08 Avr

Et il foula la terre avec légèreté : un plaidoyer pour la planète signé Mathilde Ramadier et Laurent Bonneau

790470_01A l’image du titre, cet album de Mathilde Ramadier et Laurent Bonneau est un concentré de poésie, un plaidoyer pour notre planète mise à mal par l’exploitation souvent abusive de ses ressources…

Et il foula la terre avec légèreté n’est pas une nouveauté du mois mais j’ose espérer que la durée de vie d’un livre, surtout tel que celui-ci, ne se compte pas dorénavant en une poignée de semaines. L’histoire est très simple. Ethan travaille pour un groupe pétrolier. Il est ingénieur forage mais ne s’est jusqu’ici jamais déplacé sur le terrain. C’est de son bureau à la Défense qu’il prenait les décisions. C’est donc un première pour lui. Son entreprise l’envoie en Norvège où on vient de découvrir du pétrole. Avant même que l’accord d’exploitation soit accordé, Ethan doit accompagner les premiers physiciens et géologues partis en reconnaissance.

Ethan débarque donc en Norvège, plus exactement à Svolvaer, dans l’archipel des Lofoten, au nord du pays. Un nouvel environnement avec lequel le jeune homme va devoir se familiariser. Il y parvient en allant à la rencontre de ses habitants, des pêcheurs ou familles de pêcheurs pour l’essentiel. Il découvre les hommes mais aussi la nature, omniprésente, immense, sauvage, miraculeusement préservée. Mais pour combien de temps encore ? « Je ne m’attendais pas à autant de richesse », confie-t-il à son épouse restée en France. Impossible de rester impassible devant le spectacle des aurores boréales. Et même s’il se dit encore passionné par son métier, par la recherche scientifique, les avancées technologiques, le progrès… ce voyage commence à mettre à mal certaines de ses convictions.

Il sait au fond de lui même que malgré les mesures de sécurité prises, une marée noire n’est pas impossible. Entre les impératifs de son travail et ses convictions écologiques, Ethan tente de se frayer un chemin au milieu d’un décor splendide, magnifiquement retranscrit par le trait épais de Laurent Bonneau. Une très belle réflexion sur nos choix de vie, sur l’écologie, l’homme… Une oeuvre belle et intelligente à la fois !

Eric Guillaud

Et il foula la terre avec légèreté, de Mathilde Ramadier et Laurent Bonneau. Éditions Futuropolis. 27€

© Futuropolis / Ramadier & Bonneau

© Futuropolis / Ramadier & Bonneau

07 Avr

Les 48H de la BD vendredi 7 et samedi 8 avril partout en France

Trois deux un… bullez ! La cinquième édition des 48H BD a débuté ce matin en France et en Belgique. Casterman, Dupuis, Delcourt, Soleil, Le Lombard… 12 éditeurs majeurs de la bande dessinée participent cet année encore, des éditeurs mais aussi 1500 libraires, des auteurs, des établissements scolaires…

La BD est en fête annoncent les affiches. Une fête qui rassemble chaque année des dizaines de milliers de participants, 300 000 selon les organisateurs, 299 999 selon la police, faisant de ce rendez-vous le premier événement dédié à la BD en France et en Belgique.

Des albums à 1€

Le principe est maintenant connu de tous. Pendant deux jours, 230 000 exemplaires d’une sélection d’albums sont mis en vente au prix de 1€. Dans la sélection 2017, vous trouverez un tome Dad, La guerre des Lulus, 14-18, Coeur Cerise, Léo Loden…

Des animations

Une centaine d’animations gratuites menées par les auteurs auront lieu partout en France et en Belgique, à destination des enfants, des adolescents et des adultes : ateliers, jeux éducatifs, battles de dessin, expositions, performances, rencontres, sans compter les nombreuses dédicaces. Parmi les auteurs participants : Jean-Christophe Chauzy (Decitre à Lyon), Christian et Lou Darasse (Filigranes à Bruxelles) Florence Dupré-Latour (Decitre à Lyon), Espé (Ombres blanches à Toulouse), Désirée et Alain Frappier (Ombres blanches à Toulouse), Miles Hyman (Bulle au Mans), Philippe Larbier (Bédélire à Tours), Marzena Sowa et Sylvain Savoia (Momie à Metz), Frédéric Volante (Comic Strip Café à Antibes)…

