10 Avr

« Jacques a dit », un récit BD de Fabien Grolleau et Thierry Bedouet qui se déroule à Nantes

Quelle drôle d’idée ! Voler dans le port de Nantes l’ancien escorteur Maillé-Brézé devenu musée pour aller se recueillir sur la tombe de Jacques Brel aux Marquises. Et cette idée, c’est celle d’un vieux gars de la Marine justement, Jacques, comme le chanteur. Et Jacques est malade. Quelques mois et il aura lui aussi cassé sa pipe. Alors c’est le moment ou jamais. Avec ses potes et le jeune Stéphane, un pauvre gars rencontré sur les quais, Jacques transforme son idée en opération commando. Larguez les amarres et cap vers l’aventure…

Une étrange aventure de fait, imaginée par deux Nantais, Fabien Grolleau et Thierry Bedouet, connus sur la place pour avoir créé la maison d’édition associative Vide Cocagne. Au delà de l’effet sympathique pour les Nantais de retrouver les lieux de leur ville, Jacques a dit est un récit bourré d’humanité, de sensibilité et de poésie subtilement mis en images et en couleurs par un auteur formé aux livres jeunesse. Un album pour tous les gars de la Marine et les autres… EGuillaud

L’interview des auteurs ici

Jacques a dit, de Fabien Grolleau et Thierry Bedouet. Editions Sarbacane. 17,90 euros

06 Avr

75 ans de Spirou : La Galerie des illustres, un ouvrage collectif réunissant Brüno, Cosey, Davodeau, Goossens, Gotlib, Hermann, Rabaté, Schuiten, Vivès, Yoann, Zep…

Enorme ! Enorme par son poids, énorme aussi par le nombre d’auteurs réunis dans ses pages. 200 au total ! Et pas des moindres, non, tous ceux ou presque qui comptent dans la bande dessinée franco-belge sont ici. Visez plutôt : Baru, Baudoin, Berthet, Blutch, Boucq, Brüno, Cosey, Cabu, David B, Davodeau, Dupuy & Berberian, Le Gall… reprenez votre souffle… Dodier, Goossens, Gotlib, Le Gall, Lepage, Loustal, Margerin, Pedrosa, Pétillon, Schuiten… une galerie d’auteurs plus illustres les uns que les autres réunis pour rendre hommage à l’univers de Spirou en cette année marquée par le soixante-quinzième anniversaire du personnage et du journal. 2013, année groom !

200 auteurs donc qui ont réalisé dans leur propre style une planche mettant en scène leur enfance, leur rencontre avec la BD et plus particulièrement avec le journal Spirou. On s’amuse de voir un Gaston Lagaffe prenant vie sous la plume de Florence Cestac, un Fantasio sous celle de Ted Benoît, on s’émerveille devant ce bolide ressuscité des premières aventures de Spirou et Fantasio par Christophe Blain, ce Marsupilami géant imaginé par Nicolas de Crécy, cette histoire délirante de Lucky Luke écrite par Gotlib ou encore ce récit autobiographique de Zep mettant en scène ses déboires de débutant avec les éditions… Dupuis.

Mais là où l’ouvrage frôle le génie, oui oui absolument, c’est quand il nous propose en regard de chaque planche-hommage une courte interview de l’auteur signataire. Et on y apprend beaucoup de choses, souvent très intimes…  Beau boulot ! EGuillaud

La Galerie des illustres, collectif. Editions Dupuis. 45 euros

España la vida, un album de Vaccaro et Le Roy chez Casterman

La guerre civile espagnole connaîtrait-elle un regain d’intérêt ? En l’espace de quelques semaines sont apparus sur les étagères de nos librairies spécialisées Le Convoi, un dyptique signé Torrents et Lapière portant sur la « retirada », l’exode des Républicains vers la France à partir de décembre 1938, et España la Vida, un récit de Vaccaro et Le Roy qui nous ramène quelques mois auparavant, au moment du bombardement de Guernica. Jean-Léonard, Léo pour les intimes, jeune Parisien issu de la bonne bourgeoisie ne supporte plus de regarder l’Espagne sombrer et tomber aux mains des Franquistes. Bien décidé à défendre ses idéaux libertaires, Léo finit par rejoindre les Brigades internationales où il se frotte très rapidement à la dure réalité de la guerre…

