09 Juil

Pages d’été. Harry Dickson, la résurrection d’un héros

Même si ses aventures à l’anglaise peuvent avoir parfois un petit côté suranné, Harry Dickson a le charme discret de ces héros intemporels, indémodables. Doug Headline, Luana Vergari et Onofrio Catacchio ne s’y sont pas trompés en décidant de lui redonner vie dans une nouvelle adaptation en bande dessinée. Un premier album réussi…

Il a un nom qui sonne comme un promesse d’enquête policière trempée dans l’encre du fantastique, Harry Dickson, le personnage apparu dans une série policière néerlandaise au début du XXe siècle, repris et rendu célèbre par le romancier belge Jean Ray a connu plusieurs adaptations en BD, une première aux éditions Dargaud de 1986 à 2003 avec Christian Vanderhaeghe et Pascal Zanon aux manettes, une seconde chez Soleil Productions de 1992 à 2008 avec Richard D. Nolane et Olivier Roman, sans compter la série Dick Hérisson, dessinée et scénarisée par Didier Savard et présentée comme un hommage plus qu’une adaptation de l’œuvre de Jean Ray.

Cette nouvelle série inaugurée avec l’épisode Mysteras est donc la troisième véritable adaptation des nouvelles, Doug Headline, Luana Vergari et Onofrio Catacchio réunissant avec bonheur tous les ingrédients qui ont fait la renommée de l’œuvre, à savoir du crime, de l’énigme et une bonne dose de fantastique, avec en bonus une mise en images sublime, élégante, proche de la ligne claire, et une palette de couleurs rétro qui contribue largement à l’atmosphère diabolique du récit. Certains penseront aux aventures de Blake et Mortimer, d’autres à celles de Fantomas mais Harry Dickson gagne ici ses propres galons et n’a franchement pas à souffrir de la comparaison.

Enfin, signe d’une attention toute particulière de la part de l’éditeur, l’album présente un magnifique dos rond à l’ancienne et un grand format idéal pour se plonger dans l’histoire et apprécier notamment le travail des auteurs sur les décors, notamment sur cette étrange tour où tout commence…

Eric Guillaud

Mysteras, Harry Dickson tome 1, de Doug Headline, Luana Vergara et Onofrio Catacchio. Dupuis. 15,95€

© Dupuis / Doug Headline, Luana Vergara & Onofrio Catacchio

Little Monsters : Sa Majesté des Mouches revisité dans un monde post-apocalyptique

Dans un décor de fin du monde, des enfants tentent de survivre tout en découvrant leur vraie nature… et le prix qu’ils vont devoir payer pour l’accepter complètement. Malgré un cadre a priori vu et revu, le scénariste Jeff Lemire réussit à imposer sa patte avec un récit à la fois minimaliste et mystique.

Un monde en ruine, ravagé par on ne sait quelle catastrophe et aujourd’hui peuplé uniquement de fantômes. Des enfants laissés pour compte, se débrouillant comme ils peuvent. Un noir et blanc classieux, où les seules traces de couleur sont rouges, rouges comme le sang des rares survivants de ce monde post-apocalyptique lorsqu’ils se font dévorer par ces enfants faussement innocents dormant le jour et vivant la nuit. Des vampires. Tous n’acceptent pas forcément leur destin mais tous attendent le retour de l’Ancien, qui a promis de revenir les chercher. Jusqu’au jour où l’un d’eux goûte, enfin, au sang humain…   

© Urban Comics / Jeff Lemire & Dustin Nguyen

Ces images-là, on les connaît. La désolation régnant partout et les vestiges d’un monde qui a vécu où des auteurs s’amusent à pervertir l’image de l’innocence même, des enfants, pour plus nous plonger dans l’horreur. De Sa Majesté Des Mouches publié en 1954 à certains personnages de la série The Walking Dead, le procédé est connu. Sauf qu’aux manettes de ce premier volume, on retrouve le dessinateur Dustin Nguyen et surtout le scénariste Jeff Lemire, soit le duo déjà derrière le très réussi pavé de SF Descender.

