19 Sep

Délicieuse Daisy et Fantomiald : Glénat poursuit son travail de mémoire autour de Disney

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Mickey, Donald, Picsou, Riri, Fifi, Loulou, Pat Hibulaire, Daisy, Gontran ou encore Géo Trouvetou, depuis 2010, les éditions Glénat ont entrepris de publier toutes les aventures légendaire des personnages de Walt Disney. Et ça continue avec deux nouveaux recueils consacrés à Daisy et Fantomiald.

« J’ai appris à lire dans Le Journal de Mickey et c’est un rêve qui se réalise aujourd’hui d’être éditeur de Mickey et Donald en bandes dessinées. Je me suis aussitôt replongé dans mes collections de journaux anciens et je suis impatient de publier tous ces trésors du passé, du présent et de l’avenir… » déclarait Jacques Glénat en 2010 au moment du lancement de ce programme de parution ambitieux.

Six années et plusieurs dizaines d’ouvrages plus tard, voici deux nouveaux recueils, le troisième volet des aventures de Fantomiald, le célèbre justicier masqué, et Délicieuse Daisy, personnage considéré comme secondaire mais qui a quand même vécu plus de 10000 histoires, nous rappelle l’éditeur.

Comme toujours les albums sont soignés et mettent en valeur le travail des auteurs. Une nouvelle approche souhaitée par Jacques Glénat pour « faire un travail de mémoire, de qualité, et non seulement imprimer des planches ». Et de fait, chacun de ces albums nous fait découvrir des auteurs de talent qui ont longtemps travaillé dans l’ombre de Disney tels que Carl Barks ou Floyd Gottfredson. Intemporel !

Eric Guillaud

Fantomiald court toujours. Editions Glénat. 18,95 €

Délicieuse Daisy. Editions Glénat. 14,95 €

Confessions d’un enragé, le nouvel album de Nicolas Otero chez Glénat

9782344010655-LDans son malheur, Liam, 4 ans, a eu de la chance. Beaucoup de chance. L’animal qui l’a attaqué en cet été 1979 dans la médina de Rabat au Maroc est un chat et non un chien. Le chien n’aurait jamais lâché sa proie. Le chat l’a juste griffé sévèrement au visage. De belles cicatrices en perspective. Mais le plus grave n’est pas là. Le chat avait la rage.

Pour le petit garçon, la vie n’aura plus jamais le même parfum d’insouciance et de liberté. Fini de jouer et rejouer la coupe du monde dans la cour de la maison avec son frère et les copains. Direction la France pour recevoir des soins adaptés. Les années passent, les cauchemars succèdent aux cauchemars. Liam change. Il prend peur de tout, des gens, de la nuit, des voitures, de la mort. Il devient violent, très violent, et finit par se réfugier dans la drogue. On le croit perdu, c’est à ce moment précis qu’il croise l’amour…

Si Confessions d’un enragé commence comme un récit réaliste, voire autobiographique, il prend très vite une tournure fantastique. « Cet enfant de quatre ans qui se fait attaquer par un chat qui se révèle enragé, c’est moi… », nous confie Nicolas Otero dans une interview à découvrir en intégralité ici, « La mort, je l’ai frôlée de très près au Maroc, j’avais donc envie de raconter surtout une histoire de vie, un parcours initiatique ou comment trouver sa place quand on est différent ».

Et c’est bien là que réside l’intérêt du livre de Nicolas Otero, dans ce subtil mélange des genres qui permet à la fois d’aborder la maladie et ses conséquences sous un angle quasi-scientifique et de suivre le parcours d’un gamin marqué très jeune par le destin.

