12 Juil

De Prague à Tcheliabinsk, Svoboda! (tome 1), de Kris et Pendanx. Editions Futuropolis. 12 euros.

D’un côté, Jean-Denis Pendanx, dessinateur des excellents Abdallahi et Jeronimus. De l’autre, Kris, scénariste humaniste révélé par Un Homme est mort et Notre Mère la guerre. Deux auteurs qui ont du talent à revendre et un sacré penchant pour les belles histoires. Réunis pour la première fois autour d’un projet, Kris et Pendanx ont exhumé un épisode épique de l’histoire tchèque connu sous le nom de L’Anabase sibérienne. Retour en 1918… 70000 soldats de nationalités tchèque et slovaque profitent de la Révolution russe pour fuir les camps de prisonniers tsaristes. Ils s’emparent du Transsibérien pour rejoindre les alliés sur le front de l’Ouest en espérant obtenir la création d’une république tchécoslovaque. Le périple prévu pour durer deux mois s’étalera sur trois ans ! « L’idée n’est évidemment pas de raconter cette histoire incroyable à la façon des belles histoires de ce cher Oncle Paul… », précise Kris. « J’ai toujours pensé que l’on fait entrer le lecteur dans la grande histoire par le truchement de la petite, que l’on perçoit bien mieux l’essence d’une aventure humaine à travers le destin de quelques-uns. Et que pour mieux la raconter, il faut aussi, paradoxalement, savoir s’en éloigner un minimum. » Acteur de cette Histoire vraie, un personnage de fiction : le Tchèque Josef Cerny, dit Pepa, juif, professeur d’arts plastiques. Lorsqu’en 1938, il apprend la signature des accords de Munich, il se sent trahi et se remémore l’époque où il s’est battu pour son pays. Tout avait commencé à Tcheliabinsk, en mai 1918…

Des couleurs raffinées, un graphisme beaucoup moins pictural que dans les précédents albums de Jean-Denis Pendanx, des dialogues qui font mouche… Ce premier album offre une très belle entrée en matière ! E.G.

09 Juil

Le Schtroumpfissime, de Peyo et Delporte, commenté par Dayez. Editions Dupuis. 19,95 euros.

C’est en 1958, le 23 octobre pour être tout à fait précis, que les Schtroumpfs font leur première apparition dans le journal de Spirou. Ils ne sont alors que les personnages secondaires d’une aventure de Johan et Pirlouit, La Flûte à six schtroumpfs. Succès immédiat ! Quelques années et mini-récits plus tard, Peyo offre à ses personnages leur première grande aventure: Le  Schtroumpfissime. A la veille de la sortie en salle du film américain adapté de la bande dessinée et réalisé par Raja Gosnell, les éditions Dupuis nous invitent à redécouvrir cet album devenu culte grâce à une réédition spéciale comportant une analyse originale signée Hugues Dayez. Planche après planche, ce grand spécialiste de Peyo décrypte l’intention des auteurs, replace le récit dans son contexte de création et livre nombre d’anecdotes et de secrets. Un bon concept qui devrait, espérons le, s’appliquer à d’autres albums essentiels du Neuvième art ! E.G.

06 Juil

Les frères Zimmer contre le reste du monde, de Jérémy Mahot. Editions Delcourt. 11,50 euros.

L’un est rond et vert. L’autre, rouge et cubique. L’un ne vit que par son travail chez Megacorp. L’autre serait plutôt du genre obsédé sexuel. Seul point commun entre les deux personnages de cette bande dessinée, leur nom de famille : Zimmer. Karl et Hans Zimmer ! Ils sont frères, habitent à Hilberseimer, une jolie bourgade aux formes absolument géométriques et monotones, et vivent des aventures qui n’ont aucun intérêt sauf, bien sûr, d’être passées entre le cerveau et les mains de Jérémy Mahot, ingénieur informatique de formation et passionné d’art contemporain, deux composantes de sa personnalité qui expliquent peut-être l’aspect à la fois cartésien et un peu déjanté de cet album qui dès le titre, Les frères Zimmer contre le reste du monde, donne le ton général de l’album. Mais qui est donc ce fameux reste du monde, vous demandez-vous ? Personne en particulier, tout le monde en général, les collègues de bureau, les voisins, les arbres, les ordinateurs, les robots, les patrons… bref beaucoup du monde, tellement de monde qu’il faudra plusieurs volumes pour espérer en faire le tour… Et ça tombe plutôt bien, nous on aime et on en redemande ! E.G.

