04 Déc

Chroniques de Noël. Un Monde flottant : Nicolas de Crécy nous fait vire sa passion pour la culture japonaise et son imaginaire débridé

capture-decran-2016-11-07-a-15.09.56Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.

Dire que l’oeuvre de Nicolas de Crécy est singulière et incomparable est un doux euphémisme. Son trait, son univers, son approche de la bande dessinée ne ressemble à rien d’autre de connu sur la planète BD. Foligatto, Léon la Came, Monsieur Fruit, Le Bibendum céleste, Prosopopus, Salvatore, Journal d’un fantôme… cela fait plus de 25 ans que cet ancien des studios Disney, où il officia sur les décors, nous émerveille de ses productions propres.

Avec La République du catch, son album précédent, Nicolas de Crécy nous embarquait au Japon pour un polar affreusement déjanté inspiré à la fois par la mythologie yôkai et par notre culture occidentale.

On reste au pays du Soleil-Levant pour quelque chose de très différent, imprégné complètement cette fois de la culture japonaise, entre yôkai et haïkus, esprits, fantômes, créatures surnaturelles d’un côté, poésies brèves de l’autre. Un Monde flottant réunit les deux dans un format singulier, un leporello, un livre accordéon, d’une très belle facture.

« Cet ouvrage, dans sa forme proche de l’emaki (rouleau peint)… », explique l’auteur, « est un hommage à la passion commune des peintres et des poètes : le voyage. En l’occurence, un voyage de l’Est vers l’Ouest, comme un pont entre elle concept japonais du yûgen – Le Mystère ineffable – et le concept, plus familier en occident, de L’Inquiétude étrangeté ».

Sur une petite trentaine d’illustrations en double page, Nicolas de Crécy plonge ces fameuses créatures de la mythologie nippone dans l’univers familier de la ville, en l’occurrence Kyoto et Tokyo dont il a pu découvrir par lui-même les architectures si particulières. Résultat, Un Monde flottant est un album aussi fantastique que poétique, on y trouve bien évidemment la griffe de Crécy mais aussi une initiation à la culture japonaise. Un cadeau à offrir sans retenue pour Noël !

Eric Guillaud

Un Monde flottant, de Nicolas de Crécy. Editions Soleil. 18,95€

© Soleil / De Crécy

© Soleil / De Crécy

Gotlib : mort d’un géant de la BD!

© MaxPPP / Gotlib en 2006

© MaxPPP / Gotlib en 2006

Les éditions Dargaud viennent d’annoncer sur leurs réseaux sociaux le décès à l’âge de 82 ans de l’un des géants de la bande dessinée francophone, Marcel Gottlieb, alias Gotlib, et font part de leur « immense tristesse ».

« Les millions de lecteurs ayant appris à rire dans les pages de la Rubrique à brac, des Dingodossiers, ou de Gai Luron perdent un humoriste fascinant, un dessinateur virtuose, un touche à tout iconoclaste et un ami cher qui parvenait à provoquer le rire à la moindre de ses pages. Quiconque aura eu un jour la chance de croiser le « brave et généreux Gotlib », comme l‘appelait René Goscinny, se souviendra avec tendresse d’un homme d’une gentillesse inouïe, au sourire contagieux et à l’humanité parfaite, qui ne se rendit jamais totalement compte de l’admiration sans borne qu’il suscitait. »

Gotlib a commencé la BD dans les pages du journal Vaillant en 1962 où apparaît pour la première fois le personnage Gai-Luron. Il rejoint Pilote en 1965, lance les Dingodossiers puis Rubrique-à-brac. En 1972, il créé avec Bretécher et Mandryka le magazine L’Echo des Savanes puis en 1975 le fameux mensuel Fluide Glacial qui réagit aujourd’hui – à sa façon – à cette triste nouvelle.

Gotlib, c’est aussi les aventures de Pervers Pépère, sa dernière création qui date de 1981, et du super-héros à la française, Superdupont, dans lesquelles l’auteur se moque du patriotisme, de la xénophobie, du racisme de certains Français.

