27 Fév

Dans l’atelier d’Olivier Schwartz, auteur avec Yann d’une aventure de Spirou : “La Femme-léopard”

© Eric Guillaud

© Eric Guillaud

En plein marathon de dédicaces, entre deux déplacements et avant une bonne cure de sommeil, Olivier Schwartz a accepté de nous recevoir dans son atelier rezéen pour nous parler de son nouvel album, une aventure de Spirou au Congo…

Spirou au Congo ? Exactement. Plus de 85 ans après Tintin, Spirou prend lui aussi le bateau pour ce qui était autrefois la dixième province de Belgique.

Avec quelques clins d’oeil bien évidemment aux aventures du célèbre reporter à houppette, quelques clins d’oeil et surtout une aventure rocambolesque qui commence à Bruxelles au lendemain de la seconde guerre mondiale avec un Spirou ivre mort, une femme-léopard à la recherche d’un fétiche, un Fantasio complètement zazou qui traîne ses guêtres du côté de Saint-Germain-des-Prés, quelques scientifiques nazis qui tentent de poursuivre leurs sombres desseins sous d’autres horizons, une reporter de Life plutôt sexy, un missionnaire liégeois qui fait le tour de la brousse avec des films burlesques, un mégalomane qui veut atomiser Bruxelles… et un Congo qui crève la page, magnifique, sauvage.

Alors pourquoi ne pas avoir appelé cette aventure africaine « Spirou au Congo », plutôt que  » La Femme Léopard » ou « Le Maître des hosties noires », titre du deuxième volet sorti en ce mois de mars ? Une très bonne question, la première que nous avons posée au dessinateur Olivier Schwartz qui, en guise de réponse, a fièrement extirpé de sa bibliothèque l’édition bruxelloise de l’album (à droite sur la photo). Surprise : la couverture reprend dans les grands traits celle de « Tintin au Congo » et le titre est sans équivoque : « Spirou au Kongo Belche »…

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24 Fév

Rosalie Lightning : lorsqu’on perd un enfant, le récit choc de Tom Hart

Rosalie-LightningRosalie était en bonne santé. Elle jouait, pleurait, riait, mangeait comme tous les enfants de son âge. Rosalie avait à peine deux ans et la vie devant elle. Pourtant, sans raison apparente, Rosalie décédait une nuit de novembre laissant ses parents profondément désemparés, Comment fait-on pour survivre à l’impensable ? Tom Hart nous le raconte dans un récit infiniment sombre et poignant de plus de 270 pages…

Ne vous fiez pas au bleu relativement lumineux de la couverture, cet album-là est sombre, très sombre. Tom Hart, auteur américain de bande dessinée tendance indie, a décidé de raconter ici un épisode de sa vie, le plus insensé, le plus traumatisant, la mort subite de sa fille Rosalie. Un album autobiographique qui prend pour lui la forme d’une catharsis et pour nous celle d’un témoignage unique, courageux, précieux.

Novembre 2011, nous avons perdu Rosalie il y a quelques jours. C’est comme si une bombe avait explosé

L’effet d’une bombe ! Quand on n’y a pas été confronté, quand on n’a tout simplement pas imaginé un tel événement, parce qu’on n’imagine jamais ce genre d’événements, il est impossible de savoir à quel point la mort d’un enfant est un traumatisme sans équivalent.

Tom Hart et sa femme, Leela, comme nombre de parents dans cette situation, vont sombrer, tomber dans un trou noir sans fond, pleurer, énormément pleurer, s’isoler, se retrancher, fuir les lieux qui ont vu Rosalie vivre, trouver refuge chez des amis, marcher dans la nature pour y trouver peut-être un signe, se remémorer des souvenirs qui auraient dû être joyeux, chercher des réponses à leurs questions parfois auprès de parents pareillement endeuillés, tenter de comprendre ce qui s’est passé. Mais il n’y a rien à comprendre… Rosalie était morte.

Quand on a de la chance, on dort et on oublie

Le choc initial passé, Tom Hart retranscrit ses pensées sous forme de croquis et de notes pendant plusieurs semaines comme pour intégrer les faits, cesser de les nier, trouver un sens, un nouveau sens à la vie. Et c’est à travers l’art, la culture et souvent par l’image que Tom Hart trouve finalement un moyen de s’en sortir, d’accepter les faits et d’offrir une deuxième vie à Rosalie.

