Carlos, David et Sara, trois vies, trois trajectoires distinctes mais le même contexte de crise économique. Comment s’en sort-on quand on n’arrive pas à boucler les fins de mois, à trouver du boulot ou à garder celui qu’on a, quand tous les espoirs d’une vie meilleure partent en fumée, quand même la famille n’est plus un refuge ? Bienvenue dans l’Espagne contemporaine…
Et de trois, trois albums signés par un auteur remarquable, Nadar, trois récits qui nous parlent de son pays, l’Espagne, celle d’hier, du Franquisme, avec Salud!, celle d’aujourd’hui avec Papier froissé et donc Le Monde à tes pieds.
Chômage, exclusion sociale, exil, expulsions, faillites… Le tableau dressé par Nadar dans ces deux derniers albums est le même, celui d’un pays exsangue, asphyxié, celui d’un peuple ballotté entre résignation et lueur d’espoir, entre plans démerde et émigration économique.
C’est le cas de Carlos qui accepte de partir pour l’Estonie où on lui propose enfin un poste d’ingénieur qu’il ne trouvera jamais – il le sait – en Espagne. Quitter ses amis, quitter son petit ami, quitter son environnement familier pour enfin travailler. Un choix difficile mais nécessaire. C’est aussi le cas du jeune David, au chômage depuis trop longtemps pour refuser un plan sexe avec une femme mûre qui paye cash. C’est enfin le cas de Sara qui rêve de dire merde à sa boss, de larguer son boulot et d’acheter enfin des produits alimentaires qui ne soient pas des premiers prix.
On connaît bien les problèmes économiques qui plombent l’Espagne depuis des années mais c’est toujours aussi poignant que d’avoir des exemples concrets, de toucher la misère financière et parfois morale du doigt, de comprendre comment un pays européen peut se retrouver dans cette situation et voir ses habitants en arriver parfois à des extrémités.
Un récit fort, un dessin agréable, une narration bougrement intelligente, des personnages qu’on ne peut qu’aimer… Nadar confirme avec ce nouvel album son immense talent pour parler de l’humain. Ici, pas de sensationnalisme, pas de super-héros ou de super-aventures mais des êtres en mode survie. Nadar a une approche très sociale comme on peut en trouver dans le cinéma espagnol. C’est fort, c’est beau, c’est parfois poignant, toujours révoltant !
Eric Guillaud
Le Monde à tes pieds, de Nadar. Éditions La Boîte à bulles. 20€