« Ce n’est pas courant de se faire attaquer par un animal enragé… », poursuit Nicolas Otero, « enfin il me semble! J’ai mis du temps à en parler, et à chaque fois que j’évoquais le sujet, on me renvoyait un sempiternel: Ha, d’accord, je comprends mieux alors… Pourtant, je n’avais pas l’impression d’avoir un comportement particulier, violent ou colérique. Mais c’est pourtant l’image et l’attitude que je transmettais, quasi contre mon gré, ou à l’insu de… »

Confession d’un enragé marque une grande première pour Nicolas Otero. C’est en effet la première fois qu’il signe à la fois le dessin ET le scénario. « J’ai tout écrit d’une traite en moins de dix jours, de façon quasi compulsive, en prenant un pied d’enfer !! Et le dessin a été aussi source d’intense plaisir, je m’étais tellement approprié le parcours de ce petit bonhomme… ». Violent, sombre, désespéré, effrayant, Confessions d’un enragé est aussi une ode à la vie. Après la nuit vient le jour…

Eric Guillaud

Confessions d’un enragé, de Nicolas Otero. Éditions Glénat. 25 €

L’interview de l’auteur ici

© Glénat / Otero

© Glénat / Otero

Confessions d’un enragé : interview express de Nicolas Otero

Nicolas Otero s’est déjà fait remarqué il y a déjà quelques années en signant le dessin de la série Amerikkka puis plus récemment en adaptant le livre d’Heloïse Guay de Bellissen, Le roman de Boddah. Il revient aujourd’hui avec Confession d’un enragé qui mélange récit autobiographique, initiatique et fantastique. Il nous explique ses choix, nous parle aussi un peu de sa vie, de lui, des chats…

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On le sent dans la précision du récit et notamment dans le détail des diagnostics médicaux, votre récit est en partie autobiographique. Jusqu’où ?

Nicolas Otero. Il est autobiographique dans la mesure où cet enfant de quatre ans qui se fait attaquer par un chat qui se révèle enragé, c’est moi. Il est autobiographique puisque les cauchemars récurrents qui ont suivi pendant le traitement antirabique et où un affreux matou enragé et écorché entraîne Liam au plus profond de son lit, je les ai faits toutes les nuits. Enfin, il est autobiographique puisque beaucoup des épreuves que traverse Liam tout au long de l’album sont inspirées plus ou moins directement de moments de mon existence.

© Glénat / Otero

© Glénat / Otero

Pourquoi avoir choisi finalement un angle fantastique ?

Nicolas Otero. Parce que justement je ne voulais pas d’une pure autobiographie, c’est bon pour les gens morts ou très vieux et j’ai encore beaucoup de choses à vivre et à raconter!! La mort, je l’ai frôlée de très près au Maroc, j’avais donc envie de raconter surtout une histoire de vie, un parcours initiatique ou comment trouver sa place quand on est différent.

© Glénat / Otero

© Glénat / Otero

En quoi pensez-vous que ce drame très jeune a changé votre vie ?

Nicolas Otero. Ce n’est pas courant de se faire attaquer par un animal enragé, enfin il me semble! J’ai mis du temps à en parler, et à chaque fois que j’évoquais le sujet, on me renvoyait un sempiternel : Ha, d’accord, je comprends mieux alors… Pourtant, je n’avais pas l’impression d’avoir un comportement particulier, violent ou colérique. Mais c’est pourtant l’image et l’attitude que je transmettais, quasi contre mon gré, ou à l’insu de… J’en ai forcément joué parfois, mais j’ai dû faire très tôt un travail sur moi-même, pour m’intégrer au mieux.

© Glénat / Otero

© Glénat / Otero

C’est votre premier album en qualité à la fois de scénariste et de dessinateur. Le dépucelage comme vous dites sur votre compte Facebook s’est bien passé ?

Nicolas Otero. Il s’est très bien passé, je portais cette histoire depuis toujours finalement. Et le fait d’avoir travaillé seul pour le bouquin sur Kurt Cobain m’a donné confiance en mes capacités narratives et le fait de pouvoir faire passer des émotions, des sensations. J’ai tout écrit d’une traite en moins de dix jours, de façon quasi compulsive, en prenant un pied d’enfer!! Et le dessin a été aussi source d’intense plaisir, je m’étais tellement approprié le parcours de ce petit bonhomme… Donc pour un dépucelage, oui, ce fut juste génial!!

© Glénat / Otero

© Glénat / Otero

Quel rapport entretenez-vous aujourd’hui avec les chats ?

