17 Juin

Les naufragés de la Méduse : la double histoire d’un naufrage et d’un tableau racontée par Jean-Sébastien Bordas et Jean-Christophe Deveney

Pas de naufrage en vue pour l’album de Jean-Sébastien Bordas et Jean-Christophe Deveney, retardé pour faute de pandémie, le voici à  trôner magistralement dans les vitrines de toutes les bonnes librairies déconfinées. Et vous n’allez pas être déçus…

Pour réussir un tableau, faut-il tout connaitre de son sujet, comme le laisse supposer un des personnages de ce récit ? Peut-être. En tout cas, Théodore Géricault le concevait certainement ainsi. Pour Le radeau de la Méduse, le peintre a amassé une documentation conséquente sur le naufrage de la frégate, cherchant le moindre détail dans les archives disponibles ou à travers le témoignage des survivants. Au risque parfois de s’y perdre.

Réalisé entre 1818 et 1819, soit deux petites années seulement après le naufrage, Le radeau de la Méduse est une oeuvre majeure de la peinture française, une oeuvre imposante, hors norme, de par ses dimensions, près de 5 mètres sur 7, de par le retentissement qu’elle eut à l’époque dans la société, et finalement de par son influence sur l’évolution de la peinture.

Le Musée du Louvre qui a très vite accueilli le tableau résume parfaitement les déchirements nés autour de l’oeuvre. Quand certains y voyaient « un amas de cadavres » abject loin de ce que préconisait le classicisme, d’autres y décèlaient un manifeste libéral, une critique de l’ultra-royalisme, un tableau moderne, une oeuvre d’actualité.

De fait, Gérivault cherchait-il à rendre compte de l’horreur ou de l’héroïsme, voulait-il montrer les hommes de la Méduse comme des miraculés, des assassins, des monstres ou simplement comme des êtres humains plongés dans un contexte qui ne l’était pas ?

Alternant l’histoire de cette création picturale et celle de la tragédie maritime, passant de la solitude de l’artiste à celle des naufragés, Jean-Sébastien Bordas et Jean-Christophe Deveney nous offrent un récit au scénario intense et documenté avec une belle fluidité narrative, un dessin tout en finesse et une mise en couleurs d’une très grande légèreté. De quoi se laisser embarquer dans l’aventure… avec une bouée tout de même !

Eric Guillaud

Les naufragés de la Méduse, de Deveney et Bordas. Casterman. 26€

15 Juin

Jeannot, une bande dessinée de Carole Maurel et Loïc Clément sur le deuil d’un enfant

Perdre un enfant n’est pas dans l’ordre naturel des choses. C’est un drame sans nom pour les parents. Avec Jeannot, album paru aux éditions Delcourt, Carole Maurel et Loïc Clément abordent ce sujet délicat avec infiniment de finesse aussi bien dans le texte que dans le trait…

Parler de la mort n’est pas chose facile, parler de la mort d’un enfant encore moins, et en parler à des enfants peut relever du défi. Carole Maurel et Loïc Clément l’ont relevé avec succès. Jeannot est un bijou de sensibilité, d’humanité, de tendresse et de poésie, un ouvrage qui s’adresse à la jeunesse mais pas seulement nous explique la dessinatrice Carole Maurel.

« Il y a une certaine habilité côté scénario qui fait que l’album s’adresse aussi aux adultes même s’il est clairement ciblé enfant. Il y a deux portes d’accès possibles, deux niveaux de lecture qui sont intéressants. Par exemple, quand Jeannot communique avec les plantes, nous, adultes, pourrions le penser atteint de quelques troubles cognitifs. Les enfants, eux, y verront un pouvoir surnaturel, un super-pouvoir, même s’il s’avère être une malédiction pour Jeannot ».

