05 Avr

Patte de Mouche : les tout petits formats de L’Association sont de retour

En pause depuis 2016, la fameuse collection de l’éditeur indépendant L’Association fait son retour dès le mois d’avril avec trois titres. Cinq autres suivront d’ici le mois de juin…

24 pages, 25 grammes, 3 euros… Comme le nom de la collection peut le laisser supposer, les Patte de Mouche sont des petits formats qui ont pourtant largement contribué à la réputation de la maison d’édition L’Association.

La collection compte aujourd’hui un peu plus de 80 titres. Après une petite mise en sommeil depuis 2016, la voici de retour avec 15 nouveaux titres, huit d’ici le mois de juin. Et parmi ces titres, quatre récits de Lewis Trondheim autour de son personnage Richard, un récit de voyage signé Mahler, un récit d’anticipation d’OIivier Texier ou encore un récit autobiographique de Tofépi.

Comme les court-métrages au cinéma, ces petits formats permettent aux auteurs de bande dessinée d’expérimenter, de raconter des micro-histoires et parfois, comme le fait Troubs dans son récit Monsieur Tortue de revisiter l’histoire du monde en mode accéléré. Comme quoi, même sur 24 petites pages, tout est possible !

Eric Guillaud

Richard de Trondheim, Kyoto Manga de Nicolas Mahler, Polypolaire d’Olivier Texier, Monsieur Tortue de Troubs, Dans ma bulle de Tofépi (premiers titres à paraître le 16 avril)

© L’Association – Richard et les quasars de Trondheim

Ceux qui brûlent de Nicolas Dehghani : un dangereux psychopathe, deux flics à la ramasse, trois bonnes raisons de savourer ce polar

Transfuge de l’animation et de l’illustration, Nicolas Dehghani signe sa première bande dessinée chez Sarbacane. Un savoureux polar de près de 200 pages qui nous embarque à New York dans le sillage de deux flics que leur hiérarchie aurait préféré mettre au placard…

La journée commence mal, très mal, pour Alex. Son collègue de flic Pouilloux vient de lui envoyer un SMS pour lui rappeler qu’ils font désormais équipe. Et ça fait pas mal rire au bureau…

« Ha Ha !  Vous allez cartonner tous les deux ! On dirait que t’as enfin trouvé l’homme de ta vie! »

Il faut dire qu’entre notre Alex, en burn out total depuis qu’elle a eu un accident avec un scooter parce qu’elle lisait son – mauvais – horoscope du jour en conduisant, et Pouilloux qui n’a jamais été une flèche, les criminels de tous poils peuvent avoir l’esprit tranquille. Enfin, c’est ce qu’on pouvait imaginer.

Mais à deux c’est mieux ! Et nos deux larrons envoyés sur une sordide affaire d’attaque à l’acide vont tout faire pour démasquer le cinglé quitte à franchir quelque peu les lignes de la légalité. Cette affaire, espèrent-ils, doit leur permettre de retrouver un peu de crédibilité auprès de leurs collègues… ou de la perdre à jamais.

Formé au cinéma d’animation à l’école des Gobelins, illustrateur pour L’Obs, Les Echos ou encore XXI, Nicolas Dehghani signe ici un premier album enthousiasmant avec un trait singulier, des dialogues percutants, des personnages un brin décalés et une atmosphère générale qui oscille entre l’humour et le thriller. Un beau livre au dos toilé forcément noir.

Eric Guillaud

Ceux qui brûlent, de Nicolas Dehghani. Sarbacane. 24,50€ (en librairie le 7 avril)

© Sarbacane – Dehghani

03 Avr

Lisa et Mohamed : retour sur la tragédie des harkis avec Julien Frey et Mayalen Goust

Presque 60 ans après la guerre d’Algérie, le sujet des harkis est toujours aussi sensible pour ne pas dire tabou des deux côtés de la Méditerranée. Abandonnés de tous, beaucoup de ces supplétifs de l’armée française ont rejoint la France à l’indépendance pour tenter de vivre ou plus exactement de survivre. Sans billet de retour ! Cet album raconte l’histoire de Mohamed, l’un de ces nombreux harkis que l’histoire aurait voulu oublier…

Mohamed vit seul dans son appartement avec ses souvenirs et ses rancoeurs. Depuis quelques temps, il ne range plus rien, ne sort plus. Son fils ne parvient plus à le raisonner. Il décide de sous-louer une chambre de cet appartement aujourd’hui trop rand à Lisa, une jeune étudiante justement à la recherche d’un logement.

« Mon père n’a pas besoin d’une infirmière. Il faudrait juste être là, dîner avec lui de temps en temps. Et me prévenir en cas de… problème »

Lisa accepte. Entre les deux, on ne peut pas dire que c’est l’amour fou au début. C’est même plutôt glacial. Jusqu’à ce que Lisa découvre, à la faveur d’enregistrements retrouvés dans sa chambre, le passé du vieil homme. Un harki.

