09 Jan

Das Feuer : Patrick Pécherot et Joe Pinelli adaptent le roman d’Henri Barbusse sur la première guerre mondiale

Vous doutez encore de l’horreur de la guerre ? Vous vous dites parfois qu’après tout ça pourrait remette le pays sur les rails ? Alors ce livre est fait pour vous rappeler que la guerre n’est pas une partie de jeu vidéo la Call of Duty…

« Ah ma pauv’dame, une bonne guerre qu’il leur faudrait ». On a tous entendu cette phrase un bon nombre de fois. À en croire ces gens de mauvaise augure, une bonne guerre serait salutaire, surtout en période de troubles intérieurs. Tiens, comme en ce moment en France.

Sauf que la guerre en France, on connait. On sait les ravages qu’elle a fait au siècle précédent. Deux guerres mondiales, des guerres en Corée, Indochine ou encore en Algérie. On se serait presque habitué.

Presque ! Parce qu’en fait on ne peut pas s’habituer à l’horreur. Ce n’est pas possible. On peut oublier, certes, mais on ne peut pas s’habituer.

Et même si on oublie, il y a les survivants, les historiens, les écrits et parfois les images qui peuvent témoigner. Comme ce texte d’Henri Barbusse, Le Feu, magnifiquement adapté aujourd’hui en BD par Patrick Pécherot et Joe Pinelli. Henri Barbusse a fait la guerre, en première ligne, de 1914 à 1916. Alors forcément, il sait de quoi il cause. Le Feu écrit dans la foulée de son engagement sur le front a reçu le Prix Goncourt 1916.

Bien sûr, même avec ce texte, les lecteurs du XXIe siècle peuvent avoir du mal à se représenter vraiment la chose, à imaginer ne serait-ce qu’un dixième de ce que ces millions d’hommes ont dû supporter mais Il suffit de regarder ces visages torturés, dessinés par Joe Pinelli au crayon (comme dans les carnets de croquis des poilus), pour s’en approcher un peu plus, je pense. On y lit la fatigue, le froid, la peur, la douleur et la mort. Car c’est ça la guerre, rien de romanesque, que du sang, de la boue et de la merde. Et des hommes « gardant juste assez d’énergie pour repousser la douceur qu’il y aurait à se laisser mourir ».

L’adaptation de Patrick Pécherot et Joe Pinelli s’appuie sur les deux derniers chapitres du livre, La Corvée et dans une moindre mesure L’Aube, une adaptation d’autant plus remarquable qu’ils ont choisi de transposer le récit dans le camp allemand, oui de l’autre côté des no man’s lands, dans les tranchées des « boches ». D’où le titre Das Feuer. Et ça marche. Forcément, puisque l’horreur est sans frontières !

Eric Guillaud

Das Feuer, de Patrick Pécherot et Joe Pinelli. Casterman. 22€

© Casterman / Pinelli & Pécherot

07 Jan

Festival international de la bande dessinée d’Angoulême du 24 au 27 janvier : y aller ou pas ?

C’est tous les ans la même question qui revient. Est-ce que ça vaut la peine de braver le froid, la neige, la grippe et la gastro pour arpenter les allées du Festival International de la Bande Dessinée ? La réponse est oui bien sûr car le monde entier, celui du neuvième art en tout cas, s’y donnera une nouvelle fois rendez-vous avec un programme copieux. En attendant, cure de vitamines pour tout le monde…

© MaxPPP – Renaud Joubert

Rendez-vous incontournable, le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême se déroulera du 24 au 27 janvier. Dédicaces, expos, concerts de dessins, rencontres, conférences, projections… le programme s’annonce une nouvelle fois gargantuesque. Préparez vos albums, on vous aide à défricher le terrain…

Le festival en chiffres

1500 auteurs et autrices, 870 journalistes français et étrangers, 23 pays représentés, 228 maisons d’édition francophones, 6600 professionnels, 24900 mètres carrés dédiés et près de 200 000 visiteurs attendus pour cette 46e édition… Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes, le FIBD envahit la ville, places et bâtiments publics, musées et salles d’expos. Même les commerces du centre ville se mettent aux couleurs de l’événement.