Dans les hôpitaux

Les 48H BD s’associent cette année à Coucou nous voilou, une association caritative menant des projets dans les hôpitaux pédiatriques et les centres spécialisés, afin d’embellir les conditions de séjour des jeunes
hospitalisés. L’association propose en exclusivité en Europe le projet AbracadaBox : des boitiers cache poches de perfusion, aux couleurs des super-héros et personnages célèbres appréciés des enfants et  adolescents, pour les séances de chimiothérapie notamment, et qui leur permettront de mieux vivre et accepter la maladie et les soins qui leur sont prodigués.

Eric Guillaud

Plus d’infos sur les 48H BD ? C’est ici

05 Avr

America : Nine Antico à la reconquête de l’Ouest

9782344016992_cgPauline vient de se faire larguer par son mec, Pédro. La dépression guête mais passera-t-elle vraiment par elle ? Avant de se taper les cartons pour déménager, de constituer un dossier et de trafiquer les fiches de paies pour retrouver un appartement, Pauline part à la reconquête de l’Ouest. Direction l’Amérique…

« Ça y est, je fais partie de la catégorie : larguée. Je suis prête pour une bonne dépression. Je l’attends. Je lui ouvre les bras ». Mais elle tarde à venir la bonne dépression et Pauline commence à s’ennuyer ferme. Direction la vie, « Dehors, le monde continue de tourner. Les filles minaudent. Les mecs sont toujours aussi cons ».

Changement de vie ? Changement de coiffure ! Pauline déboule chez le coiffeur du coin histoire de se faire un nouveau look, le look d’une nana libre, disponible.

© Glénat / Nine Antico

© Glénat / Nine Antico

Mais elle s’ennuie toujours autant. En ce mois d’août, Paris s’est vidée de ses habitants et par la même occasion de ses meilleurs amis. Inutile de crier dans le vide sidéral de l’oreiller, personne ne l’entend. Alors, sur un coup de tête, Pauline décide de s’envoler pour les States. New York, San Francisco… À elle la reconquête de l’Ouest, la chasse aux figures fantasmées de la culture populaire étoilée, à elle aussi la chasse aux beaux petits culs made in USA qui pourraient lui faire enfin oublier son Pédro.

Good morning America ! Après Girls don’t cry et Tonight, Nine Antico poursuit les aventures de son héroïne Pauline et nous offre une nouvelle fois un florilège d’échanges, d’interrogations et de réflexions sur les filles, les garçons, les sorties, le sexe, l’amour, la nuit, la vie…  dans un style graphique très contemporain.

C’est cru, c’est cruel, c’est direct, c’est souvent drôle, c’est surtout bien foutu, c’est du Nine Antico et on adore! Album à classer dans la catégorie « indispensable »!

Eric Guillaud

America, de Nine Antico. Éditions Glénat. 13,90€

© Glénat / Nine Antico

© Glénat / Nine Antico

 

03 Avr

Pop Memories : les bons souvenirs musicaux de Cathy Karsenty

popMemoriesL’auteure Cathy Karsenty aurait pu choisir de nous raconter sa vie, son enfance, ses parents, ses amoureux, ses peines, ses joies, ses rêves, ses cauchemars, comme dans tout bon journal intime. Elle le fait mais elle le fait avec une petite subtilité, Pop memories paru dans la collection Tapas:-* des éditions Delcourt raconte ses souvenirs musicaux, ce qui revient de fait un peu au même tant la musique a bercé sa jeunesse et rythmé sa vie. Trois deux un…musique !