Nicolas Otero. Pendant longtemps, je ne pouvais croiser un matou sans changer de trottoir, je dois reconnaître que les félins étaient loin d’être mes amis, je terrorisais assez vite, c’était phobique, vraiment plus fort que moi. Et puis, il y’a quatre ans, mon chien est mort et les enfants ont eu énormément de chagrin, tout comme moi, et une cousine venait d’avoir une portée de petits chatons, vous imaginez la suite…
J’ai craqué et depuis un félin noir aux yeux jaunes vient régulièrement poser ses coussinets à côté des pages en cours.

Merci Nicolas

Interview réalisée le 16 septembre 2016 – Eric Guillaud

La chronique de l’album ici

Travail sur la couverture - Vérane Otero

Travail sur la couverture – Vérane Otero

14 Sep

La Déconfiture : le nouveau Rabaté chez Futuropolis

couv46613501Lorsqu’on commence à parler en matière de livre du « nouveau untel » ou du « dernier tartempion », c’est que le untel ou le tartempion en question n’est plus à présenter, qu’il fait partie des meubles en quelques sortes, de notre patrimoine culturel et des étagères de nombre de lecteurs. C’est le cas bien sûr de Pascal Rabaté. Et que vaut ce « nouveau Rabaté » qui a pour nom La Déconfiture ? C’est un petit bijou. Mais est-ce vraiment surprenant ?

Sans vouloir le vieillir prématurément, ça fait quand même des lustres que Pascal Rabaté illumine le Neuvième art de son talent de scénariste ET de dessinateur. Depuis le début des années 90 pour être précis, époque de la série Les Pieds dedans, une fable noire qui nous invite à la table d’une famille de Français moyens, vraiment très moyens.

Suivent Ex-Voto, Un ver dans le fruit… et Ibicus, un véritable chef d’oeuvre qui nous aide à changer de siècle, quatre albums publiés entre 1998 et 2001 et un Alph’Art du meilleur album pour le deuxième volet au festival d’Angoulême en 2000.

© Futuropolis / Rabaté

© Futuropolis / Rabaté

Plus rien ne peut arrêter Pascal Rabaté. 2003, c’est Bienvenue à Jobourg, 2006 La Marie en plastique mais aussi Les Petits ruisseaux qu’il adapte au cinéma en 2010 et lui ouvre les portes d’une carrière de réalisateur.

Les mauvaises langues peuvent dès lors l’imaginer perdu pour la BD mais non. Pas une année ne passe sans que nous ayons le droit à un « nouveau Rabaté ». Bien des choses, Le Petit rien tout neuf avec un ventre jaune, Crève Saucisse, Biscottes dans le vent… et puis La Déconfiture qui nous entraîne sur les routes de France en juin 1940.

une véritable transhumance, c’est la France des matelas

« Plus fort que l’été 36, toute la France sur les routes (…) une véritable transhumance, c’est la France des matelas », ironise son personnage principal, un simple bidasse au nom très agricole, Amédée Videgrain. Un bidasse plus témoin qu’acteur de cette débandade générale. Entre les trous d’obus et les cadavres de civils ou de militaires jonchant la route, Videgrain joue les panneaux indicateurs et les croque-morts en tentant de garder un certain détachement. L’individu reprend le dessus sur le collectif en fuite. Lui aussi pourrait fuir, déserter. Mais non, sa seule volonté est de retrouver son régiment. Mais où est donc passé le 11e régiment ? 

© Futuropolis / Rabaté

© Futuropolis / Rabaté

Ah elle est belle l’armée française ! Pendant que les Français sabotent les derniers chars encore en état de marche, les Allemands, eux, s’organisent un méchoui…

Regardez ça, y en a même qui se font dorer la pilule. Je m’en serais passé de ce tourisme de masse

Tourisme de masse ! C’est dans les dialogues, parfois dans les situations, que Pascal Rabaté parvient à glisser un trait d’humour, d’ironie, dans le contexte dramatique de la débâcle. Mais dans le fond, l’auteur pose à travers le destin de ce soldat inconnu un regard fait de compassion sur tous ceux qui ont vécu l’époque.