« Pourquoi vous avez choisi de vous battre pour la France ? »

La question est directe mais elle a le mérite de briser la glace. Mohamed qui gardait le silence depuis de trop nombreuses années finit par raconter son histoire à Lisa, sa jeunesse au village, les premières confrontations avec les atrocités de la guerre, l’impôt révolutionnaire exigé par le FLN, son entrée dans une Harka, une unité de supplétifs, ses années en France, le déracinement, la douleur, la haine des autres, ceux qui ont choisi le « bon camp » et l’amour pour sa femme décédée, pour ses cousins qui ont suivi un autre chemin.

« J’ai travaillé pour les Français, je me suis pas battu pour la France. C’est différent. »

© Futuropolis / Frey & Goust

Après L’œil du STO qui nous plongeait dans le Paris occupé de la deuxième guerre mondiale, Julien Frey aborde ici une autre période sombre de notre histoire, la guerre d’Algérie, et ce drame des harkis, rejetés par les Algériens, méprisés par les Français. Avec beaucoup d’humanité dans le propos et de délicatesse dans le trait, cet album nous offre un de ces témoignages essentiels pour la mémoire collective avec une rencontre, entre deux générations, deux êtres qui n’ont pas grand chose en commun et apprennent à se connaître, à s’apprécier, à s’accepter. Des personnages attachants, un récit touchant !

Eric Guillaud

Lisa et Mohamed, de Julien Frey et Mayalen Goust. Futuropolis. 20€ (en librairie le 7 avril)

01 Avr

La fortune des Winczlav de Berthet et Van Hamme: il y a du Largo dans l’air !

Et pas que dans l’air ! En décrochant de ThorgalXIII ou encore de la série Largo Winch, on pouvait légitimement penser que le scénariste Jean Van Hamme allait s’occuper à savourer une retraite largement méritée. C’était mal connaître le bonhomme. Le revoici avec le premier volet de La fortune des Winczlav, un prequel qui lui permet de revenir sur les origines du héros milliardaire…

S’il avait à prouver qu’il est toujours dans le coup, alors il l’a fait avec ce nouvel album paru aux éditions Dupuis. Mais bon, franchement, Jean Van Hamme n’a plus grand chose à prouver à qui que soit. Son nom a fait plusieurs fois le tour de la planète BD avec de sérieux best-sellers, Largo Winch en tête, mais aussi XIII, Thorgal, Wayne Shelton, Lady S, Les Maîtres de l’Orge ou encore SOS Bonheur. 

Et s’il s’est retiré de ses principales séries, confiant au passage ses personnages de papier à d’autres scénaristes, c’est pour se libérer du temps. Pour la pêche ? Non, du temps pour lancer des projets qui lui tiennent particulièrement à coeur. Comme celui-ci. Tout est dans le titre, La fortune des Winczlav, et sur le sticker rouge stipulant « Aux origines de l’empire Largo Winch ».

© Dupuis / Van Hamme & Berthet

Mais ne vous y trompez pas, il ne s’agit pas là d’une nouvelle aventure de notre milliardaire en blue jeans. D’ailleurs vous ne l’apercevrez pas dans les 56 pages de l’album. Ou seulement, à en croire les auteurs, à la toute fin des trois volets prévus, un Largo âgé de deux ans. Vous n’apercevrez pas non plus, à une ou deux exceptions près, les autres personnages de la série. Pour ce projet, Jean Van Hamme a développé une toute petite partie du premier roman de Largo Winch paru dans les années 70, quelque part entre les pages 12 et 18 a-t-il confié au magazine dBD dans une interview que je vous conseille vivement (dBD avril 2021).

Tout commence au Monténégro en 1848. le jeune médecin Vanko Winczlav doit fuir son pays après avoir soutenu une insurrection paysanne contre la tyrannie du prince-évêque. Direction l’Amérique où il se marie et trouve un job d’infirmier avant de se retrouver en prison pour exercice illégal de la médecine, son diplôme n’étant pas reconnu de l’autre côté de l’Atlantique.

Parler de Largo sans Largo, on aurait pu imaginer l’exercice un peu casse-gueule. Mais non, car au scénariste Jean Van Hamme est venu s’associer un autre grand nom de la bande dessinée, Berthet et son trait clair et réaliste qui nous laisse toujours sans voix.

Résultat : un album loin de faire pale figure dans nos bibliothèques, à ranger aux côtés de la série aux 12 millions d’exemplaires vendus et dont Giacometti et Francq poursuivent brillamment les aventures. À suivre…

Eric Guillaud

Vanko 1848, La Fortune des Winczlav tome 1/3, de Van Hamme et Berthet. Dupuis. 15,95€

© Dupuis / Van Hamme & Berthet