Le Grand Prix

L’Américain Richard Corben a été promu Grand Prix du Festival lors de la précédente édition. Honneur lui sera donc rendu notamment autour d’une exposition-rétrospective au Musée d’Angoulême visible du 24 janvier au 10 mars 2019 (Déconseillée aux moins de 16 ans).

La sélection officielle du Festival

45 albums ont été retenus dans la sélection officielle de cette nouvelle édition. Ils concourront pour les quatre prix de la sélection officielle, à savoir le Fauve d’Or – Prix du meilleur album, le Prix Spécial du Jury, le Prix de la Série et le Prix Révélation. Par ailleurs, 10 albums seront en compétition pour le Prix Jeunesse, huit albums pour le Prix du Patrimoine et 5 albums pour le Prix du Polar SNCF. La cérémonie des Fauves se déroulera le samedi 26 janvier au Théâtre d’Angoulême. Plus d’infos ici.

© Jim Aparo – DC Comics

Les expositions

Outre l’exposition consacrée au Grand prix Richard Corben, l’édition 2019 nous invitera à plonger dans l’univers de Batman qui atteint cette année l’âge canonique de 80 ans sans une ride et sans un faux pli au costume. L’exposition qui se veut immersive et ludique proposera de traverser tous les lieux cultes du super-héros (L’Alpha, médiathèque de Grand Angoulême).

Le maître de l’érotisme Milo Manara fête lui ses 50 ans de carrière. Le festival lui consacrera une exposition-rétrospective qui révélera l’extraordinaire variété de son oeuvre (Espace Franquin).

Une autre rétrospective sera consacrée au Japonais Taiyō Matsumoto (Amer Béton, Printemps bleu, Gogo Monster…) avec près de 200 œuvres originales présentées (Musée d’Angoulême).

Au menu également, des expositions consacrées à Bernadette Després et ses personnages Tom-Tom et Nana, à Tsutomu Nihei et ses mangas de science-fiction, à Rutu Modan, Jean Harambat, Jérémie Moreau…

© Richard Corben

Rencontres et masterclass

Avec 6600 professionnels présents parmi lesquels 1500 auteurs et autrices, il serait malheureux de ne pas en profiter pour les interroger et les écouter parler de leur métier, de leur passion, de leur art. Des rencontres internationales seront organisées pendant toute la durée du festival avec notamment Milo Manara (Le Déclic…), Terry Moore (Strangers in Paradise…), Kentaro Sato (Magical Girl of the End…) ou encore Christian Rossi (Le Cœur des Amazones…). Des rencontres mais aussi des masterclass avec Tsutomu Nihei (BLAME!…) et Taiyo Matsumoto (Gogo Monster...)

Concerts de dessins

Mettre le dessin en musique ou l’inverse, mettre la musique en images, c’est le challenge de cet événement organisé par le FIBD en partenariat cette année avec l’Orchestre de Paris et la Philharmonie de Paris. Une rencontre entre la musique classique et la bande dessinée autour de deux auteurs, Kim Jung Gi et Lorenzo Mattotti, et trois dates, les 24, 25 et 26 janvier au Théâtre d’Angoulême.

Musique classique mais aussi jazz avec le concert dessiné associant cette fois le FIBD et le festival Jazz à Vienne. Cette année, la scène du théâtre d’Angoulême proposera une rencontre entre les artistes Chassol et Brecht Evens le 25 janvier. 