© Urban Comics / Jeff Lemire & Dustin Nguyen

Bien sûr, comme premier volet d’une série, celui-ci sert avant tout d’introduction, permettant de poser un à un les personnages et les décors. Mais il fait sans jamais se presser. Or même si on voit assez arriver le twist attendu autour de la vraie nature des personnages, toute la force de Lemire est de prendre son temps pour humaniser ces ‘petits monstres’, d’où le titre.

© Urban Comics / Jeff Lemire & Dustin Nguyen

À travers divers flashbacks et des présentations individuelles, on ne voit plus forcément ici des buveurs de sang mais des enfants abandonnés dans un monde hostile et gris, recherchant à tout prix une nouvelle famille mais aussi leur place. Le tout donne un récit mélancolique, aussi bien sur le plan graphique que scénaristique. L’atmosphère y est crépusculaire et hivernale, traversée par des flashs de violence froide saisissants. Et malgré une fin trop abrupte (le second volume est attendu pour la rentrée), Little Monsters réussi l’exploit de mélanger vigoureusement deux univers, post-apocalyptique et vampirique, tout en les dépoussiérant au passage.

Olivier Badin

Little Monsters, tome 1 de Jeff Lemire et Dustin Nguyen. Urban Comics. 10 €.

03 Juil

Ne Lâche pas ma main : Fred Duval et Didier Cassegrain adaptent une nouvelle fois un roman de Michel Bussi

Après Nymphéas noirs, le scénariste Fred Duval et le dessinateur Didier Cassegrain signent une nouvelle adaptation de Michel Bussi, Ne Lâche pas ma main, un thriller étourdissant qui prend corps dans l’éblouissant décor de l’île de la Réunion…

C’est l’un des écrivains les plus vendus en France et un amoureux du neuvième art. Deux bonnes raisons s’il en fallait pour que son oeuvre dépasse le rayon romans de votre librairie et se retrouve dans celui consacré aux bandes dessinées.

Deux bonnes raisons et surtout deux bons auteurs ! Fred Duval et Didier Cassegrain, le premier scénariste et le second dessinateur, déjà en tandem sur une série de science-fiction dérivée des aventures de Carmen Mc Callum.

En 2019, leurs noms côtoient déjà celui de Michel Bussi sur la couverture d’une bande dessinée, il s’agit de l’adaptation de Nymphéas noirs. Un carton !

© Dupuis / Bussi, Duval & Cassegrain

Quelques dizaines de milliers d’exemplaire plus tard, les deux hommes récidivent avec Ne lâche pas ma main, un thriller des plus machiavéliques qui nous embarque pour une destination finalement assez peu usitée en fiction, l’île de La Réunion, avec ses plages, ses hôtels de luxe, ses fonds marins translucides, ses requins et ses policiers. Car oui, même si l’endroit a tout d’un paradis, il n’y a pas que des anges à le fréquenter.

© Dupuis / Bussi, Duval & Cassegrain

Je ne vous ferai pas le coup de vous dire que le travail d’adaptation est remarquable puisque je n’ai pas lu le roman mais d’une part, j’imagine que Michel Bussi était là pour veiller au grain, d’autre part, tous ceux qui s’intéressent un tant soit peu à la bande dessinée connaissent le talent du scénariste Fred Duval, et savent combien on peut lui faire confiance pour nous embarquer dans une histoire sans qu’on ait besoin de plonger son nez dans wikipedia à toutes les cases.

© Dupuis / Bussi, Duval & Cassegrain

Ne lâche pas ma main se lit donc sans références et sans lecture préalable du roman et c’est bien ce qu’on lui demande avec en bonus la mise en images et en couleurs tout en douceur de Didier Cassegrain bien loin pourtant de ce qui pourrait être sa zone de confort, à savoir la science-fiction ou l’heroic Fantasy.

Et l’histoire ? La disparition d’une femme, un coupable idéal, une gamine déguisée en gamin, une capitaine de la police au fort tempérament, un adjoint pas franchement dans la norme et un meurtrier qui… Mais ça vous le saurez en lisant la BD.