A la différence du Convoi, clairement inspiré de faits réels ayant touché la famille d’un des auteurs, España la vida est cette fois une pure fiction. « J’avais envie d’essayer un autre type d’écriture… », explique le scénariste Maximilien Le Roy, familier d’une bande dessinée plus documentaire. « Le travail de reportage ne laisse, et pour cause, pas la moindre place à l’imagination : il faut être au plus près des témoignages que l’on recueille. Une fiction nécessite un autre type de travail sur la narration. Celà dit, j’ai tenu à écrire une fiction qui soit très ancrée dans les réalités historiques et politiques de l’époque ». Maximilien Le Roy au scénario, Eddy Vaccaro au dessin et Anne-Claire Thibaut-Jouvray aux couleurs : le trio nous offre ici un récit sur l’engagement individuel en même temps qu’une belle histoire d’amour. Un récit plein d’humanité dans un monde en guerre ! EGuillaud

España la vida, de Vaccaro, Le Roy et Thibaut Jouvray. Editions Casterman. 25 euros

03 Avr

Fred, le créateur de Philémon, est décédé mardi soir…

Frédéric Othon Théodore Aristidès, alias Fred, est décédé hier à l’âge de 82 ans laissant orphelin quantité de fans mais aussi son personnage Philémon créé au début des années 70 pour le journal Pilote et qui connut une ultime aventure en février de cette année avec l’album Le Train où vont les choses.
Fred était aussi l’auteur des albums Magic Palace Hôtel, Le Fond de l’air est frais, Le Petit cirque, Manège, L’Histoire de la dernière image
Grand Prix de la ville d’Angoulême en 1980, Alph’Art du meilleur album en 1994… Fred fait partie des géants du Neuvième art, un poète qui a développé un univers onirique sans pareil !

En janvier 2012, une équipe de reportage de France 3 Poitou-Charentes rencontrait l’auteur alors en plein travail sur son dernier album…

01 Avr

Le Convoi, une histoire de la guerre d’Espagne signée Torrents et Lapière

Montpellier, un jour de novembre 1975. Angelita reçoit un appel de son beau père. Sa mère a fait une crise cardiaque et est hospitalisée à Barcelone. Alors que tout le monde la croyait en Auvergne ! Pourquoi Barcelone, elle qui s’était jurée de ne plus mettre les pieds en Espagne tant que Franco serait vivant. Mystère. Angelita est une fille de réfugiés espagnols arrivée en France en 1939. Sa mère et elle ont depuis refait leur vie, son père est mort en déportation, du moins le pensait-elle jusqu’à ce jour…

Inspiré par des faits réels dont certains auraient touché la famille du dessinateur Eduard Torrents, Le Convoi nous plonge au coeur des années noires, depuis la guerre civile espagnole jusqu’à la Seconde guerre mondiale en passant par ce qu’on appelle la « retirada », l’exode de 500 000 républicains espagnols vers le territoire français à compter de décembre 1938, des réfugiés entassés dans des camps souvent improvisés avant pour certains d’être déportés dans les camps de concentration nazis. Dans ce contexte fort et douloureux, Eduard Torrents et Denis Lapière développent une très belle histoire de famille en deux volumes. EGuillaud

Le Convoi (2 tomes), de Torrents et Lapière. Editions Dupuis. 15,50 euros le volume

27 Mar

75 ans de Spirou : la fête continue avec la parution de l’album de Nicoby et Joub, « Dans l’atelier de Fournier »

