11 Sep

McCurry NY 11 septembre 2001 : le témoignage en BD et en photos du photographe de presse Steve McCurry chez Dupuis / Magnum Photos

3Ifzt7WWCY929jnESQZATsTj63eH1lSv-couv-1200

Quinze ans. Quinze ans déjà. Et toujours les mêmes images qui tournent en boucle sur nos chaînes de télévision et dans nos têtes. Des images qu’on ne peut, qu’on ne pourra jamais effacer. Violentes, effrayantes, invraisemblables, apocalyptiques. Des images qui ont marqué le début de notre siècle du sceau de la barbarie et frappé les esprits comme peut-être rien d’autre. S’il n’y avait pas eu ces attentats, qui se souviendrait aujourd’hui de ce qu’il faisait le 11 septembre 2001 ?

Les plus de 20/25 ans ont pour la plupart vécu l’événement. De très près. En direct. En étant parfois à l’autre bout du monde. C’est peut-être un peu plus vague pour ceux qui n’étaient pas nés ou trop jeunes à l’époque. Des livres comme celui-ci, publié à quelques heures du quinzième anniversaire contribuent au souvenir. C’est déjà beaucoup. Mais l’intérêt du livre ne s’arrête pas là.

C’est certainement l’un des albums les plus réussis et les plus passionnants de la collection Magnum Photos / Aire Libre.

Pour plusieurs raisons. D’abord parce que Steve McCurry, le grand témoin invité de ce nouvel opus, est un immense photographe de presse qui s’est fait connaître du très grand public avec le portait de la jeune afghane au regard perçant Sharat Gula. C’était en pleine guerre d’Afghanistan. Un véritable phénomène mondial.

Ensuite parce que le contexte de ce témoignage est exceptionnel et nous concerne directement encore aujourd’hui. Les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis ont à jamais changé la face du monde et lancé les pays occidentaux dans une guerre permanente contre le terrorisme. Al-Qaïda hier, Daesh aujourd’hui. Les attentats contre les Twin Towers à New York hier, ceux du Bataclan à Paris aujourd’hui. Deux dates, deux villes, deux événements vécus de près par l’Américain McCurry qui, par le plus grand des hasards, se trouvait au Stade de France le 13 novembre 2015. Deux événements qui, de fait, se retrouvent intimement liés dans les pages de cet album.

Enfin parce que, pour la première fois dans la série, et à la façon de l’excellent album Le Photographe de Didier Lefèvre et Emmanuel Guibert, les photographies de McCurry et le dessin de Jung Gi Kim font corps pour raconter l’histoire, s’imbriquant de façon tout à fait naturelle et pertinente. On y trouve bien évidemment des photos de New York mais aussi des différents reportages que le photographe a effectué à travers le monde, au plus près des drames, des guerres.

Un travail tout à fait exceptionnel complété par un dossier d’une quarantaine de pages réunissant un portfolio d’images pleine page et un long et passionnant entretien dans lequel McCurry raconte le 11 septembre 2001 mais aussi le 13 novembre 2015, ses débuts, la guerre en Afghanistan…

Eric Guillaud

McCurry NY 11 septembre 2001, de JD Morvan, Séverine Tréfouël et Jung Gi Kim. Éditions Dupuis / Magnum Photos. 24 €

© Dupuis / Magnum Photos - Morvan & Jung Gi Kim

© Dupuis / Magnum Photos – Morvan & Jung Gi Kim

07 Sep

Hôpital public, un album collectif d’entretiens avec des personnels du CHU de Nantes chez Vide Cocagne

1507-1146 interventions chirurgicales, 2377 consultations, 11 naissances, 305 passages aux urgences, 7106 repas servis, 12 tonnes de déchets traités*,voilà à quoi ressemble le quotidien du CHU de Nantes.

Et derrière ces chiffres qui peuvent donner le vertige, il y a des hommes et des femmes qui font tourner la boutique, 2641 personnels médicaux, 9415 non-médicaux, plus de 140 métiers différents représentés, depuis les médecins jusqu’aux peintres en bâtiment, en passant par les infirmiers, les agents de nettoyage, les secrétaires médicales….

