La vie dans les grands ensembles urbains ne se résume pas à ce que certains médias laissent entrevoir dans la rubrique faits divers, Pierre-Roland Saint-Dizier et Mickaël Crosa nous en donnent une preuve éclatante avec Plein ciel, une bande dessinée qui nous permet de prendre un peu de hauteur avec de l’humain à tous les étages…
Dans le quartier du Bois fleuri, les habitants sont sous le choc. Émile, 78 ans, s’est jeté dans le vide depuis son appartement situé au 17e étage de la tour Plein Ciel. Pourquoi ? Personne ne le sait et ne comprend. Pas même Martine, sa voisine de palier et son amie depuis 1967, autant dire depuis des lustres. Alors chacun y va de sa petite supposition tandis que les plantes et le chat du vieil homme trouvent refuge dans un nouveau foyer.
Un enterrement plus tard, la vie reprend doucement dans l’immeuble, l’appartement d’Émile a été mis en vente mais ne trouve pas acquéreur. Jusqu’au jour où un couple d’hommes y emménage.
« Des homosexuels à Plein Ciel ?! Tu es sûr de tes sources ? »
Celui qui parle ainsi, c’est Paulo le concierge, pas le mauvais bougre pourtant, toujours prêt à rendre service, mais un peu dépassé par les événements. Et il n’est pas au bout de ses surprises. L’un des deux hommes n’est autre que le petit-fils d’Émile. Le second est architecte et travaille avec le cabinet en charge de la réhabilitation du quartier. Car oui, le quartier doit subir un sérieux relookage, de quoi légitimement inquiéter les habitants…
Émile, Paulo, Jean, Martine, Henriette, Sabri, Luang, Alim… À travers cette galerie de personnages plus vrais que nature, Plein ciel est une fenêtre ouverte sur la vie dans ces grands ensembles telle que l’a connue le scénariste Pierre-Roland Saint-Dizier dans sa jeunesse au quartier des Coteaux à Mulhouse. Avec ses bons moments, ses tensions, ses joies, ses peines, ses petits conflits, ses grandes amitiés.
« Je garde de ces vingt ans passés dans la résidence Plein ciel de nombreux souvenirs et une multitude d’anecdotes », explique Pierre-Roland Saint-Dizier dans un dossier concluant le récit.
Si l’intrigue, vous l’avez compris, repose sur une fiction, certaines situations et certains protagonistes sont donc directement inspirés de la jeunesse du scénariste. De son côté, avec son trait au crayon et ses couleurs directes, le dessinateur Michel Crosa joue d’une belle façon mais sans en abuser sur l’effet d’empilement des appartements offrant les cases de ses planches comme autant d’intérieurs, d’intimités, offerts à notre regard. Un récit fort sympathique et original.
Eric Guillaud
Plein ciel, de Pierre-Roland Saint-Dizier et Michaël Crosa. Ankama. 16,90€