© Futuropolis / Rabaté

© Futuropolis / Rabaté

Taboue la débâcle ? On pouvait penser cet épisode peu glorieux enfoui au plus profond de la mémoire collective. Pourtant, et depuis les années 60, des films comme Week-end à Zuydcoote, Mais où est donc passé la 7e compagnie? et prochainement Dunkerque de Nolan, abordent cette période. Côté bande dessinée, rien d’aussi probant à ma connaissance si ce n’est quelques fictions telles que Comment faire fortune en juin 40 aux éditions Casterman ou Ciel de guerre chez Paquet qui prennent appui sur ce contexte.

Des dialogues savoureux, un trait réaliste épuré et raffiné, une narration formidablement fluide, des personnages qui nous ressemblent… Le « nouveau Rabaté » ne devrait pas déclencher d’exode mais au contraire une affluence record dans toutes les bonnes librairies de France et de Navarre.

Eric Guillaud

La Déconfiture (première partie), de Rabaté. Editions Futuropolis. 19 €

11 Sep

McCurry NY 11 septembre 2001 : le témoignage en BD et en photos du photographe de presse Steve McCurry chez Dupuis / Magnum Photos

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Quinze ans. Quinze ans déjà. Et toujours les mêmes images qui tournent en boucle sur nos chaînes de télévision et dans nos têtes. Des images qu’on ne peut, qu’on ne pourra jamais effacer. Violentes, effrayantes, invraisemblables, apocalyptiques. Des images qui ont marqué le début de notre siècle du sceau de la barbarie et frappé les esprits comme peut-être rien d’autre. S’il n’y avait pas eu ces attentats, qui se souviendrait aujourd’hui de ce qu’il faisait le 11 septembre 2001 ?

Les plus de 20/25 ans ont pour la plupart vécu l’événement. De très près. En direct. En étant parfois à l’autre bout du monde. C’est peut-être un peu plus vague pour ceux qui n’étaient pas nés ou trop jeunes à l’époque. Des livres comme celui-ci, publié à quelques heures du quinzième anniversaire contribuent au souvenir. C’est déjà beaucoup. Mais l’intérêt du livre ne s’arrête pas là.

C’est certainement l’un des albums les plus réussis et les plus passionnants de la collection Magnum Photos / Aire Libre.

Pour plusieurs raisons. D’abord parce que Steve McCurry, le grand témoin invité de ce nouvel opus, est un immense photographe de presse qui s’est fait connaître du très grand public avec le portait de la jeune afghane au regard perçant Sharat Gula. C’était en pleine guerre d’Afghanistan. Un véritable phénomène mondial.

Ensuite parce que le contexte de ce témoignage est exceptionnel et nous concerne directement encore aujourd’hui. Les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis ont à jamais changé la face du monde et lancé les pays occidentaux dans une guerre permanente contre le terrorisme. Al-Qaïda hier, Daesh aujourd’hui. Les attentats contre les Twin Towers à New York hier, ceux du Bataclan à Paris aujourd’hui. Deux dates, deux villes, deux événements vécus de près par l’Américain McCurry qui, par le plus grand des hasards, se trouvait au Stade de France le 13 novembre 2015. Deux événements qui, de fait, se retrouvent intimement liés dans les pages de cet album.

Enfin parce que, pour la première fois dans la série, et à la façon de l’excellent album Le Photographe de Didier Lefèvre et Emmanuel Guibert, les photographies de McCurry et le dessin de Jung Gi Kim font corps pour raconter l’histoire, s’imbriquant de façon tout à fait naturelle et pertinente. On y trouve bien évidemment des photos de New York mais aussi des différents reportages que le photographe a effectué à travers le monde, au plus près des drames, des guerres.