Né en 1934, Gotlib a non seulement révolutionné la bande dessinée humoristique en la faisant entrer dans le monde adulte mais il a aussi inventé une nouvelle forme de presse BD et influencé plusieurs générations d’auteurs en France et ailleurs. Même s’il ne dessinait plus ou presque plus depuis des lustres, ses albums, ses personnages, son style ont survécu et survivront encore longtemps aux années. Ce soir, les hommages se bousculent sur les réseaux sociaux…

Eric Guillaud

03 Déc

Chroniques de Noël : le Bouboule-book collector de Nathalie Jomard pour tous ceux qui aiment Chat-Bouboule

album-cover-large-31415Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.

Fais pas chi, fais pas chat. Elles sont partout ces fameuses bouboules de poils, sur les réseaux sociaux, dans le Neuvième art et sur nos canapés. Tout ça pour quoi ? Dormir. Car oui, la majeure partie de la vie d’un chat consiste à dormir quand nous les humains, nous devons trimer des heures et des heures pour ramener des croquettes à la maison. Quelle misère!

Bon, je vous l’avoue, les chats, ce n’est pas ma tasse de thé, même pas de lait, non, je serais plutôt poisson rouge. Pas de bruit, pas de poils, pas de crottes, pas de vomis, pas de griffures sur le montant du meuble Louis XVI, juste des bulles. Et je sais de quoi je cause, j’ai deux spécimens de poilus à la maison.

Une fois tout ça avoué, je reconnais que le chat de Nathalie Jomard me fait bien marrer. D’abord parce qu’il est vraiment bouboule, ensuite parce qu’il est loin d’être parfait moralement. Rien à voir avec le Chi de Konagi Kanata. Lui ferait plutôt dans le rock’n’roll tendance punk. Sa mission si vous l’acceptez : pourrir la vie de ses colocataires et accessoirement de ses maîtres.

Mais pas d’inquiétude, Nathalie Jomard délivre dans un élan de solidarité mal contrôlé les dix commandements pour survivre à un chat, le premier étant la fuite. À bon entendeur, chalut…

Eric Guillaud

Le Bouboule-Book collector, Chat-Bouboule, de Nathalie Jomard. Editions Jungle! 19,90€

L’info en + : cet album collector contient les tomes 1 et 2 des aventures de Bouboule. Une double ration de pâtée en somme…

Vraoum vraoum : quand la BD fait rugir les moteurs…

Capture d’écran 2016-12-02 à 21.46.20De mémoire de passionnés, cette édition des 24 Heures du Mans fût l’une des plus incroyables, des plus captivantes de la fin du XXe siècle. 1999, tous les grands constructeurs sont sur la grille de départ, Toyota, Audi… et Mercedes. Mercedes qui n’ira pas jusqu’au bout.

Cinq heures après le début de la course, la Mercedes CLR n°5 lancée à plus de 300 km/h décolle de la piste, tourne trois fois en l’air et finit sa course dans les arbres en bord de piste. Tout le monde craint pour le pilote Peter Dumbreck mais celui-ci en sort indemne. Un miracle. Mais pour Mercedes, les 24 Heures sont terminées. Une mauvaise conception aérodynamique est à l’origine de l’accident. La dernière voiture de l’écurie encore en course rejoint les stands, les rideaux de fer sont baissés.

C’est cette édition 1999 et notamment cet accident spectaculaire que nous racontent ici les dessinateurs Robert Paquet et Bad, ainsi que le scénariste et journaliste Laurent-Frédéric Bollée qui avait couvert la course en tant que journaliste sportif.

On reste dans le domaine de la course et notamment dans celui des 9782344011812_cg24 Heures avec ce diptyque – 100% belge nous prévient le communiqué de presse – sur l’une des plus grandes stars du sport automobile, Jacky Ickx, aka Monsieur Le Mans en raison de ses six victoires remportées sur la mythique course mancelle. Un homme reconnu et apprécié pour son palmarès mais aussi pour son comportement. En 1969, alors que tous les pilotes se ruent vers leur voiture pour un départ en courant, Jacky Ickx marche, prend le temps de boucler son harnais et gagne la course. L’année suivante, le départ en courant est supprimé !

Champion de Belgique de Course de côte, champion de Belgique des conducteurs, champion du monde des pilotes d’endurance… quelque soit le terrain, l’homme s’impose et collectionne les titres les plus prestigieux.

