21 Avr

Le jardin de Rose : un souffle de douceur dans un monde confiné signé Hervé Duphot

C’est un jardin extraordinaire, un jardin blotti entre les tours HLM d’une banlieue parisienne, un jardin où l’on fait pousser des légumes et des fleurs sur un terreau d’amitié et de solidarité. C’est Le jardin de Rose, un lieu imaginé par Hervé Duphot pour cette chronique sociale hyper sensible…

L’aventure humaine se joue parfois au coin de la rue, dans un de ces petits jardins familiaux par exemple, autrefois appelés jardins ouvriers, coincés entre deux barres de béton et une autoroute. Un petit lopin de terre où se côtoient fleurs et légumes, chats et jardiniers, un endroit où le temps semble s’être arrêté, où le bonheur est simple comme un pied de tomates qui pousse.

Entre un mari peu investi dans la vie du foyer et un chômage qui s’éternise, Françoise, la cinquantaine passée, y a trouvé de quoi redonner des couleurs et des parfums à son quotidien. Jardiner est devenu son espace de liberté, elle qui a fui très jeune la campagne pour la ville et n’avait jusqu’alors jamais planté une graine de sa vie.

C’est un concours de circonstance qui l’a amené là, un concours de circonstance qui a pour nom Rose, une vieille dame de la cité, de sa cité, pour qui elle fait quelques courses parfois. Rose s’est vue attribuer une de ces parcelles. Des années après sa demande. Immobilisée par une mauvaise chute, elle a chargé Françoise de s’en occuper provisoirement. De quoi attraper le virus du jardinage pour cette dernière !

Mais au-delà du jardinage, Françoise découvre un monde fait d’amitié et de solidarité rompant avec son quotidien de quasi-confinée dans son appartement. Entre eux, les jardiniers parlent de leur passion bien sûr mais aussi de la vie, de leur vie, du temps qui passe, de leurs amours, de leurs emmerdes…

Le jardin de Rose est un album plein de tendresse et d’humanité aux planches d’une belle douceur graphique, avec des couleurs directes réalisées à l’aquarelle. Chaudement recommandé !

Eric Guillaud

Le jardin de Rose, d’Hervé Duphot. Delcourt. 17,50€ (disponible en édition numérique)

© Delcourt / Duphot

19 Avr

Les Mangeurs d’hommes de Zamboula, une histoire de Conan le Cimmérien signée Gess

Retour aux sources de l’héroic fantasy avec cette bande dessinée adaptée de l’oeuvre de Robert E. Howard et signée Stephane Girard, alias Gess, dessinateur notamment des huit premiers volets de Carmen Mc Callum ou de La Brigade chimérique

S’il a eu une vie pour le moins courte, 30 ans, Robert E. Howard a eu le temps de marquer la littérature mondiale en mettant en place les bases de l’heroic fantasy à travers les aventures de Kull le Conquérant puis de Conan le Cimmérien, également connu sous le nom de Conan le Barbare.

Depuis 2018, les éditions Glénat proposent l’adaptation en bande dessinée de ces dernières, vingt et une histoires au total. Les Mangeurs d’hommes de Zamboula est le neuvième titre.

Après Jean-David Morvan, Luc Brunshwig, Olivier Vatine ou encore Sylvain Runberg, c’est au tour de Gess de s’y coller. Le dessinateur des premiers récits de Carmen Mc Callum, mais aussi de La Brigade chimérique, des Contes de la Pieuvre ou de L’oeil de la nuit, amateur devant l’éternel des univers fantastiques, signe ici une magnifique adaptation de l’une des nouvelles les plus caricaturales de la série, « calibrée pour plaire à son éditeur », nous explique Patrice Louinet en  postface, après que l’auteur se soit vu refuser une nouvelle par la revue Weird Tales et qu’une précédente, Au-delà de la rivière noire, parut « sans tambour ni trompette, et surtout sans les honneurs de la couverture ».

Et tout ça pour une raison simple : ces deux récits plus expérimentaux que les autres, très sombres, ne mettaient pas en scène de jeunes femmes nues.