05 Juil

Chroniques de la Nécropole, de Golo et Dibou. Editions Futuropolis. 21 euros.

« Vu la nouvelle donne politique, je ne suis pas sûr que cela voie le jour… Le peuple égyptien est étonnant, je suis admiratif. », confiait Golo en février 2011 à propos d’un sombre projet immobilier qui devait se faire au détriment du peuple. C’est l’objet de cet album paru aux éditions Futuropolis. Gournah, petit village situé aux abords de Louxor a séduit Golo et sa compagne Dibou. Ensemble, ils s’y installent en 2000, ouvrent un atelier de peinture et de création pour les enfants, créent des bijoux et vêtements avec les artisans locaux. Mais voilà, Gournah est à deux pas de Louxor et quelques proches du pouvoir – de l’époque – ont semble-t-il décidé de bâtir ici-même un ensemble immobilier pour accueillir les touristes. Expulsions, destruction du village, relogement des habitants dans des maisons sans âme… Chroniques de la Nécropole témoigne donc avec tendresse, humanité et humour de la disparition d’un village séculaire mais aussi de l’amour des auteurs pour ce pays et pour son peuple. Une BD-reportage passionnante qui mélange à la manière de la fameuse trilogie Le Photographe d’Emmanuel Guibert, des dessins au style proche des illustrations de presse et des photographies. Coup de cœur assuré ! E.G.

02 Juil

La Lecture des ruines, de David B. Editions Dupuis. 14 euros.

Un album de longue garde ! La Lecture des ruines est comme ces bons vins qui se bonifient avec le temps. Sorti il y a juste dix ans dans la collection Aire Libre, le voici tout fraîchement réédité au format d’un roman, ce qui peut se révéler pratique, je vous le concède, pour la plage cet été. Et de se replonger dans cette histoire qui se déroule pendant la première guerre mondiale en compagnie de personnages insolites comme le Hollandais Van Meer, un agent des services secrets alliés, accessoirement folkloriste, métier qui consiste à mener des recherches sur les croyances et les superstitions liées à la guerre. Comme aussi l’ingénieur Hellequin connu pour avoir transformé un canon ordinaire en canon à rêves, une machine infernale qui empêcherait les ennemis allemands de rêver, les rendant fou jusqu’à les tuer… Un récit à la fois réaliste et fantastique, influencé par le maître Jacques Tardi. A découvrir ou redécouvrir ! E.G.

La folle du Sacré-Coeur, de Jodorowsky et Moebius. Editions Les Humanoïdes Associés. 29,95 euros.

Rien ne va plus pour le professeur Mangel. Lui qui évoque dans ses cours de philosophie l’importance de notions comme l’équilibre émotionnel, le couple évolutif ou encore la néo-morale vient de se faire jeter comme un vieux kleenex par celle qui partageait sa vie depuis plus d’un quart de siècle. Et en public par dessus le marché, le jour même de son anniversaire… De quoi humilier l’homme pour toujours, lui qui était revenu au judaïsme comme voie de la sanctification, abandonnant du même coup la philosophie occidentale et le sexe. De quoi aussi le discréditer définitivement au sein de l’université de la Sorbonne où il enseigne et parmi ses propres étudiants déjà irrités par son côté gourou. D’ailleurs, dès le lendemain, tous quittent son cours en le raillant. Tous… ou presque. Parmi ceux ou plus exactement celles qui sont bien décidés à rester, il y a la jeune Elizabeth. Le soir même, elle lui donne un étrange rendez-vous à la basilique du Sacré-Cœur histoire de réveiller le démon qui dort en lui…