De ces notes et croquis, il en tire ce roman graphique à la fois intime et universel, faisant de sa douloureuse expérience un témoignage essentiel pour tous et peut-être un réconfort pour ceux qui subissent la même tragédie. L’album est d’ailleurs dédicacé « aux parents qui ont perdu des enfants dans la guerre, la pauvreté, la maladie, la violence, le chaos, ou la privation ». Car oui, quelque soit la cause du décès d’une enfant, la souffrance est la même. Il est aussi dédicacé à Molly Rose, la petite soeur de Rosalie née quelques années après le drame. Molly Rose, la touche d’espoir. Parce que la vie doit continuer… Magnifique !

Eric Guillaud

Rosalie Lightning, de Tom Hart. Éditions L’Association. 25€

21 Fév

Les deux vies de Baudouin : après Ce n’est pas toi que j’attendais, un nouveau récit poignant de Fabien Toulmé

deuxViesDeBaudouin6128. C’est précisément le nombre de jours qu’il reste à Baudouin Dutil avant de pouvoir prétendre à la retraite. 6128 jours à devoir supporter ce travail qu’il n’a pas choisi et remiser ses rêves au plus profond de son être. À moins que le destin n’en décide finalement autrement…

Baudouin, la trentaine, est juriste dans une grosse boîte. Un poste à responsabilité, un bon salaire, de quoi faire des envieux. Mais c’est une vie de moine franciscain qu’il mène. Métro, boulot, dodo, rien de plus, pas de femme à l’horizon pour partager sa vie, pas d’amis pour faire la fête, juste un chat, un petit appartement tapissé de posters de groupes rock et des rêves, beaucoup de rêves enfouis, bientôt évanouis.

Baudouin a été programmé pour être un sage employé qui fait ce qu’on lui demande quand on lui demande. Programmé en premier par ses parents qui ont préféré pour lui un « métier sérieux » à celui de musicien, programmé par l’école ensuite, programmé enfin par la société. À l’arrivée ? Un boulot qu’il déteste, un supérieur hiérarchique qui le harcèle… Un grand classique. Alors Baudouin attend avec résignation la retraite comme d’autres attendent la mort, en tenant à jour chaque matin son décompte si précieux, 6128 aujourd’hui, 6127 demain…, jusqu’au jour où il apprend qu’il n’a plus que quelques mois à vivre. Une mauvaise tumeur. Ce jour-là précisément commence pour Baudouin une deuxième vie…

Fabien Toulmé aurait pu raconter sa propre vie, son non-choix pendant de longues années entre son métier « rassurant » d’ingénieur et sa passion débordante pour la bande dessinée. « J’ai travaillé pendant dix ans sans jamais être vraiment satisfait mais avec l’idée qu’un travail devait forcément être pénible », déclare-t-il aujourd’hui dans une interview accordée au magazine Planète Delcourt. Mais à une autobiographie évidente, l’auteur a finalement préféré une fiction, avec un peu de lui quand même, une fiction qui lui offrait plus de liberté dans ll’écriture

Les deux vies de Baudouin, à l’image de son premier livre, le percutant Ce n’est pas toi que j’attendais, est un condensé d’émotion et de réflexion, un regard sur la vie, sur le sens de la vie, tout en finesse et justesse. Un beau et gros bouquin de 272 pages qui confirme Fabien Toulmé comme un auteur extrêmement talentueux. Une ôde à la vie, à la fête, à l’amour… qui ne manquera pas de vous interroger tous sur ce que vous avez fait de votre propre vie. Salutaire !

Eric Guillaud

Les deux vies de Baudouin, de Fabien Toulmé. Éditions Delcourt. 27,95 €

© Delcourt / Toulmé

© Delcourt / Toulmé

19 Fév

La Cire moderne : un road trip de Vincent Cuvellier et Max de Radiguès qui sent le cierge et les pieds

Couv_294390Se faire sortir du lit par le facteur après une nuit de folie n’est pas franchement agréable. Mais se faire sortir du lit pour apprendre qu’on a hérité d’un vieil oncle inconnu ou presque, alors là, on peut subitement avoir envie d’embrasser le monde entier.

Emmanuel Poirrier, Manu pour les intimes, n’est pas allé jusqu’à cette extrémité mais la nouvelle lui a donné de folles envies de câlins avec sa dulcinée, Sam. Et de courir dans la foulée chez le notaire pour en savoir un peu plus.

Pas le temps de s’imaginer multi-milliardaire, le fameux notaire lui annonce la couleur : un stock de cierges. Un énorme stock de cierges pour héritage. Et un combi Volkswagen de 1978, tout de même. « Ah ouais, on aura qu’à aller aux Vieilles charrues avec ».