J’ose ? Allez oui, j’ose et tant pis pour vous, je vais vous ruiner la journée tant vous ne parviendrez pas à éliminer cet air de vos têtes. Vous connaissez le groupe de disco français Bimbo Jet et son tube « El Bimbo » ? Non ? Pour ceux-là et tous les autres, voici Bimbo… bimbo…

Oui je sais, ça fait mal aux oreilles et au reste du corps mais je ne pouvais et vous ne pouviez décemment pas passer à côté. C’est le premier souvenir musical de Cathy Karsenty, « El Bimbo » de Bimbo Jet, son premier 45 tours. Mais je vous rassure, la suite est plus honorable.

Neil Diamond, Jacques Brel, The Beatles, Yves Simon, Etienne Daho, Elvis Costello, Supertramp, Janet Jackson, Lou Reed, David Bowie, Police ou encore Stray Cats forment la playlist de sa jeunesse et donc de cet album, des titres associés à des personnes ou à de grands et petits moments de sa vie comme son premier baiser, son premier concert, sa mère, la mort de Mike Brant, la sortie du film Grease, son premier radio cassette, le hit parade d’Europe 1, les cassettes customisées, les fêtes de la musique…

Après Bienvenue à l’agence (éd. Gawsewitch), Parisiens chéris (éd. Delcourt), Cathy Karsenty pose ici un regard amusé sur des souvenirs parfois très intimes et toujours drôles. C’est léger, c’est frais, c’est pop !

Eric Guillaud

Pop Memories, de Cathy Karsenty. Éditions Delcourt. 12,50€

© Delcourt / Karsenty

© Delcourt / Karsenty

02 Avr

Le Monde à tes pieds : un roman graphique de Nadar

couv_9782849532775_grandeCarlos, David et Sara, trois vies, trois trajectoires distinctes mais le même contexte de crise économique. Comment s’en sort-on quand on n’arrive pas à boucler les fins de mois, à trouver du boulot ou à garder celui qu’on a, quand tous les espoirs d’une vie meilleure partent en fumée, quand même la famille n’est plus un refuge ? Bienvenue dans l’Espagne contemporaine…

Et de trois, trois albums signés par un auteur remarquable, Nadar, trois récits qui nous parlent de son pays, l’Espagne, celle d’hier, du Franquisme, avec Salud!celle d’aujourd’hui avec Papier froissé et donc Le Monde à tes pieds.

Chômage, exclusion sociale, exil, expulsions, faillites… Le tableau dressé par Nadar dans ces deux derniers albums est le même, celui d’un pays exsangue, asphyxié, celui d’un peuple ballotté entre résignation et lueur d’espoir, entre plans démerde et émigration économique.

C’est le cas de Carlos qui accepte de partir pour l’Estonie où on lui propose enfin un poste d’ingénieur qu’il ne trouvera jamais – il le sait – en Espagne. Quitter ses amis, quitter son petit ami, quitter son environnement familier pour enfin travailler. Un choix difficile mais nécessaire. C’est aussi le cas du jeune David, au chômage depuis trop longtemps pour refuser un plan sexe avec une femme mûre qui paye cash. C’est enfin le cas de Sara qui rêve de dire merde à sa boss, de larguer son boulot et d’acheter enfin des produits alimentaires qui ne soient pas des premiers prix.

On connaît bien les problèmes économiques qui plombent l’Espagne depuis des années mais c’est toujours aussi poignant que d’avoir des exemples concrets, de toucher la misère financière et parfois morale du doigt, de comprendre comment un pays européen peut se retrouver dans cette situation et voir ses habitants en arriver parfois à des extrémités.

Un récit fort, un dessin agréable, une narration bougrement intelligente, des personnages qu’on ne peut qu’aimer… Nadar confirme avec ce nouvel album son immense talent pour parler de l’humain. Ici, pas de sensationnalisme, pas de super-héros ou de super-aventures mais des êtres en mode survie. Nadar a une approche très sociale comme on peut en trouver dans le cinéma espagnol. C’est fort, c’est beau, c’est parfois poignant, toujours révoltant !

