04 Oct

Ces prisonniers qui ont dit non à l’Amérique raciste et qui en ont payé le prix fort

Il y a cinquante ans tout juste, lassés de leurs conditions de détention inhumaines, les prisonniers de la prison d’Attica sur la côte est américaine se sont mutinés. Une révolte réprimée dans le sang racontée ici d’une façon presque documentaire…

Il faut remettre les choses dans leur contexte. En 1971, aux États-Unis, le Summer Of Love n’est déjà plus qu’un lointain souvenir, Richard Nixon est au pouvoir, le pays est encore embourbé dans la guerre du Vietnam et le racisme au pouvoir dans de nombreux endroits, particulièrement dans le sud. C’est pour toutes ces raisons que l’histoire de la révolte de la prison d’Attica dans l’état de New York est aussi symbolique.

Sur 2300 détenus, 1600 sont noirs. Mais tous vivent dans des conditions exécrables, sous la coupe de gardiens brutaux et ouvertement racistes. Un volcan prêt à exploser, ce qui finit par arriver le 9 Septembre. Suite à des rumeurs de torture sur des prisonniers, une révolte éclate et quarante-deux gardiens et employés sont alors pris en otage. Les demandes des mutins ? Ne plus être traités comme des bêtes, avoir accès à des soins dignes (ils n’avaient droit alors qu’à une douche par semaine !) ou à l’éducation etc. Ils réussissent même à s’autogérer, sans violence. Malgré tout, le gouverneur de l’état, qui vise à se présenter à l’élection présidentielle, donne l’autorisation à l’armée de donner l’assaut au bout de quatre jours de négociation.

Le bilan est terrible : trente-neuf morts, dont vingt-neuf prisonniers. Sur le coup, la police prétend que tous ont été victimes des rebelles mais l’enquête confirmera, bien plus tard, que tous ou presque sont en fait morts sous les balles des militaires. Le scandale est énorme, mettant la prison au cœur du débat publique, suscitant des manifestations à travers le pays et inspirant de nombreux artistes, du saxophoniste Archie Shepp (l’album Attica Blues) à John Lennon (‘Attica State’) tout en devenant un symbole pour les militants pour les droits civiques.

© Panini Comics / Reinmuth & Améziane

C’est cette histoire, sous la forme d’un roman graphique très documenté et centré sur le personnage de Frank ‘Big Black’ Smith qui est racontée ici. Sans fioriture, à la limite de l’austérité car centré sur de longs dialogues en gros plans mais d’une dureté assez étonnante car terriblement réelle.

Le récit est essentiellement raconté du point de vue de Smith, prisonnier à Attica en charge de la sécurité au sein des mutins et dont le calme impérial est à l’exact opposé de son physique de colosse dont il a tiré son pseudonyme. Le tout commence par la fin en quelque sorte avant de remonter le temps d’une façon quasi-documentaire, crue et franchement violente. Les mauvais traitements, les insultes ou encore le cynisme absolu des autorités… Rien n’est épargné au lecteur.

Même les choix de couleurs – une sorte de noir et blanc jauni où surgit parfois le rouge lorsque la violence explose – semblent souligner à leur façon le côté oppressant et désespéré de la situation. Difficile d’ailleurs de ne pas faire un parallèle entre ce qui s’est passé sous Nixon et, quasiment cinq décennies plus tard, la résurgence de la haine raciale sous l’administration Trump. Avant tout une leçon d’histoire qu’une bande dessinée mais une leçon coup de poing, pas si lointaine de nous que ça.    

Olivier Badin

Big Black – Stand At Attica de Jared Reinmuth & Améziane, Archaia/Boom Studios/ Panini Comics. 19,95 euros.