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11 Juin

Hope ou le roman noir allié aux forces occultes

Les ripoux, les starlettes, les vieux pervers cachés à la tête des studios, l’industrie du rêve qui vend du cauchemar, une cité des anges pourrie jusqu’à la moelle, le tout dans un noir et blanc poisseux, sublimé par les romans de Dashiel Hammett ou de Raymond Chandler, voici le terrain de jeu du ‘roman noir’ mais aussi de Hope de l’écurie 2000 AD publié aux Éditions Delcourt. Avec une (petite) pointe de magie noire en plus.

Voici donc une plongée dans le Los Angeles des années 40 dans laquelle on voit se débattre la sempiternelle figure du détective privé à la gueule cassée nommé Mallory Hope qui boit trop et ne dort pas assez. Et comme s’il n’avait pas déjà assez un sale gueule, le voilà qu’il commence cette aventure par un tabassage en règle. Une sale posture dont il réussit à s’échapper grâce à une pincée de magie noire…

Tiens, voilà justement ce qui était censé être le ‘plus’ de cette histoire, ce mélange a priori inédit entre uchronie (le tout se passe dans un Los Angeles de 1940 où la Deuxième Guerre Mondiale serait déjà terminée), polar et occulte. Un occulte aussi poisseux que malsain, bouffant ceux qui l’utilisent et qui porte le sceau du magazine anglais culte 2000 AD (Judge Dredd) dans lequel le tout a d’abord été publié il y a trois ans.

Or bizarrement, cet élément magique devient assez rapidement anecdotique, à part lorsque le personnage principal évoque avec morgue sa relation tordue avec l’espèce d’ange (ou démon ?) gardien que l’on voit sous la forme d’une nonne portant un éternel masque à gaz et qui ne le lâche pas d’une semelle. D’où vient-elle ? Quel est le pacte qu’il a conclu avec elle ? Qu’est-ce qui est vraiment arrivé à la femme et au fils de Hope qui ont tous les deux disparu sans laisser de traces ? Ces questions-là, les deux auteurs n’ont eu ni l’envie ni la place d’y répondre, se focalisant plutôt sur l’enquête visant à retrouver un enfant star porté, lui aussi, disparu et qui l’amènera, forcément, à entrevoir la (sale) poussière que l’on cache sous le tapis.

Alors lorsqu’il assume son goût pour les clichés du roman noir (femme fatale incluse), Hope est cynique et sans concession comme il faut, jusque dans ces cadrages nerveux et contrastés qui rappelleront aux plus érudits certains vieux classiques du cinéma de l’époque mais aussi le jeu vidéo Max Payne. Mais pour découvrir le ‘Philip Marlowe rencontrant l’exorciste’ tant attendu, il faudra par contre repasser. Ou on est alors prié d’attendre le second volume, prévu en VO pour Janvier prochain, surtout vu la relative brièveté (80 pages) de ce premier jet.

Olivier Badin

Hope de Guy Adams & Jimmy Broxton, Delcourt, 12,50 euros

© Delcourt / Guy Adams & Jimmy Broxton

10 Juin

Hors-Saison: une autobiographie de James Sturm sur fond de campagne présidentielle américaine

Alors que l’élection présidentielle américaine se rapproche à grand pas, James Sturm nous fait revivre la précédente campagne électorale à travers une autobiographie absolument passionnante…

Trump ou Biden ? On connaîtra le nom du prochain président des États-Unis en novembre ce cette année après une campagne qui promet d’être violente, aussi violente que la précédente. Souvenez-vous de Trump en 2016 promettant d’envoyer Hillary Clinton en prison pour une sombre histoire de messagerie privée qu’elle aurait utilisée pendant qu’elle était secrétaire d’état.

C’est justement sur cet épisode houleux que s’ouvre le récit de James Sturm. Impossible d’aller sur internet, d’allumer la radio ou la télévision sans en entendre parler. Mark, le personnage central de ce récit, ne le supporte plus comme il ne supporte plus cette campagne présidentielle. Au point de déprimer !