Deux signatures majeures du Neuvième art sont à l’origine de ce récit initialement publié dans les années 90 en trois volets. Il s’agit de Mœbius et Jodorowsky qui ont déjà travaillé ensemble, notamment sur la mythique série de science fiction connue sous le nom de L’Incal.  Avec La Folle du Sacré-Cœur, ils abordent un propos beaucoup plus réaliste même si l’un et l’autre se permettent des déviations fantaisistes pour notre plus grand plaisir. Un récit drôle mettant en scène des allumés de première et une très belle intégrale des Humanos ! E.G.

29 Juin

Les Femmes, de Liberatore. Editions Drugstore. 30 euros.

Les fans de Liberatore sont à la fête en ce mois de juin 2011 avec la parution simultanée de deux magnifiques albums, l’un étant une réédition et l’autre une nouveauté. La réédition tout d’abord. C’est en 1997 qu’est initialement publié Les Femmes, un livre d’images clairement dédié au beau sexe et réunissant sur plus de 160 pages des portraits en noir et blanc ou en couleur, esquissés ou peints, dans un style hyperréaliste qui a fait la renommée de l’auteur. Cette nouvelle édition enrichie comporte des dessins inédits. La nouveauté ensuite avec cet album portant le titre du célèbre texte érotique d’Apollinaire : Les Onze mille verges. Liberatore, qui peint les corps comme personne, a réalisé une cinquantaine d’illustrations pour accompagner le texte intégral du célèbre poète, un texte publié en 1907 sous les initiales G.A. C’est beau, c’est violent, c’est cru et c’est bien évidemment réservé à un public averti !E.G.

Dans le détail :

Les Onze mille verges, de Apollinaire et Liberatore. Editions Drugstore. 35 euros.

Les Femmes, de Liberatore. Editions Drugstore. 30 euros.

The Prodigies, Une voie nouvelle dans le cinéma d’animation, de Antoine Charreyron et Viktor Antonov. Editions Glénat. 35 euros.

Actuellement à l’affiche dans les meilleures salles de l’hexagone, The Prodigies, adapté de La Nuit des Enfants rois de Bernard Lenteric, est un film d’animation dernière génération qui offre dit-on une manière radicalement nouvelle d’entrer dans les images. De fait, à regarder de près la bande annonce, disponible ici, on peut déjà avoir un aperçu du fantastique travail réalisé par le créateur de l’univers, Viktor Antonov, et par le réalisateur, Antoine Charreyron. On s’éloigne ici très certainement des codes classiques du cinéma d’animation pour se rapprocher du rendu photo. L’animation est particulièrement fluide, les personnages quasi-réels, les expressions finement travaillées, les cadrages photographiques, les décors travaillés à la façon de peintres comme Edward Hopper… Bref, The Prodigies est une petite merveille, certainement une nouvelle étape dans l’histoire du cinéma d’animation européen… Le livre publié ce mois-ci par les éditions Glénat permet justement de pénétrer le processus de fabrication, depuis la création des personnages jusqu’au travail autour de la lumière, en passant par les décors, les cadrages, les couleurs, l’architecture, avec toujours cette volonté profonde de s’inspirer de la photographie contemporaine et de la peinture classique. 160 pages qui réunissent des croquis, des recherches graphiques ou d’ambiances, des éléments de documentation… A lire avant ou après avoir vu le film ! E.G.

27 Juin

La Douceur de l’enfer (tome 1), de Olivier Grenson. Editions Le Lombard. 15,95 euros.