02 Oct

Kill Annie Wong, La Falaise, Debout les morts, Bangalore, René.e : la belle rentrée des éditions Sarbacane en cinq albums

Chez Sarbacane, on prend le temps de faire des livres, on prend le temps de les penser, de les fabriquer, de les peaufiner. On aime les histoires, on aime aussi l’objet. La rentrée 2021 ? Plus d’une vingtaine de livres entre août et septembre, parmi lesquels sept bandes dessinées. En voici cinq qui ont attiré notre regard et titillé notre imaginaire…

On commence avec René.e aux bois dormants, un magnifique album de 272 pages signé Elene Usdin, artiste française qui a débuté comme peintre pour le cinéma et illustratrice de presse et de livres jeunesse. René.e est son premier roman graphique. Il s’en dégage une atmosphère très particulière, un univers très coloré, très créatif où le quotidien le plus sombre côtoie le surnaturel le plus débridé. Aux origines du récit, ce qu’on appelle au Canada la rafle des années 60 : l’enlèvement de milliers d’enfants autochtones à leur communauté d’origine pour les faire adopter par des familles des classes moyennes blanches. 

René est l’un d’eux. Il a dix ans, a été adopté, habite au dixième étage d’un immeuble dans une grande ville. Il ne ressemble pas à sa mère, les enfants de son âge le rejettent. Ils disent qu’il a été acheté. Alors, René se laisse happé par les rêves. En pyjama, il part à la recherche de sa peluche Sucre Doux qui s’est enfui. Les rêves l’entraînent dans un univers peuplé d’étranges créatures au contact de qui il se métamorphose lui-même, devenant tour à tour fille, chatte ou arbre. Et peu à peu, page après page, rencontre après rencontre, la déambulation de René révèle le drame qu’il a vécu. Un voyage entre mythe et réalité. (René.e aux bois dormants, d’elene Usdin. 29,50€)

Il s’appelle Enzo, comme le héros du Grand bleu, sauf que lui ne fait pas dans la plongée en apnée. Non, son truc, c’est plutôt le dézingage. Enzo est tueur à gages, il fait son boulot avec sang-froid, efficacité et en musique s’il vous plait. Toujours le même morceau, toujours la même voix d’une mystérieuse chanteuse. Et il est connu pour ça dans toute la mégalopole coréenne de Chogsu Siti. Mais son dernier contrat ne va pas se passer comme prévu.

Contacté par le chef de la police locale, Enzo est chargé de déstabiliser Mon-Sik, une espèce de mafieux qui souhaite se présenter à la mairie. Et pour le déstabiliser, rien de mieux que de s’en prendre à sa petite amie, une cantatrice célèbre du nom d’Annie Wong. Rien de bien sorcier pour Enzo sauf qu’au moment de passer à l’acte, il comprend que la voix qui passe en boucle dans sa tête, c’est celle de cette femme… Un thriller brillant et original, emmené par le superbe trait de Gaël Henry, auteur par ailleurs de Jacques Damour ou Tropique de la violence également aux éditions Sarbacane (Kill Annie Wong, de Meralli, Henry et Bona. 24€)

Vous avez aimé Bangalore en noir et blanc ? Alors vous adorerez Bangalore en couleurs. Et si vous ne connaissiez pas Bangalore, alors c’est le moment de le découvrir. L’album de Simon Lamouret sorti en 2017 chez Warum rejoint les éditions Sarbacane avec une splendide réédition en couleurs. Tout y est, le trait précis de l’auteur, les planches aux mille détails, l’humour dans toutes le cases ou presque et l’âme de cette mégalopole de près de 9 millions d’habitants, oui tout y est, la couleur en plus.

Mais que raconte Bangalore ? L’album ne raconte pas un voyage mais une suite d’anecdotes de la vie quotidienne. Des saynètes en une ou deux pages décrivent la ville et les gens qui la font, la circulation de folie, les chargements improbables qui font vaciller motos et vélos, l‘urbanisation anarchique, les multiples petits métiers de la rue, la vie nocturne, les mariages arrangés ou encore la misère des ouvriers de chantiers. Et Simon Lamouret connaît bine tout ça puisqu’il y a habité pendant trois ans.