© Taiyō Matsumoto / Shogakukan

Et tout le reste…

Le festival, c’est aussi, bien évidemment, l’occasion de rencontrer ses auteurs préférés en dédicaces, de découvrir la richesse du neuvième art à travers toute une série d’animations et d’arpenter une ville qui depuis 46 ans accueille l’un des rendez-vous phares du neuvième art, parmi les plus importants au monde…

Eric Guillaud

Plus d’infos sur le festival ici

Virus : Sylvain Ricard et Rica imaginent le pire dans un thriller haletant

Et si la grippe espagnole, Ebola ou le sida étaient peu de chose au regard des virus qui nous attendent demain. Pour ce premier volet de ce qui pourrait être un triptyque, Sylvain Ricard et Rica imaginent un virus ultra-dangereux échappé d’un laboratoire. De quoi nous filer des sueurs froides pour l’éternité…

Temps d’incubation quasi-nul, fièvre élevée, convulsions, spasmes, désordres cardiaques, éruptions cutanées, coma… ce virus-là pourrait faire plus de morts que la grippe espagnole, Ebola et le sida réunis s’il parvenait à s’échapper du laboratoire où il a été imaginé pour des usages peu avouables.

Et bien sûr, ce qui devait arriver arrive. Un technicien du fameux laboratoire se retrouve contaminé juste avant d’embarquer pour une croisière à bord du Babylon of Seas. Résultat des courses : plusieurs milliers de personnes confinées sur le bateau et des autorités désarmées face à une menace d’une ampleur sans précédent…

Un récit de pure fiction ? Pas totalement. Si le scénario de Virus est effectivement né de l’imagination fertile de Sylvain Ricard, associée à la très belle mise en images de Rica, le danger des virus bidouillés par les scientifiques est lui bien réel comme le rappelle le très instructif dossier documentaire accompagnant l’album et réalisé par les auteurs eux-mêmes. Les nombreux incidents et accidents qui ont émaillé la recherche dans la manipulation génétique n’ont pas calmé les ardeurs. Trump a même autorisé il y a un an la reprise des recherches sur les virus mortels, une décision soi-disant motivée par la prévention de pandémies.

Prévu en trois ou quatre volumes, Virus peut nous coller des sueurs froides mais l’intention de Sylvain Ricard, qui fût un temps ingénieur biologiste moléculaire, est plutôt de provoquer une prise de conscience. Dans une interview accordée au site toutenbd.com, l’auteur explique : « Je n’anticipe pas de catastrophe de ce genre, mais on a vu que les agents biologiques et chimiques peuvent avoir un intérêt pour des groupes terroristes, lors de conflits armés inter ou intra-nations, et au vu de l’évolution que prennent les législations quant à l’expérimentation sur ces agents pathogènes et les formidables avancées de la biologie et de ses possibilités, que nous ne sommes pas à l’abri ».

Très belle entrée en matière que ce premier volet paru sous la direction éditoriale du Nantais Fred Blanchard (un autre gage de qualité!), on attend maintenant la suite annoncée pour le second semestre 2019.

Eric Guillaud

Incubation, Virus (tome 1), de Ricard et Rica. Delcourt. 18,95€ (en librairie le 9 janvier)

 

03 Jan

Edgar Allan Poe (re)prend vie sous le pinceau de Benjamin Lacombe

Alice au pays des merveilles, Madame Butterfly, Marie-Antoinette… Fantasmées ou réelles, l’illustrateur parisien Benjamin Lacombe a toujours aimé les figures tragiques. Après Lewis Carroll, il était donc prédestiné à rencontrer le maître du macabre, Edgar Allan Poe himself, personnage torturé qui a terminé trop tôt (quarante ans) sa vie seul et dans la misère mais dont l’œuvre a influencé, et continue d’influencer, toute la littérature fantastique qui a suivi.