Eric Guillaud

Ne Lâche pas ma main, de Bussi, Duval et Cassegrain. Dupuis. 29,95€

02 Juil

BD jeunesse. Dix nouveautés à découvrir pendant les vacances

De l’action, de l’humour, du merveilleux, de l’animalier… il y en a pour tous les goûts dans cette sélection forcément subjective mais totalement assumée.

On commence par un grand classique, que dis-je un chef-d’œuvre de la littérature française, Voyage au centre de la Terre de Jules Verne, revisité en bande dessinée par Rodolphe et Patrice le Sourd. Ces deux mêmes auteurs ont précédemment adapté avec succès La Ferme des Animaux, ce qui explique peut-être leur choix de poursuivre ici dans la veine animalière avec des lapins, des gros lapins, en guise de personnages. Le trait de Patrice le Sourd est magique et nous aspire littéralement dans le récit parfaitement cadré par le travaille de scénariste de Rodolphe. Un délice prévu en deux volumes. Direction Hambourg où le professeur Lidenbrock s’apprête à partir pour un voyage extraordinaire… (Voyage au centre de la Terre, de Jules Verne par Rodolphe et Le Sourd. Delcourt. 11,50€)

La situation est critique mais pas désespérée ! Anne, notre bonne Anne, va se sortir du mauvais pas dans lequel elle apparait sur la couverture. Et non seulement, elle va se sortir de ce mauvais pas mais elle va continuer à faire de superbes tartes aux pommes pour tous les habitants du royaume. Et même se trouver un prince charmant. Enfin, le temps d’une page… Après pratiquement 10 ans d’absence, le bon roi Serge, sa femme, acariâtre et médisante, ses fils complètement laids, sa fille Cécile qui monopolise la salle de bain, et la douce Anne, sont de retour pour de nouvelles aventures toujours sous la plume et le pinceau de Benoit Feroumont. Un septième tome rempli d’histoires plus ou moins courtes mais drôles dans tous les cas, publiées initialement dans le journal Spirou. (Le Royaume, tome 7, La Meilleure pâtissière, de Benoit Feroumont. Dupuis. 12,50€)

Vous connaissez l’achluophobie ? Derrière ce mot barbare se cache une réalité assez répandue, surtout chez les jeunes enfants : la peur de l’obscurité. C’est ce dont souffre Armelle, une tortue. À la nuit tombée, elle allume un feu, puis une bougie, tentant de rester éveillée. Et le jour ? Ce n’est pas mieux. Au moindre danger, Armelle ne peut même pas se réfugier dans sa carapace : il y fait affreusement noir. Armelle est désespérée jusqu’au jour où elle croise le chemin de Mirko, un insecte qui pourrait bien lui changer la vie… Une histoire d’une tendresse infinie signée par les scénaristes Anne Montel et Loïc Clément  dont on a déjà pu mesurer tout le talent dans leurs albums précédents (Chaussette, Les Jours sucrés, Le temps des Mitaines…)  et le non moins talentueux Julien Arnal transfuge du cinéma d’animation et de l’illustration. Tendre ! (Armelle et Mirko, de Anne Montel, Loïc Clément et Julien Arnal. Delcourt. 15,95€)

Tête de chips, tas de lardon, têtard à hublots, tas de moules… Brume a un certain don pour distribuer des noms d’oiseaux, et un autre pour la sorcellerie. Enfin ça, c’est ce qu’elle croit ! Elle a même acheté un chaudron magique pour préparer ses mixtures et ouvert une échoppe de sorcellerie. Mais les clients se font rares. Jusqu’au jour où le dragon local se réveille, enveloppe la région d’une opaque fumée nauséabonde. Un boulot pour notre sorcière bienaimée… Issue du monde du jeu vidéo pour l’un et de l’illustration jeunesse pour l’autre, Jérôme Pelissier et Carine Hinder signent ici une bande dessinée franchement attendrissante et humoristique, inspirée par leur propre vie dans le Morbihan. Le couple vit en effet à Rochefort-en-Terre où vécut la dernière sorcière de France. Magnifique ! (Brume tome 1, Le Réveil du dragon, de Carine Hinder et Jérôme Pelissier. Glénat. 12,50€)