« J’ai arpenté cette ville et ai posé mon regard sur les interactions qui se déroulent dans la rue. Devant le spectacle des passants anonymes, de ces acteurs des trottoirs, j’ai tenté de décoder une part de l’âme indienne, sans chercher à démontrer, en regardant et en écoutant, pour retranscrire, de la façon la plus juste, ce que j’ai cru percevoir de ce peuple ».

Un somptueux album grand format avec un dos toilé rose du plus bel effet. (Bangalore, de Simon Lamouret, couleurs de Meriem Wakrim. 28€)

Attention, petit chef d’oeuvre ! Pourquoi petit me direz-vous ? Tout simplement parce qu’il s’agit ici du premier roman graphique de l’autrice et qu’on n’aurait plus suffisamment de qualificatifs pour les suivants. Laissons donc « grand chef d’oeuvre » disponible pour le prochain. La Falaise, c’est son nom, nous embarque dans le monde de l’enfance, un monde pas toujours synonyme d’innocence. D’ailleurs, Astrid et Charlotte, Charlie pour la façade, se sont jurées de quitter ce monde avant leurs 13 ans. Comment ? En sautant du haut d’une falaise. Elles n’ont pourtant pas grand-chose en commun, pas grand-chose à partager, même à l’école elles ne s’approchent pas l’une de l’autre, mais elles se retrouvent sur ce point-là : envie d’en finir, envie de sauter le pas… et « après moi le déluge ».

Manon Debaye aborde la question de l’adolescence, de l’amitié, du harcèlement et du suicide avec beaucoup de finesse dans le trait et dans le propos. Page après page, le scénario d’une limpidité exemplaire nous absorbe littéralement pour nous emmener vers la fin et nous ramener à notre propre adolescence. Un album à la fois très beau dans la forme et très cruel dans le fond, à l’image de la vie parfois. (La Falaise, de Manon Debaye. 25€)

Il nous avait ébloui avec Le Rêve de Météor Slim paru aux éditions Sarbacane en 2017 et plus récemment avec Le Peintre hors-la-loi chez Casterman, Frantz Duchazeau revient nous titiller l’imaginaire avec Debout les morts, une fantaisie purement macabre qui nous embarque pour le Mexique en compagnie d’Emiliano Zapata, non pas le fameux révolutionnaire mais son fils, qui lui aussi rêve de son heure de gloire. Jusqu’au jour où les morts de la Révolution se lèvent et marchent, prêts à en découdre avec ceux qui les ont mis dans le trou. C’est la fête des morts, la fête de Los Muertos, et ça va saigner. Fuego ! (Debout les morts, de Frantz Duchazeau. 24€)

Eric Guillaud

Wolverine en rouge et noir (avec un peu de blanc aussi)

Pur exercice chromatique, cette anthologie en grand format est l’occasion pour le héros le plus sauvage de l’univers Marvel de s’adonner à ses plus bas instincts…

Certains pourraient dire que pour le meilleur et pour le pire, tout est ici contenu dans le titre du livre : Wolverine, en noir, blanc et sang (rouge). Et c’est plutôt bien vu, même si on y a ajouterait le format A3, imposant et qui met encore plus en valeur cet espèce d’exercice de style décliné donc sur douze courtes histoires par douze équipes artistiques différentes. Les vieux fans seront contents de retrouver dans le lot le vétéran Chris Claremont, scénariste historique de la saga X-men entre 1975 et 1991.

Le personnage Wolverine, ou Serval tel qu’il était appelé en VF lorsqu’il a débarqué en France dans les pages de Strange, a toujours été l’un des plus populaires de la série X-Men. Notamment grâce à sa virilité assumée mais aussi à cause du caractère torturé de ce mutant aux capacités de régénération quasi-infinies et armé d’un squelette en adamantium, la même matière quasi-invincible avec laquelle le bouclier de Captain America a été fabriqué. Mais surtout, Wolverine a amené avec lui un élément de sauvagerie et de violence incontrôlée jusqu’à plutôt absent chez les élèves du professeur X.