Une véritable ville dans la ville. Le plus gros employeur de la région. Et ce sont précisément ces gens qui font vivre le CHU que plusieurs auteurs de bande dessinée sont allés rencontrer et questionner sur leur quotidien. Sept auteurs de BD pour autant d’approches différentes, autant de styles graphiques, et, au final, autant d’entretiens avec ici un médecin retraité, là un infirmier, plus loin une femme de ménage ou encore une conseillère conjugale… Le ton est très libre, voire délibérément engagé. On y parle travail mais surtout conditions de travail. L’album s’ouvre d’ailleurs sur un mouvement de grève contre la réduction d’effectifs. Ça fait aussi partie du quotidien du CHU.

© Vincent Calcagni / auteurs et personnels du CHU réunis pour la sortie de l'album

© Vincent Calcagni / une petite partie des auteurs et personnels du CHU réunis pour la sortie de l’album

Emile Chiffoleau, qui a coordonné l’ouvrage explique en introduction : « En allant à la rencontre de ceux qui le font vivre tous les jours, de l’infirmier au médecin en passant par le représentant syndical, une chose nous a frappé : la souffrance des soignants à ne pas pouvoir faire leur travail dans de bonnes conditions. Dans tous les services visités, à tous les postes, le même constat : une diminution de l’offre de soin de qualité souvent accompagnée d’une pression hiérarchique obligeant à ne plus pouvoir faire consciencieusement son travail ».

Manque de personnel, surcharge de travail, épuisement physique, absence de  reconnaissance, gestion financière qui s’accommode mal d’une offre de soins de qualité, salles d’opérations qui doivent tourner au maximum, patients devenus des clients voire des numéros… les griefs des personnels rencontrés sont nombreux mais bien connus.

Pas de révélations fracassantes donc mais, tout de même, quelques témoignages troublants comme celui de ce médecin anesthésiste, Jean-Luc ( à gauche sur la photo), qui une fois à la retraite s’est vu proposer de poursuivre son activité au sein du même hôpital, du même service, pour un salaire multiplié par deux.

Proche de la BD documentaire ou de la BD reportage, cet ouvrage collectif des éditions nantaises Vide Cocagne n’est pas pour autant une enquête journalistique, juste une approche humaine de ce que peut être le quotidien de ceux et celles qui travaillent au sein du CHU nantais et se battent chaque jour pour maintenir sa mission de service public..

Eric Guillaud 

Hôpital public, entretiens avec le personnel hospitalier. Collectif. Éditions Vide Cocagne. 15 €

* chiffres clés 2014 du CHU

.
Le reportage de Vincent Calcagni et Daniel Le Floch (F3 PDL)

05 Sep

Interview de Julie Dachez, auteure avec Mademoiselle Caroline de La Différence invisible chez Delcourt. Un témoignage sur l’autisme et le syndrome Asperger

Julie Dachez est diagnostiquée autiste Asperger à l’âge de 27 ans. De ce diagnostic tardif, elle en fait une force, un tremplin vers une autre vie. Terminé de faire semblant, d’accepter un quotidien, un travail, qui ne lui conviennent pas, Julie Dachez décide de vivre pleinement sa vie avec ses faiblesses et ses forces. Elle vient de publier une bande dessinée avec Mademoiselle Caroline qui raconte son parcours mais parle aussi de différence au sens large du terme, de respect, de tolérance, d’acceptation de soi… Rencontre.
© Chloé Vollmer-Lo

© Chloé Vollmer-Lo

Dans votre roman gaphique, on vous voit sauter de bonheur, hurler de joie au moment du diagnostic. Ça s’est vraiment passé comme ça ?

Julie Dachez. Dans la BD c’est mon « moi intérieur » qui saute au plafond, et oui ça s’est vraiment passé comme ça! Après 10 ans d’errance, ce diagnostic m’a libérée car il est venu poser un mot sur ma différence. Il était absolument essentiel pour me permettre d’apprendre à respecter mes limites tout en me focalisant sur mes points forts.

Vous avez largement investi le web pour expliquer l’autisme, pourquoi aujourd’hui la bande dessinée ?

J.D. C’est Fabienne Vaslet, une lectrice de mon blog elle-même maman de 2 garçons Asperger qui m’a soumis l’idée de cette BD. J’ai tout de suite été séduite par le projet! Le format BD est vraiment intéressant car les dessins permettent de donner corps au propos. Ils permettent aux lecteurs de comprendre concrètement ce qui se passe dans la tête d’une personne Asperger. Et là il me semble important de saluer le travail de l’illustratrice, Mademoiselle Caroline, qui a vraiment réussi à se mettre dans ma peau et à retranscrire parfaitement tous mes ressentis!! Et elle a aussi adapté le scénario en apportant sa patte et son expérience.