Le combi ok mais les cierges. Que faire de tous ces cierges qui dégagent en plus une mauvaise odeur de pieds ? Les vendre au plus vite. Et voilà notre tandem amoureux parti faire la tournée des monastères de France en compagnie de Jordan, le frangin de Sam, un gars un peu pénible mais diplômé d’un Bac Pro force de vente. « Arrêtez, j’ai des techniques de vente trop mortelles. Je vais te les embrouiller moi les curés ». Ça peut servir !

Magistralement jouissif ! Partir d’une idée aussi fumeuse et en faire un road trip aussi palpitant est un pari hasardeux que Max de Radiguès et Vincent Cuvellier on relevé avec brio. La Cire moderne se lit d’un trait, c’est drôle, léger, graphiquement épuré, tellement bien senti qu’on en redemande, de quoi aller brûler un cierge dans l’église la plus proche en priant pour un tome 2. Alléluia !

Eric Guillaud

La Cire moderne, de Max de Radiguès et Vincent Cuvellier. Éditions Casterman. 16,95€

© Casterman / Cuvellier & de Radiguès

© Casterman / Cuvellier & de Radiguès

18 Fév

Panini Comics fête ses 20 ans !

news_illustre_1481374685_525Pour les plus anciens d’entre nous, le nom de Panini réveille forcément des souvenirs d’autocollants sur le football qu’on collectionnait et échangeait en cours de récré. C’est toujours ça mais c’est bien plus que ça aujourd’hui.

Panini est devenu l’éditeur des comics Marvel pour la France, comics distribués à la fois en kiosque et en librairie. Deux millions d’albums vendus en 2016, 365 nouveautés annoncées pour 2017 et un vingtième anniversaire fêté comme il se doit tout au long de l’année.

Panini a en effet demandé à des artistes de renommée et notamment à des auteurs de bande dessinée franco-belge de réaliser vingt illustrations exclusives pour des comics Marvel qui seront publiés tout au long de l’année.

Parmi ces auteurs : Boulet, Trondheim, Joan Sfar, Olivier Vatine, Denis Bajram ou encore Bastien Vivès dont le dessin fait la couverture de Spider-Man un jour de plus, de Straczynski et Quesada. Champagne !

Eric Guillaud

Gaston Lagaffe : le premier employé fictif de la bande dessinée fête ses 60 ans avec de vrais albums

Couv_298379« Je ne sais plus comment l’idée m’en est venue… », racontait André Franquin, « Je sais seulement que le rédacteur en chef de l’époque, Yvan Delporte, était très ouvert à toutes les suggestions, mêmes les plus farfelues, pour animer le journal. Je sais aussi qu’un jour, je suis allé le trouver en lui disant qu’il serait peut-être amusant d’essayer dans le journal un personnage de bande dessinée qui ne figurerait pas dans une bande dessinée parce que, contrairement aux héros, il n’aurait aucune qualité, il serait con, pas beau, pas fort. Ce serait un «héros sans emploi» un héros dont on ne voudrait dans aucune bande dessinée tellement il serait minable… Alors Yvan a sauté d’enthousiasme, évidemment. Mais l’idée était tellement informe et minuscule que je ne savais pas moi-même où je m’engageais en lançant ce personnage… »

L’air de rien, André Franquin avait inventé ce jour-là un héros peu banal, un anti-héros pour être juste, le premier employé fictif de l’histoire de la bande dessinée. Mais Gaston Lagaffe va très vite trouvé sa place – et ses lecteurs – dans le journal de Spirou, une sacrée place même, d’abord en perturbateur des pages rédactionnelles puis en gaffeur invétéré de ses propres aventures. Gaffeur ? Il l’était, il l’est toujours assurément. Mais Gaston est bien plus encore. Hippie avant l’heure, de gauche, écolo, amoureux des Capture d’écran 2017-02-18 à 09.57.38animaux, poète à ses heures, doux rêveur toujours, Gaston va imprégner une marque indélébile à la bande dessinée, participer à l’éveil de plusieurs générations de lecteurs et peut-être même – qui sait ? – donner des idées d’emplois fictifs à quelques politiques.

60 ans et trente millions d’albums plus tard, Gaston Lagaffe, qui est revenu dans le catalogue Dupuis en 2013 avec le rachat de Marsu Productions par l’éditeur belge, est l’objet de toutes les attentions.