Mais il a bien d’autres raisons de déprimer. Mark vient de se séparer. Il y a encore quelques semaines, sa compagne Lise et lui-même soutenaient la candidature de Bernie Sanders. Mais depuis, Lise l’a quitté. Le voilà seul, face à ses deux enfants à gérer, face aussi à des problèmes d’argent, des problèmes de boulot et pour finir la dégradation brutale de la santé de sa mère. Cancer. De quoi péter un câble ! Et il le pète ce câble en saccageant un chantier sur lequel il travaillait et ne parvenait à se faire payer. Qui a dit que les emmerdes, ça vole toujours en escadrille ? Et pendant ce temps-là, la campagne présidentielle se poursuit…

Superbe récit anthropomorphique au format à l’italienne, deux cases par page, un peu plus de 200 pages et au bout du compte un récit vraiment touchant sur ces Américains moyens qui se démerdent comme ils peuvent face à une vie qui n’a rien de ce qu’on peut attendre du rêve américain.

Eric Guillaud

Hors-saison, de James Sturm. Delcourt. 24,95€

© Delcourt / Sturm

04 Juin

Vélo ou voiture il faut choisir. Tronchet sort son Petit traité de vélosophie

Un traité de vélosophie. Vous y pensiez ? Tronchet l’a fait. Grand amateur depuis toujours de la petite reine, l’auteur de Raymond Calbuth, des Damnés de la Terre associés ou encore de La Bite à urbain nous explique pourquoi et comment le vélo est l’avenir de l’homme… et de la femme.

L’avenir… et le présent ! Car c’est aujourd’hui qu’il faut changer nos habitudes. La période de confinement que nous venons de traverser y aura peut-être contribué. Beaucoup d’urbains se sont mis au vélo avec le déconfinement venu au point de faire exploser les chiffres de trafic vélo dans les grandes villes. En France, son usage aurait augmenté de 87% par rapport à la période d’avant confinement. C’est énorme ! Alors, autant dire que ce petit traité de vélosophie tombe à pic !

« Le vélo, c’est dans la tête! » écrit en préface l’écrivain et journaliste Eric Fottorino. C’est aussi dans les molets, vous expliquera Tronchet. Car oui, il faut pédaler, parfois sous la pluie, parfois sous les injures des automobilistes bloqués dans les bouchons mais toujours sous les applaudissements de la nature.

En une cinquantaine de planches, autant d’histoires, souvent drôles, toujours bien vues, Tronchet nous parle de son quotidien en mode cycliste, histoire de nous inviter à réinventer la ville…

Eric Guillaud

Petit traité de vélosophie, de Tronchet. Delcourt. 12,50€

© Delcourt / Tronchet

03 Juin

Sélection officielle Angoulême 2021. Le Dernier Atlas : une saga uchronique titanesque

Titanesque. C’est précisément le mot qui vient à l’esprit au regard de ce deuxième volet du Dernier Atlas. Titanesque par le robot trônant fièrement en couverture, titanesque par un scénario exigeant, ouvert sur notre monde et son passé…

Souvenez-vous, nous les avions rencontrés à l’occasion de la sortie du premier volet en mars 2019, les quatre Nantais Gwen de Bonneval, Hervé Tanquerelle, Fabien Vehlmann et Fred Blanchard, accompagnés de leur coloriste Laurence Croix, viennent tout juste de boucler le deuxième épisode de la saga uchronique intitulée Le Dernier Atlas

Quand on dit tout juste, ce n’est pas tout à fait vrai. L’album a connu un retard à l’allumage dû au coronavirus et au confinement. Deux mois de report mais au final un atterissage en douceur sur les étagères de toutes les bonnes librairies de France et d’ailleurs.

Et vous ne pourrez pas le louper. Avec sa couverture jaune du plus bel effet et ce robot géant en premier plan, le dernier Atlas au monde avec tous ses boulons, l’album se remarque de loin. 