Un travail tout à fait exceptionnel complété par un dossier d’une quarantaine de pages réunissant un portfolio d’images pleine page et un long et passionnant entretien dans lequel McCurry raconte le 11 septembre 2001 mais aussi le 13 novembre 2015, ses débuts, la guerre en Afghanistan…

Eric Guillaud

McCurry NY 11 septembre 2001, de JD Morvan, Séverine Tréfouël et Jung Gi Kim. Éditions Dupuis / Magnum Photos. 24 €

© Dupuis / Magnum Photos - Morvan & Jung Gi Kim

© Dupuis / Magnum Photos – Morvan & Jung Gi Kim

07 Sep

Hôpital public, un album collectif d’entretiens avec des personnels du CHU de Nantes chez Vide Cocagne

1507-1146 interventions chirurgicales, 2377 consultations, 11 naissances, 305 passages aux urgences, 7106 repas servis, 12 tonnes de déchets traités*,voilà à quoi ressemble le quotidien du CHU de Nantes.

Et derrière ces chiffres qui peuvent donner le vertige, il y a des hommes et des femmes qui font tourner la boutique, 2641 personnels médicaux, 9415 non-médicaux, plus de 140 métiers différents représentés, depuis les médecins jusqu’aux peintres en bâtiment, en passant par les infirmiers, les agents de nettoyage, les secrétaires médicales….

Une véritable ville dans la ville. Le plus gros employeur de la région. Et ce sont précisément ces gens qui font vivre le CHU que plusieurs auteurs de bande dessinée sont allés rencontrer et questionner sur leur quotidien. Sept auteurs de BD pour autant d’approches différentes, autant de styles graphiques, et, au final, autant d’entretiens avec ici un médecin retraité, là un infirmier, plus loin une femme de ménage ou encore une conseillère conjugale… Le ton est très libre, voire délibérément engagé. On y parle travail mais surtout conditions de travail. L’album s’ouvre d’ailleurs sur un mouvement de grève contre la réduction d’effectifs. Ça fait aussi partie du quotidien du CHU.

© Vincent Calcagni / auteurs et personnels du CHU réunis pour la sortie de l'album

© Vincent Calcagni / une petite partie des auteurs et personnels du CHU réunis pour la sortie de l’album

Emile Chiffoleau, qui a coordonné l’ouvrage explique en introduction : « En allant à la rencontre de ceux qui le font vivre tous les jours, de l’infirmier au médecin en passant par le représentant syndical, une chose nous a frappé : la souffrance des soignants à ne pas pouvoir faire leur travail dans de bonnes conditions. Dans tous les services visités, à tous les postes, le même constat : une diminution de l’offre de soin de qualité souvent accompagnée d’une pression hiérarchique obligeant à ne plus pouvoir faire consciencieusement son travail ».

Manque de personnel, surcharge de travail, épuisement physique, absence de  reconnaissance, gestion financière qui s’accommode mal d’une offre de soins de qualité, salles d’opérations qui doivent tourner au maximum, patients devenus des clients voire des numéros… les griefs des personnels rencontrés sont nombreux mais bien connus.

Pas de révélations fracassantes donc mais, tout de même, quelques témoignages troublants comme celui de ce médecin anesthésiste, Jean-Luc ( à gauche sur la photo), qui une fois à la retraite s’est vu proposer de poursuivre son activité au sein du même hôpital, du même service, pour un salaire multiplié par deux.

Proche de la BD documentaire ou de la BD reportage, cet ouvrage collectif des éditions nantaises Vide Cocagne n’est pas pour autant une enquête journalistique, juste une approche humaine de ce que peut être le quotidien de ceux et celles qui travaillent au sein du CHU nantais et se battent chaque jour pour maintenir sa mission de service public..

Eric Guillaud 

Hôpital public, entretiens avec le personnel hospitalier. Collectif. Éditions Vide Cocagne. 15 €

* chiffres clés 2014 du CHU

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Le reportage de Vincent Calcagni et Daniel Le Floch (F3 PDL)

05 Sep

Interview de Julie Dachez, auteure avec Mademoiselle Caroline de La Différence invisible chez Delcourt. Un témoignage sur l’autisme et le syndrome Asperger

Julie Dachez est diagnostiquée autiste Asperger à l’âge de 27 ans. De ce diagnostic tardif, elle en fait une force, un tremplin vers une autre vie. Terminé de faire semblant, d’accepter un quotidien, un travail, qui ne lui conviennent pas, Julie Dachez décide de vivre pleinement sa vie avec ses faiblesses et ses forces. Elle vient de publier une bande dessinée avec Mademoiselle Caroline qui raconte son parcours mais parle aussi de différence au sens large du terme, de respect, de tolérance, d’acceptation de soi… Rencontre.
© Chloé Vollmer-Lo

© Chloé Vollmer-Lo

Dans votre roman gaphique, on vous voit sauter de bonheur, hurler de joie au moment du diagnostic. Ça s’est vraiment passé comme ça ?