Champagne, bougies, expos et, bien sûr des albums pour marquer le coup avec la sortie ce mois-ci de L’anniv’ de Lagafffe, un album de compilation des meilleurs gags, et pour les plus riches, la réédition des 22 albums en coffret avec planches remasterisées et recoloriées, nouvelles maquettes de couvertures, quelques inédits…

Eric Guillaud

L’anniv de Gaston, de Franquin. Éditions Dupuis. 10,95€

Tout Gaston en coffret, de Franquin. Éditions Dupuis. 299€

Gaston hors-série 60 ans par Franquin Jidéhem © Dupuis 2017

Gaston hors-série 60 ans par Franquin Jidéhem © Dupuis 2017

 

16 Fév

Le Journal de Spirou fête les 60 ans de Gaston Lagaffe, héros catastrophe du génialissime Franquin

le Journal de Spirou du 22 février 2017

le Journal de Spirou du 22 février 2017

En fanfare ou presque ! Et il le vaut bien notre Gaston national. Ce gars a l’air de rien permis à plusieurs générations de voir la vie autrement que sous des aspects de productivité, d’efficacité, de rendement. Un anti- héros qui va révolutionner la bande dessinée mais pas que…

Avec Gaston, c’est le farniente assuré, la poésie à toutes les cases, la folie générale, l’amour pour tous, la joie toujours, le stress plus jamais… Un hippie avant l’heure imaginé en 1957 par le maître à tous, André Franquin.

C’est précisément le 28 février 1957 qu’il fait sa première apparition dans le journal, semant la pagaille dans les pages rédactionnelles avant de disposer de ses propres aventures en quelques cases.

Dans le numéro spécial du Journal de Spirou, disponible en kiosque mercredi 22 février, vous pourrez découvrir un supplément de folie réunissant un billard éléctrique, autrement appelé flipper, à monter soi-même et surtout une fournée de gags absolument gastonesques signés Nob, Nix, Fabrice Parme, Yoann, Fabrice Erre ou encore Bouzard, bref de quoi se marrer un bon moment. Et ce n’est pas négligeable par les temps qui courent !

Eric Guillaud

12 Fév

Pourquoi Jirô Taniguchi était-il autant apprécié en Europe ?

© Jirô Taniguchi / Casterman

© Jirô Taniguchi / Casterman

L’auteur de bande dessinée japonais est décédé samedi 11 février à l’âge de 69 ans. Depuis 1995, ses albums traduits en français rencontrent un succès considérable, bien au delà du cercle des amoureux habituels du neuvième art, un peu à l’image d’un Bilal, d’un Bourgeon ou d’un Pratt. Mais quelles sont les raisons de ce succès ?

Jirô Taniguchi n’est pas le seul auteur de mangas à avoir percé sur le territoire européen, bien évidemment. Ils sont des centaines à s’y être fait un nom avec des personnages et des séries aujourd’hui mythiques. Dragon Ball hier (plusieurs millions d’exemplaires vendus), One-Punch Man (265 000 ex. en 2016 pour le 1er tome) ou  Ki & Hi (230 000 ex.  en 2016 pour le 1er tome) aujourd’hui, les mangas font partie de notre paysage culturel depuis maintenant une trentaine d’années, depuis que, pour simplifier, Glénat a publié Akira d’Otomo. C’était en 1990.

Pour le grand public de l’époque, le manga se résume alors à des aventures violentes. Akira et Dragon Ball l’étaient effectivement mais pas seulement. Dans le flot des titres qui vont littéralement inonder le marché francophone, Jirô Taniguchi apparaît comme un extra-terrestre. En 1995, les éditions Casterman publient son premier ouvrage traduit en français, L’Homme qui marche. Rien à voir, absolument, avec ce qui est alors produit massivement. Son dessin, son univers, influencés par la bande dessinée européenne, parlent aux lecteurs de BD mais aussi aux lecteurs de mangas, de romans graphiques et de littérature classique. Ils parlent aussi de façon homogène aux hommes et aux femmes, aux jeunes et aux plus âgés. Un public large en somme conquis dès le début, dès L’homme qui marche, où la contemplation est à la base de l’aventure. 

Suivent Le chien Blanco, Le Journal de mon père, Au temps de Botchan, Quartier lointain, L’orme du Caucase, Le Sommet des dieux, Le Gourmet solitaire… plus récemment Les Gardiens du Louvre, Elle s’appelait Tomoji… tous des petits chefs d’oeuvre de récits intimistes, poétiques, mélancoliques.