© Panini Comics/Marvel. Collectif

Et c’est justement sur ce dernier élément que l’accent est mis ici, histoire de miser à fonds sur le concept du jour, avec une surabondance d’hémoglobine. Après, comme souvent dans ces œuvres collectives, il y a à boire et à manger. Mais c’est (forcément) lorsque les auteurs ont joué le jeu à fonds que cela marche mieux. Le meilleur exemple ici reste le très figuratif 32 Guerriers Et Un Cœur Brisé, scénarisé et dessiné par Jorge Fornés mais dénué de tout dialogue, comme pour mieux laisser parler les images. Ou encore Vacances Sauvages où Paulo Siquiera (Spider-Woman) profite du pitch un peu improbable (Wolverine face à un T-Rex !) pour se lâcher sur des dessins pleine page.

© Panini Comics/Marvel. Collectif

Pour le reste, même si elles s’enchaînent sans vraie distinction marquée, chaque histoire est indépendante, a sa propre patte et utilise à sa façon des personnages de la ‘mythologie’ Wolverine. Une façon ludique mais aussi très graphique d’explorer ce personnage culte.

Olivier Badin

Wolverine : Black, White & Blood, collectif. Panini Comics/Marvel. 26 euros.

25 Sep

Brève de bulles. En attendant Théodore Poussin…

Il est des bandes dessinées qui nous transportent en voyage avant même qu’on les ait ouvertes et lues, à leur seule évocation. C’est le cas de Théodore Poussin, série quasi-mythique du génial Frank le Gall initiée en 1987, laissée en suspens pendant plus d’une décennie et revenue à nous en 2018 avec Le Dernier voyage de l’Amok. Le prochain album prévu pour 2022 s’appelle Aro Satoe. Histoire de patienter intelligemment, les éditions Dupuis nous invitent dans les coulisses de sa création avec les Cahiers Théodore Poussin dont le deuxième volet sort début octobre. L’occasion unique de se (re)plonger dans l’univers de Théodore et d’apprécier au plus près le travail de l’auteur et son trait divin. Attention collector, présentation sous jaquette, tirage limité à 2500 exemplaires, accompagné d’illustrations inédites et de reproductions de tableaux signés Frank Le Gall. E.G. (Cahiers Théodore Poussin volume 2/3, de Frank Le Gall. Dupuis. 13€. En librairie le 1er octobre)

Métal hurlant : retour vers le futur !

Il est de retour dans tous les kiosques et dans toutes les librairies dignes de ce nom, Métal Hurlant redessine le futur de l’humanité à grand renfort d’interviews et d’histoires courtes signées par les plus grands auteurs du genre…

Il est gros, il est beau et il sent bon la science-fiction, Métal Hurlant renait de ses cendres pour nous apporter la bonne parole, celle d’un futur rêvé ou redouté, celle en tout cas d’un imaginaire débridé.

Souvenez-vous, il y a quarante-six ans, sous l’impulsion de Jean-Pierre Dionnet naissait Métal Hurlant première génération dans les pages duquel se sont relayés les plus grands noms du neuvième art, de Druillet à Moebius, en passant par Schuiten, Jodorowsky, Arno, Bilal, Tardi, Gotlib, Burns, Chaland ou encore Pratt. Le mythe était né mais le magazine ne vécut qu’une douzaine d’années. Il disparaît une première fois en juillet 1987, réapparait de juillet 2002 à octobre 2004, avant de revenir pour un ultime numéro en 2006.

Au menu de ce (re)nouveau magazine : 288 pages dont 225 d’histoire courtes en BD signées Ugo Bienvenu, Fabien Vehlmann, Jeremy Perrodeau, Sylvain Runberg, Brian Michael Bendis… et 60 d’articles et interviews, avec pour invités les incontournables Bilal et Demasio qui s’interrogent sur le futur et surtout sur la vision et son évolution que nous en avons, que les artistes ont. Le futur, c’est maintenant. Parution en librairie le 29 septembre, en kiosque le 30 septembre. 