Avec Les Mangeurs d’hommes de Zamboula, Robert E. Howard se rattrape donc, mettant en scène sur quasiment toute la longueur du récit une jeune femmes nue que Conan sauve dès ale départ d’une fâcheuse posture. Elle le suivra dans toute cette aventure qui nous emmènera dans la mythique cité marchande de Zamboula et notamment dans la demeure d’Aram Baksh où Conan compte bien faire étape malgré les rumeurs persistantes de disparitions mystérieuses concernant tous les étrangers y séjournant.

Une belle adaptation avec la touche graphique reconnaissable entre toutes de Gess !

Eric Guillaud

Les Mangeurs d’hommes de Zamboula, Conan le Cimmérien, de Gess. Glénat. 14,95€ (disponible en édition numérique)

13 Avr

Piscine Molitor, J’irai cracher sur vos tombes, Les Morts ont tous la même peau : trois albums pour célébrer les 100 ans de la naissance de Boris Vian

Boris Vian est né le 10 mars 1920. Avec cette histoire de coronavirus, on l’aurait presque oublié. Mais c’était sans compter sur la vigilance des maisons d’édition qui ont profité de cette anniversaire pour publier juste avant le confinement général trois livres, une biographie aux éditions Dupuis et deux adaptations de romans aux éditions Glénat…

Écrivain, poète, parolier, chanteur, critique musical, musicien de jazz, directeur artistique… Boris Vian a croqué la vie par tous les bons bouts et marqué d’une empreinte indélébile la culture française avant de mourir d’un accident cardiaque pendant la projection de l’adaptation cinématographique de son livre J’irai cracher sur vos tombes dans un cinéma de Paris. Il n’avait que 39 ans.

À l’occasion du centenaire de la naissance de Boris Vian, Glénat a souhaité nous offrir l’adaptation en BD des oeuvres de Vernon Sullivan alias Boris Vian, quatre romans qui firent scandale à l’époque, à commencer justement par J’irai cracher sur vos tombes, roman noir sulfureux se déroulant dans l’Amérique ségrégationniste. Les Morts ont tous la même peau est sorti dans le même temps, suivront Elles se rendent pas compte ainsi que Et on tuera tous les affreux. Aux commandes de l’adaptation, une belle équipe de dessinateurs réunis autour du scénariste Jean-David Morvan.

Les éditions Dupuis ont de leur côté opté pour la réédition en tirage limité à 2000 exemplaires d’une biographie de Boris Vian signée Hervé Bourhis au scénario et Christian Cailleaux au dessin originellement publiée en 2009. Piscine Molitor, c’est son nom, nous plonge de très belle manière dans la vie du personnage, depuis sa plus tendre jeunesse, déjà marquée par des problèmes cardiaques, jusqu’à sa mort prématurée.

Pourquoi Piscine Molitor ? Parce que Boris Vian se rendait régulièrement dans ce lieu emblématique du Paris des années 50, pour nager en apnée et combattre ses faiblesses cardiaques, une façon pour les auteurs de mettre l’homme à nu. L’album y commence et s’y achève. Entre les deux, une succession de flash-back qui nous emmène sur les traces de l’artiste dans le monde de l’après-guerre, un monde où se côtoient Jacques Prévert, Raymond Queneau, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir ou encore Juliette Gréco, un monde où l’on tentait d’imaginer un avenir qui swingue. Un très bel album au trait anguleux, épais et élégant, au scénario subtil.

Eric Guillaud

Piscine Molitor, de Cailleaux et Bourhis. Dupuis; 19,90€ / J’irai cracher sur vos tombes, de Morvan, Macutay, Ortiz et Scietronc. Glénat. 19,50€ / Les Morts ont tous la même peau, de Morvan, Erramouspe et Vargas. Glénat. 19,50€

Tous disponibles en édition numérique

11 Avr

Le prochain Richard Corben explose déjà le compteur avant même sa sortie

Un tout nouveau Richard Corben est prévu pour l’automne prochain mais vous pouvez d’ores et déjà le précommander, soutenant au passage les éditeurs indépendants en cette période de pandémie.