À qui vous adressez-vous en priorité ? Aux autistes ?

J.D. Aux autistes et à leurs proches, bien sûr, mais pas que! J’ai coutume de dire que pour moi l’autisme est un prétexte pour parler de la différence au sens large, et de l’acceptation de soi.

On comprend bien au fil des pages que ce qui libère Marguerite c’est le fait qu’elle finisse enfin par s’aimer et s’accepter telle qu’elle est. Or, être en paix avec soi est une quête universelle! Je crois que cette BD peut vraiment parler à tout le monde.

© Delcourt / Mademoiselle Caroline & Julie Dachez

© Delcourt / Mademoiselle Caroline & Julie Dachez

C’est Mademoiselle Caroline qui a mis en images votre histoire ? Comment l’avez-vous rencontrée et comment avez-vous travaillé ensemble ?

J.D. Fabienne l’a découverte et m’en a parlé. J’ai beaucoup aimé son trait, et grâce à sa BD « Chute libre » je savais que c’était quelqu’un de sensible et atypique. On l’a contactée et elle a tout de suite accepté le projet avec l’enthousiasme qui la caractérise! Je pense que notre duo a vraiment bien fonctionné, même si au départ il a fallu s’ajuster car j’étais – comme tout bon autiste qui se respecte – très psychorigide et pointilleuse sur les détails et cela me mettait dans tous mes états dès qu’elle s’écartait un tant soit peu de mon scénario! Et de son côté, elle avait tendance à oublier que j’étais autiste et que j’avais donc un mode de fonctionnement particulier. Mais avec l’aide de Fabienne on a trouvé un très bon équilibre, et comme on est toutes les deux bienveillantes, ça s’est très bien passé!

Pourquoi ne pas avoir donné le prénom de Julie, votre prénom, à l’héroïne de ce roman graphique ?

J.D. J’ai spontanément pris le parti de raconter mon histoire à la 3e personne et en utilisant mon deuxième prénom, « Marguerite ». Je crois que c’était certainement pour moi une façon d’adopter une sorte de « méta-position » me permettant de prendre du recul pour mieux me raconter.

On entend souvent dire que la France est en retard sur la question de l’autisme. Est-ce toujours vrai aujourd’hui ?

J.D. OUI! Bien sûr… Malgré trois plans autisme, la situation est aujourd’hui encore dramatique, notamment pour les adultes autistes. Et ne parlons même pas des enfants autistes : seuls 20% d’entre eux sont scolarisés en milieu ordinaire. Quand on sait qu’en Italie par exemple depuis la fin des années 70 tous les élèves en situation de handicap (quel que soit leur handicap) sont scolarisés, on a du mal à comprendre un tel retard en France!! C’est une honte.

© Delcourt / Mademoiselle Caroline & Julie Dachez

© Delcourt / Mademoiselle Caroline & Julie Dachez

Selon vous, que faudrait-il faire pour rattraper ce retard ?

J.D. Scolariser tous les enfants autistes en milieu ordinaire, déjà! Une personne autiste n’a rien à faire en IME ou en hôpital psychiatrique. Et concernant les adultes, à titre d’exemple, actuellement les délais d’attente pour passer un diagnostic au Centre de Ressources Autisme peuvent atteindre les 2 ans. Et une fois le diagnostic posé, il n’existe rien, aucun suivi. Nous manquons cruellement de moyens…

______________________________

La chronique de l’album ici

____________________________

Vous combattez depuis l’âge de 27 ans les préjugés liés à l’autisme. Quelles sont les énormités qui vous font encore bondir aujourd’hui ?

J.D. La méconnaissance de l’autisme, alliée à une vision très pathologisante de cette condition, ont fait de l’adjectif « autiste » un terme à ce point connoté négativement qu’il en est devenu une insulte. Par exemple : Jean-Louis Borloo a déclaré en 2013 « Le gouvernement est passé de l’inaction politique à l’autisme », en 2015, Bruno Le Maire a traité la gauche et Manuel Valls d’ « autistes », etc. Ces déclarations ne sont pas de simples dérapages, elles reflètent une perception largement partagée de l’autisme comme une tare. C’est quelque chose qui me fait bondir, oui, car en tant que personnes autistes nous avons en nous des richesses incroyables et de merveilleuses qualités (notre sens de la justice, notre honnêteté, notre sens du détail, notre capacité à focaliser notre attention sur des sujets bien précis pendant des heures, etc.) dont personne ne parle – ou si peu. Alors que les hommes politiques puissent utiliser le terme « autiste » comme une insulte, franchement, je me dis que c’est le monde à l’envers…

© Delcourt / Mademoiselle Caroline & Julie Dachez

© Delcourt / Mademoiselle Caroline & Julie Dachez

Blog, chaîne Youtube, BD et maintenant documentaire. Pouvez-vous nous parler de votre projet Bubble ?