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15 Mai

Olive, Les Soeurs Grémillet, Walter Appleduck, Frnck, Kidz, Ratafia delirium…10 BD jeunesse pour rattraper le temps perdu

Bon allez, ce n’est pas parce que c’est l’heure du déconfinement qu’il faut oublier les gestes barrières. On se lave donc bien les mains avant de lire cette chronique, une petite séance de rattrapage pour tou(te)s les ex-jeunes-confiné(e)s de France et d’ailleurs qui auraient besoin d’un peu de lecture…

On commence avec une nouvelle série publiée aux éditions Dupuis. Olive est son nom, c’est aussi le nom de son héroïne, une jeune fille de 17 ans profondément introvertie. À longueur de journée, Olive trouve refuge dans un monde parallèle qu’elle s’est construit, un monde plein de douceurs et de couleurs, jusqu’au jour où un spationaute blessé et malade y débarque sans prévenir. Un spationaute tout ce qu’il y a de plus réel dans son monde imaginaire ? Comment est-ce possible ? D’abord sidérée, Olive va devoir sortir de sa zone de confort pour le sauver. Une graphisme plein de charme, une histoire sensible, très bel album. (Olive tome 1, de Cazot et Mazel. Dupuis. 12,50€)

Il y a du Fantômas dans l’air, mais derrière ce visage masqué se cache un as du secret, plutôt qu’un maître du crime. Oui, le baron Mystère est comme son nom l’indique un très mystérieux personnage qui aime conserver ses secrets et les secrets des autres, consignés dans des registres. Récemment entré à son service, le majordome Boule de gomme découvre l’étrangeté du bonhomme et se retrouve à ses cotés lorsqu’il s’agit de mener une enquête après le vol d’une page d’un de ces fameux registres. Un récit mystérieusement drôle ou l’inverse, dans un décor gothique à souhait, accompagné de compléments en réalité augmentée !  (Une Aventure de Mystère et Boule de Gomme, de Le Gouëfflec et Malma. Delcourt. 16,50€)

Toujours aussi girly, Les Enigmes de Léa nous offrent depuis trois tomes maintenant des histoires très colorées et très mode, avec une jeune héroïne pétillante mais surtout perspicace. Il n’y en pas deux comme elle pour résoudre des énigmes. Et ça tombe plutôt bien, cet album en est truffé, une par page. Pas de souci pour Léa. Et pour vous ? Parviendrez-vous à les résoudre ? Pour les moins doués, les solutions sont notées en bas de page. (Les énigmes de Léa Tome 3, de Peignen et Nouveau. Bamboo Editions. 10,95€)

« Un monde sans art, c’est comme un tire-bouchon sans semoule ». Ne cherchez pas, vous ne pourrez pas trouver réplique plus débile. Elle est l’oeuvre de Billy que certains présentent comme « l’archétype du type rustre, macho, grossier et alcoolique aux idées dangereusement fascisantes ». Rien de moins ! Et ce grand crétin des alpages, adjoint au shérif dans un bled paumé du coté de l’Ouest sauvage, débarque un beau jour dans la grand ville du coin, invité par Walter Appleduck pour découvrir ce qui fait un monde civilisé. Alors bien sûr, ça dérape, ça déraille, ça flingue à tout va mais c’est bigrement drôle. Normal, ce western est signé côté scénario par Fabcaro, l’auteur de Zaï Zaï Zaï Zaï, et côté dessin par Fabrice Erre. (Walter Appleduck, tome 2., de Fabcaro et Erré. Dupuis. 12,50€)