Julie Dachez. Dans la BD c’est mon « moi intérieur » qui saute au plafond, et oui ça s’est vraiment passé comme ça! Après 10 ans d’errance, ce diagnostic m’a libérée car il est venu poser un mot sur ma différence. Il était absolument essentiel pour me permettre d’apprendre à respecter mes limites tout en me focalisant sur mes points forts.

Vous avez largement investi le web pour expliquer l’autisme, pourquoi aujourd’hui la bande dessinée ?

J.D. C’est Fabienne Vaslet, une lectrice de mon blog elle-même maman de 2 garçons Asperger qui m’a soumis l’idée de cette BD. J’ai tout de suite été séduite par le projet! Le format BD est vraiment intéressant car les dessins permettent de donner corps au propos. Ils permettent aux lecteurs de comprendre concrètement ce qui se passe dans la tête d’une personne Asperger. Et là il me semble important de saluer le travail de l’illustratrice, Mademoiselle Caroline, qui a vraiment réussi à se mettre dans ma peau et à retranscrire parfaitement tous mes ressentis!! Et elle a aussi adapté le scénario en apportant sa patte et son expérience.

À qui vous adressez-vous en priorité ? Aux autistes ?

J.D. Aux autistes et à leurs proches, bien sûr, mais pas que! J’ai coutume de dire que pour moi l’autisme est un prétexte pour parler de la différence au sens large, et de l’acceptation de soi.

On comprend bien au fil des pages que ce qui libère Marguerite c’est le fait qu’elle finisse enfin par s’aimer et s’accepter telle qu’elle est. Or, être en paix avec soi est une quête universelle! Je crois que cette BD peut vraiment parler à tout le monde.

© Delcourt / Mademoiselle Caroline & Julie Dachez

© Delcourt / Mademoiselle Caroline & Julie Dachez

C’est Mademoiselle Caroline qui a mis en images votre histoire ? Comment l’avez-vous rencontrée et comment avez-vous travaillé ensemble ?

J.D. Fabienne l’a découverte et m’en a parlé. J’ai beaucoup aimé son trait, et grâce à sa BD « Chute libre » je savais que c’était quelqu’un de sensible et atypique. On l’a contactée et elle a tout de suite accepté le projet avec l’enthousiasme qui la caractérise! Je pense que notre duo a vraiment bien fonctionné, même si au départ il a fallu s’ajuster car j’étais – comme tout bon autiste qui se respecte – très psychorigide et pointilleuse sur les détails et cela me mettait dans tous mes états dès qu’elle s’écartait un tant soit peu de mon scénario! Et de son côté, elle avait tendance à oublier que j’étais autiste et que j’avais donc un mode de fonctionnement particulier. Mais avec l’aide de Fabienne on a trouvé un très bon équilibre, et comme on est toutes les deux bienveillantes, ça s’est très bien passé!

Pourquoi ne pas avoir donné le prénom de Julie, votre prénom, à l’héroïne de ce roman graphique ?

J.D. J’ai spontanément pris le parti de raconter mon histoire à la 3e personne et en utilisant mon deuxième prénom, « Marguerite ». Je crois que c’était certainement pour moi une façon d’adopter une sorte de « méta-position » me permettant de prendre du recul pour mieux me raconter.

On entend souvent dire que la France est en retard sur la question de l’autisme. Est-ce toujours vrai aujourd’hui ?

