On le présente comme le plus beau métier du monde. Le plus beau peut-être mais certainement pas le plus facile car de tout temps l’enseignement a eu ses détracteurs, ses ennemis. Christian Lax nous le rappelle dans ce dernier album, une histoire en deux temps, deux époques et différents lieux…
« L’éducation est l’arme la plus puissante que vous puissiez utiliser pour changer le monde ». Nelson Mandela à qui on doit ces quelques mots et tellement d’autres avait diablement raison. Tellement raison que certains s’évertuent à la combattre, à l’interdire. Pour les filles ici. Pour tout le monde un peu plus loin.
On pense bien évidemment à l’Afghanistan, où les Talibans ont interdit encore récemment l’accès des femmes aux universités du pays, mais ce n’est bien évidemment pas le seul endroit sur Terre où l’ignorance est préférée à la connaissance, histoire de bloquer toute velléité d’émancipation, tout appétit de liberté.
Dans son dernier album en date, le dernier tout court puisqu’il aurait décidé de mettre un terme à sa carrière d’auteur de bandes dessinées, Christian Lax nous emmène dans les pas de deux personnages bien décidés à transmettre le savoir. Le premier, Fortuné Chabert, est un instituteur itinérant qui sillonne les Alpes du Sud dans les années 1830 pour enseigner l’écriture et le calcul aux enfants. Le second, Sanjar, fait de même bien loin des Alpes du sud, dans les montagnes afghanes, et de nos jours.
Deux époques, deux territoires éloignés, mais une histoire qui bégaye, l’un et l’autre se voyant obligés de mettre un terme à leur mission, leur sacerdoce, face à la réticence et à la violence des obscurantistes de tout poil, ici un curé, là un djihadiste.
Et entre ces deux hommes, un lien, un trait d’union en la personne d’une journaliste américaine, Arizona Florès, descendante de Fortuné Chabert, en lutte contre le NRA, le lobby des armes à feu, et les violences faites à l’école, envoyée un beau jour par sa rédaction en Afghanistan où elle aura pour fixeur Sanjar…
À travers le destin ce ces hommes et leur obstination commune à délivrer cet enseignement nomade qu’on nomme l’université des chèvres, Christian Lax aborde un thème qui lui est particulièrement précieux, l’émancipation par le savoir face à l’obscurantisme. Il le fait à sa façon, avec sagesse et humanisme, en douceur mais non sans conviction, dans une fiction très documentée, notamment nourries de témoignages recueillis auprès de réfugiés afghans. Un récit forcément engagé soutenu par un graphisme des plus sensibles. Du grand Lax !
Eric Guillaud
L’Université des chèvres, de Christian Lax. Futuropolis. 23€