Dans cet album, Jean-Marc Krings et Dugomier racontent la vie de cette légende vivante du sport automobile en commençant par le début, sa première voiture de course… une voiture à pédales. Direction la petite ville de Braine-L’Alleud dans le Brabant en 1950, Jacky Ickx a alors 5 ans…

Une course mythique, un pilote de légende, deux albums pied au plancher pour ceux qui aiment les chevaux mécaniques…

Eric Guillaud

1999 : Le choc des titans, 24 Heures du Mans, de Robert Paquet, Bad et Bollée. Éditions Glénat. 13,90€

Rainmaster, Jacky Ickx (tome 1), de Dugomier et Krings. Éditions Glénat. 13,90€

01 Déc

Mémoires d’un ouvrier : Bruno Loth raconte l’histoire de son père dans la France d’avant guerre et sous l’occupation

9782849532690_cgC’est un livre qui en impose. Par son poids, 1 kg et demi, son nombre de pages, plus de 300, et par son sujet : les mémoires d’un ouvrier. Il faut dire que le contexte donne à raconter. L’ouvrier en question s’appelle Jacques, c’est le père de l’auteur Bruno Loth, il découvre le monde du travail à la veille de la seconde guerre mondiale…

Bordeaux, mars 1935, Jacques aurait pu suivre des études et devenir instituteur. Depuis deux ans, il use ses fonds de pantalon sur les bancs de l’école supérieure. Mais il décide un beau jour de tout envoyer valdinguer et de s’engager comme apprenti. Direction l’usine où il découvre le monde du travail, un monde masculin, dur mais aussi très soudé dans la difficulté.

Mai 1936, le Front Populaire remporte une nette victoire aux élections législatives. Des manifestations monstres secouent le pays, des grèves paralysent les entreprises, les laborieux bombent le torse, Blum arrive au pouvoir et commence à appliquer le programme du Front populaire. Congés payés, semaine de quarante heures, conventions collectives… pour tout le monde.

Jacques en profite, s’offre quelques jours de vacances avec des amis avant de retourner à l’usine. Jacques monte en grade, il devient ouvrier à part entière mais la guerre éclate le 1er septembre 1939. Défaite éclaire, débâcle, exode, occupation… la vie douce et insouciante dont il rêvait s’évanouit pour longtemps.

Bruno Loth aime nous embarquer dans la grande histoire, la guerre d’Espagne avec Ermo et Dolorès, le Front Populaire et la seconde guerre mondiale avec Mémoires d’un ouvrier, un récit initialement publié en trois volumes entre 2010 et 2014, aujourd’hui réunis dans cette très belle intégrale augmenté d’un carnet d’histoires. Avec quantité de photographies et de documents, l’auteur y évoque la genèse de cet album, la vie de son père, la guerre à Bordeaux…

On retrouve bien évidemment la griffe de Bruno Loth, un mélange de témoignage historique et de récit intime appuyé par un graphisme et une mise en couleurs très sobres. Au delà du contexte historique et de la vie de son père, l’auteur nous offre un regard plein d’humanité sur le monde ouvrier. Un beau cadeau pour les fêtes de fin d’année.

Eric Guillaud

Mémoires d’un ouvrier (avant guerre et sous l’occupation), de Bruno Loth. Éditions La Boîte à bulles. 39€

© La Boîte à bulles / Loth

© La Boîte à bulles / Loth

17 Nov

Le Petit livre Black Music : cinq questions à Brüno

capturebruno

Certains mettent des images en musique, eux font le contraire. Le Nantais Brüno et son complice Hervé Bourhis viennent d’illustrer leur passion pour les musiques noires américaines. Un album complètement funk à nous faire ressortir la platine et les microsillons du placard. 

D’où te vient cette passion pour la musique noire américaine ?

Brüno. C’est venu petit à petit, au fil de rencontres, d’échanges de disques avec des copains, de temps passé dans les médiathèques… je suis passé par la new wave, l’indus, le rock psyché, le prog… je suis arrivé au jazz par le free, puis sont venus la soul et le funk. Et depuis je n’écoute quasiment plus que du jazz et de la soul.

