour ramener des croquettes à la maison. Quelle misère!

Bon, je vous l’avoue, les chats, ce n’est pas ma tasse de thé, même pas de lait, non, je serais plutôt poisson rouge. Pas de bruit, pas de poils, pas de crottes, pas de vomis, pas de griffures sur le montant du meuble Louis XVI, juste des bulles. Et je sais de quoi je cause, j’ai deux spécimens de poilus à la maison.

Une fois tout ça avoué, je reconnais que le chat de Nathalie Jomard me fait bien marrer. D’abord parce qu’il est vraiment bouboule, ensuite parce qu’il est loin d’être parfait moralement. Rien à voir avec le Chi de Konagi Kanata. Lui ferait plutôt dans le rock’n’roll tendance punk. Sa mission si vous l’acceptez : pourrir la vie de ses colocataires et accessoirement de ses maîtres.

Mais pas d’inquiétude, Nathalie Jomard délivre dans un élan de solidarité mal contrôlé les dix commandements pour survivre à un chat, le premier étant la fuite. À bon entendeur, chalut…

Eric Guillaud

Le Bouboule-Book collector, Chat-Bouboule, de Nathalie Jomard. Editions Jungle! 19,90€

L’info en + : cet album collector contient les tomes 1 et 2 des aventures de Bouboule. Une double ration de pâtée en somme…

Vraoum vraoum : quand la BD fait rugir les moteurs…

Capture d’écran 2016-12-02 à 21.46.20De mémoire de passionnés, cette édition des 24 Heures du Mans fût l’une des plus incroyables, des plus captivantes de la fin du XXe siècle. 1999, tous les grands constructeurs sont sur la grille de départ, Toyota, Audi… et Mercedes. Mercedes qui n’ira pas jusqu’au bout.

Cinq heures après le début de la course, la Mercedes CLR n°5 lancée à plus de 300 km/h décolle de la piste, tourne trois fois en l’air et finit sa course dans les arbres en bord de piste. Tout le monde craint pour le pilote Peter Dumbreck mais celui-ci en sort indemne. Un miracle. Mais pour Mercedes, les 24 Heures sont terminées. Une mauvaise conception aérodynamique est à l’origine de l’accident. La dernière voiture de l’écurie encore en course rejoint les stands, les rideaux de fer sont baissés.

C’est cette édition 1999 et notamment cet accident spectaculaire que nous racontent ici les dessinateurs Robert Paquet et Bad, ainsi que le scénariste et journaliste Laurent-Frédéric Bollée qui avait couvert la course en tant que journaliste sportif.

On reste dans le domaine de la course et notamment dans celui des 9782344011812_cg24 Heures avec ce diptyque – 100% belge nous prévient le communiqué de presse – sur l’une des plus grandes stars du sport automobile, Jacky Ickx, aka Monsieur Le Mans en raison de ses six victoires remportées sur la mythique course mancelle. Un homme reconnu et apprécié pour son palmarès mais aussi pour son comportement. En 1969, alors que tous les pilotes se ruent vers leur voiture pour un départ en courant, Jacky Ickx marche, prend le temps de boucler son harnais et gagne la course. L’année suivante, le départ en courant est supprimé !

Champion de Belgique de Course de côte, champion de Belgique des conducteurs, champion du monde des pilotes d’endurance… quelque soit le terrain, l’homme s’impose et collectionne les titres les plus prestigieux.