Eric Guillaud

Le Monde à tes pieds, de Nadar. Éditions La Boîte à bulles. 20€

© La Boîte à bulles / Nadar

© La Boîte à bulles / Nadar

30 Mar

I Hate Fairyland : les contes de fées ne sont plus ce qu’ils étaient et c’est tant mieux

Capture d’écran 2017-03-30 à 20.50.49   Allez, avouez bandes d’hypocrites, cela vous a bien traversé au moins une fois le crâne de – restons polis, allez – donner un coup très, très fort là où le soleil ne brille jamais à ces gamines chantant à tue-tête la chanson-titre de ‘la Reine des Neiges’ jusqu’à côté de vous dans le bus non ? Où de hurler à Blanche-Neige que plutôt que de perdre son temps à glandouiller avec sept nabots en attendant un hypothétique prince charmant, elle ferait mieux d’aller en boîte et de se laisser embarquer par le premier venu non?

Gertrude, elle, ne pose pas toutes ces questions. Elle y va. Â fonds. Elle ne parle pas, elle tape, elle trucide même. Elle découpe, elle dévore, elle dégueule et elle jure comme une poissonnière après deux bouteilles de vodka. En même temps, vingt-sept ans, c’est long. Très long même. Oui, vingt-sept ans à chercher cette foutue clef que lui permettrait de sortir de ‘Fairyland’ monde magique et merveeeeeeillllleux où elle a été aspiré alors qu’elle jouait dans sa chambre, pépère. Bon, à la base, cela ne devait pas se passer comme ça ou du moins durer aussi longtemps mais voilà, la machine s’est grippée et passée l’émerveillement, disons poliment qu’elle commence à trouver le temps très long et qu’elle commence à perdre patience. Sentiment d’ailleurs partagé par la reine Claudia, censée régentée ce pays coloré plein de petits animaux à fourrures tout mimi et de créatures magiques que la jadis douce fillette devenue kamikaze est en train de mettre à feu et à sang.

© Skottie Young, Urban Comics

© Skottie Young, Urban Comics

Ce point de départ cartoonesque, c’est celui de I Hate Fairyland signé par le dessinateur américain Skottie Young (Little Marvel). Une BD à l’humour très noir et cynique, gore mais toujours sous l’angle humoristique et qui prend un malin plaisir à dézinguer pas mal des personnages clichés de tout conte de fée qui se doit (la sorcière, la reine maléfique, le troll etc.). Le tout à un rythme frénétique digne de la série de dessins animés Looney Tunes (Bugs Bunny, Bip Bip et Coyote etc.) mais sans le filtre ‘politiquement correct’ qui allait avec et par contre des haches qui décapitent, des bouts de membres qui volent et des mâchoires fracturées, quand ce n’est pas l’héroïne qui croque à pleine dents ses assaillants ou qui veut faire la peau à l’autre petite fille innocente atterrie elle aussi par hasard à ‘Fairyland’ et qui l’empêche de rentrer chez elle…

© Skottie Young, Urban Comics

© Skottie Young, Urban Comics

Alors parfois, on sent que certains gags ont perdu leur force à travers la traduction (par exemple, ‘Fairyland’ n’autorisant pas les gros mots, les personnages utilisent des néologismes absurdes pour les remplacer) et cela va tellement vite que l’on arrive presque épuisé à la fin de ce premier tome, ne sachant pas trop comment les auteurs réussiront à tenir la distance par la suite. Mais franchement, il y a quelque chose de profondément jouissif à voir ainsi une môme de six ans faire la peau à tous ces machins rose bonbons et acidulés. Cela rattrape toutes ces heures perdues par tous les parents du monde entier obligés de se farcir trois fois d’affilée dans l’autoradio la BO de Cars ou le passage annuel obligatoire hors de prix à Disneyland non ?