J.D. Je co-réalise avec Pierre Feytis (lui-même autiste de haut niveau) un film documentaire indépendant sur l’autisme, que nous avons ironiquement appelé « Bubble » en référence au stéréotype de l’autiste enfermé dans sa bulle. Dans ce film, nous allons à la rencontre d’adultes autistes qui sont comme nous à l’extrémité invisible du spectre autistique afin de recueillir leurs propos sur des thématiques comme la normalité, le handicap, la différence etc. En parallèle Pierre et moi nous filmons en train de faire le film, nous sommes en quelque sorte le fil rouge du documentaire. C’est un film complètement atypique, tant sur le fond que sur la forme, avec un propos très engagé! Et nous avons lancé un financement participatif pour nous aider à aller au bout de ce magnifique projet.

Je me suis enfin réconciliée avec moi-même et j’ai adapté mon environnement (et ma vie) à mes spécificités, plutôt que de passer mon temps à me suradapter à un environnement qui ne me correspondait pas

Avec tous ces projets, que reste-t-il de la jeune femme autiste d’hier ?

J.D. Il est difficile de répondre à cette question! Car tout a changé et pourtant je suis restée la même. Je suis et serai toujours autiste, j’ai donc les mêmes difficultés – et les mêmes forces, aussi – qu’avant. C’est simplement ma façon de les percevoir et de les vivre qui a tout changé. Je me suis enfin réconciliée avec moi-même et j’ai adapté mon environnement (et ma vie) à mes spécificités, plutôt que de passer mon temps à me suradapter à un environnement qui ne me correspondait pas (quitte à y laisser ma santé et ma joie de vivre!). C’est la raison pour laquelle aujourd’hui je suis épanouie et confiante, et je me sens enfin « à ma place » dans ce monde.

Merci Julie

Propos recueillis par Eric Guillaud le 3 septembre 2016. Plus di’nfos sur le projet Bubble ici, la chaîne YouTube de Julie  et son blog par ici.

La chronique de l’album est ici

Capture d’écran 2016-09-04 à 10.19.50

03 Sep

Groom 2, le retour ! En kiosque depuis le 1er septembre

 

14088407_669516873200912_5813590562749969764_n-555x771Les réseaux sociaux sont au coeur de notre vie, ils sont au coeur du deuxième numéro de Groom, le magazine d’actualité et de société en bande dessinée lancé en janvier dernier par la maison d’édition Dupuis.

Sous le titre Réseaux sociaux: addiction, révolutions, chaton, l’équipe du magazine est allée explorer toutes les facettes de ce phénomène de société qui est bien parti pour durer. Facebook, Twitter, Instagram, Periscope, Youtube, Snapchat… autant de réseaux qui font partie aujourd’hui de notre quotidien, un peu trop au goût de certains, et qui ont modifié notre comportement sur le web. Des réseaux où on peut trouver tout et son contraire, informations, désinformations, rumeurs, théories du complot, publicités, appels à la solidarité, embrigadements…

Groom fait le ménage et nous dit tout sur le phénomène d’addiction, les pièges et les bienfaits des réseaux avec ses auteurs de BD maison comme Munuera, Tehem ou Zidrou mais aussi avec quelques stars des réseaux, Cyprien, Kemar ou Jeremstar.

Groom 2, en kiosque le 1er septembre. 6,90€, disponible aussi sur le web ici

Eric Guillaud

© Dupuis

© Dupuis

31 Août

Je viens de m’échapper du ciel : un roman graphique de Mattiussi d’après les nouvelles de Carlos Salem

Capture d’écran 2016-08-30 à 18.45.26C’est la rentrée ! Et l’embouteillage sur les présentoirs de nos amis libraires. Laissez tomber le classement de vos photos souvenirs et autres selfies de l’été, pour rester à la page, il va falloir sérieusement jouer de l’index.