San Francisco, avril 2005. Martha Summer est sous le choc ! Deux représentants du gouvernement viennent de lui annoncer que le corps de son défunt mari venait d’être identifié et allait être transféré pour recevoir les honneurs militaires. Martha Summer est d’autant plus sous le choc qu’elle est aujourd’hui une femme âgée et fragile et que son mari a disparu pendant la guerre de Corée il y a un peu plus de cinquante ans ! Invitée à se rendre à Séoul pour la cérémonie, Martha n’aura malheureusement pas le temps. Sur son lit de mourante, elle demande à son petit fils de la représenter. Billy Summer accepte la mission mais ne s’attend absolument pas à la découverte qu’il fera sur place…

Prévu en deux volets, La Douceur de l’enfer aborde la thématique du secret de famille avec une histoire revenant sur un épisode un peu oublié, la guerre de Corée. Olivier Grenson, qui a auparavant dessiné Carland Cross, La Femme accident ou les aventures de Niklos Koda, signe ici à la fois le dessin et le scénario, se révélant un auteur complet talentueux. Habituellement adepte d’un graphisme réaliste très travaillé, Olivier Grenson parvient à laisser filer son trait et à donner un aspect plus jeté à l’ensemble, notamment dans les scènes de guerre. « Avec cet album… », confie-t-il, « je voulais me libérer du beau dessin, de certaines retenues, même si le naturel revient au galop. Lâcher les choses, c’est un véritable combat, pour moi. ». Un album entre douceur et enfer ! E.G.

22 Juin

Mojo, de Rodolphe et G. Van Linthout. Editions Vents d’ouest. 20 euros.

Dans la vie, certains naissent avec un mojo obscur, d’autres avec un mojo lumineux, traduisez qu’il naissent sous une bonne ou sous une mauvaise étoile. Au moment d’enterrer son pote Charley, un gars justement né sous le signe de la poisse, Slim Whitemoon se dit qu’il a finalement un bon mojo et qu’il serait peut-être temps d’en profiter, de quitter sa misérable terre natale pour devenir une star. C’est pour ça que lui et sa guitare ont un beau jour pris la tangente comme il dit. Direction Chicago où son talent de bluesman allait forcément être reconnu. Il deviendrait alors riche, graverait de nombreux disques et pourrait enfin s’acheter ce costume et ces chaussures bicolores dont il rêve depuis si longtemps. Mais la route va se révéler malheureusement plus sinueuse que prévue, Slim passant des juke-joints les plus minables (clubs blues du Mississippi) aux scènes les plus prestigieuses et vice-versa. Un destin chaotique, fait de petits larcins, de séjours en prison, de filles, de beuveries, de vagabondage, de succès, de solitude et de rencontres magiques avec quelques légendes du blues, Blind Lemon Jefferson, Sonny Boy Williamson ou encore Robert Johnson…

Sur plus de 180 pages d’une somptueuse signature graphique, Mojo nous raconte le destin incroyable de cet homme qui a vécu pour le blues. Serait-ce une biographie ? Non ! Une fiction ? Pas tout à fait non plus ! Car Slim Whitemoon n’a pas existé. Mais aurait très bien pu exister ! « Avons-nous inventé pour autant ? Sûrement pas ! », précisent les auteurs,« L’essentiel du parcours de Slim est au contraire tout ce qu’il y a de véridique, d’authentique, d’historique : de l’évocation de sa naissance, à l’orée d’une gigantesque plantation de coton dans le haut du Delta du Mississipi, à son arrivée à Chicago sans un sous vaillant […] en passant par le quotidien âpre et souvent sordide des noirs… ». Et de fait, le scénariste Rodolphe qui a d’ailleurs consacré un ouvrage au bluesman Blind Lemon Jefferson, paru aux éditions Nocturne , et le dessinateur Georges Van Linthout (La Nuit du lièvre, Conquistador…) nous offrent bien plus qu’un simple portrait de bluesman. Mojo est une plongée sans concession dans l’Amérique du début du XXé siècle, une Amérique riche et misérable à la fois, libre et ségrégationniste, terreau d’une musique universelle : le blues. Un ouvrage magnifique, un récit passionnant, un personnage hors norme, une atmosphère qui donne envie d’approfondir nos connaissances sur le blues… E.G.

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