Olivier Badin

I Hate Fairyland, Tome 1 : Le Vert de ses Cheveux de Skottie Young, Urban Comics, 10 euros

© Skottie Young, Urban Comics

© Skottie Young, Urban Comics

27 Mar

Sécurité, open your bag : le quotidien d’un vigile au pied de la tour Eiffel par Lénaïc Vilain

album-cover-large-32614Pendant deux ans, Lénaïc Vilain a été agent de sécurité au pied de la tour Eiffel. Deux ans à voir défiler des hordes de touristes et à répéter inlassablement les mêmes mots : Open your bag !

Bien sûr il aurait pu varier les plaisirs, faire un effort de style, donner du « Madame s’il vous plait » et du « Auriez-vous l’extrême amabilité d’ouvrir votre sac afin que je m’assure personnellement que rien ne contrevient à l’accès de notre merveilleux monument national envié de tous ». Mais c’était un peu long. « Open your bag » était finalement bien plus direct et efficace !

Alors, pendant deux ans, Lénaïc Vilain a répété inlassablement ces mots aux milliers de touristes qui se pressaient devant les grilles. Avec en retour, bien sûr, les grognements des uns, les blagues douteuses des autres…

Ce n’est pas la première fois que Lénaïc Vilain met ainsi en lumière le travail des agents de sécurité. Son album R.A.S. paru aux Éditions Poivre et Sel en 2013 s’inspirait déjà de son travail de veilleur de nuit pour différents hôtels parisiens. Un milieu pas franchement hilarant mais qui, avec le regard et le pinceau de l’auteur, peut se révéler ici non dénué d’humour et surtout d’intérêt !

« Les gens ne savent pas grand chose de ces agents qu’ils côtoient pourtant quotidiennement, au supermarché, au musée, au fast-food, etc. ils ne se posent pas de questions sur ces personnes, tant leur présence est devenue habituelle et fantomatique. Ces hologrammes du quotidien, c’est eux que je raconte dans cette bande dessinée. Par-delà l’uniforme ou le talkie, ils ont des personnalités, des vies, des histoires et pour certains un vrai potentiel comique que j’e m’attache à retranscrire ».

Un livre qui vous fera ouvrir les sacs avec le sourire !

Eric Guillaud

Sécurité, Open your bag, de Lénaïc Vilain. Éditions Vraoum! 20 euros.

Vraoum! / Vilain

Vraoum! / Vilain

23 Mar

Puta Madre : un monde sans pitié signé Run et Neyef pour le Label 619

Capture d’écran 2017-03-23 à 23.01.19

Plongée dans le monde des gangs latinos et de l’univers carcéral pour le créateur de Doggybags, plus désespéré que jamais et en même temps, nouvelle baffe graphique au rythme frénétique.

Tout est parti d’un constat, aussi véridique qu’effrayant : aux Etats-Unis, un mineur peut-être jugé comme un adulte et condamné à la prison à vie. Marqué par la vision d’un documentaire de 2011 consacré à un fait divers sordide (un gamin de douze ans inculpé pour le meurtre de son petit frère), le chef d’orchestre de Doggybags s’est lancé en compagnie de Neyef, avec lequel il signe les dessins, dans cette nouvelle série où l’on retrouve pas mal de ses thèmes récurrents comme la prédestination sociale, la propension irrésistible de l’être humain à céder à la violence ou encore la faillite du système.

Présenté comme un ‘spin off’ de Muthafukaz, la série phare de label 619, dont il reprend certaines des références (la culture mexicaine, le hip-hop), tout est centré ici autour d’un seul et même personnage, Jésus que l’on suit donc tout le long de sa vie depuis ses douze ans, âge auquel il se retrouve en prison et où il doit apprendre à survivre au milieu des différents gangs ethniques, des matons corrompus et des trafics en tout genre.

© Label 619 - Run et Neyef

© Label 619 – Run et Neyef

Forcément, impossible de ne pas penser à la série américaine du début des années 2000 Oz sur les deux premiers volumes (sur six à paraître) qui se passent derrière les barreaux. Comme elle, Puta Madre est sans fard, ni happy end. Les faibles finissent mal, les salauds raflent la mise et les autres font ce qu’ils peuvent pour s’en sortir. En gros, si Jésus finit assez rapidement par franchir le Rubicon, ce n’est parce qu’il est foncièrement mauvais, c’est parce qu’il n’avait juste pas le choix. « J’étais entré en prison comme un agneau / J’en sortais comme un loup »

Une fois dehors à partir du troisième album, il a beau tenter de reprendre le cours d’une vie (à peu près) normale, très rapidement il est rattrapé par son destin. Et la violence, encore et toujours.