Et parmi les titres qui se singularisent, il y a le roman graphique Je viens de m’échapper du ciel, une adaptation des nouvelles noires de l’Argentin Carlos Salem signée de la Française Laureline Mattiussi chez Casterman. Avec un noir et blanc impressionnant de caractère, Laureline Mattiussi nous raconte une histoire pas banale, aussi noire que fantastique, où se côtoient Pieds Nickelés de la cambriole et anges sexués, femmes fantasmées et hommes masqués.

Poe, c’est le nom du personnage principal. Poe comme Edgar Poe, le talent et la célébrité en moins. Poe est un loser, un gars qui se déguise en Bugs Bunny pour braquer les banques et rêve de rejoindre le ciel. De toutes les manières possibles. Y compris en s’allongeant sur les routes et en attendant le véhicule providentiel. « Emmène-moi putain ! », lance-t-il à une ange qui s’est échappée du ciel pour quelques heures, « ici c’est pas supportable! On fait rien qu’à tourner en rond en attendant de crever! ».

Une histoire au bord de l’amour…

Poe tourne en rond, traînant sa mélancolie dans les quartiers sombres de la ville mais pas que. Il dévalise les banques aussi, il braque les hommes d’affaires à l’occasion, et il rêve de Lola, une barmaide. Il aime tout chez Lola. « Nous deux, ça fait longtemps qu’on se mesure couteau en main. Mais on n’attaque jamais. On reste comme ça, au bord de l’amour ou du désastre, sans se décider à agir et se perdre enfin ».

Difficile d’en raconter plus, Je viens de m’échapper du ciel est un récit qui se lit, qui se sent, se ressent, s’apprécie jusqu’au bout de la nuit. Si la rentrée pouvait ressembler à un livre, elle ressemblerait à celui-ci. Et on serait bien!

Eric Guillaud

Je viens de m’échapper du ciel, de Mattiussi, d’après Carlos Salem. Editions Casterman. 18,95 €

© Casterman / Mattiussi

© Casterman / Mattiussi

12 Août

Pages d’été : Macha, une aventure humaniste et écologiste de Flora Grimaldi et Maike Plenzke

9782344012390-LC’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode détente et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Sur l’île d’Errance, les Créatures – un ensemble d’êtres magiques aux pouvoirs redoutables – vivent en paix depuis des lustres. Au point de reléguer la guerre au rang de légende. Mais les choses ont subitement changé avec l’arrivée des humains qui ont abattu des forêts entières et parfois tué des Créatures. L’appât du gain. Alors, tout ce que compte l’île d’Errance en habitants s’est réuni pour voter la guerre. Les Danaïdes, les Primals, les Pucas et les Sylvains, tous bien décidés à sauver leur île.

Après Bran, Flora Grimaldi et Maike Plenzke nous plongent une nouvelle fois dans leur univers de fantasy inspiré des contes et légendes celtiques. L’histoire se déroule quelques années avant Bran. On y découvre le passé de Macha et les origines de sa quête. Une aventure teintée d’humanisme et d’écologie magnifiquement mise en images par l’Allemande Maike Plenzke.

Eric Guillaud

Macha, de Flora Grimaldi et Maike Plenzke. Editions Glénat. 14,95 €

© Glénat / Grimaldi & Plenzke

© Glénat / Grimaldi & Plenzke

Pages d’été : Mercredi ou la grande aventure du quotidien selon Juan Berrio

album-cover-large-29868C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode détente et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Ils sont jeunes, vieux, seuls ou en couples, policiers ou retraités, pauvres ou riches, ils sont tous les habitants d’un même quartier, des voisins en somme qui se connaissent ou pas, se parlent ou pas, se croisent plus ou moins formant une vie de quartier ordinaire un mercredi.

Mais l’ordinaire a parfois tout de l’extraordinaire. Juan Berrio, l’auteur de ce roman graphique paru chez Steinkis en mai dernier, nous le raconte avec beaucoup de finesse et de tendresse faisant ressortir le côté poétique du moindre geste, de la moindre rencontre, de la moindre parole.

Avec un trait, fin et élégant, Juan Berrio met en situation ses personnages à l’aspect fongiforme plus attachants les uns que les autres dans une succession de petites scènes pleines d’humanité… C’est frais, c’est léger, c’est humain, une petite douceur dans un monde de brutes.