On connaissait Le Roi lion, voici Le Roi louve et non Le Roi loup, puisque cette histoire, signée Alibert et Lapière au scénario, Adrián au dessin, nous embarque pour un monde où les insectes géants ont remplacé la plupart des autres formes de vie, où les femmes ovipares ont définitivement soumis les hommes et où les loups, qui se sont civilisés, changent de sexe à chaque Lune avant d’opter pour l’un d’eux. Or, Petigré, l’un de ces loups ou l’une de ces louves, comme vous voulez, héritier du trône, a décidé de rester une fille contre l’avis de son père, le roi, qui lui veut un garçon pour lui succéder… De l’heroic fantasy revu, corrigé et non dénué de questionnements autour de la parité, du genre et de quelques autres sujets très actuels. (Le Roi louve tome 2, L’Envol de Trycia, d’Alibert, Lapière et Adrián. Dupuis. 14,50€)

Et si les animaux envahissaient notre quotidien. Ou plus exactement, s’ils retrouvaient la place qu’on leur a prise avec nos villes, nos autoroutes, nos aéroports. C’est un peu ce qui arrive dans cette nouvelle série dont le premier volume vient tout juste de paraître aux éditions Dupuis. Grand Louis, c’est son nom, c’est aussi le nom du personnage principal qui n’est autre que Louis de la Taille. Pour son premier album BD l’auteur nous offre un récit légèrement autobiographique mais profondément poétique, une chronique familiale parisienne troublée par le déferlement d’animaux sauvages obligeant la population à se confiner ou fuir à toutes jambes vers la campagne. Ça vous rappelle quelque chose ? Une histoire séduisante portée par un dessin simple et souple et une mise en page des plus fluides. À suivre… (Grand Louis, tome 1, Le Marcassin, de Louis de la Taille. Dupuis. 15,50€)

Deux héros, un frère et une sœur, Ziad et Louna, issus d’un milieu populaire et qui plus-est d’une famille issue elle-même de l’immigration ! C’est suffisamment rare en BD comme ailleurs pour le signaler d’entrée. Mais la thématique de cette nouvelle série dont les deux premiers volumes viennent d’être publiés simultanément chez Dupuis est toute autre. Le Métier le plus dangereux du monde, tel est son nom, est effectivement né d’une volonté des auteurs d’explorer le monde des super-héros avec un côté social, ceci expliquant cela, et un contexte ordinaire, banal. L’idée est simple : dans un monde légèrement futuriste avec des super-héros à gogo, plus préoccupés par leur image sur les réseaux sociaux, leurs sponsors et leurs followers que par le sort de la veuve et de l’orphelin, Louna et Ziad se mettent à rêver eux-aussi de super-pouvoirs. Le costume sera-t-il à leur taille ? Rien n’est moins sûr ! (Le Métier le plus dangereux du monde, tomes 1 et 2, de Bocquet et Lai. Dupuis. 12,95€)

Plus qu’une simple bande dessinée, voici un livre-jeu, un escape book, inscrit dans l’univers de La Brigade des cauchemars, la série à succès de Franck Thilliez qui se décline à ce jour en six volumes vendus à plus de 150 000 exemplaires. On retrouve bien évidemment nos jeunes héros membres de la fameuse brigade et un nouvel enfant sujet à des terreurs nocturnes, Gaspard. Votre mission si vous l’acceptez : aider la brigade à résoudre les énigmes autour de ce nouveau dossier et offrir au jeune garçon des nuits paisibles. (La Brigade des cauchemars, L’escape book, de Thilliez, Dumont et Kaedama. Jungle. 13,95€)

Encore une histoire de chat, allez-vous me dire. Oui, un chat, mais du genre poltron, à avoir peur d’un lapin et d’un écureuil venus le réveiller dans la forêt où il s’est égaré. Pas pour longtemps, Poltron Minet, il s’appellera ainsi désormais, fait ami-ami avec eux d’autant qu’ils lui promettent de l’aider à retrouver ses maîtres. En attendant, Poltron Minet découvre une communauté animale réfugiée dans les bois qui n’a finalement pas grand chose à envier à celle des humains. À noter le joli coup de crayon de Madd et ses planches réalisées à l’aquarelle. (La voie romane, Poltron Minet tome 1, de Mayen et Madd. Dupuis. 12,95€)