Est-ce qu’elle a eu une influence sur ton dessin ?

Brüno. Je ne pense pas, mais elle m’accompagne lorsque je travaille, est c’est déjà un luxe fantastique que de pouvoir écouter de la musique en bossant.

________________________________________________

La chronique de l’album ici

________________________________________________

Comment vous êtes-vous connectés toi et Hervé autour de cet album?

Brüno. Nous nous connaissons depuis un certain temps, et lors de nos échanges sur la musique, partageant la meme passion pour la pop noire US, on s’est dit que ce serait chouette de faire un livre sur le sujet. Avec le « Petit Livre Rock » (suivi par le Petit Livre Beatles, et ceux sur la 5eme république et la BD), Hervé avait déjà inauguré une formule narrative qui fonctionne parfaitement, à mi-chemin de la BD et du texte illustré. Notre livre s’inscrit dans cette veine.

© Dargaud / Bourhis & Brüno

© Dargaud / Bourhis & Brüno

Comment avez-vous procédé pour son élaboration ?

Brüno. Pour le contenu, nous avons mis le jazz de côté, estimant que le sujet mériterait un livre à part entière. La répartition des dessins : à moi les BD et les pochettes d’albums principales, à Hervé tout le reste !!! On s’est souvent concerté sur le contenu, sur le choix des disques, des artistes etc. L’éditorial et la mise en page ont été réalisé par Hervé. D’autre part, heureusement qu’Hervé (qui est plus éclectique que moi) était là pour défricher le hip hop, par exemple. Mais le plus important, est que ce livre nous a aussi permis de découvrir et d’écouter plein de choses que nous ne connaissions pas ou peu !

Si tu devais retenir de toutes ces pages un artiste, un album, une chanson…

Brüno. what’s Going On, de Marvin Gaye, un superbe album et surtout le premier vinyle que j’ai acheté.  Et la même année, 1971, dans un genre plus obscur, Black Ivory de Wanda Robinson, de la poésie black adolescente tristounet sur fond de jazz groggy.

Merci Bruno.

La Chronique de l’album est à découvrir ici

Couvertureblack music

13 Nov

Les Voyages d’Anna : une réédition augmentée du carnet de voyages d’Emmanuel Lepage

IMG_2740

Je vous présentais il y a quelques semaines ici-même Les Voyages d’Ulysse, un livre absolument somptueux d’Emmanuel Lepage, Sophie Michel et René Follet publié par le galeriste Daniel Maghen. Un livre de 272 pages qui nous embarquait à bord du navire L’Odysseus pour un voyage à la croisée de la mythologie grecque, de la peinture, de la littérature et de la bande dessinée. Ce nouvel album, Les Voyages d’Anna, n’en est pas la suite mais plus exactement le début du récit, il s’agit d’une réédition enrichie d’un ouvrage paru il y a une dizaine d’années…

Tout a commencé ici dans les pages de ce livre paru en 2005. Une histoire d’amour extraordinaire qui nous entraîne de Venise à l’Île de Pâques en passant par la Guinée espagnole, le Cameroun, le Mexique, le Pérou et même l’Antarctique. On y retrouve le peintre Jules Toulet et sa muse, Anna, par l’entremise de leur correspondance. 120 pages d’illustrations au crayon, à l’encre, à l’aquarelle, des esquisses aussi… et des lettres d’amour d’une beauté incroyable pur un carnet de voyages singulier.

Aux pinceaux et à la plume, deux Bretons, Emmanuel Lepage qui nous a déjà ébloui de son talent de dessinateur- voyageur avec des livres tels que Printemps à Tchernobyl ou Voyage aux îles de la désolation, et Sophie Michel, professeur de français. A noter également le remarquable travail sur l’album de Vincent Odin, conseiller artistique.

Si vous avez craqué récemment pour Les Voyages d’Ulysse, et apparemment vous êtes nombreux, alors il n’y a aucune raison pour que vous ne craquiez pas pour celui-ci. Les deux sont indissociables… et d’une très grande beauté !

