Un anniversaire fêté en grandes pompes ou plus exactement en espadrilles, une partie non négligeable de l’accoutrement hippiesque de notre Gaston national. Deux albums viennent de sortir pour ses 60 ans, Biographie d’un gaffeur et La Galerie des gaffes, les deux chez Dupuis bien sûr, la maison d’édition qui l’a vu naître en 1957…
Mais c’est qui ce gars avec des espadrilles, un pull-over vert et une tignasse ébouriffée qui traîne dans les couloirs de Spirou depuis le printemps 1957 ? Beaucoup de lecteurs se sont légitimement posé la question à l’époque. On disait qu’il avait été embauché. Sans savoir vraiment par qui et surtout pour quoi. Gaston rêvait de faire le héros dans une série mais toutes les places étaient prises. Alors, il s’est retrouvé à glandouiller à droite et à gauche, à multiplier les inventions foireuses, parfois désastreuses, voire dangereuses, à jouer de la musique un peu fort, à passer et repasser dans tous les bureaux sans but vraiment précis, à inviter des animaux peu compatibles avec la concentration nécessaire au bouclage du journal. Et malgré tout, avec le temps, Gaston a fini par s’imposer, par faire partie des meubles, au point de décrocher ses propres aventures.
Tout ça grâce à un génie de la bande dessinée, que dis-je un maître absolu du neuvième art, je veux bien évidemment parler d’André Franquin.
André Franquin a débuté dans le Journal de Spirou dès les années 46/47 en se voyant confier la destinée du tandem Spirou et Fantasio. Ce qu’il assuma avec talent jusqu’à la fin des années 60. Mais l’homme qui débordait d’imagination rêvait d’un personnage différent, un anti-héros, un gars qui ferait tout de travers, un gaffeur, un marrant, un original, un beatnik qui se moquerait bien des convenances et des horaires, des finances et des apparences. Gaston est arrivé à un moment clé de notre histoire, dans une société qui allait connaître des changements économiques, sociaux et culturels profonds. De là à penser qu’il en était un signe annonciateur, il n’y avait qu’un pas que nous avons allègrement franchi depuis. La mort d’André Franquin survenue en 1997 a mis un terme à ses aventures mais Gaston n’a jamais disparu des écrans radars, ni quitté les étagères de nos bibliothèques. L’anti-héros est devenu un héros pour plusieurs générations de lecteurs, un personnage intemporel aux gags universels.
Deux livres viennent donc de sortir pour fêter les 60 ans du personnage. Biographie d’un gaffeur, signé Franquin et Jidéhem, paru initialement en 1965 dans la collection Gag de poche, reprend les planches du mythique Gaston 0 au format à l’italienne ainsi que des pages inédites à l’époque. La Galerie des gaffes est un hommage collectif au personnage. 60 auteurs ont pris leur plume et/ou leur pinceau pour redonner vie à Gaston le temps d’un album. Parmi les auteurs : Yoann, Vehlmann, Cossu, Bourhis, Nicoby, Dodier, Nix, Trondheim, Blutch… Deux livres indispensables pour les amoureux de Gaston et les autres !
Eric Guillaud
La Galerie des gaffes, collectif. Éditions Dupuis. 12,50€
Biographie d’un gaffeur, de Franquin et Jidéhem. Éditions Dupuis. 28€