Pour apprécier et comprendre la bande dessinée d’aujourd’hui, rien de tel qu’un petit retour sur le passé, à la découverte du patrimoine. Jojo, Valhardi et Constant Souci en font assurément partie et ont chacun dans leur style contribué à la richesse du neuvième art…
Jojo est de retour avec sa bouille toute ronde, sa salopette rouge et sa casquette de poulbot bien vissée sur la tête. Ce personnage truculent imaginé par André Geerts, grand amateur de Franquin et Peyo, proche dans l’esprit d’un Fournier, d’un Hislaire ou d’un Frank Pe, a apporté au Journal de Spirou un vent de fraîcheur et de poésie bienvenue dans le milieu des années 80. Chacune de ses histoires met en scène avec une grande sensibilité le monde de l’enfance à travers ce petit garçon que l’on suit dans son environnement familial, il vit avec sa grand-mère, mais aussi scolaire et amical, avec notamment son copain et voisin Gros-Louis.
On n’en est pas encore aux enfants terribles de la bande dessinée, ceux qui feront les 400 coups dans quelques séries à succès, Le Petit Spirou et Titeuf pour ne citer qu’eux, mais les bases sont là. En cinq ans d’existence, Geerts a su « consolider les fondations de sa série », écrit Morgan Di Salvia en introduction, « et ce titre (Un été du tonnerre, ndlr) est sa première réussite totale ».
Après les années 1983-1991, ce deuxième tome de l’intégrale qui lui est consacrée s’intéresse aux années 1991-1998 autour de quatre récits, Un été du tonnerre, Le Serment d’amitié, Mamy se défend et Monsieur Je-sais-tout, enrichis de planches inédites pubiées dans le Journal de Spirou et d’un dossier d’une trentaine de pages pour tout savoir sur le personnage et son créateur. (Intégrale Jojo (tome 2), Geerts. Dupuis. 28€).
Lui aussi fait son retour, lui c’est Jijé, Joseph Gillain de son vrai nom. Dix ans après en avoir confié les rênes à Eddy Paape, Jijé reprend la destinée de Valhardi avec un épisode intitulé Valhardi contre le soleil noir. Avec le temps et le contexte de guerre froide, notre personnage a quitté le monde des enquêteurs en assurances pour celui des détectives traquant les gangs internationaux. « Autour de lui… », écrit le journaliste Jérôme Dupuis en préface, « le monde n’est plus le même non plus : la société imprégnée de catholicisme, de la guerre, a laissé place aux trente glorieuses, avec son cortège d’avions de ligne, de voitures décapotables et de jolies filles ».
Jijé saura donner le bon coup de volant au bon moment à la belle Simca jaune de Valhardi pour le mettre sur la bonne direction, celle de la modernité. Soleil noir et Le Gang du diamant deviendront des classiques qui inspireront quantité d’auteurs, à commencer par, nous rappelle Jérôme Dupuis, l’immense Yves Chaland et derrière lui toute la jeune génération de Métal Hurlant. (Intégrale Valhardi (tome 4), Charlier, Jijé et Philip. Dupuis. 35€)
On termine avec l’un des premiers albums publiés par les éditions Glénat, un trésor d’éditeur en quelques sortes, une histoire méconnue du grand public signée du prolifique scénariste et dessinateur Greg (Achille Talon, Bernard Prince, Bruno Brazil, Comanche, Luc Orient…) sur une idée de Vicq (Taka Takata) et des décors de Dupa (Cubitus). Que du beau monde pour une série pour le moins éphémère puisqu’elle comptera uniquement cet épisode, Le Mystère de l’homme aux trèfles, prépublié dans le journal Tintin en 1967. Cette édition dans la collection Patrimoine BD des éditions Glénat nous permet de retrouver les planches en noir et blanc, idéal pour apprécier au plus près le génie graphique et narratif de Greg disparu en 1999. (Constant Souci Le Mystère de l’homme aux trèfles, Greg. Glénat. 15€)
Eric Guillaud