Eric Guillaud

Mercredi, de Juan Berrio. Editions Steinkis. 15 €

© Steinkis / Berrio

© Steinkis / Berrio

Pages d’été : Bobby change de linge, un roman graphique qui a de la classe signé Hugues Barthe à La Boîte à Bulles

9782849532584_cgC’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode détente et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

En fait, cet album-là ne traîne pas sur ma table de chevet depuis bien longtemps. Il est tout chaud sorti des imprimeries et n’est pas encore disponible en librairie à l’heure où j’écris ces quelques lignes. Vous devrez patienter jusqu’au 24 août pour le tenir entre vos petites mains, de quoi finir cette période estivale en beauté !

Oui, vraiment, en beauté, car Bobby change de linge est un roman qui a de la classe, beaucoup de classe même, avec un graphisme et une narration qui ne sont pas sans rappeler l’esprit des romans graphiques américains actuels, et surtout une histoire singulière qui nous interpelle, nous interroge sur notre monde, notre société.

La classe populaire est-elle soluble dans la classe bourgeoise ? C’est un peu la question que pose Hugues Barthe dans cet album. Et plus largement, l’ascension sociale est-elle une invention des riches ou un fantasme des pauvres ? Derrière une couverture affichant le rose du bonheur pour la vie et les sourires de façade, l’auteur raconte le parcours de Bobby, oui oui Bobby comme Bobby Ewing du feuilleton Dallas, un parcours pas aussi rose qu’il en a l’air.

Bobby aurait préféré s’appeler Boris comme Boris Vian, Marcel comme Proust, Serge comme Gainsbourg, Arthur comme Rimbaud, mais ses parents ont choisi Bobby. Chacun sa culture. Chacun ses références, me direz-vous. Bobby, vous l’aurez compris, vient d’un milieu très populaire. Et un prénom comme celui-ci n’est pas toujours facile à porter, surtout dans le beau monde.

Et le beau monde, le beau linge comme on dit, Bobby va le fréquenter, mieux il va l’épouser. Elle s’appelle Victoire. Son monde à elle, c’est celui de la culture avec un grand C, les livres, la littérature, les grands auteurs. Son père est patron d’une grande librairie. Bobby travaille d’ailleurs pour lui et est promis à un bel avenir au sein de la petite entreprise familiale.

Oui mais voilà, Bobby veut écrire des livres, pas les mettre en rayon. Et peu importe que certains de ses collègues le considèrent comme un petit prétentieux. Il sait qu’il y parviendra en s’appuyant sur ce monde de la bourgeoisie si loin de ses racines, si proche de ses aspirations…

Bien qu’il ait débuté dans la BD d’humour, le Rouennais Hugues Barthe s’est fait remarqué par les lecteurs et les professionnels du milieu avec des thématiques plus sérieuses, notamment l’homosexualité (Dans la peau d’un jeune homo), ou les violences conjugales (L’Été 79 et L’Automne 79). Avec Boby change de linge, il signe un très bel album, une très belle histoire, traitée avec intelligence et finesse, autour de personnages attachants et jamais caricaturaux… Que du bonheur !

Eric Guillaud

Bobby change de linge, de Hugues Barthe. Editions La Boîte à bulles. 18 €

© La Boîte à bulles / Barthe

© La Boîte à bulles / Barthe

06 Août

Pages d’été : un album complètement Loup-phoque de Davy Mourier chez Delcourt

UnknownC’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode détente et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

On se marre sur la banquise ! A s’en couper un bras. Ou deux ! Les hommes se prennent pour des lapins, les poissons ont des tendances suicidaires, les baleines dégazent, les ours blancs rêvent d’attraper le soleil, les étoiles de mer jouent au shérif…. et les loups copulent avec les phoques renouvelant ainsi la faune en donnant naissance à des bestioles qui ne ressemblent à rien, des phoque-loups ou des loup-phoques, moches et inutiles.

C’est l’univers loup-phoque de Davy Mourier, bien connu dans le monde de la BD et au-delà. Relation Cheap, c’est lui. La petite mort, c’est encore lui. Super Caca et Dieu n’aime pas papa, c’est pour la rentrée. On retrouve son humour décalé également sur la toile, où les dessins de Loup-Phoque ont d’ailleurs été prépubliés, et au théâtre où il a notamment travaillé sur le one woman show de Constance, Les Mères de famille se cachent pour mourir, et présenté ses propres spectacles comme Anecdotes. C’est drôle, c’est fin, ça se mange sans faim.

Eric Guillaud 

Loup-phoque, de Davy Mourier. Editions Delcourt. 17,95€

© Delcourt / Mourier

© Delcourt / Mourier