Pour faire un bon film, expliquait Henri-Georges Clouzot, « il faut premièrement une bonne histoire, deuxièmement, une bonne histoire, troisièmement, une bonne histoire ». En bande dessinée, c’est pareil avec en bonus un bon dessin. C’est le cas avec Lily a des nénés, première bande dessinée du réalisateur de films d’animations Geoff…
Attention talent ! Ce n’est pas la première bande dessinée à parler du passage délicat de l’enfance à l’adolescence mais Geoffroy Barbet-Massin, aka Geoff, le fait avec une telle modernité, une telle légèreté et un tel sens de l’humour, qu’on en oublierait presque tous les autres. Bon, j’exagère peut-être mais Lily a des nénés accroche résolument le lecteur dès la première page, dès la première case avec un très beau dessinréalisé au pastel à l’huile, avec des couleurs profondes, des dialogues et une voix off jubilatoires, et bien sûr un personnage, ou plus exactement des personnages littéralement à croquer.
Alors voilà, je m’appelle lily, j’ai dix ans, j’ai des seins et je suis fière…! Enfin, pas trop, mais j’me force
Voilà en une ligne la problématique posée. Lily est une gamine bien dans ses bottes, amoureuse du meilleur copain de son frère jumeau, Tituan. Tout va bien dans le meilleur des mondes jusqu’au jour où ce fameux frangin découvre qu’elle a des nénés.
Euh… là… J’ai plus envie de prendre le bain avec toi… ! On dirait un zombie, et j’trouve ça un peu dégoûtant!
Tituan est sous le choc. ça devrait lui passer. Pour Lily, il va falloir assumer ce corps qui change et accepter le fait qu’elle n’est plus tout à fait une enfant.
« J’ai deux filles, de 7 ans et 9 ans… », explique l’auteur, « je les regarde et les écoute beaucoup. Un jour, quand ma fille aînée était au CP, je lui ai demandé comment elle voulait s’habiller. Elle m’a répondu qu’elle ne voulait plus mettre de jupes ou de robes. J’ai été profondément choqué qu’une fille de 6 ans puisse déjà dire : « Je ne veux pas montrer mon corps parce que je ne veux pas être embêtée ». Le personnage de Lily est né de cette colère, de ce besoin d’acceptation ».
Je deviens une femme… enfin, je débute
Née d’un appel d’offres de France Télévisions pour un épisode animé de 26 minutes sur le thème d’une héroïne contemporaine, Lily nous embarque avec bonheur dans le monde de l’enfance, brisant au passage quelques idées reçues sur les filles, le tout dans le décor fabuleux et légèrement revisité de Portsall, localité côtière faisant partie de la commune de Ploudalmézeau, située dans le nord-ouest du Finistère (merci Wiki!). « la ville existe… », précise l’auteur, « mais elle est un peu réinventée, imaginaire, idéale ».
Ici, c’est la Bretagne, il pleut 150 jours par an, il bruine 100 jours, et le reste du temps, il fait juste pas beau
Elle exagère un peu notre héroïne, même si elle garde une grande partie du temps son ciré jaune et son bonnet rouge, les planches de Geoff donnent une idée plutôt joyeuse et lumineuse de ce petit coin de paradis breton. Bref, une belle bande dessinée, pardon, une première belle bande dessinée signée Geoff. Un deuxième volet est annoncé pour fin 2019. Hâte !
Eric Guillaud
Lily a des nénés, de Geoff. Casterman. 14€ (en librairie le 6 mars)