Mais pas que ! Benoît Peeters, qui a eu la chance, comme il dit lui-même, de rencontrer Jirô Taniguchi dès le milieu des années 90, de le filmer en 2004 dans son atelier pour un documentaire produit par Arte, écrit dans une préface à son livre d’entretiens Jirô Taniguchi L’homme qui dessine : « S’émancipant peu à peu des contraintes et des standards de la production industrielle, Jirô Taniguchi est devenu l’un des principaux passeurs entre le monde des mangas et celui de la bande dessinée. Mais il est surtout, tous domaines, confondus, l’auteur d’une des oeuvres les plus fortes et les plus universelles de notre temps ».

Universelle ! C’est bien là qu’il faut chercher les raisons de cette popularité. Jirô Taniguchi ne parle pas que de lui, de son pays, il parle de l’homme et de notre monde. Avec curiosité, avec calme, avec sérénité.

Car en plus d’être talentueux, Jirô Taniguchi était un homme « profondément bienveillant et doux », comme l’écrivent les éditions Casterman à l’annonce de son décès. « Si l’humanisme qui traverse toute son œuvre est familier de ses lecteurs, on connaît beaucoup moins l’homme, d’un naturel réservé et plus enclin à laisser ses récits parler à sa place ».

Jirô Taniguchi était étonné de l’engouement suscité en Europe par ses albums. Au journal Les Inrocks qui lui demandait ce que signifiait pour lui la rétrospective présentée au festival d’Angoulême en 2015, Jirô Taniguchi répondait : « C’est un événement qui me fait profondément plaisir et m’honore, bien sûr. Mais je suis aussi un peu inquiet de la façon dont cette exposition sera reçue. Je me demande si mon travail est à la hauteur de l’honneur qui lui est ainsi rendu ».

Eric Guillaud

 

11 Fév

Le célèbre mangaka Jirô Taniguchi est mort

©PHOTOPQR/LE PARISIEN ; FESTIVAL INTERNATIONAL DE LA BANDE DESSINEE VAISSEAU MOEBIUS UNE GRANDE EXPOSITION RETRACANT L OEUVRE DU DESSINATEUR JAPONAIS Jir? TANIGUCHI FAIT LE PLEIN A LA CITE DE LA B.D. LE MANGAKA A VISITE LES LIEUX EN COMPAGNIE DU MAIRE DE LA VILLE XAVIER BONNEFONT (JEUNE BRUN MANTEAU NOIR) ET DU COMMISSAIRE DE L EXPOSITION NICOLAS FINET (CHAUVE). (SA TRADUCTRICE AVEC ECHARPE ROUGE) (MaxPPP TagID: maxpeopleworld854401.jpg) [Photo via MaxPPP]

© MaxPPP / Jean-Baptiste Quentin – janvier 2015

C’est l’un des auteurs de mangas les plus connus et les plus appréciés en Europe. L’homme qui marche, Le Journal de mon père, Quartier lointain, Enemigo, Furari, Au temps de Botchan, Le Gourmet solitaire, Sky Hawk ou encore Les Années douces, Jirô Taniguchi a élaboré une oeuvre personnelle, sensible, humaniste, influencée par la bande dessinée européenne.

Aucun genre du neuvième art ne lui était indifférent, baladant sa plume et son crayon avec le même talent du côté du western, de la saga animalière, du carnet de voyage, du récit intimiste, de l’adaptation littéraire ou autobiographique. Une oeuvre abondante qu’on ne se lassait pas de découvrir de ce côté-ci de la planète. Chaque parution était un petit moment de bonheur, d’excitation et de récréation.

En janvier 2015, le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême lui avait consacré une exposition de grande ampleur revenant sur quarante ans de création. L’artiste était venu pour l’occasion en France, invité exceptionnel du festival.

Les éditions Casterman qui ont largement contribué à faire connaître son oeuvre en Europe ont annoncé la triste nouvelle sur leur compte Facebook parlant d’un artiste « profondément bienveillant et doux ».

Et de préciser : « Si l’humanisme qui traverse toute son œuvre est familier de ses lecteurs, on connaît beaucoup moins l’homme, d’un naturel réservé et plus enclin à laisser ses récits parler à sa place. Le regard de Jirô Taniguchi s’illuminait dès lors que la conversation portait sur la bande dessinée. C’est l’un des rares sujets qui le voyait, lui d’ordinaire discret et peu prolixe, s’éveiller avec fougue et passion. Il aimait à témoigner de sa vive admiration à l’égard des auteurs occidentaux qu’il considérait comme des maîtres, et s’empressait de partager des anecdotes savoureuses sur les circonstances dans lesquelles il avait découvert leur travail. Il nourrissait également un intérêt profond pour les formes les plus récentes du neuvième art, toujours avide de voir où la bande dessinée allait, curieux de voir éclore de nouveaux talents. »

Eric Guillaud