On reste dans le western parodique avec le deuxième volet de Six-coups paru chez Dupuis début mars. Avec toujours le jeune Eliot en anti-héros parfait. Souvenez-vous, dans le premier volet, son père, shérif de son état, lui avait offert un flingue pour ses dix ans, oui un fabuleux Smoothie-Wesson. Sauf que notre gamin, les flingues, ç’est pas vraiment son truc, ça le dépasse un peu, ça lui fout même la trouille… Alors, se retrouver adjoint au shérif, vous imaginez. C’est pourtant ce qui lui arrive dans ce deuxième épisode, nommé d’office par son père. La blague ! (Six-coups, tome 2, de Thibault-Jouvray et Jouvray. Dupuis. 10,95€)

Changement de style avec le deuxième volet de Kidz du tandem Ducoudrey – Joret. Pas de shérif ici mais des gamins livrés à eux-mêmes dans un monde post-apocalyptique après qu’une épidémie, oui oui, ait transformé le population en zombies, des zombies qui finissent par mourir de faim après avoir dévoré la quasi totalité de l’humanité. Mais il en reste encore quelques exemplaires ici et là comme il reste quelques humains, notamment cette bande de gossesdont on suit ici les aventures, une bande de gosses qui chassent les derniers zombies entre deux jeux vidéo. (Kidz, tome 2, de Ducoudray et Joret. Glénat. 14,95€)

Et de six ! Six albums en un peu plus de trois ans. Celui-ci est sorti en janvier dernier. On y retrouve bien évidemment notre ado de 13 ans, Frnck, Franck si vous préférez, téléporté et bloqué à des milliers d’années de chez lui, du côté de la préhistoire. Bloqué ? Peut-être plus pour longtemps car notre geek a réussi à renvoyer son smartphone avec un message, et non le contraire, dans les années 70, 1970. Un objet venu du futur et du passé en même temps. De quoi faire perdre la boule à ceux qui le découvrent au détour d’une séance de spéléologie. En attendant d’être sauvé, Frnck a tout le loisir d’apprendre les voyelles aux hommes préhistoriques et de se familiariser avec les dinosaures. Drôle ! (Frnck tome 6, de Cossu et Bocquet, Dupuis, 10,95€)

Vous avez aimé la série Ratafia ? Alors, vous aimerez Ratafia Delirium, lancée par le même tandem, Pothier au scénario et Salsedo au dessin. Le même tandem pour un humour encore plus dévastateur qui nous embarque aux confins de l’univers. Finis les océans, nos héros devienent des pirates de l’espace. Et ça va faire mal ! (Ratafia Delirium tome 1, de Pothier et Salsedo. Vents d’Ouest. 11,50€)

Le premier épisode nous a permis de faire la connaissance de Lya Berton, jeune héroïne embauchée pour un stage dans un cabinet d’avocats. On comprenait au fil des pages que Lya, handicapée à la suite d’un accident de la circulation, n’était pas une stagiaire ordinaire et n’avait pas choisi son lieu de stage par hasard. Le cabinet a en effet défendu le chauffard qui l’a écrasée. Lya n’avait alors qu’un objectif : dénicher le dossier 2015/78 DV, le sien, enfin surtout celui de l’homme qui l’a laissée pour morte au bord de la route. Ses propres parents lui ont caché son nom. Elle était bien décidée à le faire payer. On la retrouve aujourd’hui avec le fameux dossier entre les mains. Que contient-il ? Réponse dans ce deuxième volet… (Dans les yeux de Lya, tome 2, de Carbone et Cunha. Dupuis. 12,50€)

Il devait sortir le 27 mars, il sortira finalement le 12 juin, Les Soeurs Grémillet est une nouvelle série des éditions Dupuis réunissant Di Gregorio au scénario, Barbucci au dessin, deux Italiens pour un récit en tout point merveilleux, une chronique familiale autour de quatre personnages féminins, trois soeurs aux caractères très différents mais unies paru un petit même grain de folie et une mère qui cache un lourd – trop lourd – secret… (Les Soeurs Grémillet, de Di Gregorio et Barbucci. Dupuis. 13,95€)

Eric Guillaud

09 Mai

The Spider King ou quand les vikings se castagnent avec les extra-terrestres

Des vikings, des couleurs ultra-flashy, une ambiance digne d’un jeu vidéo par moments et, bien sûr, des extra-terrestres armés jusqu’aux dents qui veulent écrabouiller tout le monde. Où est le problème ?