L’année groom se poursuit ! Après la publication de la 53e aventure de Spirou et Fantasio, du premier volet de La Véritable histoire de Spirou et de Spirou par Rob-Vel, voici Dans l’atelier de Fournier, un album qui explore le parcours artistique de Jean-Claude Fournier. Mais qui est ce Jean-Claude Fournier ne manqueront pas de s’interroger les plus jeunes d’entre-vous ? Un Breton ! Et surtout l’un des 22 auteurs ayant travaillé sur les aventures de Spirou et Fantasio. Dans l’ordre chronologique, Jean-Claude Fournier arrive juste après Franquin et avant Nic et Broca. Nous sommes dans les années 70, l’auteur apporte sa griffe à la série avec des récits teintés d’écologie, de fantastique et de poésie… A cette époque, son personnage de L’Ankou devient même l’emblème de la lutte contre le projet de centrale nucléaire à Plogoff. Mais Jean-Claude Fournier, c’est aussi Bizu, Les Crannibales et plus récemment Les Chevaux du vent.

Réalisé sous la forme d’une rencontre en bande dessinée, Dans l’atelier de Fournier dresse le portrait de cet homme avec beaucoup d’humour et quantité de documents à l’appui, des documents d’archives souvent inédits, des planches, des croquis, intégrés dans le récit lui-même ou réunis en fin d’album. Aux manettes, les deux Bretons Joub (Geronimo, Max et Zoé…) et Nicoby (20 ans ferme, Excursion coréenne…) ont visiblement pris un plaisir immense à réaliser ce travail qui mine de rien nous permet de redécouvrir un auteur talentueux et humain passé par des hauts et des bas, la gloire et la déprime, mais qui a su se renouveler et nous surprendre encore récemment. Et dire que le grand Franquin lui avait déconseillé de reprendre les aventures de Spirou et Fantasio… Passionnant ! EGuillaud

Dans l’atelier de Fournier, de Joub et Nicoby. Editions Dupuis. 24 euros

26 Mar

Interview des auteurs de la BD documentaire « Plogoff » parue chez Delcourt : Delphine Le Lay et Alexis Horellou

Plogoff, c’est l’histoire d’un projet de centrale nucléaire, c’est aussi et surtout l’histoire d’un combat acharné mené par une belle poignée d’irréductibles gaulois contre le rouleau compresseur de l’Etat. Une histoire qui finit bien pour les irréductibles, un peu moins pour les pro-nucléaires. Une histoire qui nous en rappelle une autre, beaucoup plus proche de nous dans l’espace géographique et l’espace temps : le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Les auteurs, Delphine Le Lay et Alexis Horellou, aujourd’hui installés dans le petit village de Niafles en Mayenne, ont accepté de répondre à nos questions…

La suite ici…

24 Mar

Après-guerre, le nouveau récit de Warnauts et Raives au Lombard

1947, un petit village des Ardennes belges. La guerre a beau être terminée depuis deux ans maintenant, la vie quotidienne de chacun est encore profondément marquée par celle-ci. Le marché noir est un sport national, la débrouille une obligation, les ruines dans les grandes villes d’Europe une réalité, les tensions est-ouest une nouvelle donne. C’est dans ce contexte que Thomas, jeune bourlingueur, apprend que sa compagne, son amour, l’Espagnole Assunta, est enfermée dans un camp russe, de l’autre côté de ce que Winston Churchill appelle dès 1946 le rideau de fer. Dès lors, Thomas n’aura de cesse de tout mettre en oeuvre pour l’exfiltrer…

Après Les Temps nouveaux qui débutait à la fin des années 30 avec l’explosion du Rexisme (mouvement d’extrême droite belge), Warnauts et Raives poursuivent leur récit avec un nouveau diptyque qui nous plonge cette fois dans le contexte de l’après-guerre et du début de la guerre froide. On retrouve bien évidemment les personnages principaux, le frère rexiste de Thomas en moins, tué dans un guet-apens. Car c’est ça aussi la touche Warnauts-Raives : partir d’un contexte historique fort pour raconter les petites histoires du commun des mortels, des morceaux de vie, de survie, d’amour, de passion et de déchirements. Graphiquement, comme toujours,  le trait réaliste et les couleurs directes, fruits d’un travail à quatre mains, font immédiatement sensation. Une chronique subtile et documentée.  EGuillaud

