17 Sep

Mégabras ou le super-héros façon Guillaume Bouzard

Guillaume Bouzard, auteur de bandes dessinées de son état, est un garçon d’ordinaire plutôt gentil. On pourrait même dire un garçon serviable, attentionné. Mais depuis quelques temps, Guillaume ne se contrôle plus. Les petites contrariétés le mettent vite dans une colère noire et, surtout, transforment son bras droit en mégabras hyper-musclé. Imaginez une transformation genre « Hulk » mais sans la peinture verte et affectant qu’une partie du corps. Maintenant, pour Guillaume, la question est simple : que faire de ce super-pouvoir ? Changer de métier et devenir maçon ? Et pourquoi pas docker ? Non, il faut mettre ce bras au service de la veuve et de l’orphelin. Dorénavant, Guillaume sera un super-héros…
Ce n’est pas la première fois que Guillaume Bouzard se met en scène dans ses albums (voir The Autobiography of me too aux Requins marteaux), ce n’est pas non plus la première fois qu’il parle de super-héros (voir Plageman l’homme-plage, publié chez 6 pieds sous terre) et enfin ce n’est pas la première fois qu’il parle de bras (voir Le Bras qui bouge chez Fluide Glacial). Cet album serait-il pour autant un concentré des obsessions de l’auteur ? Une seule chose est sûre, Mégabras est un concentré d’humour… brutal ! EGuillaud

Megabras, de Bouzard. Editions Fluide Glacial. 14 euros

Zone blanche, un polar façon Jean-C. Denis, Grand prix d’Angoulême 2012

C’est un polar. Sans vraiment l’être. Un récit singulier en tout cas, plus intimiste que spectaculaire comme peuvent l’être les albums de Jean-C. Denis. L’auteur de la série Luc Leroi, de L’Ombre aux tableaux, de Quelques mois à l’Amélie ou encore de Tous à Matha est un pilier du Neuvième art, un chef de file de ce qu’on a appelé la nouvelle bande dessinée française apparue dans les années 70. Du haut de ses 30 ans de carrière, de ses dizaines d’albums, de ses nombreux prix aussi, dont le prestigieux Grand Prix d’Angoulême reçu en 2012, Jean-C. Denis peut s’enorgueillir d’avoir construit une oeuvre homogène,  riche, encrée dans son époque, avec la réalité pour témoin et la rencontre pour thématique récurrente. Zone blanche est aussi l’histoire d’une rencontre, un soir de panne générale d’électricité. Pas banal ! D’un côté, Serge Guérin, la cinquantaine, électro-sensible, une vie de douleurs et de solitude et un digicode qui l’empêche de rentrer chez lui. De l’autre, Claire, une femme pas vraiment belle, pas vraiment laide, naufragée elle-aussi de la panne d’électricité, une femme qui dégage aucune mauvaise onde. Et c’est important pour Serge. La soirée se prolonge et se termine dans un lit sans qu’il soit question d’amour. Non, il s’agit plutôt d’un acte qui scelle un accord entre les deux, un accord qui va changer leur vie… EGuillaud

Zone blanche, de Jean-C. Denis. Editions Futuropolis. 16 euros

L’info en +

Jean-C. Denis sera le président de la prochaine édition du festival d’Angoulême en janvier 2013.

11 Sep

Le Bureau des complots, le nouvel album de Jérémy Mahot

Si vous avez dévoré Les frères Zimmer contre le reste du monde, alors vous devriez logiquement aimer Le Bureau des complots. Même si ce nouvel album de Jérémy Mahot avance avec un humour plus masqué, plus cynique aussi, vous retrouverez ici l’atmosphère savoureusement décalé du premier album ainsi que le graphisme minimaliste, géométrique, rigide, en un mot glacial, qui devient la marque de fabrique de l’auteur. Et l’histoire ? Justement l’histoire… Jérémy Mahot part des attentats du 11 septembre et des différentes théories du complot pour imaginer l’existence d’une agence secrète qui serait à l’origine de toutes les catastrophes de l’histoire : l’assassinat de Kennedy, le tsunami en Thaïlande et, donc, le 11 septembre. Si le sujet est grave, particulièrement à l’approche du jour anniversaire, Jérémy Mahot parvient à traiter l’affaire avec finesse. Le héros principal de cette « politique-fiction », patron de l’agence et instigateur direct de l’attentat contre le World Trade Center, est un petit bonhomme sec et froid, absolument dépourvu d’humanisme… C’est le deuxième album de l’auteur ! EGuillaud

Le Bureau des complots, de Jérémy Mahot. Editions Delcourt. 9,95 euros.