Sorti sous l’étiquette ‘Grindhouse stories’ dont le goût pour la culture bis et les films dits ‘de genre’ est désormais bien reconnu et avec en couverture cette accroche qui résume plutôt bien ce qui nous attend (‘quand les aliens déclenchent le Ragnarök !’), The Spider King réussit plutôt bien le grand écart tout en éclaboussant les murs. Mais sans non plus jamais tomber dans le grand n’importe quoi.

Le tout débute pourtant comme une simple histoire de vengeance entre guillemets entre deux clans vikings se disputant le pouvoir et même sans soucoupe volante ni gros laser à neutrons, le style graphique très coloré s’affirme déjà. Sauf qu’à la page 21 débarque E.T. et il n’est pas content. Du tout.

La lutte fratricide se transforme alors en lutte intergalactique. Et plus on découvre la nature de ce que le roi Hroldf doit affronter et plus le récit prend de l’ampleur à tous les niveaux. Surtout lorsque le héros et sa bande tombe sur un arsenal venu de l’autre bout de la galaxie…

© Glénat / Josh Vann, Simone D’Armini et Adrian Bloch

Avec ses couleurs qui claquent, ses rondeurs de partout, ses têtes réduites en bouillie, ses bras tranchés à tout va et ses monstres démesurés, ce n’est pas par hasard que The Serpent King donne l’impression d’être l’adaptation BD ultra-speedée d’un jeu vidéo sanglant, vu que le dessinateur Simone d’Armini a fait ses armes dans ce milieu.

Tout est excessif chez lui, du nombre de trépassés à la taille des flingues atomiques avec lesquels le héros dézingue à tout va, jusqu’a la mise en page qui, parfois, permet à une seule case de s’étaler sur toute une page. D’accord, la psychologie des personnages passe un peu à la trappe mais ce n’est clairement pas le propos ici.

Non, ça pétarade, ça va vite et ça éclabousse tout en se permettant quelques traits d’humour noir. Bref, cela assume aussi bien ses références (essentiellement cinématographiques) que son genre (le pulp mâtiné de science-fiction) et surtout, cela décrasse bien la pupille en cette période de confinement !

Olivier Badin

The Spider King de Josh Vann, Simone D’Armini et Adrian Bloch. Glénat. 19,95€ (disponible en numérique)

© Glénat / Josh Vann, Simone D’Armini et Adrian Bloch

05 Mai

Huit BD qui nous parlent de demain ou d’après-demain histoire de bien préparer le déconfinement…

Jamais on a eu aussi hâte d’être à demain, voire à après-demain, de connaître des jours meilleurs, de pouvoir enfin reprendre une vie normale sans penser à cette saleté de virus. Malheureusement, le futur n’est pas toujours à la hauteur de nos espérances. En voici quelques exemples, des bandes dessinées disponibles en édition numérique ou auprès de vos libraires qui rouvrent le 11 mai…

Hôpitaux saturés, personnel soignant débordé, rassemblements interdits, transports publics suspendus, écoles et universités fermées, crise économique mondiale, mobilisation de l’armée, surmortalité… La Chute de Jared Muralt est censé se dérouler dans un avenir proche mais ça ressemble brougrement à notre quotidien. Avec un petit plus qui permet de maintenir le récit dans la catégorie science-fiction, et pour longtemps j’espère, il n’y a ici plus de continuité du service public, les magasins sont réellement vides et on tire à balles réelles dans les rues, bref, c’est le chaos total. Et dans ce chaos, une petite famille, un père et ses deux enfants, tente de survivre. Un dessin réaliste de belle facture, un scénario hyper-efficace qui met en scène un monde confronté à « un virus dont la dangerosité n’est pas comprise dès le début ». Sorti le 6 mars dernier, prévu en six tomes. Saisissant ! (La Chute tome 1, de Jared Muralt. Futuropolis. 15€)