Eric Guillaud

24 Sep

Mademoiselle Louise : intégralement tendre et intelligent

Dix ans après avoir lancé les aventures de Jojo dans le journal de Spirou, André Geerts s’associait au scénariste Sergio Salma pour créer une nouvelle série et un nouveau personnage à la bouille tout aussi ronde : Mademoiselle Louise

Vingt-sept ans d’existence, dix-huit albums, les aventures de Jojo dessinées et scénarisées par Geerts ont irréfutablement marqué les lecteurs du journal de Spirou. Avec sa petite frimousse toute ronde, sa casquette verte, ses petites histoires du quotidien, sa grand-mère, sa bande de copains, son papa, Jojo nous parle de l’enfance, de l’amour, de l’amitié mais aussi de l’absence, en l’occurrence, de l’absence de sa mère, le tout avec beaucoup de douceur jusque dans le trait et une belle touche de poésie.

Même frimousse, même douceur et même touche de poésie dans la série Mademoiselle Louise qui fait son apparition sur les étagères de nos amis libraires en 1993. Une belle couverture rouge, une ambiance de Noël, et une gamine pleine d’énergie devant une nounou bienveillante. La différence entre les deux univers ? Le sexe du personnage principal et le milieu social. Autant celui de Jojo était plutôt modeste, autant celui de Mademoiselle Louise est aisé. Louise est « une pauvre petite fille riche », avec un père trop souvent en voyage d’affaires qui la laisse seule dans la grande maison familiale, seule avec Millie, sa nounou. Une nouvelle occasion pour Geerts de parler de la solitude mais aussi des inégalités sociales.

Ce recueil réunit l’intégralité des albums de la série, soit quatre volumes, accompagnés d’un épais dossier d’une quarantaine de pages avec illustrations, photographies et extraits d’interviews des auteurs. Toujours aussi divin !

Eric Guillaud

Mademoiselle Louise, Intégrale, de Geerts et Salma. Dupuis. 35€

20 Sep

La BD fait sa rentrée. Le Jour où j’ai rencontré Ben Laden ou le périple afghan de deux jeunes français raconté par Jérémie Dres

Comment peut-on partir pour l’Afghanistan, se retrouver dans un camp d’entrainement et rencontrer Ben Laden en 2001, année des attentats sur le sol américain ? Réponse ici avec ce livre de Jérémie Dres réalisé d’après les souvenirs de deux Français, Mourad Benchellali et Nizar Sassi…

Comment peut-on se laisser embarquer dans une telle histoire, se retrouver dans un pays en guerre comme l’Afghanistan, dans un camp d’entrainement où on ne ménage pas les hommes, avec pour horizon de se battre et pourquoi pas de se porter candidat à un attentat suicide ?

Faut-il avoir des prédispositions ? Faut-il être en guerre contre soi-même ou contre le monde entier ? Non, et c’est le premier enseignement de ce livre paru chez Delcourt et signé Jérémie Dres. Mourad Benchellali et Nizar Sassi sont deux jeunes garçons ordinaires, non radicalisés.

Le père de Mourad était agent d’entretien à Renault avant de devenir imam prêchant au départ un islam traditionnel avant de basculer dans un islam plus conservateur. Mais pour autant, Mourad n’était pas très religieux dans l’âme. Nizar, lui, a été nourri aux séries américaines, Starsky et Hutch, Deux Flics à Miami... Il en a gardé une passion pour les armes à feu et pour le métier de policier qu’il n’exercera finalement pas. Le seul point commun entre les deux : le quartier des Minguettes.

« Il fallait grandir au milieu de tout ça, se construire une carapace » (Nizar)

© Delcourt / Jérémie Dres

Alors oui, le père du premier s’est peut-être radicalisé, jusqu’à se retrouver à secourir les musulmans bosniaques en pleine guerre de Bosnie. Oui, le second a travaillé dans la sécurité à défaut de devenir policier. Mais l’Afghanistan pour eux, ce n’était qu’une occasion de voyager, de jouer aux aventuriers.