© Delirium – Corben

On a déjà eu plusieurs fois l’occasion de vous dire tout le bien que l’on pense de la campagne de réhabilitation du dessinateur Richard Corben menée par la petite-mais-costaud boîte indépendante Delirium. Et ce, bien avant que ce grand artiste au style à la fois gothique et grotesque, passé maître dans l’art du macabre, ne soit récompensé par le festival de la BD d’Angoulême.

Aujourd’hui, après plusieurs rééditions savoureuses (dont Grave et Le Monde Mutant), Delirium propose pour la première fois un récit contemporain de ce grand Monsieur du neuvième art, en cours de parution aux États-Unis par épisode dans le magazine culte, Heavy Metal. Récit dont on ne sait que peu pour l’instant mais qui semble déjà porter toutes les marques de son style si particulier : un univers post-apocalyptique peuplé de sorciers et de cyclopes, une quête initiatique, des personnages (forcément) étranges et décalés…

Mis à mal comme tout le monde par la crise sanitaire actuelle (on parle là d’une petite boîte indépendante avant tout gérée par des passionnés) Delirium a décidé de passer par le financement participatif pour la première édition de Murky World. Et les premiers chiffres sont éloquents : en seulement 24h, près de 200 fans ont déjà contribué et l’objectif initial de 8,000€ a déjà largement plus que doublé !

Histoire de rester fidèle à ses idéaux, Delirium a donc d’ores et déjà prévu une meilleure rémunération des traducteurs, imprimeurs, coloristes et en premier lieu de l’artiste lui-même ainsi que des éditions finales plus luxueuses si la cagnotte continue de grimper comme ça. Et vu qu’il vous reste 49 jours…

Olivier Badin

Pour participer au financement, c’est ici

10 Avr

La petite grande histoire de la bombe H

D’après un sondage récent, une personne sur cinq croit que le Coronavirus est d’origine militaire. On vous laisse méditer là-dessus! Parc contre, si il y a une arme de destruction massive dont on connaît parfaitement l’origine, c’est bien la bombe atomique. Résultat de plusieurs années de travail sur le sujet, le roman graphique La bombe est une véritable somme sur la cascade d’événements qui a mené au tragique bombardement d’Hiroshima le 6 août 1945…

Au mois d’août prochain, cela fera donc soixante-quinze ans que la première bombe atomique, a réduit en cendres noires le centre d’Hiroshima et tué sur le coup 70 000 personnes. Un décompte macabre qui ne s‘arrête pas là vu que dans les semaines qui suivirent, autant mourront aussi, victimes des radiations. Un acte marquant l’entrée de l’humanité dans l’ère atomique.

La Bombe retrace les douze années qui ont précédées l’explosion et raconte comment un élément a priori anodin, l’uranium, utilisé jusqu’alors uniquement pour la radiographie médicale est devenu un enjeu du conflit mondial à venir.

L’originalité de ce gros pavé de près de 500 pages est de passer par le prisme de l’histoire chorale, mais avec comme personnage principal (entre guillemets) l’uranium lui-même. Soit le seul point commun entre toutes ces personnes vivant sur des continents différents à parfois des époques différentes, des plus importantes comme Robert Oppenheimer – le physicien américain qui a mené jusqu’au bout ce qui fut appelé le projet Manhattan – aux plus annexes en quelque sorte, comme ce modeste habitant d’Hiroshima littéralement soufflé par la déflagration et dont n’a subsisté que l’ombre, gravée sur le mur derrière lui par les radiations.  

© Glénat / Denis Rodier, Laurent-Frédéric Bollée et Alcante

Ce qui frappe ici, c’est le souci d’exhaustivité. Les trois auteurs (deux scénaristes et un dessinateur) ont beaucoup creusé leur sujet, histoire d’en dévoiler toutes les ramifications, aussi bien scientifiques que politiques ou militaires.

On découvre par exemple qu’au tout début de cette course contre la montre, tous les pays ou presque avaient les mêmes cartes en main. Et que tout s’est joué sur la fuite d’un scientifique d’origine juive de l’Allemagne nazie pour les Etats-Unis. Où, avant même d’en entamer l’étude et la construction, tous se sont battus pour mettre la main sur les différents éléments nécessaires à son élaboration, comme la production d’eau lourde au Nord d’une Norvège envahie par les Nazis ou les mines d’uranium de la région du Katanga, au Congo Belge. On croise aussi, bien sûr, Einstein, Staline, Truman et tous les grands et petits acteurs de la construction de la première vraie arme de destruction massive.