Toujours dans un futur proche, toujours dans un contexte d’épidémie et de chaos général, Les Dominants de Martial Toledano et Sylvain Runberg chez Glénat nous entraîne dans les pas d’Andrew Kennedy, un survivant à la Grande Souche, nom donné à cette épidémie qui a ravagé l’essentiel de l’humanité – plus d’un milliard de morts – et laissé champ libre à une étrange race extraterrestre pas forcément belliqueuse mais qui provoque nausées, hystéries, migraines… Face à ces intrus, l’humanité s’est divisée en trois catégories : ceux qui ont décidé de s’adapter, ceux qui veulent résister et ceux qui leurs vouent un culte. Andrew Kennedy n’appartient à aucune de ces catégories, son choix à lui est de sauver ceux qu’il aime, notamment sa fille qui a rejoint une bande de résistants violents. La seule bonne nouvelle dans tout ça, c’est l’annulation de la 46e élection présidentielle aux USA qui donnait largement vainqueur Donald Trump. Pas le choix, tous les candidats à l’investiture étant décédés… (Les Dominants tome 1, de Runberg et Toledano. Glénat. 14,95€)

Pas de virus dans Planeta Extra, pas de virus mais une planète Terre à l’agonie. Plus d’air pur, plus d’eau potable, la Tour Eiffel rasée, l’Arc de triomphe squatté… et les ultra-riches qui s’enfuient les uns après les autres vers Luna Europa, planète de luxe située à plusieurs années-lumière de la Terre. Alors biens sûr, ça râle du côté des travailleurs. Les syndicats réclament un libre passage vers ce nouvel éden mais l’accès est verrouillé. Même Kiké, qui officie comme déménageur pour ces fameux ultra-riches, ne dépasse pas la limite du cosmoport (port pour le cosmos). Et il s’en porte plutôt pas mal, jusqu’au jour où il apprend que sa propre fille projette de s’installer sur Luna Europa… De la SF à la sauce politique signée par une tandem argentin qui n’est pas à son coup d’essai. En bonus, un graphisme qui a du caractèrere ! (Planeta Extra, de Diego Agrimbau et Gabriel Ippoliti. Sarbacane. 18€)

Un mur pour protéger les puissants de ce monde, du moins ce qu’il en reste. C’est l’idée à la base de cette histoire parue en janvier dernier chez Glénat et signée par un Français au scénario, Antoine Charreyron, et un Italien au dessin, Mario Alberti. Un Français et un Italien, et c’est intéressant de le noter car Le Mur est né en automne 2011 à l’occasion d’un accrochage politique franco-italien au sujet des migrants, Nicolas Sarkozy proposant la création d’un mur pour protéger l’Europe. Choqué, Antoine Charreyron écrira très vite la première version de cette histoire, d’abord pour le cinéma, et finalement pour la bande dessinée. L’histoire justement ? Celle d’un mur donc, censé protéger les derniers puissants d’un monde en ruine et sec comme un caillou. Même la Méditerranée est un vague souvenir. Dans ce monde-là, les survivants tentent de survivre et bien évidemment de franchir le mur par tous les moyens pour rejoindre ED3N où toutes les ressources nécessaires à la survie de l’homme seraient réunies. Parmi les survivants, Solar et sa soeur, Eva, atteinte d’une grave maladie respiratoire. Sa survie dépend des médicaments. Pour en trouver, une seule solution : franchir ce satané mur. Un road movie à la Mad Max, plein de fureur et de poussière ! (Le Mur tome 1, de Alberti et Charreyron. Glénat. 15,50€)