Eric Guillaud

Les voyages d’Anna, d’Emmanuel Lepage, Sophie Michel et Vincent Odin. Editions Daniel Maghen. 29€

12 Nov

À tous les coups c’est Spirou! : Le retour du grand dessinateur Alec Severin chez Dupuis

Capture d’écran 2016-11-11 à 15.45.37Nous étions quelques-uns à nous demander où il était passé. Alec Severin, aka Al Severin, aka Al, était et est encore une référence dans le milieu de la BD malgré une production ultra-confidentielle et une absence du catalogue des grands éditeurs depuis une grosse vingtaine d’années. Mais, Alec Severin est finalement de retour chez Dupuis avec un album qui revisite l’univers de Spirou…

« Je ne veux pas faire de la BD comme on la conçoit aujourd’hui », avait-il déclaré en 2008 dans une interview accordée au site actuabd.com. Et d’annoncer sa décision d’arrêter la BD ! Ce qu’il ne fît heureusement pas. Depuis des années déjà, l’artiste se faisait rare, absorbé par son engagement religieux. Alec Severin est témoin de Jéhovah.

Absorbé par la religion et par l’édition, avec son propre label sous lequel il a publié  plus d’une vingtaine d’ouvrages aux tirages confidentiels et aux formats très variés, parfois fantaisistes comme Bill Rocket, de la taille d’un timbre poste, tiré à 26 exemplaires signés et dotés d’un ex-libris. Une BD à lire à la loupe.

L’édition. Un amusement, une passion, plus qu’un métier pour ce très grand dessinateur qui qualifie son style graphique d’académique.

Avant ses expérimentations éditoriales, Al Severin avait signé quelques albums clés comme Lisette chez Delcourt, A Story of War chez Michel Deligne, Big Cosmos chez Cosmos Comics, La Machine à explorer le temps et Harry sauve la planète aux éditions Lefrancq…

Un style, une marque, un esprit qui marqua pas mal de lecteurs et dessinateurs.

Et le revoici, donc, en très très grande forme avec ce magnifique album à l’italienne, À tous les coups, c’est Spirou!, réunissant quatre récits complets, des aventures humoristiques à l’atmosphère savoureusement rétro, au dessin d’une souplesse incroyable, aux visages d’une expressivité remarquable et aux personnages féminins d’une très grande sensualité. Il y a du génie dans l’air !

Eric Guillaud

À tous les coups, c’est Spirou!, de Al. Éditions Dupuis. 20,50€

© Dupuis / Al

© Dupuis / Al

11 Nov

13/11 reconstitution d’un attentat : la chronologie des événements du 13 novembre à Paris par Anne Giudicelli et Luc Brahy chez Delcourt

9782756083810_cgIl fallait s’en douter. À l’approche de la date anniversaire, les documentaires consacrés à la nuit tragique du 13 novembre 2015 allaient fleurir pareillement aux tombes des nombreuses victimes. À la télévision bien sûr mais aussi en bande dessinée, vecteur privilégié du reportage depuis quelques années maintenant. 13/11 Reconstitution d’un attentat est l’un d’entre-eux. Pas de révélations fracassantes mais un angle singulier que la BD permet peut-être plus facilement que tout autre, à la fois factuel et critique, chronologique et global…

Un an déjà. Et des images qui ne nous quittent pas, qui ne nous quitteront jamais. Le Bataclan, les terrasses, le Stade de France, tous ces morts, tous ces blessés, ces cris, ces pleurs. Un an déjà et le Bataclan rouvre ses portes avec un concert de Sting. Une victoire de la liberté sur l’obscurantisme, mais pour combien de temps ? Depuis Charlie Hebdo, nous savons tous très bien que les terroristes peuvent frapper n’importe où, n’importe quand, et surtout là où on les attend le moins.

Comme précisément cette nuit du 13 novembre. Pourquoi cette terrasse et pas celle d’à côté ? Pourquoi ce jeune-homme et pas cette femme ? Pourquoi le Stade de France et le Bataclan ? L’album 13/11 Reconstitution d’un attentat ne répond pas à ces questions directement mais décrit de façon très minutieuse la chronologie des attentats ainsi que leur préparation.