© Glénat / Denis Rodier, Laurent-Frédéric Bollée et Alcante

Le choix du roman graphique plutôt que la BD traditionnelle disons est assez logique, tant la documentation très dense et les très nombreux dialogues nécessitaient absolument ce médium. Ce qui ne veut pas dire que le dessinateur Québécois se retrouve corseté pour autant. Serti par un noir et blanc très clair et classieux, Denis Rodier contrebalance la densité parfois un peu excessive des textes par des pleines pages épiques, et un sens du cadre très cinématographique.

Alors oui, le ton est très professoral par moment, trop engoncé par son souci pédagogique. La Bombe n’est pas un livre que l’on peut lire d’une traite. C’est plus une sorte de saga assez fascinante car sous la somme d’informations surnage très souvent le doute de ceux qui ont donné naissance à ce monstre. Comme le rappelle d’ailleurs la fameuse citation d’Oppenheimer, suite à un premier essai réussi dans le désert du Nouveau-Mexique : « je suis devenu la mort, le destructeur de mondes ».

Olivier BADIN

La Bombe de Denis Rodier, Laurent-Frédéric Bollée et Alcante. Glénat. 39€ (disponible en édition numérique)

05 Avr

Les Oiseaux ne se retournent pas : le parcours d’une enfant sur la route de l’exil par Nadia Nakhlé

Confinés mais pas résignés, nous allons continuer à parler BD ici-même avec des bouquins d’ores et déjà disponibles au format numérique et à retrouver en format physique dès que cet épisode de coronavirus au très mauvais scénario nous aura définitivement quitté…

Si vous cherchez du léger, histoire de vous évader un peu du quotidien pesant que nous connaissons tous actuellement, ce n’est peut être pas l’album idéal, je le conçois, mais il pourrait tout de même vous permettre de relativiser un tant soit peu notre situation de confinés.

Les Oiseaux ne se retournent pas est un récit fort, poétique et poignant. Sur plus de 200 pages, l’auteure Nadia Nakhlé raconte le parcours d’une enfant sur la route de l’exil. Amel, qui signifie espoir en arabe, a 12 ans. Elle est orpheline, jusque-là élevée par ses grands parents. Mais la guerre n’en finit pas de ravager son pays. Pour la protéger, lui offrir un avenir, ses grands parents décident de la confier à la famille Hudhad qui cherche à rejoindre la France.

Avec ses souvenirs pour seul bagage, Amel entame un long et périlleux périple en suivant les conseils de sa grand-mère : avancer quoi qu’il arrive, ne pas montrer ses peurs, éviter les passeurs et les militaires, ne donner sa confiance à personne, ne pas parler de sa maison, ni de religion, ne jamais révéler son identité.

Et surtout ne jamais se retourner. Comme les oiseaux ! Dans ce périple, Amel perd de vue la famille Hudhad mais rencontre Bacem, un militaire déserteur et joueur de oud. Ensemble, ils vont partager leurs rêves d’une vie meilleure et se soutenir.

Que se passe-t-il dans la tête d’un enfant qui fuit la guerre ? Le périple est aussi intérieur. Avec un trait sombre, des planches à l’esthétisme très travaillé, Nadia Nakhlé nous glisse dans la peau de cette gamine nous rappelant au passage qu’un quart des personnes exilées en Europe sont des mineurs isolés.

« Ce projet est né d’une révolte et d’un désir, celui de porter l’espoir des enfants de l’exil, de dénoncer la situation actuelle tout en donnant son entière place à la poésie. »

Publié dans la collection Mirages des éditions Delcourt, ce bijou esthétique et poétique s’inscrit dans un projet transversal. Les Oiseaux ne se retournent pas est aussi un spectacle, entre roman graphique et concert performé, associant projections animées, musique et création sonore immersive, un spectacle créé et présenté en janvier dernier à Nantes.