Colonisation nous embarque dans un futur où l’homme a dû quitter la Terre surpeuplée pour coloniser d’autres planètes. Un exode de masse à bord d’une multitude de vaisseaux spatiaux dont certains se sont perdus dans l’immensité de l’espace et sont sujets à des pillages. Retrouver ces vaisseaux, c’est précisément la mission de Milla Aygon et de son équipe, une mission dangereuse qui les entraîne dans des recoins inhospitaliers de l’univers... Un scénario toujours aussi captivant avec ce quatrième volet, une mise en images sublime, tout en finesse et dynamisme, une très bonne série ! (Colonisation tome 4, de Filippi et Cucca. Glénat.13,90€)

Changement de style avec ce one shot signé Nuno Plati et David Boriau chez Glénat. Cette fois, notre bonne vieille planète n’est pas à l’agonie, elle pourrait même intéresser des aliens venus d’on ne sait où. Tout commence dans l’observatoire de la petite ville de Grizzlown au Canada lorsque le jeune handicapé Josh et son ami scientifique Jorgen Wood captent la réponse à un signal émis depuis 20 ans en direction d’un trou noir. De quoi mettre en émoi toute la petite communauté d’autant que le signal est de plus en plus intense et donc de plus en plus proche de la Terre. Il pourrait venir d’un engin spatial qui aurait parcouru 25 0000 années-lumière en quelques heures et risque maintenant d’entrer en collision avec la Terre. Pour les plus jeunes… (Metanoïde, de Plati et Boriau. Glénat. 16,90€)

Bolchoi Arena, de Boulet et Aseyn nous embarque assez habilement dans l’univers du monde virtuel. Les premières pages du premier volet paru en septembre 2018 sont à cet égard assez bluffantes, déstabilisantes, le lecteur ne sachant plus très bien sur quel niveau d’imaginaire il se trouve. Dans un futur proche, internet n’est plus. Mais pas de panique les geeks, le réseau mondial de réalité virtuelle, le Bolchoi, l’a remplacé offrant des possibilités beaucoup plus infinies. Vous rêviez d’explorer l’espace aux commandes de votre propre vaisseau spatial ? Le Bolchoi vous le permet et sans bouger de votre canapé. Marje, jeune étudiante en astrophysique va y goûter et ne jamais s’en remettre. Une histoire bien ficelée, un trait léger, des couleurs pastel et une belle présentation avec jaquette transparente en rodoïde. Le tome 2 est sorti en janvier de cette année. (Bolchoi Arena, de Boulet et Aseyn. Delcourt. 19,99€)

C’est l’un des best-sellers de la bande dessinée de science-fiction, 20 ans d’existence, 20 albums au compteur, des centaines de milliers d’exemplaires vendus dans plusieurs langues, des séries parallèles… et un vingtième album essentiel qui dévoile enfin les origines de Nävis, l’héroïne de la série, seule humaine à bord du Sillage, un gigantesque convoi multiracial explorant l’espace à la recherche de planètes à coloniser. Un graphisme sublime, des planches d’une beauté plastique exemplaire, une narration sans faille, une héroïne toujours aussi attachante… De la très très très bonne SF made in France. (Sillage tome 20, de Buchet et Morvan. Delcourt. 14,50€

Eric Guillaud

28 Avr

le confinement déconfiné par l’auteur de BD saumurois Fortu

Peut-on rire de tout ? À cette question aussi vieille que l’humanité, Fortu apporte une réponse toute personnelle. Chaque jour, il met en ligne un dessin croquant avec un humour pinçant cette période sombre pour nous tous. À défaut de vaccin, voici déjà un bon remède à la morosité…

En France, on n’a pas de masques mais on a de l’humour! En tout cas, Fortu, auteur de bande dessinée installé du côté de Saumur, en a pour tout le monde. Et il a décidé de nous en faire profiter tous les jours de ce confinement en croquant des scènes de la vie quotidienne – confinée s’entend – qu’il partage sur les réseaux sociaux.

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