À quelques lettres près, cette histoire-là aurait pu s’appeler La Balade des gens heureux. Encore aurait-il fallu des gens heureux parmi les protagonistes. Valérie Zézé, l’héroïne de Delphine et Anaële Hermans, appartiendrait plutôt à la catégorie dite des dangereuses, ces femmes qu’on enferme pour ne pas avoir respecter les règles de la société…
C’est une histoire vraie que nous racontent les soeurs Delphine et Anaële Hermans, l’histoire d’une femme, Valérie Zézé, professeur de français, qui se retrouve un beau jour embarquée dans une spirale infernale qui pourrait se résumer en trois mots : drogue, vols, prison.
Vingt-neuf flagrants délits de vol à son actif avec une méthode simple mais éprouvée : se laisser enfermer le soir venu dans un magasin et se servir. Parfois ça marche, parfois pas. Comme cette fois…
Deux policiers la surprennent dans un magasin, son butin dans une valise : des bouteilles de parfum.
Le récit commence le jour de son incarcération à la maison d’arrêt de Berkendael en Belgique. Valérie Zézé, numéro d’écrou 4827, n’y arrive pas en territoire inconnu. C’est la neuvième fois qu’elle y est incarcérée. Une habituée en somme… mais une habituée qui ne s’habitue pas ! Sur le trajet qui l’emmène vers le prison, Valérie photographie tout ce qu’elle voit…
Emmagasiner un maximum de belles images de l’extérieur, les mettre à l’abri dans ma mémoire. Ce sera mon petit palais, où je pourrais me réfugier
Si elle connaît les moindres recoins de la prison de Berkendael, chacun de ses séjours nécessite une lente et difficile réadaptation à l’atmosphère général, aux gardiennes et aux détenues, au bruit des clefs dans les serrures, à la promiscuité des cellules, il faut se refaire un masque, reprendre les attitudes qui la feront respecter des autres… et surtout faire face au manque.
Pas de coke en prison, juste quelques joints, pas de quoi en tout cas éviter les pétages de plomb !
Cela fait un mois et demi que je n’ai pas consommé de coke. Le manque me prend aux tripes. Ma seule manière de desserrer son emprise est de le transformer en colère
Et puis il y a ce fils resté dehors qui privilégie les visites au parloir à ses études, jusqu’à les arrêter totalement. Une douleur supplémentaire pour Valérie…
C’est le quotidien de cette incarcération que nous raconte La Ballade des Dangereuses, le quotidien et bien évidemment ce qui l’accompagne forcément mais ne se détecte pas, l’intime, les rêves et les angoisses, les joies et les blessures… Un témoignage tout en finesse et en humanité de ce que peut parfois nous réserver la vie. Une histoire touchante au graphisme aussi léger et fragile que la liberté !
Eric Guillaud
La Ballade des dangereuses, Journal d’une incarcération, de Delphine et Anaëlle Hermans d’après l’histoire vraie de Valérie Zézé. La Boîte à bulles. 20€