Charles Baudelaire, qui a été le premier à le traduire en français, adorait le côté presque implacable et pervers de ses ‘contes’ et avec son univers mi-sucré mi-acide, sorte de conte de fées sombre aux connotations très proches de Tim Burton, Lacombe était donc fait pour s’entendre. Les deux s’étaient déjà rencontrés si l’on peut dire en 2009 et ce deuxième volume reprend les choses exactement là où elles les avaient laissés, même si les six nouvelles choisies sont moins connues et pas forcément du calibre du Chat Noir et du célèbre Chute de la Maison Usher que l’on retrouvait sur son grand frère.

Que l’on ne se trompe pas : ceci est avant tout un livre d’Edgar Allan Poe et c’est son texte qui est la vraie star. Jamais intrusif, Lacombe est à son service et sait se faire discret, illustrant quant il faut les passages les plus intenses ou en donnant un visage parfois effrayant (Le Roi Peste, Petite Discussion avec une Momie) à ces personnages mais sans chercher à être présent à chaque page, alternant vaste tableau en couleur et petit dessin en noir et blanc en marge de la page.

L’artiste, dont il y a six mois nous encensions déjà dans ces mêmes pages ici-même le premier recueil d’illustrations, a su se faire petit derrière le maître. Et le résultat n’en est que plus complémentaire et donc ensorcelant.

Olivier Badin

Les Contes Macabres II d’Edgar Allan Poe et Benjamin Lacombe, Les Editions du Soleil, 29,95 euros

© Soleil / Lacombe

01 Jan

Un Gentil orc sauvage : road-trip en mode fantasy signé Théo Grosjean

Rien ne va plus au pays des orcs. Les orcs gentils sont attaqués par des orcs sauvages sans pitié. Pour Oscar, l’un des rares à survivre au massacre, c’est l’heure de l’exil…

« Il était uuuun tout petit orc-euuuuh qui n’avait ja-ja-ja-mais égorgé, ohé ohééééééééé ! ». Oscar aime à rappeler qu’il n’est pas un orc méchant. Il le chante à tue-tête. Et de fait, non seulement il n’a jamais égorgé qui que ce soit mais en plus il se lave pour sentir bon, s’habille pour paraître et vit en bonne intelligence au sein d’une communauté d’orcs civilisés dans un petit village des plus paisibles.

Plus pour longtemps. Une horde d’orcs sauvages déterminée à rétablir un ordre ancien déboule et tue tout le monde sur son passage. En quelques coups de lances et de flèches, l’affaire est réglée. Le village paisible est transformé en cimetière à ciel ouvert. Oscar le gentil orc n’a plus qu’une solution : fuir et se réfugier dans le pays voisin, celui des Gobelins.

Sauf qu’on y rentre pas comme ça chez les Gobelins. « Je vais vous envoyer un formulaire d’immigration. D’ici deux, trois ans, on commencera à étudier votre dossier », lui dit un garde-frontière. De quoi se faire tuer un bon millier de fois avant que la situation ne bouge. Commence alors pour Oscar un long périple pour parvenir à traverser la frontière clandestinement…

Paru il y a quelques mois chez Delcourt, Un Gentil orc sauvage est un road-trip de dingue à la Lapinot de Lewis Trondheim, sauf que ce n’est pas lui qui l’a écrit, c’est Théo Grosjean, un de ses élèves de l’école d’art Émile Cohl à Lyon. L’histoire d’Un Gentil orc sauvage nous embarque dans un monde imaginaire, un univers médiéval fantastique plein d’humour, tout en abordant de façon explicite des thèmes bien réels et sérieux comme l’extrémisme, l’exil, la condition des migrants… Drôle et intelligent !