Eric Guillaud

Les Oiseaux ne se retournent pas, de Nadia Nakhlé. Delcourt. 25,50€ (disponible en édition numérique)

30 Mar

Besoin d’air ? Du combat naval au combat juridique, l’histoire du Cygne noir racontée par Paco Roca et Guillermo Corral

Confinés mais pas résignés, nous allons continuer à parler BD ici-même avec des bouquins d’ores et déjà disponibles au format numérique et à retrouver en format physique dès que cet épisode de coronavirus au très mauvais scénario nous aura définitivement quitté…

Drôle d’histoire que celle-ci, Le Trésor du Cygne noir est une fiction basée sur des faits bien réels dont l’écrivain et diplomate Guillermo Corral a été le témoin. Une histoire qui commence dans les eaux du détroit de Gibraltar, par quelques centaines de mètres de profondeur.

La société de chasseurs de trésors Ithaca vient d’y retrouver l’épave du Cygne noir, un galion naufragé au début du XIXe siècle et d’exhumer 500 000 pièces d’or et d’argent de ses cales.

Ce véritable trésor, la société Ithaka s’empresse de le ramener aux États-Unis. Sauf que le galion était espagnol. S’engage alors un véritable bras de fer entre les deux pays, détaillé avec beaucoup de précision et de rebondissements dans les 200 pages de ce livre magnifiquement mis en images par l’Espagnol Paco Roca dont on a déjà pu apprécier le talent à travers les albums Rides, Le Che une icône révolutionnaire, La Nueve ou encore La Maison. Son trait doux et sobre se marie parfaitement avec cette affaire incroyable connue sous le nom du navire Nuestra Señora de las Mercedes. 

Eric Guillaud

Le Trésor du Cygne noir, de Roca et Corral. Delcourt. 25,50€ (disponible en édition numérique)

© Delcourt / Roca & Corral

29 Mar

Besoin d’air ? Le nouveau Doggybags découpe à la hache l’Amérique réac

Confinés mais pas résignés, nous allons continuer à parler BD ici-même avec des bouquins d’ores et déjà disponibles au format numérique et à retrouver en format physique dès que cet épisode de coronavirus au très mauvais scénario nous aura définitivement quitté…

La publication phare du label 619 (créateur de Mutafukaz) continue avec son quinzième tome de proposer ses collections d’histoires qui font peur, nourries au cinéma bis. Sauf que cette fois-ci, elles s’attaquent frontalement à l’American way of life.

Il y a six mois, tels les grands méchants de films d’horreur que ses auteurs admirent tant, Doggybags était revenu d’entre les morts. Modelé sur ces pulps américain d’après-guerre que les rejetons de l’Oncle Sam pouvaient alors acheter pour une bouchée de pain, chacun de leur numéro réunit plusieurs histoires autour, plus ou moins, de la même thématique, mais réalisées par différentes équipes.

Le directeur de la collection et patron historique du Label 619 RUN n’a jamais caché son amour de la culture US, éternelle source d’inspiration. Mais dans l’édito de ce quinzième numéro où il a scénarisé deux des trois histoires, il avoue aussi combien l’élection surprise de Donald Trump lui a rappelé qu’il y avait aussi une autre Amérique : raciste, pudibonde, réactionnaire, obsédée par les armes à feu, etc. Ce nouveau numéro est donc plus ‘politique’ en quelque sorte, même si au final, le décompte des cadavres et des têtes tranchées est du même niveau que d’habitude.

Peut-être que les amateurs d’horreur pure trouveront cette fois-ci l’exercice un peu trop ‘réaliste’ et pas assez divertissant. Mais avec une histoire sur les fake news visant ouvertement Fox News et sa fabrique à fantasmes plus deux autres sur ce foutu virus se transmettant de génération en génération nommé ‘racisme’, ce n’est pour rien que le programme soit titré Mad In America. Surtout qu’entre le noir et blanc très stylisé et la lycanthropie de Manhunt qui ouvre le bal, le plus cérébral et bavard Conspiracism et l’ambiance de bayou du dernier volet Heritage, à chaque fois les histoires se finissent mal. Et toutes ces fausses pubs ou ces petits articles sur, par exemple, les pires fusillades de masse de ces dernières années ou le Ku Klux Klan que l’on retrouve entre chaque histoire prennent plus que jamais tous leurs sens.