04 Sep

Prix de l’audace à Angoulême en 2012 pour Teddy Beat, Morgan Navarro revient avec L’endormeur

Merlin n’en peut plus ! Il rêve d’être seul, seul au milieu d’une plage immense, de s’allonger et de dormir, dormir, dormir… Et c’est compréhensible. Cela fait trois semaines qu’il n’a pas fermé les yeux plus de deux heures de suite. Son fils, Samo, refuse de faire ses nuits. Il hurle en permanence et transforme les nuits du père en cauchemar. A bout, Merlin décide de faire appel à l’Endormeur, un être très étrange mais qui se déplace gratuitement le soir pour endormir les bébés et le matin pour les réveiller. Oui mais voilà, si l’Endormeur a finalement bien endormi Samo, il ne pourra décemment plus le réveiller. L’Endormeur a été assassiné ! Désemparé, Merlin va devoir trouver une solution…

Auteur de quelques albums dans le milieu des éditeurs indépendants, parmi lesquels Malcom Foot, Flipper le flippé ou encore Teddy Beat (Prix de l’audace au festival d’Angoulême 2012), Morgan Navarro nous offre ici un récit totalement surréaliste et drôle avec des personnages plus extravagants les uns que les autres et des situations pour le moins cocasses. Un album conseillé pour tous les parents qui auraient quelques soucis avec leur progéniture, histoire de prendre un peu de recul ! EGuillaud

Château rose, L’Endormeur (tome 1), de Morgan Navarro. Editions Delcourt. 14,95 euros

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L’info en +

Découvrez le blog de Morgan Navarro ici-même !

03 Sep

Les Petits hommes, La Patrouille des castors, Jerry Spring… la rentrée se dessine en intégrale

Finies les vacances, les légendes du journal Spirou reprennent du service pour une nouvelle saison d’intégrales. Et ce mois-ci, ce sont Jerry Spring, La Patrouille des Castors et Les Petits hommes qui s’y collent. Trois volumes, une bonne douzaine de récits, des pages et des pages d’aventures…

Et pour commencer, honneur au plus ancien d’entre eux, le cowboy Jerry Spring. Apparu dans les pages du journal Spirou au milieu des années 50, Jerry Spring s’impose très vite comme un personnage incontournable de la légende du Far West. Ses récits influenceront quantité d’auteurs, de Jean Giraud à Hermann, en passant par Derib. Dans ce cinquième et dernier volume de l’intégrale sont réunis cinq aventures, et non des moindres, publiées entre 1966 et 1977 : Jerry contre KKK, Le Duel, L’Or de personne, La Fille du canyon et Le Grand calumet. Un cahier documentaire replace chacun de ces récits dans le contexte de l’époque, un contexte marqué par la fin d’un modèle, celui du gentil héros, propre et poli, face au méchant, sale et grossier. Les anti-héros prennent le pouvoir et modifient profondément et durablement le paysage culturel européen. De son côté, Jerry Spring vit ses dernières heures. Son créateur, Jijé, décède en 1980. Il faudra attendre les années 90 pour que notre cowboy remonte à cheval pour une ultime chevauchée sous la plume de Festin et le pinceau de Franz…

La Patrouille des castors fait son apparition dans le journal Spirou quelques mois seulement après Jerry Spring. Nous sommes en novembre 1954 et le scoutisme a encore de belles heures devant lui. La série emmenée par MiTacq au dessin et Jean-Michel Charlier au scénario passera d’ailleurs le cap des quarante ans de longévité et disparaîtra avec la mort de son créateur MiTacq. Ce troisième volume de l’intégrale réunit quatre récits, Le Traite sans visage, Le Signe indien, Les Loups écarlates, Menace en Camargue, et un cahier graphique avec nombre d’illustrations inédites, de croquis, de photographies…

Petits par la taille mais grands par la notoriété, les habitants de Ravejols, village touché par la chute d’une mystérieuse météorite, reviennent pour trois nouvelles aventures, initialement publiées entre 1976 et 1978 dans le journal Spirou. Il s’agit de Les Ronces du Samouraï, Le triangle du diable et Le Peuple des abysses. Très proche graphiquement de Franquin, le dessinateur Seron devient à cette époque un pilier « discret » de la rédaction du journal Spirou et Les Petits hommes une des séries phares. Preuve en est ce mini récit également publié dans les pages de cette intégrale mettant en scène une rencontre au sommet entre les Petits hommes et les fameux Schtroumpfs de Peyo. Toute une époque ! EGuillaud

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Dans le détail :

Jerry Spring (Intégrale 5), de Jijé, Lob et Philip. 24 euros

La Patrouilles de Castors (Intégrale 3), de MiTacq et Charlier. 28 euros.