Eric Guillaud

Un Gentil orc sauvage, de Théo Grosjean. Delcourt. 16,95€

© Delcourt / Grosjean

30 Déc

Terre de feu, feux follets : une aventure sentimentale dans la steppe patagonienne signée Fred Bernard et Eddy Vaccaro

Il faut bigrement aimer la nature sauvage pour s’installer ici, au fin fond de la Patagonie. Aimer la nature sauvage ou bien fuir quelque chose. Mais quoi? Depuis l’arrivée d’Antoine et Maria Jiménez, tout le monde s’interroge dans le ranch sur les raisons qui ont bien pu les amener ici. Lui encore, passons. Mais une femme…

« Ce n’est pas une terre pour vous. Il n’y a aucune femme à des kilomètres à la ronde », prévient le patron du ranch. Aucune femme, aucun bison, aucun Indien, mais des moutons, des vaches, beaucoup de vaches, et des hommes pour s’en occuper.

« Mon mari aime m’avoir sous la main. Il est très jaloux », répond Maria. Le couple est déterminé. Il s’installe dans une des cabanes encore disponible, Antoine travaille dur, Maria s’occupe comme elle peut. Une vie morne qui interroge. Que s’est-il passé dans leur vie pour qu’ils acceptent de s’enterrer ici ?

Mais cette vie sans attrait, déprimante au possible, prendre une tournure inattendue lorsque Maria croise un Indien en allant laver son linge à la rivière proche. Un Indien ! Il en restait donc un, caché dans la steppe. Après le choc de la première rencontre, l’Idien et Maria vont très vite apprendre à se connaître…

Terre de feu, feux follets est une très belle histoire réalisée par deux auteurs qui se sont déjà fait amplement remarqués chacun de leur côté, Fred Bernard au scénario (Anya et Tigre blanc, La Fille du Samouraï…) et Eddy Vaccaro au dessin (Les Gueules rouges, España la vida…), une aventure sentimentale aux accents poétiques et mélancoliques dans le sublime décor de la Terre de feu. Raffiné et intelligent à la fois !

Eric Guillaud

Terre de feu, Feux follets, de Vaccaro et Bernard. Glénat. 20,50€

28 Déc

New York Trilogie : La grande pomme croquée par le grand de la BD US Will Eisner

Grand nom de la BD du XXème siècle et grand prix du festival d’Angoulême 1975, Will Eisner était surtout un pur New-Yorkais. Le Brooklyn où il est né en 1917 était bien sûr très différent du lieu branché et saturé de restaurant macrobiotique qu’il est aujourd’hui, mais il n’a jamais cessé d’aimer sa ville natale. Tout comme il n’a jamais oublié sous sa triple couche de crasse, de stress et d’immeubles décrépis d’y voir une sorte de théâtre à ciel ouvert de la Comédie Humaine.

Bien que créateur du personnage ‘le Spirit’ dans les années 40 et crédité comme l’un des pères du roman graphique, la ville, SA ville y a toujours tenu une place particulière et c’est donc très naturellement qu’il a fini par y consacrer une série de trois livres, initialement publié en France en trois tomes aujourd’hui réunis sous une seule couverture – d’où le titre complet ‘New York Trilogie’. Ce beau pavé de plus de 400 pages est logiquement découpé en trois chapitres bien distincts : la Ville, l’Immeuble et les Gens.

Eisner y alterne saynètes muettes, instantanés drolatiques et histoires plus longues au ton plus désespéré, le tout serti dans un noir et blanc ultra-classieux et un coup de crayon incroyablement moderne. Mais surtout, il aime les gens, ces petits gens comme aurait pu le dire le Boss, alias Bruce Springsteen, autre talentueux croqueur de la masse silencieuse. Tour-à-tour amoureux, têtus, égoïstes, maladroits, un peu pathétiques mais jamais détestables, ils sont tous un peu le reflet de nos propres turpitudes et Eisner le croque pris dans les toiles de New York sans réussir vraiment à s’en sortir. C’est d’ailleurs cette dernière qui est le vrai personnage central, bien que sous de nombreux déguisements : un immeuble en construction qui voit le début et la fin d’une histoire d’amour, les marches d’un immeuble comme témoins involontaires de petits drames, une bouche d’égout cachant des trésors insoupçonnés… C’est beau, c’est tendre et en même temps, parfait reflet d’une certaine idée de la BD ‘adulte’ US des années 60 et c’est surtout la preuve, supplémentaire, que l’on avait là un grand Monsieur du neuvième art. Séance de rattrapage obligatoire !