Et si vous dessiniez vos propres histoires ! Rien de plus facile, si on peut dire, avec ce petit livre de Jean-Paul Aussel. En un peu moins de 200 pages, abondamment illustrées, vous apprendrez à dessiner les personnages, les décors, les objets, les animaux, vous vous initierez à l’art de la perspective et aux particularités du manga. « Dessiner est la discipline la plus simple pour qui veut matérialiser son imaginaire », écrit Achdé, le dessinateur de Lucky Luke, en préface. Et c’est vrai. Un crayon, une feuille blanche, un peu d’imagination… et c’est parti ! (On veut tout dessiner, de Jean-Paul Aussel. Leduc. 18€)

Eric Guillaud

21 Juin

Les Jours heureux, un deuxième album pour la jeune autrice italienne Zuzu

Deux petites années seulement après Cheese, sélection officielle du festival d’Angoulême 2022, l’autrice italienne Zuzu signe un deuxième roman graphique baptisé Les Jours heureux au style graphique différent mais toujours très singulier…

Adieu le noir et blanc, bonjour la couleur, la différence visuelle est de taille même si le trait dans les deux cas déforme les corps et inflige au personnage principal, et dans une moindre mesure aux seconds couteaux, un nez grotesque, disgracieux, monstrueux. C’est la marque de fabrique, on peut le penser aujourd’hui, de cette jeune autrice italienne qui signe avec Les Jours heureux son deuxième album seulement.

Cheese, le premier, a reçu le Prix Révélation au Festival de Lucca en 2019 et a été retenu dans la sélection officielle d’Angoulême 2022. S’il n’a pas reçu de prix de ce côté-ci des Alpes, il a néanmoins fortement marqué les professionnels du neuvième art qui on vu là la naissance d’une nouvelle génération d’auteurs italiens influencés par Gipi.

Emportée par ce succès naissant, Zuzu aurait très bien pu rester dans sa zone de confort en ne changeant rien à son style graphique. Mais c’était mal la connaître, préférant faire évoluer son style au regard de sa vie.

Résultat, un dessin enfantin et des couleurs qui ne le sont pas moins, réalisées aux crayons de couleurs et aux pastels à la façon d’un enfant de 5 ans. Côté découpage, rien de révolutionnaire, l’autrice usant et abusant du gaufrier à douze cases. Reste l’histoire qui, comme la précédente illustre les tourments de la vie avec une histoire tragique. Plus de Zuzu ici en héroïne mais une Claudia actrice partie pour Rome où elle doit jouer en audition un extrait de la pièce de théâtre de Samuel Beckett, Oh les Beaux jours, qui résonne dans sa propre vie.

Arrivée à Rome, elle renoue avec un de ses anciens amoureux et entreprend une relation dysfonctionnelle épuisante. Comme dans Cheese, Zuzu explore ici la spirale infernale des sentiments amoureux et notamment la peur de la solitude.

Une approche visuelle qui paraîtra pour certains irritante mais au final un sujet universel traité cash et non sans émotion.

Eric Guillaud

Les Jours heureux, de Zuzu. Casterman. 32€

© Casterman / Zuzu

11 Juin

Soda le re-retour ou comment Gazzotti et Bocquet offrent une deuxième résurrection à notre flic en costume de pasteur

Il avait disparu des écrans radar depuis 2014, autant dire une éternité ou presque, Soda est finalement de retour pour une quatorzième aventure retrouvant au passage son dessinateur historique, Bruno Gazzotti, dorénavant accompagné d’Olivier Bocquet au scénario…

Soda est de retour ! Et franchement, ça fait un bien fou de retrouver notre bon flic new-yorkais toujours affublé de son costume de pasteur histoire d’épargner à sa mère une réalité qui pourrait lui être fatale. Oui, Soda, alias David Ellioth Hanneth Solomon, est flic, un bon flic, auquel on pourrait donner le bon dieu sans confession.