J.D. OUI! Bien sûr… Malgré trois plans autisme, la situation est aujourd’hui encore dramatique, notamment pour les adultes autistes. Et ne parlons même pas des enfants autistes : seuls 20% d’entre eux sont scolarisés en milieu ordinaire. Quand on sait qu’en Italie par exemple depuis la fin des années 70 tous les élèves en situation de handicap (quel que soit leur handicap) sont scolarisés, on a du mal à comprendre un tel retard en France!! C’est une honte.

© Delcourt / Mademoiselle Caroline & Julie Dachez

© Delcourt / Mademoiselle Caroline & Julie Dachez

Selon vous, que faudrait-il faire pour rattraper ce retard ?

J.D. Scolariser tous les enfants autistes en milieu ordinaire, déjà! Une personne autiste n’a rien à faire en IME ou en hôpital psychiatrique. Et concernant les adultes, à titre d’exemple, actuellement les délais d’attente pour passer un diagnostic au Centre de Ressources Autisme peuvent atteindre les 2 ans. Et une fois le diagnostic posé, il n’existe rien, aucun suivi. Nous manquons cruellement de moyens…

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La chronique de l’album ici

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Vous combattez depuis l’âge de 27 ans les préjugés liés à l’autisme. Quelles sont les énormités qui vous font encore bondir aujourd’hui ?

J.D. La méconnaissance de l’autisme, alliée à une vision très pathologisante de cette condition, ont fait de l’adjectif « autiste » un terme à ce point connoté négativement qu’il en est devenu une insulte. Par exemple : Jean-Louis Borloo a déclaré en 2013 « Le gouvernement est passé de l’inaction politique à l’autisme », en 2015, Bruno Le Maire a traité la gauche et Manuel Valls d’ « autistes », etc. Ces déclarations ne sont pas de simples dérapages, elles reflètent une perception largement partagée de l’autisme comme une tare. C’est quelque chose qui me fait bondir, oui, car en tant que personnes autistes nous avons en nous des richesses incroyables et de merveilleuses qualités (notre sens de la justice, notre honnêteté, notre sens du détail, notre capacité à focaliser notre attention sur des sujets bien précis pendant des heures, etc.) dont personne ne parle – ou si peu. Alors que les hommes politiques puissent utiliser le terme « autiste » comme une insulte, franchement, je me dis que c’est le monde à l’envers…

© Delcourt / Mademoiselle Caroline & Julie Dachez

© Delcourt / Mademoiselle Caroline & Julie Dachez

Blog, chaîne Youtube, BD et maintenant documentaire. Pouvez-vous nous parler de votre projet Bubble ?

J.D. Je co-réalise avec Pierre Feytis (lui-même autiste de haut niveau) un film documentaire indépendant sur l’autisme, que nous avons ironiquement appelé « Bubble » en référence au stéréotype de l’autiste enfermé dans sa bulle. Dans ce film, nous allons à la rencontre d’adultes autistes qui sont comme nous à l’extrémité invisible du spectre autistique afin de recueillir leurs propos sur des thématiques comme la normalité, le handicap, la différence etc. En parallèle Pierre et moi nous filmons en train de faire le film, nous sommes en quelque sorte le fil rouge du documentaire. C’est un film complètement atypique, tant sur le fond que sur la forme, avec un propos très engagé! Et nous avons lancé un financement participatif pour nous aider à aller au bout de ce magnifique projet.

Je me suis enfin réconciliée avec moi-même et j’ai adapté mon environnement (et ma vie) à mes spécificités, plutôt que de passer mon temps à me suradapter à un environnement qui ne me correspondait pas

Avec tous ces projets, que reste-t-il de la jeune femme autiste d’hier ?

J.D. Il est difficile de répondre à cette question! Car tout a changé et pourtant je suis restée la même. Je suis et serai toujours autiste, j’ai donc les mêmes difficultés – et les mêmes forces, aussi – qu’avant. C’est simplement ma façon de les percevoir et de les vivre qui a tout changé. Je me suis enfin réconciliée avec moi-même et j’ai adapté mon environnement (et ma vie) à mes spécificités, plutôt que de passer mon temps à me suradapter à un environnement qui ne me correspondait pas (quitte à y laisser ma santé et ma joie de vivre!). C’est la raison pour laquelle aujourd’hui je suis épanouie et confiante, et je me sens enfin « à ma place » dans ce monde.