Olivier Badin

New York Trilogie de Will Eisner, Delcourt, 34,95 euros

The Art of Splatoon : l’art book du jeu vidéo à succès

OK, Noël est passé ! Et pour les Etrennes ? Vous faîtes quoi ? Pour ceux qui sécheraient abominablement, voici un livre qui pourrait bien intéresser les fans de manga et de jeux vidéos, The Art of Splatoon…

Pour ceux et celles qui sont restés comme moi bloqués à Tetris ou pire encore à Pong, Splatoon est un jeu vidéo de tir en vue à la troisième personne édité depuis mai 2015 par Nintendo et dont le but « est de recouvrir la surface du sol d’encre colorée, l’équipe gagnante étant celle qui possède le plus grand territoire encré » (merci Wikipédia!).

C’est un jeu, c’est aussi, depuis 2016, une série manga dessinée par Sankichi Hinodeya pour les éditions Shogakukan au Japon, Soleil Manga en France.

Et c’est enfin depuis novembre un colossal art book de 320 pages réunissant un ensemble impressionnant d’illustrations 2D et 3D. Un plongeon forcément coloré dans le jeu, à la découverte de son univers et des créatures qui l’habitent avec des concepts arts, des designs d’armes et d’équipements, des scénarios, des croquis et même un manga d’une trentaine de pages.

Eric Guillaud

The Art of Splatoon. Soleil. 34,99€

18 Déc

Chroniques de Noël : Ma vie d’artiste, un récit autobiographique de mademoiselle Caroline

Et sinon ma chérie, c’est quoi ton vrai métier ? Combien d’artistes ont été un jour confrontés à cette question, tantôt posée avec un brin de naïveté, tantôt avec un vrai fond de méchanceté. Cette question, Mademoiselle Caroline la balaie d’un silence qui veut tout dire et passe à la suite, à savoir comment on devient artiste. Ça, c’est une vraie question. Et Ma vie d’artiste y répond…

Artiste, Mademoiselle Caroline l’est assurément. Un vrai métier, une vraie passion, des études, de longues études même, du travail, beaucoup de travail, et des albums.

De Chute libre à La Différence invisible, de Enceinte! C’est pas une mince affaire à Maman?! Quoi encore ?, de Quitter Paris à Je commence lundi, le régime anti-régime!, Mademoiselle Caroline s’est fait un nom dans le genre autobiographique tendance drôle.

Mais elle sait aussi aborder des thèmes plus graves comme la dépression ou l’autisme (en compagnie de Julie Dachez) avec tact, avec légèreté, et toujours avec bonheur.

Dans ce nouvel opus, Mademoiselle Caroline nous raconte SA vie d’artiste, son parcours pour arriver là où elle est aujourd’hui. Depuis sa plus tendre jeunesse, ses premières feuilles griffonnées en regardant Récré A2 à la télévision, jusqu’à la parution de ses premiers albums chez City puis chez Delcourt. La consécration ! 3 T dans Télérama, une équipe complète aux petits soins de ses livres, des tournées de dédicaces, la rencontre avec le monde du neuvième art…

Et c’est là que l’album devient très intéressant. Mademoiselle Caroline nous raconte son quotidien, les festivals à courants d’air, les dédicaces sur tirage au sort, les libraires BD qui se prennent pour Flynn Rider, le beau gosse de Raiponce, le regard des hommes peu habitués à voir des auteurs femmes, les bouquins qui se vendent ou pas, l’argent que ça rapporte ou pas, les illusions et désillusions…

Et pour raconter ce parcours, Mademoiselle Caroline adapte son dessin à chaque période de SA vie d’artiste. Un trait enfantin en noir et blanc pour sa prime jeunesse, en couleurs quand on lui offre sa première boîte de crayons, plus affirmé lorsqu’elle est admise à l’école Penninghen, un dessin sur fond sombre lorsque la technique est à l’étude ou à la mode, et enfin le style graphique qu’on lui connaît aujourd’hui lorsqu’elle devient officiellement auteure de BD. Oui, auteure de BD. Ce n’est pas un gros mot. Et si vous vous demandez encore ce qu’est son vrai métier, alors reprenez la lecture de cette chronique à son début.