Les Petits hommes (Intégrale 4), de Seron, Mitteï et Desberg. 24 euros

01 Sep

Le Croiseur fantôme de Devig ou le retour de la ligne claire…

S’il avait su, le père Mils serait resté tranquillement dans sa paroisse à s’occuper avec Mademoiselle Woolton de la prochaine tombola, de la décoration de la salle et dans le même temps de la rédemption de ses ouailles. Mais il était impossible pour lui de refuser de tendre la main à cet homme venu le voir, totalement désemparé par la maladie de son fils. Une maladie étrange, très étrange, qui laissait le corps médical médusé. Le père Mils, intrigué, se lance alors dans une longue et dangereuse enquête…

Après Alerte sur Fangataufa et Menace sur Apollo, deux albums réalisés en équipe avec Philippe Geluck (oui oui le Geluck du Chat!), Devig se lance en solo signant Le Croiseur fantôme, histoire qui nous transporte aux coeur de l’Amérique des années 50 pour une histoire inspirée de faits réels et des travaux de l’ingénieur Nikola Tesla sur le rayon de la mort. Au delà du scénario plutôt bien construit, Devig confirme avec cet album son attachement à la ligne claire, école belge initiée par des gens comme Hergé ou Jacobs et mise à jour un peu plus tard par Floc’h, Swarte ou encore Chaland. Un dessin élégant, une atmosphère rétro, un récit captivant ! EGuillaud

Le Croiseur fantôme, de Devig. Editions Casterman. 12,95 euros

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L’info en +

Pour en savoir plus, voici deux liens, celui du blog de l’auteur Devig, et celui de la page wikipedia consacrée à l’ingénieur Nikola Tesla

29 Août

Chère Patagonie, le nouvel album de Jorge González aux éditions Dupuis

« Un ovni ! Ou un miracle ! Comme vous voulez. » C’est par ces termes que débutait ma chronique de Bandonéon, l’album précédent de Jorge González.  C’est par ces mêmes termes que j’ai envie de commencer celle-ci tant Chère Patagonie nous interpelle d’entrée par son volume, 280 pages, par sa couverture, ténébreuse, presque inquiétante, par son graphisme général, ses couleurs, sa narration et son histoire. L’histoire justement. Jorge González, Argentin d’origine, établi à Barcelone depuis plus de 15 ans, raconte à travers des bribes de vie l’histoire de son pays, l’Argentine donc, mais aussi de la Patagonie, territoire le plus austral de la planète situé à cheval sur l’Argentine et le Chili. Des références historiques jalonnent le récit depuis le XIXe siècle jusqu’à nos jours mais, pas d’inquiétude, de judicieuses précisions historiques sont apportées en fin d’ouvrage, de même qu’un glossaire nous éclaire sur les termes inconnus de ce côté-ci de la planète. Si les premières pages peuvent paraître rudes, voire hermétiques, n’hésitez pas à vous laisser porter, la suite déboulonne tout ça et happe le lecteur jusqu’à la fin dans un tourbillon de destins et d’aventures depuis les terres sauvages de Patagonie jusqu’aux rues grouillantes de Buenos Aires…

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Découvrez l’interview de l’auteur ici

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Visuellement, comme dans Bandonéon, Jorge González nous invite à vivre une véritable expérience graphique et narrative, passant d’illustrations pleine page, tantôt proches de l’esquisse, tantôt très picturales, à des planches fractionnées par plusieurs dizaines de cases, pour ne pas dire des centaines, entrainant l’œil d’une scène à l’autre sans rupture. Impressionnant ! Jorge González ne fait pas de la BD pour faire de la BD, il explore, teste, invente, réinvente, pousse les cases ou au contraire fractionne la page à l’extrême au point de la recouvrir totalement, pose enfin un visage ou un cheval d’un coup de crayon, plante un décor de pastel et d’aquarelle à la Turner tendance Rothko. Le trait est sec, vif, nerveux, les ambiances, énigmatiques, hantées. Hantées peut-être par tous ces êtres que l’on y croise, des Indiens, des colons, des boutiquiers et même un réalisateur de cinéma allemand… Sans hésitation, Chère Patagonie est à classer parmi les albums indispensables de l’année 2012 ! EGuillaud

Chère Patagonie. Editions Dupuis. 26 euros

Ch.

L’info en +

Le graphisme de Jorge González vous interpelle ? Alors, je ne peux que vous conseiller de visiter son site  ici-même sur lequel il a tenu un making-of tout au long de la réalisation de l’album.