Merci Julie

Propos recueillis par Eric Guillaud le 3 septembre 2016. Plus di’nfos sur le projet Bubble ici, la chaîne YouTube de Julie  et son blog par ici.

La chronique de l’album est ici

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03 Sep

Groom 2, le retour ! En kiosque depuis le 1er septembre

 

14088407_669516873200912_5813590562749969764_n-555x771Les réseaux sociaux sont au coeur de notre vie, ils sont au coeur du deuxième numéro de Groom, le magazine d’actualité et de société en bande dessinée lancé en janvier dernier par la maison d’édition Dupuis.

Sous le titre Réseaux sociaux: addiction, révolutions, chaton, l’équipe du magazine est allée explorer toutes les facettes de ce phénomène de société qui est bien parti pour durer. Facebook, Twitter, Instagram, Periscope, Youtube, Snapchat… autant de réseaux qui font partie aujourd’hui de notre quotidien, un peu trop au goût de certains, et qui ont modifié notre comportement sur le web. Des réseaux où on peut trouver tout et son contraire, informations, désinformations, rumeurs, théories du complot, publicités, appels à la solidarité, embrigadements…

Groom fait le ménage et nous dit tout sur le phénomène d’addiction, les pièges et les bienfaits des réseaux avec ses auteurs de BD maison comme Munuera, Tehem ou Zidrou mais aussi avec quelques stars des réseaux, Cyprien, Kemar ou Jeremstar.

Groom 2, en kiosque le 1er septembre. 6,90€, disponible aussi sur le web ici

Eric Guillaud

© Dupuis

© Dupuis

31 Août

Je viens de m’échapper du ciel : un roman graphique de Mattiussi d’après les nouvelles de Carlos Salem

Capture d’écran 2016-08-30 à 18.45.26C’est la rentrée ! Et l’embouteillage sur les présentoirs de nos amis libraires. Laissez tomber le classement de vos photos souvenirs et autres selfies de l’été, pour rester à la page, il va falloir sérieusement jouer de l’index.

Et parmi les titres qui se singularisent, il y a le roman graphique Je viens de m’échapper du ciel, une adaptation des nouvelles noires de l’Argentin Carlos Salem signée de la Française Laureline Mattiussi chez Casterman. Avec un noir et blanc impressionnant de caractère, Laureline Mattiussi nous raconte une histoire pas banale, aussi noire que fantastique, où se côtoient Pieds Nickelés de la cambriole et anges sexués, femmes fantasmées et hommes masqués.

Poe, c’est le nom du personnage principal. Poe comme Edgar Poe, le talent et la célébrité en moins. Poe est un loser, un gars qui se déguise en Bugs Bunny pour braquer les banques et rêve de rejoindre le ciel. De toutes les manières possibles. Y compris en s’allongeant sur les routes et en attendant le véhicule providentiel. « Emmène-moi putain ! », lance-t-il à une ange qui s’est échappée du ciel pour quelques heures, « ici c’est pas supportable! On fait rien qu’à tourner en rond en attendant de crever! ».

Une histoire au bord de l’amour…

Poe tourne en rond, traînant sa mélancolie dans les quartiers sombres de la ville mais pas que. Il dévalise les banques aussi, il braque les hommes d’affaires à l’occasion, et il rêve de Lola, une barmaide. Il aime tout chez Lola. « Nous deux, ça fait longtemps qu’on se mesure couteau en main. Mais on n’attaque jamais. On reste comme ça, au bord de l’amour ou du désastre, sans se décider à agir et se perdre enfin ».

Difficile d’en raconter plus, Je viens de m’échapper du ciel est un récit qui se lit, qui se sent, se ressent, s’apprécie jusqu’au bout de la nuit. Si la rentrée pouvait ressembler à un livre, elle ressemblerait à celui-ci. Et on serait bien!

Eric Guillaud

Je viens de m’échapper du ciel, de Mattiussi, d’après Carlos Salem. Editions Casterman. 18,95 €

© Casterman / Mattiussi

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