© Label 619 - Run et Neyef

© Label 619 – Run et Neyef

Désespéré ? Sûrement. Mais aussi très documenté et véritable road trip dans une Californie du sud désertée et laissée aux mains des laissés pour compte du rêve américain qui s’entredéchirent entre eux pour survivre. Comme Abel et Caïn, modèle revendiqué de Jésus…

Oliver Badin

Puta Madre, volumes 1 à 3 de Run et Neyef, Label 619, 3,90 euros

Salud! : une histoire d’amour et de désamour sur fond de franquisme et d’alcoolisme signée Philippe Thirault et Nadar

SaludEst- ce parce qu’il aime l’alcool qu’il travaille pour un caviste ou le contraire, toujours est-il qu’Antoine est porté sur la bouteille. Mais il est jeune et plein de projets. Il vient de rencontrer une femme, plus vieille que lui, une Espagnole. Direction la Corogne pour entamer une nouvelle vie…

Et gagner plein d’oseille ! Il en est persuadé le gars Antoine. Sûr qu’il va revenir d’ici peu et épater la galerie, à commencer par son frangin, dernier membre de sa famille qu’il fréquente encore. Les autres ? Des « pourritures ».

La famille, pourtant, il va devoir compter avec elle, du moins avec celle de sa douce. Et en Espagne, on ne plaisante pas avec la famille. De quoi le faire fuir ? Pas vraiment. Surtout quand cette famille lui ouvre son porte-monnaie, lui offre une voiture, lui trouve un local pour installer son restaurant (son rêve!) et lui apporte sur un plateau les relations nécessaires pour travailler dans une Espagne tenue de main de fer par Franco, une Espagne renfermée sur elle-même où la moindre rébellion est réprimée.

Avec sa « french touch » comme on dirait aujourd’hui, Antoine fait un carton, amasse les pesetas, roule en cabriolet sport, porte des fringues de luxe, mais très vite, son alcoolisme le rattrape. Il devient violent et frappe sa femme. Une fois, deux fois, trois fois. Il n’aurait pas dû…

C’est un histoire vraie que nous racontent Philippe Thirault (Mille visages, Videz la corbeille…) et Nadar (Papier froissé, Le Monde à  tes pieds…) dans ce roman graphique paru aux éditions Futuropolis, une histoire vraie que lui aurait confiée un certain Antoine, aujourd’hui 71 ans et SDF.

Qui ne s’est jamais demandé quel avait pu être le parcours d’un de ses hommes croisés au hasard des rues, allongés sur un banc, un sac plastique en guise de valise ? Philippe Thirault nous en donne une idée avec ce scénario fort bien construit. Graphiquement, on avait adoré Papier froissé déjà publié aux éditions Futuropolis, on retrouve le trait simple et efficace de Nadar relevé par une mise en couleurs surprenante au premier abord mais qui devient évidente au fil des pages. « Pour cet album… », nous a-t-il confié, « j’ai travaillé digitalement. J’ai choisi ces couleurs pour faire un petit contraste avec le thème de l’histoire et aussi parce que j’adore cette palette chromatique ».

Nadar et La France une histoire d’amour ? « Je suis très content de publier en France et en Espagne. En Espagne, c’est vraiment difficile de vivre en tant qu’auteur de BD. Il est toujours nécessaire de travailler pour le marché international. Pour moi c’est un vrai cadeau de pouvoir publier avec Futuropolis ».

Un très bon livre !

Eric Guillaud

Salud!, de Philippe Thirault et Nadar. Éditions Futuropolis. 19,50€

© Futuropolis / Thirault & Nadar

© Futuropolis / Thirault & Nadar