Pas loin de 400 pages ! Pour un premier livre, Nadar ne fait pas dans la demi-mesure. C’est énorme et en même temps Papier froissé, c’est son titre, se lit quasi d’un trait tant l’envie est pressante de savoir où l’auteur veut nous emmener.
L’histoire ou plus exactement les deux histoires que nous suivons dans les pages de ce livre prennent vie dans l’Espagne contemporaine, une Espagne en crise où l’argent et le travail ne courent pas franchement les rues, où la démerde est érigé en système économique, où l’illégal est parfois le seul moyen de survie. Deux histoires donc, d’un côté celle d’un jeune adolescent de 16 ans, Javi, qui préfère jouer les petits caïds que d’aller à l’école, monnayant ses services à quelques lycéens et étudiants. Son rêve : acheter un piano à queue. De l’autre, un homme, Jorge, solitaire, triste, dont le seul bien matériel est une Fiat Panda hors d’âge. Il débarque un beau jour dans la ville, trouve un petit boulot dans une menuiserie industrielle et s’installe à la pension Les Chevaux. Aucun rêve pour sa part. L’un et l’autre n’ont à priori rien en commun. Pourtant, dès le début du récit, on peut imaginer qu’ils partagent un passé et des souvenirs douloureux. Et ce passé, justement, pourrait bien ressurgir lorsque la Fiat Panda de Jorge se retrouve taguée. Devant, derrière, sur les côtés, le mot « lâche » s’affiche au regard de tous…
La crise, la solitude, l’exclusion sociale, l’homophobie… L’air de rien, Nadar nous parle de la société d’aujourd’hui avec un récit universel où se croisent des hommes et des femmes qui n’ont pas vraiment pris ou pu prendre leur destin en main. Les uns et les autres cherchent juste à vivre, parfois à survivre, emportés par le quotidien. C’est à la maison des auteurs à Angoulême que l’auteur s’est installé afin de réaliser Papel estrujado, Papier froissé. Un premier livre très réussi qui ne peut que marquer les esprits !
Eric Guillaud
Papier froissé, de Nadar. Editions Futuropolis. 29 €