Pourtant, depuis quelques temps, quelque chose ne tourne pas rond. La nuit, il rêve qu’il étrangle sa mère, et le jour, une prostituée retrouvée à moitié morte le désigne comme son agresseur. Pire encore, un tueur en série habillé en pasteur sévit dans New York. On l’appelle Le Pasteur sanglant. De là à penser que notre Soda a viré de bord…

Neuf ans qu’on ne l’avait pas vu ! Depuis l’album Résurrection qui avait lui-même rompu neuf autres années de silence. Tome, décédé depuis, en assurait le scénario et Dan Verlinden le dessin. Pour ce nouveau volet, qui n’est étrangement pas estampillé du chiffre 14, Olivier Bocquet s’est attelé au scénario tandis que Bruno Gazzotti, dessinateur historique depuis le troisième tome de la série, fait son grand retour.

Résultat ? Un scénario parfaitement huilé, un casting aux gueules de polar, les décors d’un New York des années 80/90 rongé par le crime et la pauvreté, un dessin toujours semi-réaliste mais plus sombre, plus inquiétant, et un grand format pas vraiment opportun pour le lecteur, peut-être plus pour l’éditeur qui en profite pour réimprimer les 12 premiers volumes à l’identique. Les 12 premiers ? Oui, assez étrangement, le treizième, Résurrection, dont on parlait un peu plus avant, a disparu du catalogue. Pourquoi ? Mystère…

Eric Guillaud

Le Pasteur sanglant, Soda tome 13, de Gazzotti et Bocquet. Dupuis. 14,50€

© Dupuis / Gazzotti & Bocquet

24 Heures du Mans 2023 : Michel Vaillant sur le podium ?

Et si la 100e édition des 24 heures du Mans était remportée non pas par une Ferrari, une Peugeot, une Toyota ou une Cadillac mais une Vaillante. C’est le scénario qui se profile dans ce douzième volet des nouvelles aventures de Michel Vaillant. Mais ne croyez pas qu’en vous disant cela, on vous a tout dit. Non, l’intrigue est bien ailleurs que dans le classement final de la mythique course à laquelle le plus célèbre pilote du neuvième art et son ami Steve Warson ont décidé de participer…

À l’heure où sont écrites ces quelques lignes, rien n’est jouée du côté des 24 heures du Mans, les bolides tournent encore et encore sur le mythique circuit. Mais une chose est sûre, dans cette nouvelle fiction signée Lapière, Bourgne et Benéteau de l’écurie Graton, c’est Michel Vaillant qui franchit en tête la ligne d’arrivée au volant de sa Vaillante.

Bon ok, je spoile un peu la fin de l’histoire mais l’intérêt de celle-ci ne réside pas dans la course en elle-même. Steve Warson, ex-futur sénateur démocrate du Texas et ami de Michel Vaillant veut se retirer de la politique pour se consacrer au sport. Mais une bande d’extrémistes conspirationnistes s’est juré d’avoir sa peau. Leur plan est simple : attendre le passage de sa Vaillante sur la ligne droite des Hunaudières et lui coller une balle dans la tête. A plus de 300 km/h, forcément la chance de s’en sortir est mince…

Est -ce la fin de Steve Warson ? Bouche cousue cette fois, je vous laisse découvrir le dénouement mais réitère mon enthousiasme pour cette très belle renaissance d’une série plus que mythique vendue à plusieurs millions d’exemplaires dans le monde.

Avec douze albums en un peu plus de dix ans, le trio Lapière-Bourgne-Benéteau accompagné hier de Philippe Graton, le propre fils de Jean Graton, a apporté un sacré coup de jeune à la série tant au niveau du scénario que du dessin. L‘alliance graphique entre Bourgne (pour les personnages) et Benéteau (pour les automobiles) fait toujours recette. À lire pied au plancher !

