Au rythme effréné des parutions, il est parfois bon de s’arrêter, de passer la marche arrière et de se replonger dans quelques séries ou one-shots qui ont marqué nos jeunes ou moins jeunes années. Les Enragés, Jeremiah, Chiens de prairie… sont de ceux-là.
Honneur à la plus ancienne des trois, la série Jeremiah imaginée par l’auteur belge Hermann. Quarante-six ans d’âge, quarante-et-un albums et un univers singulier qui nous embarque dans un futur post-atomique à la Mad Max, crépusculaire et violent à souhait. « J’avais lu Ravage de Barjavel », confiait un jour Hermann, « un excellent bouquin dont l’action se situe après une guerre atomique… La Terre est ravagée et toute la sauvagerie de l’homme se donne alors libre cours ». En quelques mots, l’auteur résumait à merveille ce qui attendait les deux protagonistes, Jeremiah et Kurdy, et bien évidemment les lecteurs. Ce neuvième volume de l’intégrale couleurs sorti en mars réunit les tomes 33 à 36 parus entre 2014 et 2018, quatre récits qui portent encore la griffe d’un grand Hermann. (Jeremiah Intégrale, tome 9, de Hermann. Dupuis. 42€)
Plus récente mais tout de même lancée il y a trente ans, autant dire au siècle précédent, la série Les Enragés nous embarque de l’autre côté de l’Atlantique pour une petite virée au pays des cinglés :« C’est bien simple, ici on ne peut pas faire trois pas sans tomber sur un camé, un maquereau ou un taulard en cavale », dixit un chauffeur de taxi qui connait bien sa ville. Mais peu importe, Hamlet, qui se trouve justement à l’arrière du taxi, est là pour « encaisser des impayés ». Ancien agent du gouvernement reconverti en tueur à gage, Hamlet va accepter le contrat de trop, laisser derrière lui un témoin et se retrouver avec pas mal de monde aux fesses et deux gamins dans les pattes. Les Enragés avait été un choc graphique et scénaristique dans les années 90, il n’a en rien perdu de sa force même si la couverture de l’intégrale, qui réunit les cinq albums de la série, pourra en laisser certains dubitatifs. (Les Enragés, intégrale, de Chauvel, Le Sac, Legris et Simon. Delcourt. 45,50€)
Avec deux noms pareils aux commandes, on pouvait logiquement s’attendre au meilleur. Et ce fut le cas, Berthet au dessin et Foerster au scénario livraient il y a presque trente ans maintenant un western reprenant les codes habituels du genre – quelques noms légendaires aussi – tout en explorant une voie plus originale, portée par des personnages à la psychologie fouillée et par une intrigue pleine de furie et d’humanité. Chiens de prairie est l’histoire d’une chevauchée qui n’a rien de fantastique, tout du tragique avec, dans le rôle du pourchassé, J.B. Bone, un brigand des grands chemins, et dans celui des poursuivants, une meute de chasseurs de prime. Et au milieu de tout ça, le cadavre d’un ami que J.B. Bone s’est juré d’enterrer au côté de sa bien-aimée, et un gamin, sourd et muet, récupéré sur la route, avec qui il finira par nouer une belle relation. Quant au dessin ? Une merveille ! (Chiens de prairie, de Berthet et Foerster. Anspach. 16,50€ – en librairie le 23 mai)
Eric Guillaud