Enfant, Atar Gull s’était fait une promesse : ne jamais pleurer ! Ni sur son sort, ni sur celui des autres membres de sa tribu, les Petits Namaquas. Comme un défi à la vie, un avertissement à ses ennemis ! Puis Atar Gull a grandi. Il est devenu un homme, un homme fort, très fort, et a fini par remplacer son père à la tête de la tribu. Jusqu’au jour où, comme son père, Atar Gull est fait prisonnier par les Grands Namaquas, une tribu ennmie, et vendu au capitaine Benoît, un négrier « honnête » comme il se qualifie lui-même, qui fait ce « commerce dégradant » juste par amour pour sa petite femme qui l’attend sagement ou presque à Nantes. Après une traversée mouvementée, Atar Gull est revendu en Jamaïque à Tom Will, un planteur « humaniste » qui traite ses esclaves « avec compassion et bienveillance ». On croit rêver ! Le monde serait donc rempli de gens bien attentionnés. Valeureux, Atar Gull est attaché au service personnel de Tom Will. Atar Gull ne pleure toujours pas mais n’en pense pas moins et, bientôt, notre esclave modèle va pouvoir doucement, très doucement, mettre en place sa vengeance et la savourer…
Magnifique ! Tel est l’adjectif qui vient immédiatement à l’esprit en ouvrant et feuilletant cet album publié dans la collection Long Courier des éditions Dargaud. Magnifique par le graphisme du Nantais d’adoption Brüno, une ligne claire mâtinée d’expressionnisme tendance José Muñoz ou Alberto Breccia. Magnifique aussi par les couleurs chaudes de Laurence Croix qui participent à l’intensité dramatique se dégageant de l’album. Magnifique enfin par le scénario développé par Fabien Nury d’après un roman d’Eugène Sue, un scénario qui nous ramène à l’époque du commerce triangulaire, de ces esclaves entassés dans les soutes des bateaux et jetés en mer à la moindre faiblesse, l’époque des négriers et des planteurs qui achètent des hommes comme ils achèteraient de la marchandise et tiennent en société de beaux discours humanistes. Un album émouvant, fort et intelligent ! E.G.