Dans cet album, Jean-Marc Krings et Dugomier racontent la vie de cette légende vivante du sport automobile en commençant par le début, sa première voiture de course… une voiture à pédales. Direction la petite ville de Braine-L’Alleud dans le Brabant en 1950, Jacky Ickx a alors 5 ans…

Une course mythique, un pilote de légende, deux albums pied au plancher pour ceux qui aiment les chevaux mécaniques…

Eric Guillaud

1999 : Le choc des titans, 24 Heures du Mans, de Robert Paquet, Bad et Bollée. Éditions Glénat. 13,90€

Rainmaster, Jacky Ickx (tome 1), de Dugomier et Krings. Éditions Glénat. 13,90€

01 Déc

Mémoires d’un ouvrier : Bruno Loth raconte l’histoire de son père dans la France d’avant guerre et sous l’occupation

9782849532690_cgC’est un livre qui en impose. Par son poids, 1 kg et demi, son nombre de pages, plus de 300, et par son sujet : les mémoires d’un ouvrier. Il faut dire que le contexte donne à raconter. L’ouvrier en question s’appelle Jacques, c’est le père de l’auteur Bruno Loth, il découvre le monde du travail à la veille de la seconde guerre mondiale…

Bordeaux, mars 1935, Jacques aurait pu suivre des études et devenir instituteur. Depuis deux ans, il use ses fonds de pantalon sur les bancs de l’école supérieure. Mais il décide un beau jour de tout envoyer valdinguer et de s’engager comme apprenti. Direction l’usine où il découvre le monde du travail, un monde masculin, dur mais aussi très soudé dans la difficulté.

Mai 1936, le Front Populaire remporte une nette victoire aux élections législatives. Des manifestations monstres secouent le pays, des grèves paralysent les entreprises, les laborieux bombent le torse, Blum arrive au pouvoir et commence à appliquer le programme du Front populaire. Congés payés, semaine de quarante heures, conventions collectives… pour tout le monde.

Jacques en profite, s’offre quelques jours de vacances avec des amis avant de retourner à l’usine. Jacques monte en grade, il devient ouvrier à part entière mais la guerre éclate le 1er septembre 1939. Défaite éclaire, débâcle, exode, occupation… la vie douce et insouciante dont il rêvait s’évanouit pour longtemps.

Bruno Loth aime nous embarquer dans la grande histoire, la guerre d’Espagne avec Ermo et Dolorès, le Front Populaire et la seconde guerre mondiale avec Mémoires d’un ouvrier, un récit initialement publié en trois volumes entre 2010 et 2014, aujourd’hui réunis dans cette très belle intégrale augmenté d’un carnet d’histoires. Avec quantité de photographies et de documents, l’auteur y évoque la genèse de cet album, la vie de son père, la guerre à Bordeaux…

On retrouve bien évidemment la griffe de Bruno Loth, un mélange de témoignage historique et de récit intime appuyé par un graphisme et une mise en couleurs très sobres. Au delà du contexte historique et de la vie de son père, l’auteur nous offre un regard plein d’humanité sur le monde ouvrier. Un beau cadeau pour les fêtes de fin d’année.

Eric Guillaud

Mémoires d’un ouvrier (avant guerre et sous l’occupation), de Bruno Loth. Éditions La Boîte à bulles. 39€

© La Boîte à bulles / Loth

© La Boîte à bulles / Loth

29 Nov

Hip Hop Family Tree : l’épopée du hip hop racontée en BD par Ed Piskor aux éditions Papa Guédé

hip-hopune-tt-width-470-height-680-crop-1-bgcolor-000000-nozoom_default-1-lazyload-1-except_gif-1C’est une nouvelle qui devrait réjouir tous les amoureux de la culture hip hop, la saga de l’auteur américain Ed Piskor consacrée à la l’histoire de ce mouvement né dans le Bronx dans les années 1970 est enfin disponible en France…

Je ne suis pas un grand connaisseur du hip hop, pas vraiment un fan d’ailleurs, mais je suis toujours subjugué par la richesse de cette culture et sa proximité évidente avec la bande dessinée. Les deux univers se retrouvent dans cet ouvrage signé Ed Piskor, un auteur américain que certains d’entre vous ont peut-être découvert en France avec l’album Wizzywig paru chez Dargaud en 2013, album où il était question d’un hacker en série.