Après-guerre, de Warnauts et Raives. Editions Le Lombard. 14,99 euros

20 Mar

Death Mountains, de Daniel Brecht et Christophe Bec chez Casterman : un épisode tragique de la conquête de l’Ouest

C’est l’un des épisodes les plus tragiques et les plus macabres de la conquête de l’Ouest que nous racontent Daniel Brecht et Christophe Bec dans ce dytique intitulé Death Mountains. Un épisode que tous les Américains connaissent encore aujourd’hui sous le nom de la Donner party, l’expédition Donner. A l’origine, il y a ce rêve pour nombre d’Américains à l’époque de rejoindre les rivages du pacifique. Le rêve américain dans toute sa splendeur. La Californie. Le cauchemar aussi ! Nous sommes en juin 1846 du côté de Fort Laramie. Les pluies du printemps ont transformé la terre en un  immense bourbier dans lequel s’enfoncent les roues des chariots. Malgré tout, malgré la pluie, malgré le danger, les dangers, un groupe de 87 personnes décide de partir à la conquête de l’Ouest. Des centaines de miles à parcourir sur des chemins incertains, trois chaînes montagneuses et des déserts à traverser… l’expédition tente un raccourci et l’histoire tourne à la tragédie !

Pour raconter cette expédition, les auteurs ont opté pour un flash back et eu recours à une narratrice, Mary Graves dite Mary la cannibale. « Mary est un personnage très romanesque… », explique le scénariste Christophe Bec, « Elle était moderne pour l’époque, c’était même une féministe avant l’heure. Raconter mon histoire au travers de son témoignage, un peu comme Arthur Penn l’avait fait dans le film Little Big Man s’est imposé ». Un récit complet en deux tomes, simultanément publiés, aussi effrayant que captivant ! A noter la magnifique et efficace mise en images de Daniel Brecht qui signe ici son premier album. EGuillaud

Death Mountains, de Daniel Brecht et Christophe Bec. Editions Casterman. 12,95 euros le volume


17 Mar

« Au Vent mauvais », un album de Rascal et Thierry Murat aux éditions Futuropolis

Des fringues sans âge sur le dos, un sac Tati pour tout bagage, Abel Mérian ressemble à tous ces taulards qui sortent de prison et doivent reprendre le cours de la vie. A la différence près qu’Abel Mérian ne va pas rester longtemps dans ce costume de sans abri. Un petit pécule l’attend bien planqué au fond d’une vielle usine désaffectée. Sauf que pendant son emprisonnement, le quartier est passé entre les mains de quelques promoteurs immobiliers peu regardants sur les trésors enfouis. L’usine désaffectée est devenue un centre d’art contemporain. Plus de magot… mais un téléphone portable trouvé sur le sol. Celui d’une jeune femme, une Italienne. Abel Mérian décide de lui ramener en mains propres…

Aucun doute, il y a du Verlaine dans cet album et pas seulement dans le titre. Dès la première page, Au Vent mauvais nous enveloppe de sa douce mélancolie. Rascal, auteur remarqué dans le livre jeunesse, développe sur plus de 100 pages un road comics psychologique autour d’un personnage à la fois désabusé et bien décidé à entamer une nouvelle vie. Peu de textes, essentiellement une voix off, une mise en images de Thierry Murat minimaliste, des couleurs ternes, trois ou quatre cases par planche et un dénouement inattendu… Au Vent mauvais est une petite merveille qui se lit et se relit sans fin. Comme un poème ! EGuillaud

Au Vent mauvais, de Rascal et Thierry Murat. Editions Futuropolis. 18 euros