Eric Guillaud

Ma Vie d’artiste, de Mademoiselle Caroline. Delcourt. 19,99€

© Delcourt / Mademoiselle Caroline

17 Déc

Beyond ! ou la vraie fausse suite d’un grand classique de Marvel

Tout un tas de super-héros et super-méchants sont envoyés malgré eux sur une planète reculée pour mieux satisfaire le voyeurisme d’une entité mystérieuse qui leur promet monts et merveilles en guise de récompense. Fans de comics, cela vous rappelle quelque chose ? C’est voulu…

En 1984, l’empire Marvel au creux de la vague a besoin de frapper un grand coup et, accessoirement, d’assurer le contrat qu’il vient de passer avec une marque de jouets. 

D’où l’idée de la saga Les Guerres Secrètesdont le pitch semble tenir sur un timbre-poste : les plus grands héros (Spider-Man, les Quatre Fantastiques, les X-Men, Iron Man etc.) et les plus grands méchants (avec, en tête, le Docteur Fatalis) se retrouvent propulsés sur une autre planète où une entité extra-terrestre surpuissant nommée le ‘Beyonder’ (littéralement, celui qui vient de l’au-delà) propose de rendre réel leurs rêves les plus fous à condition qu’ils acceptent de s’entretuer. 

Sauf que contre toute attente, ce récit quasi-homérique prend une tournure quasi-philosophique, notamment en remettant la question du Bien et du Mal et des motivations des uns et des autres. Même en France, où la série est publiée dans le magazine Spideyà partir de Juillet 1985, la série est devenue culte, symbolisant même pour certains le passage de Marvel à l’âge adulte.

En y faisant ouvertement référence – jusqu’à son titre – Beyond !met d’entrée les pieds dans le plat. Nireboot, ni suite, voici une sorte de post-histoire parallèle déclinée en six chapitres assez courts où une bande de héros se retrouvent, une nouvelle fois, téléportés contre le gré à l’autre bout de la galaxie et défiés par une entité se prétendant être la réincarnation du Beyonder avec la même carotte. Sauf que la seule vraie ‘star’ du lot, Spider-Man, est éliminée dès le premier épisode par son ennemi juré, Venom. 

Et derrière, ça bastonne, ça bastonne et ça bastonne encore. Pas de grands discours, pas trop de subtilité non plus, ça explose dans tous les sens poussé par un coloriste s’en donne à cœur joie. D’une certaine manière, on pourrait donc dire qu’en fait Beyond !offre aux fans ce qu’ils avaient d’abord attendu des Guerres Secrètes. Sauf que si ces dernières avaient tant maqué les esprits, c’est justement parce qu’elles avaient osé prendre le contrepieds. 

Après, c’est vrai que malgré une conclusion un peu trop hâtée et des héros de série B trop lisses (Ant-Man, Deathlok, Medusa), on en prend plein les mirettes, ses créateurs osant même sacrifier l’un de leurs personnages (non, on ne dira rien, même sous la torture !) histoire de donner au tout encore plus de panache. Mais disons que ce Beyond ! est surtout pour les fans de comics et comme une sorte de gros blockbuster que l’on va voir un dimanche après-midi de pluie, armé de son poids en pop-corn, ni plus, ni moins. 

Olivier Badin

Beyond ! de Dwayne McDuffie et Scott Kolins, Marvel/Panini Comics, 18€