© Delcourt / Brahy & Giudicelli

© Delcourt / Brahy & Giudicelli

Mais le récit ne s’arrête pas là. Anne Giudicelli, éminente spécialiste française du terrorisme au Moyen-Orient et au Maghreb, auteure de plusieurs ouvrages sur la question, et Luc Brahy, dessinateur notamment de Zoltan, Cognac et de Complot, nous entraînent dans les coulisses du pouvoir, mettant en images la responsabilité de nos dirigeants dans cette situation de guerre, avec un François Hollande déterminé – ou fortement conseillé – à  poursuivre les frappes contre Daesh sur le sol Syrien, et un Bachar Al-Assad au jeu ambigu. « Je voulais montrer… », déclare Anne Giudicelli dans une interview accordée au site du Figaro, « que l’évolution des positions françaises sur le conflit syrien a contribué non pas à avancer dans la lutte contre le terrorisme mais au contraire à nous exposer davantage et à entraîner plus encore de pertes civiles ».

Les auteurs reviennent aussi sur une visite de parlementaires français en Syrie le jour même des attentats, une visite de fait un peu passée inaperçue ou volontairement tombée dans les oubliettes de l’histoire.

© Delcourt / Brahy & Giudicelli

© Delcourt / Brahy & Giudicelli

Confidences, témoignages, éléments d’enquête… 13//11 Reconstitution d’un attentat est le fruit d’un remarquable travail d’investigation et de documentation. De son côté, le graphisme de Luc Brahy, sobre et réaliste, apporte une force et une certaine forme de retenu au récit. 124 pages pour comprendre ce qui s’est passé ce 13 novembre. Un témoignage pour les générations futures!

Eric Guillaud

13/11 Reconstitution d’un attentat, de Anne Giudicelli et Luc Brahy. Editions Delcourt. 14,50€

08 Nov

ABBA cherche Frida : un album complètement pop de Maarten Vande Wiele aux éditions Vraoum!

Capture d’écran 2016-11-07 à 22.46.42Faut-il être complètement raide dingue du légendaire groupe de pop suédois pour apprécier ce livre de Maarten Vande Wiele? Non, absolument pas, même si ABBA cherche Frida raconte l’histoire d’une jeune femme pétillante et moderne qui répond à la petite annonce d’un groupe de reprises cherchant désespérément une chanteuse et nous plonge du même coup dans ce qu’on appelle l’ABBA Revival, un phénomène qui dure depuis des décennies en Europe et même au-delà…

Une petite annonce qui va tout de même changer la vie d’Anne-Lène. La jeune femme travaillait jusqu’ici dans la mode. Du moins, c’est ce qu’elle affirme en société. La vérité est qu’elle plie des fringues toute la journée. Rien de très sexy, un travail alimentaire bien loin du monde du show-biz. Alors forcément, lorsqu’elle découvre cette annonce « ABBA cherche Frida », Anne-Lène s’empresse d’y répondre. Frida, c’est Anni-Frid Lyngstad, la brune du groupe ABBA. Et ce sera elle dorénavant ! Après tout, elle a fait le conservatoire et a déjà chanté avec les Dizzy Jazzers dont la notoriété – il est vrai – n’a jamais dépassé les murs du local de répétition. Mais peu importe, cette fois, Anne-Lène est bien décidée à se donner à fond, à faire vivre ou plutôt revivre les chansons d’ABBA. Ring ring, Voulez vous, Dancing Queen, Money Money Money, Super Trouper, Waterloo, ou Honey Honey… autant de tubes qui tournent en boucle depuis les années 70, qui ont marqué sa jeunesse et – sans forcément le souhaiter – la nôtre.

Et la voici projetée dans cette nouvelle aventure. Le groupe s’appelle Honey Honeys, en référence à un titre du répertoire d’ABBA. Il rencontre très rapidement le succès. Comme ABBA ! Le succès ET les problèmes de coeur qui le mèneront aussi rapidement à sa chute. Comme ABBA !

À l’image de l’univers du groupe, cet album regorge de vie, de fraîcheur, d’humour et de couleurs, ABBA cherche Frida met du baume au cœur et c’est bien là le principal.

Eric Guillaud

Abba cherche Frida, de Maarten Vande Wiele. Éditions Vraoum!. 20€

Capture d’écran 2016-11-08 à 14.11.10