Changement de sujet avec Hip Hop Family Tree qui raconte ni plus ni moins l’épopée du hip hop, en commençant par le début, les soirées de Dj Kool Herc dans un South Bronx en ruine. Nous sommes au milieu des années 70, DJ Kool Herc invente la technique du « Merry-go-Round » (jouer avec deux disques identiques sur deux platines différentes) et le monde de la musique s’en trouve transformée.

Le rap est né. Et ses pionniers ont pour noms Grandmaster Flash, Grandwizard Theodore ou encore Afrika Bambaataa, le fondateur de la Zulu Nation, une organisation internationale quoi joua un rôle primordial dans la diffusion du hip hop à travers la planète en prônant la paix, la connaissance, la sagesse dans un New York confronté aux gangs.

Au fil des pages, Ed Piskor nous parle de cette culture hip hop naissante en Amérique et plus largement de la culture black et de la société américaine des années 70. On y croise beaucoup de stars du rap mais aussi du graff comme Fred Fab Five ou de la peinture comme Jean-Michel Basquiat, de la pop comme Deborah Harry (Blondie) ou encore du cinéma comme Malcom X.Couvertureblack music

Un livre très dense et passionnant à offrir avec un autre ouvrage portant lui-aussi sur la culture black, l’excellent Petit livre Black Music de Bourhis et Bruno chez Dargaud dont vous trouverez la chronique ici.

Eric Guillaud

Hip Hop Family Tree, de Ed Piskor. Editions Papa Guédé. 26€

© Papa Guédé / Ed Piskor

© Papa Guédé / Ed Piskor

27 Nov

La Casa, une édition anniversaire de la BD de Victor Hussenot chez Warum?

LaCasa-Warum2016-3DLa case, la casa, la maison, un espace restreint sur une planche de bande dessinée mais un terrain de jeu et d’aventure incroyable. Tout peut s’y produire, le monde entier peut la traverser, l’investir, en repartir. La preuve avec Victor Hussenot et cette bande dessinée publiée chez Warum?…

Dans cet album initialement paru en 2011, aujourd’hui réédité à l’occasion des 11 ans de la maison d’édition, les cases s’envolent, dégringolent, s’organisent, se désorganisent, apparaissent, disparaissent, s’animent, se meurent, se remplissent, se vident et donnent vie à des petites histoires qui flirtent avec l’humour, l’absurde. La case, cet espace limité par quatre traits, devient un personnage à part entière.

« Pour La Casa… », explique l’auteur dans une interview accordée à Du9.org et publiée dans les dernières pages du livre, « je voulais justement être libre, presque qu’il n’y ait pas d’histoire. Pourtant, il y a des personnages dessinés et imprimés sur du papier qui interagissent avec des cases, que font ils ? Cela m’intéressait de me dire qu’ils étaient là, dans la page, mais qu’aucune sorte de récit ne venait les emmerder. Je voulais voir ce qui se racontait tout seul, comme ça, en posant des personnages sur une planche blanche, comme si je leur disais : vas-y, débrouille-toi maintenant ».

En voyant ces pages, on pense tout de suite à Marc-Antoine Mathieu et notamment à sa série Julius Corentin Acquefaques qui n’a de cesse de revisiter, triturer, malaxer, renverser les codes narratifs. Et on a raison de penser à cet auteur même si Victor Hussenot développe un univers et une vison de la BD bien à lui. La Casa comme Julius Corentin Acquefaques explore les limites du médium bande dessinée. « L’OuBaPo m’a profondément touché, car j’ai vue dans les contraintes une manière de représenter visuellement des questions existentielles et temporelles avec la boucle (Morlaque) par exemple, un peu comme Escher que j’aimais beaucoup aussi ».

Cette réédition cartonnée offre de nouvelles pages couleurs ainsi qu’une longue interview de l’auteur. Pour ceux qui rêvent de faire exploser les cases !

Eric Guillaud

La Casa, Victor Hussenot. Editions Warum?. 18 €

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