26 Avr

Redneck : le mythe du vampire à la sauce texane, sans rédemption au bout

Le vampire, grande figure tellurique de la littérature d’horreur. Mais ici pas de cape rouge, ni de costard étriqué et encore moins d’accent d’Europe de l’est ou de château lugubre perché en haut d’une falaise, juste une famille dysfonctionnelle qui a réussi à trouver une relative tranquillité sur le point d’être réduite en poussière par ce foutu instinct quasi-animal qui les torture…

L’un de ces personnages secondaires a beau être, sur le plan physique, ouvertement calqué sur l’acteur allemand Max Schreck qui incarnait Nosferatu dans le film du même nom de Friedrich Murnau en 1922, ‘Redneck’ (‘plouc’ en argot US) suit clairement le chemin tracé par des séries télé populaires comme ‘True Blood’ ou ‘American Vampire’ en dépoussiérant le personnage sublimé par Bram Stoker au XIXème siècle. Donc ici pas de cape rouge, ni de costard étriqué et encore moins d’accent d’Europe de l’est ou de château lugubre perché en haut d’une falaise… Les dits vampires sont ici en fait une famille réfugiée dans un trou paumé au Texas depuis des siècles et qui a tout fait pour se faire oublier, quitte à accepter de se nourrir que du sang des vaches qu’ils élèvent leurs terres et dont ils vendent ensuite le cadavre aux abattoirs. Sauf qu’une querelle ancestrale les opposants depuis presque 200 ans à une autre famille et une sorte d’atavisme fatale vont finir par faire basculer tout ce fragile équilibre…

© Delcourt / Donny Cates, Lisandro Estherren et Dee Cunniffe

Difficile de se tromper pourtant à la vue de cette couverture qui tranche dans le vif : on retrouve ici un bon paquet d’hémoglobine, pas mal de violence et ce, avec une totale absence de morale. Et le trait assez noir et vif de l’argentin Lisandro Estherren, tout dans le mouvement, ne fait rien pour renverser la tendance… Tout cela sent la bouse de vache, une certaine misère sociale et des corps soit gras, soit tout secs et noueux, avec cet arrière-goût de cul-terreux qui tord les boyaux. Alors bien sûr, on parle bien de vampires ici. Sauf qu’au final, la thématique est presque tout autre, quasi-sociologique : en gros, sommes-nous, oui ou non, condamnés à faire ce que l’on attend de nous ou plus exactement de notre caste ? Peut-on échapper à sa condition ? (vous avez deux heures) En fait, le héros principal Bartlett n’a pas choisi d’être un vampire, il a juste eu le malheur de tomber sur une bande qui l’a transformé en l’un des leurs en 1836 alors qu’il venait de déserter le fort Alamo. Mais qu’il le veuille ou non, c’est désormais devenu sa famille et il fait tout pour les protéger. Même si parfois, le mal vient de l’intérieur…

Ce premier tome reprenant les six premiers numéros de cette série sortie aux USA l’année dernière ne laisse pas beaucoup de place à l’espoir et semble suggérer une éternelle fuite, avec son lot régulier de cadavres, un peu comme si le mythe du vampire rencontrait celui du Juif Errant. Reste à voir si le tome 2 réussit à apporter quelques réponses et, surtout, à battre le nombre de macchabés déjà fort élevé de son grand frère…

Olivier Badin

Redneck, de Donny Cates, Lisandro Estherren et Dee Cunniffe, Delcourt, 15,95 euros

© Delcourt / Donny Cates, Lisandro Estherren et Dee Cunniffe