Eric Guillaud

La Cible, Michel Vaillant tome 12, de Lapière, Bourgne et Benéteau. Graton. 16,50€

© Graton / Lapière, Bourgne & Benéteau

10 Juin

Un Tournage en enfer de Florent Silloray ou comment le film Apocalypse now est devenu une légende avant même de sortir en salles

Des tournages maudits, il y en a eu quelques-uns depuis que le cinéma existe mais des comme celui-ci, rarement. Apocalypse now est entré dans la légende bien avant de rejoindre les salles obscures. Florent Silloray nous raconte cette incroyable aventure dans un roman graphique relativement captivant…

Si le film est en lui-même une légende, son tournage ne l’est pas moins. Et ni Francis Ford Coppola, ni les acteurs, ni les techniciens ne pouvaient se douter de ce à quoi ils allaient être confrontés lorsqu’ils s’envolèrent en 1976 pour la jungle philippine où les plateaux de tournage avaient été établis.

Outre des problèmes récurrents de financement, Coppola dut se résoudre à changer son acteur principal au bout de quelques jours, remplaçant Harvey Keitel qu’il ne trouvait pas bon par Martin Sheen, lequel fit un arrêt cardiaque peu après. Ajoutez à cela des hélicoptères empruntés au dictateur Ferdinand Marcos, qu’il fallait repeindre aux couleurs de l’armée américaine le matin et philippine le soir, un Marlon Brando qui débarque sur le tournage sans avoir jeté un œil sur le script et avec quelques kilos en trop, un typhon qui détruit les décors et un Dennis Hopper ingérable, bref tout était réuni pour que ce film reste à l’état d’ébauche. Le tournage dura 16 mois au lieu des 6 semaines prévues et le budget passa de 13 à 30 millions de dollars. La légende est à ce prix !

À travers le regard d’un personnage fictif, Sarah Evans, jeune attachée de production fraîchement diplômée et embauchée pour le film, Florent Silloray nous plonge au coeur de ce tournage dantesque montrant à quel point la folie n’était jamais loin de s’abattre sur toute l’équipe et bien sûr sur son réalisateur de génie, Francis Ford Coppola.

Bien évidemment, les cinéphiles avertis n’apprendront rien ici, tout ayant été dit et redit depuis des décennies, notamment dans le documentaire d’Eleanor Coppola, Au cœur des ténèbres, l’apocalypse d’un metteur en scène. Les autres y découvriront une foule d’anecdotes plus effarantes les unes que les autres et peut-être une autre époque, une autre façon de faire du cinéma. Enfin, tous pourront apprécier l’approche graphique de Florent, un mixe de crayons de couleur et d’aquarelle qui restitue parfaitement cette atmosphère oppressante, écrasante, de la jungle telle qu’on peut la retrouver dans le film. Il manque juste le son et notamment la fameuse rotation des pales d’hélicoptères. Mais elles tournent encore dans nos têtes…

Eric Guillaud

Un tournage en enfer, Au coeur d’Apocalypse now, de Florent Silloray. Casterman. 24€

© Casterman / Silloray

01 Juin

Armelle et Mirko : une bande dessinée jeunesse pour mettre en lumière la peur du noir

Elle a beau être irrationnelle, la peur panique du noir est universelle. Et c’est justement pour cette raison que les trois auteurs Loïc Clément, Anne Montel et Julien Arnal ont souhaité aborder le sujet et apporter quelques clés pour la surmonter à travers une fiction pleine de poésie et de tendresse…

Savez-vous ce qu’est l’achluophobie ? Derrière ce mot barbare se cache une réalité assez répandue, surtout chez les jeunes enfants : la peur panique de l’obscurité.

C’est ce dont souffre Armelle, une tortue. À la nuit tombée, elle allume un feu, puis une bougie, tentant de rester éveillée. Et le jour ? Ce n’est pas mieux. Au moindre danger, Armelle ne peut même pas se réfugier dans sa carapace : il y fait affreusement noir. Armelle est désespérée jusqu’au jour où elle croise le chemin de Mirko, un insecte qui pourrait bien lui changer la vie…

Cette histoire d’une tendresse infinie est signée par le dessinateur originaire du Cantal, Julien Arnal, transfuge du cinéma d’animation et de l’illustration, et deux scénaristes jusqu’à peu sarthois, Anne Montel et Loïc Clément, dorénavant domiciliés en Bretagne où les nuits ne sont pas moins courtes et le noir pas moins profond. Interview…

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