« Je voulais faire quelque chose de grand, devenir un bonhomme, avoir mon moment de gloire » (Nizar)

© Delcourt / Jérémie Dres

Et les voilà partis tous les deux, sans conviction religieuse – ils n’y allaient pas pour le djihad – mais avec beaucoup de naïveté et d’ignorance. Direction l’Angleterre, Finsbury Park, « la capitale de l’islam radical », précise Nizar. Et puis c’est le grand départ, une première étape à Islamabad au Pakistan, avant de rejoindre Peshawar à la frontière, puis enfin l’Afghanistan, Jalalabad, Kandahar et pour finir le camp militaire Al Farouq où ils découvrent vraiment ce pour quoi ils sont là.

« On m’avait vendu un stand de tir où tu défourailles tranquille. Je me retrouve dans un camp militaire qui forme des tueurs » (Nizar)

Un embrigadement de première pour faire d’eux de parfaits petits soldats ! Ils y apprennent le maniement des armes sur fond de lecture du coran et y rencontrent effectivement Ben Laden lors d’une visite en juillet 2001. On est alors à quelques semaines des attentats sur le sol américain. Au moment de repartir pour la France, c’est le 11 septembre, les frontières se ferment, les Américains interviennent, Mourad et Nizar se retrouvent bloqués. Plusieurs semaines de planque et de marche dans les montagnes leur seront nécessaires pour quitter le pays. Mais ce n’est pas la fin de leurs ennuis…

Alternant flash-backs et rencontres avec Mourad et Nizar où il se met lui-même en scène, Jérémie Dres raconte le parcours incroyable des des deux hommes, un parcours qui passe par l’Afghanistan, c’est la destination de ce premier volet, mais aussi par les geôles de Guantanamo, comme nous le verrons dans la suite et fin de ce témoigage en tome 2. une bande dessinée à faire circuler le plus largement possible !

Eric Guillaud

Le jour où j’ai rencontré Ben Laden, de Jérémie Dres. Delcourt. 23,95€

17 Sep

Le magazine Spirou rend hommage au scénariste Raoul Cauvin

Le prochain numéro du magazine Spirou, en kiosque mercredi 22 septembre, rend hommage à l’une de ses grandes figures, le scénariste Raoul Cauvin, scénariste des Tuniques Bleues décédé le 19 août 2021…

Blutch et Chersterfield la larme à l’oeil jurant qu’ils ne quitteront jamais leur Raoul. C’est sur ce dessin du compère de toujours Willy Lambil que s’ouvre l’hommage au scénariste dans le magazine Spirou numéro 4354 du 22 septembre 2021. Une bonne vingtaine de pages dans lesquelles se relaient pour un dessin, une planche ou une petit mot Fabcaro, Fabrice Erre, Saive, Jorge Bernstein, Terreur graphique, Clarke, Zidrou, Achdé et tant d’autres, des amis, des collègues, des fans de la première heure.

Et il le mérite bien notre Raoul. Depuis la fin des années 60, lui et Salvérius dans un premier temps, lui et Lambil très rapidement, vont donner au journal Spirou quelques-unes de ses plus belles pages à travers les aventures du sergent Chesterfield et du caporal Blutch, deux nordistes plongés dans la guerre de Sécession. Quelques-unes de ses plus belles pages et une petite touche antimilitariste bienvenue. N’oublions pas que nous sommes en 1968 et que l’esprit contestataire gagne du terrain un peu partout, y compris dans ce journal destiné à la jeunesse.

Les Tuniques Bleues à la Cauvin, c’est 64 albums, des milliers de pages d’aventure, des millions d’albums vendus… et aujourd’hui une série mythique, une référence dans le monde du neuvième art.

Merci Spirou, merci Raoul.

Eric Guillaud