Que disait déjà la chanson star du film parodique des créateurs de South Park, Team America ? Ah oui…. « America, fuck yeah ! »

Olivier Badin

Doggybags 15, saison 2, Ankama/Label 619. 13,90

 

28 Mar

Besoin d’air ? Un Homme qui passe de Dany et Lapière aux éditions Dupuis

Confinés mais pas résignés, nous allons continuer à parler BD ici-même avec des bouquins d’ores et déjà disponibles au format numérique et à retrouver en format physique dès que cet épisode de coronavirus au très mauvais scénario nous aura définitivement quitté…

Drôle d’endroit et drôle de moment pour une rencontre. Alors q’une tempête secoue l’île de Chausey, un homme, Paul, sort de sa maison, se dirige vers le littoral, une arme à la main, bien décidé visiblement à mettre fin à ses jours. Mais une fusée de détresse vient le détourner de son intention première. Paul pose son arme et s’empresse d’aller porter secours.

Sur le bateau, une jeune femme, Kristen, qu’il sauve in extremis. Réfugiés dans sa maison, Paul et Kristen font connaissance, lui est reporter-photographe et elle travaille pour l’éditeur qui attend justement la maquette du prochain livre de Paul. Que fait-elle là exactement ? Que veut-elle ? Et pourquoi toutes ces questions sur les photos de femmes qui ornent la maison de Paul, des photos destinées au prochain livre ? En confiant des épisodes intimes de sa vie, liés à ces femmes, Paul finira par trouver les réponses…

Dans une veine réaliste et intimiste, Dany et Lapière nous offrent l’histoire d’un destin chaviré, celui d’un homme qui a bourlingué un peu partout sur la planète, connu de multiples aventures amoureuses, toujours préféré le sexe aux sentiments sans s’inquiéter des éventuels dégâts collatéraux, et qui se retrouve au crépuscule de sa vie à devoir répondre de ses actes. Alors, forcément, l’actualité récente résonne dans cette histoire même si le personnage principal n’a ici rien d’un Weinstein, tout d’un homme d’une autre époque où on se posait peut-être moins de questions. Dany, plus habitué à dessiner des femmes pour le moins sexy, freine ici son ardeur avec une héroïne plus ordinaire sur le plan physique mais avec assez de caractère pour remettre les pendules et les mecs à l’heure. Un bon bol d’air iodé !

Eric Guillaud

Un Homme qui passe, de Dany et Lapière. Dupuis. 16€ (disponible en édition numérique 5,99€)

Dupuis / Dany & Lapière

24 Mar

Albert Uderzo, le papa d’Astérix, est mort

C’était l’une des figures majeures de la bande dessinée franco-belge, Albert Uderzo est mort à l’âge de 92 ans d’une crise cardiaque à son domicile de Neuilly rapportent ses proches…

Uderzo en 2009 © MaxPPP – Daniel Fouray

Faut-il encore présenter ce géant du neuvième art, Albert Uderzo est le créateur des aventures d’Astérix et Obélix et de Oumpah Pah avec le scénariste René Goscinny, mais aussi de la série Tanguy et Laverdure, avec Jean-Michel Charlier.

Entre 1960 et 2009, il signe plus d’une soixantaine d’albums parmi lesquels 34 épisodes d’Astérix, avec Goscinny jusqu’en 1977, date du décès de ce dernier, puis seul.

Astérix en Corse, Le Devin, Les Lauriers de César, La Grande traversée, La Zizanie… autant d’albums qui ont bercé des générations de lecteurs en France et ailleurs. Les Aventures d’Astérix se sont vendues à plus de 370 millions d’exemplaires à travers le monde.

Animée aujourd’hui par Jean-Yves Ferri et Didier Conrad, la série mettant en scène nos célèbres gaulois connaît le même succès, La Fille de Vercingétorix, sorti le 24 octobre dernier, a été tiré à 5 millions d’exemplaires, 2 millions pour la France.

Après André Chéret, créateur de Rahan, mort le 5 mars, François Dermaut, auteur notamment des Chemins de Malefosse, disparu le 19 mars, la grande famille du neuvième art est une nouvelle fois endeuillée.

Eric Guillaud